L’entraînement kenyan questionne, tant la domination et l’hégémonie des athlètes kenyans sur les épreuves de demi-fond et de fond est indiscutable.
Parmi les raisons de ce succès, plusieurs éléments ont été clairement identifiés et sont liés à la physiologie, à l’économie de course, au mental, au contexte économique, à la diététique …
Ceci-dit, l’entraînement, qui plus est dès le plus jeune âge et en altitude, représente bel et bien le plus important facteur de la réussite kenyane.
Notre coach Jérôme Sordello, dont l’ouvrage « les secrets de l’entraînement kenyan » co-écrit avec Bob Tahri a été publié aux Editions Amphora en Octobre 2017, nous livre une dernière clé de leur réussite après nous avoir parlé récemment des différences séances types.
Une charge d’entraînement hors du commun
Il suffit de se rendre là-bas pour comprendre qu’ils s’entraînent dur et beaucoup ; beaucoup de volume mais aussi beaucoup d’intensité !
Paul Tergat raconte à propos de son record du monde sur 10000m en 26 min 27 sec 87 le 22 Août 1997 à Bruxelles :
« pour arriver à ce résultat, je me suis soumis à un crazy training…J’arrivais à parcourir jusqu’à 300 km. Je crois qu’encore aujourd’hui, peu de coureurs sont capables de résister à ce type d’entraînement » (1).
L’athlète international français Bob Tahri, qui a ouvert son centre d’entraînement à Iten au Kenya en 2017, confirme :
« ils s’entraînent plus et plus dur…deux fois par jour et parfois trois. Dans la journée, ils ont donc parcouru 33 à 36 km. Vous répétez ça 6 fois dans la semaine, ça vous fais déjà au moins 210 km. En période de préparation marathon, je pense qu’ils montent facilement à 250 km. »
Au même titre que le volume d’entraînement, l’intensité est impressionnante.
En effet, l’entraînement des kenyans comprend généralement 26% du volume à des intensités très importantes (> 80% de FCM) (2), une étude (3) ayant même observé que jusqu’à 36% de leur volume d’entraînement était réalisé à une intensité supérieure à 87% de FCM (contre environ 14% pour les coureurs blancs).
L’entraînement kenyan : une méthode simple mais efficace
Leur méthode d’entraînement a toujours été perfectible et l’est encore aujourd’hui. Ceci-dit, il s’agit d’une méthode simple mais exécutée avec un maximum d’intensité et de rigueur.
Pour eux, la façon dont on fait les choses est aussi importante que les choses que l’on fait.
Les kenyans prêtent également beaucoup d’attention à leurs sensations et adaptent la vitesse de course et la séance à leur forme du jour.
« Si tu te sens bien, alors cours vite qu’importe la session prévue. Ne gâche pas ton temps…entraîne-toi dur ! » conseille John Ngugi, quintuple champion du monde de cross (1986, 1987, 1988, 1989 et 1992) et champion olympique du 5000m en 1988 (4).
« Reposez-vous quand le corps est fatigué mais pas quand il est fort et quand il peut supporter plus d’entraînement » résume Christopher Koskei, vice-champion du monde du 3000m steeple 1995 avant de devenir champion du monde sénior en 1999.
Par Jérôme Sordello
Bibliographie
1-Gabriele Rosa. Correre la vita. Sulla storia della maratona contemporanea. Il Melangolo. 2014
2-Fudge. Diet, hydration, lifestyle and training practices of elite Kenyan endurance runners. PhD thesis. 2009
3-Tim Noakes. Why do africans run so swiftly? A research challenge for african scientists. South African Journal of Science. 1998
4-Toby Tanser. More Fire How to Run the Kenyan Way. Westholme Yardley. 2008