Rencontre avec Laurent Favarel, préparateur mental à Toulon, spécialisé en sophrologie et également formé à l’hypnose.
Laurent nous parle de l’intérêt de la préparation mentale pour le sportif, et tente de nous faire comprendre que cette « attente », vécue par le confinement, est une situation dont peut tirer profil le sportif !
Bonjour Laurent, est-ce que tu peux te présenter ?
Bonjour Sylvaine, j’ai pratiqué le cyclisme à un bon niveau national.
Ancien membre de l’équipe de France militaire de cyclisme, j’ai eu l’occasion d’expérimenter les techniques d’optimisation du potentiel (TOP) au cours d’une préparation à un championnat du monde.
Cette discipline militaire fait appel à des fondamentaux basés sur les pratiques de la respiration, la relaxation et l’imagerie mentale.
En parallèle à ma carrière dans les armées, je me suis formé à la sophrologie et à l’hypnose.
Je suis rédacteur depuis 2015 pour le magazine « Sophrologie, pratiques et perspectives », où je parle quasi-exclusivement de ma pratique dans le sport.
Je me suis également formé à l’hypnose. Et je collabore à la revue de l’hypnose et de la santé (Transes – Dunod) depuis le mois de janvier.
Ayant expérimenté les deux disciplines quand je pratiquais le cyclisme, je les considère comme complémentaires.
La sophrologie est particulièrement efficace pour gérer le stress des compétiteurs.
L’hypnose, plus directe, aide les sportifs à changer de comportement vis-à-vis d’une problématique inconsciente, comme par exemple la procrastination.
Selon toi, une préparation mentale consiste en quoi ?
Les pensées d’un athlète ont une influence considérable sur son rendement au cours d’une épreuve.
Le moment où un sportif décide de lever le pied, soit parce qu’il est dominé par un adversaire, soit parce qu’il est à bout nerveusement, est un moment de libre arbitre.
Aussi, ma façon de travailler repose sur la mise en relation de trois piliers (Schéma n°1) :
De mon point de vue, une préparation mentale repose sur la mise en relation de trois piliers (Schéma n°1) :
- la capacité d’attention,
- l’éprouvé du stress,
- et le comportement.
L’étude des liaisons entre ces différents points permet à un sportif d’identifier ce qui le rend vulnérable dans l’action.
Le fil rouge reliant ces trois piliers est la nature, parfois changeante, de son dialogue interne.
Un athlète doit bénéficier d’une représentation claire de sa mise en condition mentale pour lui donner du sens.
Dans ces conditions, il perçoit précisément les ajustements à opérer quant à son état d’esprit en compétition, il est en mesure de lier ce qu’il ressent à ce qu’il pense.
Pourquoi s’entraîner à attendre ?
Une majorité d’épreuves place les compétiteurs dans la répétition d’une configuration d’attente.
Dans l’« entre-deux », entre la fin de l’échauffement et le départ d’une course, le degré d’incertitude va être ressenti différemment d’un individu à un autre.
Sur le plan émotionnel, cette phase de transition peut se révéler épuisante en fonction du contexte de la compétition et de l’ambiance particulière au sein du cercle relationnel du sportif.
L’attente ne se positionne pas à l’opposé de l’agir, car les pensées de l’athlète ne font pas de pause. L’attente est une action à part entière.
S’y préparer permet à un compétiteur de dépassionner des sentiments qui pourraient le mettre en difficulté par la suite.
Je veux parler de pensées susceptibles de freiner sa détermination, de le faire douter.
Et à un niveau plus corporel, de mieux contenir des sensations désagréables (gorge serrée, fébrilité musculaire, tremblements etc…) qui risquent d’entamer ses réserves énergétiques en alimentant des ruminations.
A ce propos, l’attente commence dès la veille, et parfois même plus tôt dans la semaine, au moment de se mettre dans le lit.
Je suppose que tu veux nous parler de l’importance du sommeil ?
Oui, dans le cadre d’une mise en condition mentale, plutôt que de rester fixé sur le seul déroulement de l’épreuve, il me semble que c’est intéressant d’agir sur une fonction comme le sommeil, et d’aider un(e) athlète à le réguler quand c’est nécessaire.
Les ruminations, l’anxiété ou l’angoisse au coucher, posent un réel problème dans leur forme chronique.
La sophrologie et l’hypnose offrent des modèles efficaces en ce qui concerne des stress aigus ou passagers.
Relevons les principaux effets négatifs d’un sommeil modifié : l’attention du sportif se disperse à l’entraînement et en compétition, le manque de motivation est quotidien, les sensations d’épuisement sont décourageantes, quelquefois les frustrations sont mal supportées et l’agressivité est exacerbée.
Durant une phase d’attente, tous ces effets négatifs ont de l’influence sur l’équilibre émotionnel du sportif.
J’aborde les difficultés d’endormissement en prenant garde à ne pas donner trop de conseils.
Avérés et pleins de bon sens, ils peuvent malgré tout devenir culpabilisant.
La pratique de la sophrologie ou de l’hypnose, quand elle est maîtrisée, permet à un individu de « tomber dans les bras de Morphée », malgré une hyper activité de l’esprit au moment du coucher.
Pour conclure, cette période de confinement est propice à la lecture, est-ce que tu as une référence à nous proposer sur le sujet du mental des sportifs ?
Oui, je pense à un essai sur le sport qui a été écrit par Isabelle Quéval, ça s’appelle « s’accomplir ou se dépasser » (Gallimard, 2004).
Dans l’esprit de ce que j’en ai tiré, le sportif fait un choix dans sa pratique. Elle peut le conduire vers le dépassement ou l’accomplissement.
Le dépassement est une forme de déséquilibre. Il est à l’image du marathonien qui s’imagine courir avec une bulle protectrice autour de lui, bulle magique qui va le protéger de la chaleur et de la douleur.
Quand la réalité rattrape la fiction, l’athlète est déshydraté ou blessé. Il a brûlé la chandelle par les deux bouts, trompé par une imagination débordante, ou la stratégie inopérante de ses conseillers.
L’accomplissement tend vers l’équilibre, la compétition n’est pas considérée comme un exutoire.
Le corps n’est pas un objet quelconque, à partir duquel le sportif ne cherche qu’à affirmer sa supériorité.
Le corps est le véritable sujet, il faut s’entraîner à l’écouter pour durer et faire preuve de régularité.
« Au cours d’une phase d’attente, quand le stress est mal régulé, les sentiments qui traversent l’esprit d’un athlète provoquent des sensations corporelles désagréables (gorge serrée, poitrine oppressée, estomac dérangé etc…)..
Des sensations qui à leur tour, alimentent ou provoquent des idées négatives. L’image du serpent qui se mort la queue colle assez bien à ce processus émotionnel.
Dans le cas du confinement, le processus émotionnel est identique sauf qu’il est provoqué par une variété de frustrations. Leur origine est ancrée dans des tensions provenant des interdits et des privations.
Aussi, un bon moyen de faire face à ces tensions consiste à prendre un stylo ou un clavier et à s’isoler quelques temps (si on a la place) pour les décrire précisément, s’y attarder autrement qu’en les subissant.
Ce petit exercice consiste à prendre de la hauteur, ou à porter un regard décalé sur ce qui nous énerve. ».
Laurent Favarel – Préparateur mental à Toulon.
Photo : Benjamin Griveau