L’année 2020 aura été bien particulière … la plupart des courses annulées ou reportées, les objectifs reportés, ou en tout cas, ébranlés.
Dans l’espoir de participer à ma première Diagonale des Fous en octobre prochain, j’ai pris le départ de deux magnifiques ultras alpins : le 110km du Montreux Trail Festival, et le 130km de l’UTCAM.
Du 30km au 110km, il n’y a qu’un pas
Pas de dossard depuis le mois de février, et un entraînement chamboulé par ce confinement qui nous a obligés à lever le pied sur les sorties longues.
À la reprise, forcément, le risque était de se casser les dents … mais l’envie de profiter était bien présent aussi, et surtout, de vivre au jour le jour, dans ce contexte nourri d’incertitudes et de gros points d’interrogation.
Initialement inscrite sur la distance de 30km, je zyeute les autres distances plus longues en me disant que c’est peut être dommage de faire la route jusqu’en Suisse pour se limiter à la « petite » balade … et que ça sera d’ailleurs peut être le dernier dossard de l’année !!
J’en parle à Diego qui me confirme la possibilité de changer de distance et de bifurquer sur l’ultra ! Allez, je crois que cette année, il faut foncer sans trop se poser de questions !
La tentation est trop grande de partir pour la grande boucle… qui me fera voir du pays et en prendre pleins les yeux ! Tant pis si je ne suis pas préparée spécifiquement pour … on fera au mieux avec la forme du jour !
Je fais route avec notre cher speaker, Ludo Collet (un coucou au passage !), et nous arrivons directement sur place, la veille, pour la présentation du plateau élites. Ohlala, y’a du niveau !!!
Superbe accueil de l’organisation, qui a mis tout en œuvre pour faire plaisir à ses coureurs (bravo !). Je retrouve Greg pour le dîner et je pose enfin mes valises à l’hôtel à 22h … oups, la nuit va être courte avec le réveil à 1h30 du mat pour attraper la navette à 2h30.
Je prépare mes affaires à l’arrache, autant dire que le terme « nuit » n’est pas vraiment approprié. J’ai le sentiment de ne pas avoir dormi, mais je suis contente de me retrouver dans cette navette, à 2h30 du mat, qui va nous amener au départ, à Bex, un peu plus en altitude.
À la dure comme à la dure !
Il fait nuit noire quand le départ est donné. Forcément, il est 4h du mat !! Je fais quelques foulées avec Julien Jorro pour tenter de me réveiller, mais je sens que la première ascension de 2000mD+ d’entrée de jeu va faire mal !
Pas d’assistance pour moi aujourd’hui, j’ai décidé de la jouer solo et justement, de vivre ce que vivent la plupart des gens sur ultra qui n’ont pas la chance d’avoir une assistance. Histoire de me rendre compte comme on est gâté quand on a quelqu’un pour nous épauler sur ces longues balades !
Du coup, je suis partie avec quelques barres Isostar, mais sinon, j’ai prévu de m’arrêter sur les tables de ravitaillement et de prendre ce que l’organisation propose. On s’adaptera !! C’est le mot de l’année de toute façon : ADAPTATION !
Comme prévu, cette première longue grimpette est dure, mais se passe finalement beaucoup mieux que prévu. Les sensations sont bonnes, j’avance à mon rythme. Un petit bout avec Maryline Nakache, mais rapidement, elle me lâche !
12km et 2100mD, autant dire que les cuisses sont échauffées !! lol ! Mais quel décor là haut ! Et quel bonheur d’avoir pu profiter d’un superbe lever de soleil ! On se fait suivre par un troupeau de biquettes qui se mettent en travers du chemin de tous les coureurs … ça nous aura occupé un petit moment ça ! :)))
Diego m’annonce 4ème avant le sommet, mais je suis suivie de près par deux autres féminines avec qui je vais ensuite faire un bon bout de chemin.
La fin de l’ascension est raide et la température chute bien, j’enfile ma veste là, il n’est que 6h30 du mat et on est presque à 2600 d’altitude quand même.
Le début des échauffements … déjà !
