Bien que concurrencées par les éthiopiens et plus récemment les ougandais, la domination et l’hégémonie des athlètes kenyans sur les épreuves de demi-fond et de fond reste indiscutable.
Parmi les raisons de ce succès, plusieurs éléments ont été clairement identifiés et sont liés à la physiologie, à l’économie de course, au mental, au contexte économique, à la diététique….
Ceci-dit, l’entraînement, qui plus est dès le plus jeune âge et en altitude, représente bel et bien le plus important facteur de la réussite kenyane.
Notre coach Jérôme Sordello, dont l’ouvrage « les secrets de l’entraînement kenyan » co-écrit avec Bob Tahri a été publié aux Editions Amphora en Octobre 2017, nous livre ici de nouvelles séances clés de leur entraînement après nous avoir parlé des séances de fartlek, d’intermittent, de tempo run et de côtes.
Les diagonales
« Au-delà de leur qualité de pied, ils ont un mouvement de balancier des bras, un buste plus incliné vers l’avant, un travail des hanches plus souple que le nôtre » explique Bob Tahri.
Si cette fluidité peut paraître naturelle, les kenyans travaillent très souvent leur technique à l’entraînement en réalisant des diagonales.
Ces dernières consistent simplement à courir d’un coin de terrain au coin opposé en soignant sa posture et sa technique de course.
La récupération se fait généralement en course très très lente, « jog jog jog » comme ils disent là-bas, sur la longueur du terrain.
Lorsqu’ils réalisent des diagonales, les kenyans s’appliquent à courir rapidement (à peu près équivalent de l’allure 3000m ou 5000m) sans être au max de leur vitesse de sorte à privilégier la technique de course avant tout ; « eux, leur objectif c’est d’être léger, ce qu’ils veulent c’est d’avoir l’appui le plus bref possible. Du coup, ils courent plus en fréquence » raconte Bob Tahri.
Par contre, ils sont capables de répéter ces diagonales encore et encore, parfois pendant 30 min, jusqu’à y dédier une séance complète d’entraînement !
Lors de ses préparations aux championnats du monde de marathon dans lesquels il a obtenu la 1ère place à deux reprises, Abel Kirui intégrait fréquemment une séance de 50 min de course comprenant 30 diagonales.
Pour varier, il lui arrivait également de réaliser 20 minutes de diagonales au milieu d’une séance d’1 h 40 min.
La sortie longue
Au plus loin de l’objectif, la sortie longue peut être limitée à 1 h 15 min mais au fur à mesure que la préparation avance, la sortie passe de 20 km à 42 km voire même exceptionnellement 45 km.
Attention, chez les kenyans, cela correspond à des sorties de 2 h 30 min au maximum, rarement plus. La sortie longue n’est donc pas seulement longue ; elle est aussi relativement intense !
Pour les marathoniens, l’allure de la sortie longue est souvent définie par rapport à l’allure marathon et peut être comprise entre 85 et 100% de celle-ci, avec souvent une progression au fur et à mesure de la séance.
Moses Mosop et Abel Kirui courent par exemple leur sortie longue spécifique à une allure comprise entre 87 and 95% de l’allure marathon (1).
Pour Wilson Kipsang Kiprotich « la sortie longue doit être réalisée au moins à une allure équivalente à 90% de l’allure marathon » (2).
La séance en progression
Le principe de la séance en progression est d’augmenter progressivement l’intensité de l’effort sans réaliser de pauses entre les différents rythmes. Cette séance a pour objectifs d’habituer l’organisme à continuer à utiliser majoritairement les graisses comme substrat énergétique malgré l’augmentation de l’allure, d’améliorer la sensibilité aux différentes allures de course ou encore d’améliorer la capacité à accélérer sur la fin de course. Généralement, le début de la séance se fait en endurance avant une augmentation progressive de l’allure de course jusqu’à l’allure 10 km.
La séance à jeun : Morning run !
La séance à jeun est une véritable institution au Kenya, mais pas nécessairement pour les effets physiologiques qu’on lui reconnaît.
En effet, si s’entraîner à jeun est le moyen le plus simple et le plus facile de courir en état de carence de glycogène, d’obliger le corps à utiliser les graisses et donc d’améliorer la puissance lipidique (quantité de graisse utilisée par minute par un coureur pour produire de l’énergie), les kenyans le font plus par culture et pour profiter des heures fraîches du matin que pour la performance.
Comme raconte Bob Tahri, « le premier entraînement quotidien a lieu en fonction du lever du soleil, au moment où l’air est plus frais. Le morning run est en quelque sorte un réveil musculaire qui va préparer l’organisme à la deuxième séance de la matinée, la plus dure. De plus, elle permet d’accumuler un certain nombre de kilomètres et va ainsi booster le volume hebdomadaire ».
Par Jérôme Sordello / Photo intro : © TV5MONDE
Bibliographie
1- www.letsrun.com
2- http://www.letsrun.com/forum/flat_read.php?thread=6030845#ixzz3bFCzYXLt