J’avais choisi de programmer deux ultra-trails de 100 miles cette année : l’UTMF fin avril, et l’UTMB fin août.
Sachant que si le premier ne me donnait vraiment pas envie de persévérer sur ce format, je ne me serais en aucun cas obligée à renouveler l’expérience fin août.
À mon sens, le monde de l’ultra-trail ne convient pas à tout le monde. C’est un effort particulier, un sport « à part », qui exige beaucoup d’investissement pour se préparer physiquement, mais qui demande aussi beaucoup mentalement. Quel que soit le niveau.
Bref, il faut avoir ENVIE, et surtout, réussir à prendre du plaisir dans la souffrance. Parce que, forcément, souffrance il y aura sur tant d’heures de course.
Cette première expérience au Japon sur l’Ultra du Mont Fuji m’a donnée envie d’y revenir. C’était pour moi l’essentiel : la motivation et l’envie !
Une préparation sérieuse et complète
Bien-sûr, on n’arrive pas sur ce genre d’épreuve sans avoir suivi une préparation spécifique. Pour tenir la distance (170km) et affronter ce dénivelé (10 000 m D+), il faut passer quelques heures en montagne … !
L’avantage, c’est qu’avec toutes les courses que je m’étais programmée cette année (lire : bilan 2019), j’avais pu accumuler pas mal de kilomètres qui pouvaient s’intégrer dans cette prépa UTMB !
Parallèlement à cela, des bons blocs d’entraînement en montagne, pour profiter de l’altitude : à Samoëns, à l’occasion de la semaine AMAZING WEEKS du Clud Med, à Tignes, à Chamonix pour reconnaître quelques portions de la course que je ne connaissais pas encore … à Méribel avec les France de Trail suivis d’une sortie longue le lendemain.
Bref, je suis arrivée à Chamonix fin août, avec le sentiment d’avoir fait le nécessaire pour me préparer du mieux possible. Et pouvoir prendre un max de plaisir le jour J !
Mais voilà, sur l’ULTRA, y’a toujours une part d’inconnu le jour J …. et c’est justement ça qu’on aime et qu’on vient chercher : faire connaissance avec l’inconnu ! ;))
En attendant le départ …
Nous arrivons sur Chamonix mardi soir. Manu prendra le départ de l’OCC jeudi matin et me concernant, il me faudra attendre vendredi soir, 18h.
Ces jours d’attente ne sont pas les plus appréciés des coureurs, mais ce sont aussi des bons moments qui permettent de se préparer mentalement et aussi de revoir la partie matériel en fonction de la météo.
On se retrouve tous avec le Team Asics / Fuji Spirit; les occasions sont rares d’être tous réunis sur un même évènement, donc il faut en profiter !
Xavier Thevenard sera avec moi sur l’UTMB, Benoît Girondel sur la CCC, Mathieu Delpeuch sur l’OCC, Johann Baujard vient nous rendre visite alors qu’il est blessé : trop sympa JO !!
Et puis nous avons la chance de partager du temps avec les équipes marketing chez Asics, tout comme les équipes chez i-run, et de pouvoir échanger sur le salon avec tout plein de monde …. c’est précieux tout ça ! :))
Bref, une belle émulation collective et du partage très enrichissant pour tous, selon moi.
Jour J : une longue journée jusqu’à 18h …
Vendredi matin, j’essaye de décaler au maximum le réveil pour « assurer » une bonne dernière nuit avant la prochaine … qui se passera en courant ! Ahah ! 😉 Mais, elle est loin d’être à la hauteur de mes attentes … je mise tout sur la sieste du coup ! :)))
On a récupéré les dossards, Romain (Cryadvance) nous a bichonnés avec sa cryo localisée, Laurent et Cathy s’assurent que nous ne manquons de rien … et ma famille et mes amis me rappellent qu’ils seront à mes côtés pour me soutenir !
Manu, quant à lui, a dû retourner à Uzès pour sa « pré-rentrée », mais reviendra pour suivre la course samedi. Je devrais le voir aux Chapieux si tout va bien ! Je suis chanceuse d’être si bien entourée.
J’ai le parcours bien en tête, j’ai tenté de me faire un « plan de route » en me basant sur les temps de passage de Nathalie Henriques l’an dernier; sachant qu’il faut ajouter le passage aux pyramides calcaires et la montée à Tête aux Vents, qu’ils n’avaient pas fait l’an dernier.
Lorsque nous nous dirigeons vers le départ vendredi soir, la météo tourne à la pluie … sans trop me poser plus de questions que ça, je décide d’enfiler un collant pour partir, sachant que nous allons de toute façon vite arriver dans la nuit.