Allez, on peut enfin souffler en haut, mais prudence, ce passage en crête en altitude est bien engagé et « olé » « olé » !!! Je mets les freins. La prise de risques, ça n’a jamais été ma spécialité ! Mais je profite à fond de ces paysages de fou !!
La route va être longue, mais wouaaaaah !! C’est juste ouf de courir ici ! Je fais la descente avec Francesca Canepa, qui me complimente. Et bé, un honneur de recevoir des compliments de sa part, surtout en descente !! ahha !
Bon ça me met un coup de pression pour garder un bon rythme, mais je sens que niveau pieds, ça commence à piquer et à chauffer … est ce que j’ai des cailloux qui frottent ? une chaussette plissée ? Il va falloir checker ça au prochain ravito !
On y arrive au km30, Solasex. 5h30 de course, je me suis faite un peu distancer par le petit groupe de filles que j’aperçois au loin. J’aurais aimé repartir avec elles mais je dois prendre le temps d’enlever mes chaussures pour vérifier tout ça.
Bon, apparemment, ça commence à s’échauffer sous les pieds … ils sont moites, je sens que je vais devoir gérer des ampoules avant l’arrivée.
L’ascension qui suit n’est pas des plus simples, mais je me sens toujours bien et je suis juste derrière deux féminines que je garde en ligne de mire. Ça me motive !! Drôle de surprise de croiser Xav et Amélie ici, ça fait bien plaisir !
J’ai les douleurs aux pieds qui commencent à devenir vraiment gênante et la pose de pied qui en vient à se modifier à cause de ça. Et puis ce truc commence à vraiment me polluer le cerveau … heureusement que le parcours est magnifique, ça m’aide à penser à autre chose !
C’est hyper frustrant, parce que je me sens super bien et que les jambes avancent bien, et que sans ça, ça serait plaisir maximal !!
Au ravito de Sépey, km64 (la mi course. 10h15 de course, et déjà 5000mD+ avalés !), j’hésite à m’arrêter pour m’occuper de mes pieds de plus en plus douloureux … mais je préfère avancer et éviter de regarder … j’ai pris les devants et j’ai 10′ d’avance sur mes poursuivantes, apparemment, je suis passée 5ème à 10′ de Francesca.
la forme est bonne, les jambes ne sont pas encore trop entamées, alors go, on continue. Forcément, sans assistance, je bricole un peu niveau ravitaillement, mais aujourd’hui, j’ai de la chance, j’ai un estomac en béton, y’a tout qui passe : cookies, coca, fromage, fruits secs, jambon … je me lâche sans trop me poser de questions !
Par contre, entre le Sépey et la Berneuse, mes ampoules aux pieds me font horriblement souffrir et je me promets de m’arrêter au prochain ravito pour me tenter de soulager cette douleur qui devient ingérable …. j’ai l’impression que la peau s’est arrachée.
Berneuse, 13h de course, km81, je fais un stop pour me déchausser … j’ai terriblement mal sous les pieds, il va falloir prendre une décision.
Plus têtue qu’une mule !
À priori, à Berneuse, le 81ème kilomètre, je suis toujours 5ème avec environ 10 minutes d’avance sur mes poursuivantes. Le classement m’importe peu aujourd’hui, mais j’avoue qu’avec un dossard, on a beau se dire qu’on veut se détacher de la compet … on se prend forcément un peu au jeu !!
D’autant que je ne pensais vraiment pas avoir ses jambes aujourd’hui, alors c’est plutôt grisant ! Mais ces pieds … un enfer ! Allez, cette fois, je m’assois sur un banc et je constate l’ampleur des dégâts … aie aie aie !! Mon dieu ! La peau du talon est tout arrachée d’un côté … comment je vais gérer ce bordel ….?
En voyant ma détresse, un gentil supporter vient à ma rescousse ! Il me conseille de mettre un strap avec de la Nok après avoir désinfecter … allez ok, go ! On tente ! Trop sympa de sa part. Il a sa femme qui court aussi et qui suit derrière apparemment. On tente le truc comme ça, mais vu l’état de l’ampoule, je crains que ça ne change pas grand chose.
