Le marathon de Paris a vécu de belles histoires lors de ses 36 premières éditions. La 37è est à venir ce dimanche 7 avril et nous espérons une nouvelle fois vivre de beaux moments. Parmi ces belles histoires, il y a eu celle du français Luis Soares en 1992. J’étais jeune mais déjà devant ma télévision pour voir ça. Trop jeune pour vous raconter tout en détails et donc je m’appuierai sur la documentation.
Personne n’avait vu venir Luis Soares. Pourtant, il avait de très belles références chronométriques, notamment un 2h12’53 l’année précédente. Il avait alors réalisé les minimas pour les championnats du monde de Tokyo mais il n’avait pas été sélectionné. Il était pourtant un des espoirs de la discipline mais restait dans l’ombre jusqu’à ce que…
Luis Soares est né au Portugal le 24 mars 1964. Dans sa jeunesse il pratique notamment le « Rink Hockey » (hockey sur patins). A l’issu d’un footing avec un entraîneur d’athlétisme, ce dernier l’invite à se mettre à la cours et le prend sous son aile. En 1983 alors junior, il tourne un semi-marathon en 1h06. Par la suite il sera repéré puis emmené en France, où il s’installera définitivement en 1986. Petit à petit, il parvient à avoir des résultats sur des compétitions de haut niveau et ses premiers essais sur marathon sont concluants: 2h14 en 1987 et 1988! Il sera naturalisé en 1990.
Il arrive au départ du marathon de Paris en 1992 avec un chrono de 2h12’53. Il pourrait faire partie des favoris mais en la présence d’Ahmed Salah le Djiboutien, on n’ose penser à une victoire française. Déjà deux fois vainqueur en 1984 et 1986 ainsi que détenteur de la 2è performance de tous les temps sur marathon (2h07’07), Salah fait office d’épouvantail. Pourtant l’épreuve est cette année l’occasion des championnats de France de marathon ainsi que course de sélection pour les prochains Jeux Olympiques de Barcelone. Un événement qui aura sans doute son importance dans la tête des coureurs tricolores. Après quelques kilomètres, on croit assister au scénario attendu: Ahmed Salah part seul en tête, le rythme est impressionnant. Il a déjà une certaine avance au passage du semi. Pourtant, le coureur expérimenté allait présumer de ses forces… Il s’effondre après le 30è kilomètre, voyant revenir sur lui un surprenant… Luis Soares! Le français poursuit sa route seul! Le grand public découvre alors le coureur, serein, qui file vers sa destinée. Il comprend qu’il réalise quelque chose de fort: la victoire au marathon de Paris et peut être le record de France! Son visage marque un peu la souffrance sur la fin mais le rythme ne baisse pas.
Il coupera la ligne en 2h10’03, nouveau record de France! Il dépasse la marque de Jacky Boxberger (2h10’49) déjà établie ici à Paris en 1985. Il aurait put être le 1er français sous la barre des 2h10. Le téléspectateur que j’étais espérait voir tomber cette barrière symbolique… Mythique même. Ce ne sera pas le cas. Le record sera battu par Mohamed Ouaadi en 1998 (2h09’54). Après sa magnifique performance, on lui demanda s’il se savait capable de réaliser un tel résultat : » Lors des derniers stages de ma préparation sur marathon, je me sentais très en forme. A l’entraînement, j’avalais les kilomètres avec facilité, donc j’étais confiant. Encore fallait-il confirmer en compétition. J’ai réglé ma course en me fixant des bases, sans me préoccuper de mes adversaires et cela m’a réussi. »
Avait-il ressenti quelque chose en dépassant le grand favori Ahmed Salah? Il répond : » Je ne m’en suis pas vraiment préoccupé. J’aurais pu essayer de m’accrocher au groupe de tête au départ (neuf athlètes dont Salah, O’Reilly, Aguilar, Fernandez, Zilliox, Protais et Hashimoto, NDLR), mais, franchement, ils étaient partis bien trop vite. J’ai préféré prendre la course à mon compte. J’avais décidé de passer aux 5.000 m en 15’25 », et j’étais plus rapide (15’15 »). Mais quand je les ai vus partir si vite, je me suis dit qu’ils ne pourraient pas garder ce rythme. Quand je suis revenu sur Salah, je ne me suis pas laissé intimider, j’ai essayé de garder mon rythme, sans me concentrer sur lui. Le plus dur, ce fut cela: maintenir la même cadence. » (extrait d’une interview sur humanité.fr) Voilà pour l’histoire de ce marathon de Paris 1992, avec la belle victoire et la belle performance de Luis Soares. Un chrono qui, 21 ans plus tard, fait encore rêver bien des meilleurs coureurs français.
Mathieu BERTOS