Nous nous retrouvons à la boutique Asics de Chamonix avec Xavier et tout le staff Asics. Un vélo a été mis à disposition sur home trainer, pour nous faciliter l’échauffement. Mais je préfère aller faire quelques foulées dehors quand même.
Et puis le moment de se ranger derrière la ligne de départ est vite arrivée … haaaaaan ce monde !!!
Incroyable cet engouement autour de cette course. Ces quelques minutes avant de s’élancer sont assez particulières tant de choses et de pensées se bousculent dans ma tête … !
J’ai les poils qui se dressent et le coeur qui s’agite au moment du compte à rebours. Et les jambes qui avancent toutes seules au moment du « go » !
La banane sur le visage tant je suis juste heureuse d’être là et de pouvoir vivre cette ambiance, une fois dans ma vie.
De Chamonix à Saint Gervais : tempérer ses ardeurs !
Comme je me le suis rappelée sans arrêt avant le départ : attention de ne pas s’emballer sur cette première portion roulante !! Je dois ABSOLUMENT rester raisonnable jusqu’aux Houches ….
Pas facile de ne pas allonger la foulée pour se faire plaisir ici ! On a les jambes qui trépignent, les supporters sont au taquet, l’ambiance est carrément surréaliste ! Ça donne des ailes !
J’essaye de rester dans ma bulle et de laisser les quelques coureurs que je connais me doubler. Sans essayer de les accrocher. N’est ce pas Thaddé ? Nico ? :)) On échange, on s’encourage, on se soutient, on se salue, on se taquine … mais c’est important de rester à SON rythme.
Je savoure, à mon rythme cette portion très motivante, malgré le petit crachin qui nous tombe sur la tête. Je ne regrette pas d’avoir mon short contre mon collant.
Passage aux Houches, 8ème km en 37 minutes. Un peu rapide, mais j’ai eu l’impression de « gérer ». Je pointe 16ème femme, mais cela ne veut pas dire grand chose à ce stade de la course.
Première ascension, je la connais bien. Courte mais qui peut déjà épuisée si on y laisse trop d’énergie. Je prends donc le temps, en restant concentrée. J’aperçois ma famille, trop bien ! Et les supporters Asics. Ça me fait du bien !
Tiens, Fernanda Maciel qui me double, elle n’a pas l’air au top. Puis Rory Bosio, imperturbable. Je laisse partir, elles devraient déjà être devant moi ces filles là !! Du coup je commence à psychotter en me disant que je suis partie trop vite …
Presque 1000mD+ en haut de cette première bosse, et ça ne fait que commencer. On a la chance d’admirer un magnifique coucher de soleil en redescendant vers Saint Gervais : wouaaaaah !!
Une ambiance de folie furieuse au ravitaillement de Saint Gervais ! Genre Tour de France ! C’est extra, comme ça rebooste ! Merci aux nombreux encouragements que j’ai pu recevoir ici ou là !
Pas d’assistance ici, mais je prends le temps de bien remplir mes flasques. J’ai retrouvé Juliette Blanchet dans la descente, on repart ensemble.
21,5km / un peu moins de 1000mD+, 2h17 de course. Je suis passée 27ème féminine, mais à ce moment là, je n’ai aucune idée de mon classement !
De Saint Gervais aux Chapieux : gérer la nuit
Bon, passé Saint Gervais, je sais qu’on entame une belle partie pas simple, avec des dénivelés qui vont se corser au fur et à mesure qu’on avance. Pour le moment, ça repart en faux plat montant et il fait toujours jour …
Mais rapidement, la nuit tombe, et après les Contamines, je sais que la grimpette vers le Col du Bonhomme n’est pas simple. J’installe la frontale, j’enfile ma veste, la fraîcheur de la nuit s’installe.
J’essaye de m’alimenter et m’hydrater régulièrement, pour ne pas subir de coup de mou trop tôt. Et surtout, j’essaye de ne pas monter en surrégime et de garder un rythme raisonnable.
Je passe le ravitaillement des Contamines 29ème femme, déjà 3h36 de course. Je n’ai pas vu le temps passer ! 32ème kilomètre, on entre vraiment dans la nuit maintenant ….
Le début de l’ascension se fait à petites foulées, puis ensuite, j’alterne marche / course quand la pente est trop raide pour m’économiser. Tout le monde a sorti ses bâtons … sauf moi ! Ahah ! bah oui, parce qu’en n’ai pas ! :)))
Je prends vraiment du plaisir ici, je gère bien mon effort et continue d’anticiper les difficultés puisque je les connais. L’intérêt des reconnaissances de parcours … les sensations sont plutôt bonnes pour le moment.