Avec cette pause soins prolongée, je vois donc me passer devant les deux : Caroline et Hélène. Que je ne referai plus du coup. (merci à elles pour le bout de route ensemble !!). Je repars sans conviction, le moral en berne, mais bien déterminée à tenter d’aller au bout de cette histoire malgré tout ….
Reste un peu moins de 40km, y’a bien moyen de serrer les dents nan ? En effet, serrer les dents est un faible mot, mais je repars en me disant que la douleur n’est qu’un signal du corps, et que je l’ai bien cherché.
Après tout, si je ne voulais pas avoir mal, je n’avais qu’à pas venir ici, parce qu’à ce moment là de la course, tout le monde a mal quelque part ! Donc, tant que la douleur reste un « inconfort » et non un « danger », alors je peux continuer.
C’est vrai que la facilité aurait été de mettre le cligno. Mais l’abandon ne fait pas trop partie de mon vocabulaire, et tant que je ne me mets pas en danger … on avance ! À moi de faire attention et de rester prudente.
À moins d’une infection ou d’une grave chute engendrée par cette pose de pied modifiée, on reste ici dans la case « inconfort » et non dans le danger. Donc, on continue et on avance en gérant comme on peut.
Une fin de course entre douleurs et frustrations
Autant dire que cette « gestion » s’est rapidement résumé en « marcher » ou encore « avancer au ralenti » en gémissant ! Et mon compagnon de route du moment, Marco, pourra vous le confirmer facilement, j’avais du mal à prendre du plaisir sur ces 40 derniers kilomètres.
À cette allure forcément, je ne faisais que rétrograder dans le classement. Mais tant pis, je n’avais qu’une chose en tête, aller au bout de ce chantier en essayant de ne pas me blesser !
Et quel chantier magnifique mais exigeant pour terminer !! Des pentes raides et techniques, en montées comme en descente, des passages en crêtes bien escarpés, mais un coucher de soleil somptueux à admirer et qui a tout de même réussi à réchauffer mon coeur.
La dernière descente est un véritable calvaire pour mes pieds … pas loin de 2000mD- en une dizaine de kilomètres et des sentiers remplis de cailloux qui glissent délicatement sous mon pied à la peau arrachée … aie aie aie !
Heureusement que Marco partage cette galère avec moi…. merci à lui pour son soutien !!
Je vois le classement féminin me doubler au compte goutte : Juliette Blanchet qui me double, puis Denis Zimmermann, et Claire Bannwarth … mais je suis dans l’incapacité de courir avec ces pieds, donc je me contente de les encourager chaleureusement, sans tenter de les accrocher.
Avec peine et difficultés, nous parvenons enfin en bas de cette interminable dernière descente, avec Montreux et ses fêtards nocturnes comme terrain de jeu final ! Les rues sont désertes mais il reste quelques passionnés qui nous encouragent !!
Nous franchissons la ligne d’arrivée et bouclons ce parcours de fou de 112km et 8500mD+ en 22h11 !
Il est donc 2h du mat … plus de speaker pour nous accueillir à l’arrivée (Ludo m’avait prévenu : si tu arrives après minuit, on aura arrêté la sono, c’est obligatoire), et sans assistance, personne que je peux serrer dans mes bras en guise de réconfort …. ohlala c’est triste ce genre de fin !
Heureusement que Marco et les organisateurs sont là pour rigoler un peu avec moi ! :)) Mais bon voilà, merci et au revoir tout le monde, je vais faire le dernier kilomètre qui me sépare de mon hôtel à pied, et je vais aller me coucher. La journée a été longue ! lol
C’est bien la première fois que je me couche après une arrivée d’ultra, sans manger … !
10ème féminine et 59ème au scratch. 4ème sénior qui me voyait donc grimper sur le podium, mais je ne le savais pas, donc j’ai repris la route du retour sans honorer cela. Mes excuses à l’organisation !!
Un superbe parcours, une orga au top et du bon boulot dans l’optique de prendre le départ de la Diagonale des Fous en octobre prochain … bon, si elle a lieu hein !! ;))
Par Sylvaine CUSSOT / Photos : ©Visualps.ch
Infos sur la course : MONTREUX TRAIL FESTIVAL
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