Plus on prend de l’altitude, plus on sent que l’athmosphère devient hostile et angoissante, si on prend conscience de l’endroit où on se trouve en plein milieu de la nuit … étant passée en plein jour, j’arrive à m’imaginer et finalement … je ne suis pas certaine que ça me rassure plus ! lol
La Balme, km40, 4h50 de course, déjà 2000mD+ avalé. Je suis 26ème. On fait le yoyo avec 3/4 autres filles qui courent juste devant ou juste derrière moi, c’est motivant.
La fin de l’ascension est dure !! Ça grimpe fort et ça devient plus technique avec des gros cailloux et gros rochers. De nuit, ça nécessite davantage de vigilance, et forcément, ça puise de l’énergie !
Je reste concentrée et ne prends pas de risque ici. Je sais que la route est encore trèèès longue ! Le Col du Bonhomme, enfin !! On est quasiment à 2500M d’altitude, il ne fait pas bon trainer ici !
Hop hop, cap vers la descente, qui nous emmène droit vers les Chapieux. Prudence, cette descente est raide et technique, avec des ardoises bien coupantes au sol … de quoi se faire bien mal en cas de vol plané … !
Bingo !! Il fallait bien que j’en prenne une ! :)))) Pas trop de mal … plus de peur et un genou qui a tapé, mais cela ne devrait pas m’handicaper pour la suite.
Je gère la suite de la descente et j’arrive au ravitaillement des Chapieux, toute souriante !! Tout va bien, j’ai la pêche et les jambes qui avancent toujours bien.
Bon, la nuit et ma gestion bancale du terrain m’obligent à ne pas aller très vite, mais je me dis que ce n’est pas plus mal dans l’optique de gérer la distance. Et puis je ne peux pas faire autrement, sinon je me casse la figure !
Pas d’assistance aux Chapieux, mais je cherche partout parce Manu m’a dit qu’il essaierait d’être là. Je passe le ravito, je ne vois pas Manu. Je repars un peu déçue … puis en sortant, surprise ! il est là le Manu !!! J’entends, « allez Sissi » !
Je le rassure : tout va bien, je me régale, je reste prudente pour passer la nuit du mieux possible.
KM50, presque 3000mD+ ici. 6h43 de course, il est donc à peine une heure du matin. Je suis 28ème.
Un gros bisou à Manu, un coucou à Maud Gobert qui m’encourage au passage et je m’échappe de nouveau dans la nuit noire …. direction le Col de la Seigne.
Des Chapieux à Courmayeur : vivement le lever du jour !
Prendre un peu d’énergie auprès de Manu, et à la chaleur du ravitaillement, m’a fait un bien fou ! Je repars super motivée vers la prochaine ascension, non des moindres : le Col de la Seigne, sommet à plus de 2500 ….
Et son petit bonus, le Col des Pyramides Calcaires. Portion que je n’ai, par contre, pas reconnu. Le froid commence à se faire ressentir, avec un petit vent qui se lève au fur et à mesure que l’on grimpe.
J’arrive à tenir la petite foulée, mais quand la pente devient trop raide, je me force à passer en mode économie « marche en appuyant sur les cuisses ». Jusqu’à la Seigne, je suis bien, j’ai même doublé 2/3 filles, mais comme l’habitude, je commence à subir les effets de l’altitude …
Je passe à la Seigne (KM61 / 4000mD+ à 2h30 du mat environ (8h34 de course), je suis 24ème (je ne le savais pas, bien sûr !).
Le passage aux Pyramides Calcaires me paraît et difficile. L’altitude fait son petit effet et j’ai comme une petite sensations d’hyp. Je me force à manger, à boire, à ralentir.
J’ai froid … ma frontale, qui m’a tenue sans faiblir jusque là (merci Led Lenser), commence à être un peu faiblarde, j’hésite à changer la pile mais j’ai trop froid aux mains pour avoir le courage de le faire ! lol
La bascule vers la descente du lac Combal est un « ouf » de soulagement … ! Mais, purée, qu’elle est casse-pattes et technique. Heureusement qu’il fait nuit, je ne dois pas ressembler à grand chose avec mes petits sauts de grenouille et mes bras qui partent dans tous les sens pour m’équilibrer !
68,5km au Lac, 9h53 de course, je suis 23ème. 4h du mat.
Psychologiquement, cette portion qui suit avant de retrouver le réconfort de notre assistance à Courmayeur n’est pas simple ….
Encore une belle et difficile montée vers l’Arête du Mont Favre, et une trèèèèèèès trèèèèès longue descente vers Courmayeur ! J’y croise ici Greg Vollet, manager du team Salomon International, qui me donne des nouvelles de la tête de course et m’encourage : merci Greg !
J’ai la musique, ça me donne un peu de baume au cœur dans un moment où je ne me sens pas au top … ! Et chaque « check point » qui nous permet de trouver un peu de chaleur humaine est aussi un moyen d’avoir un peu de réconfort.
Et quel bonheur d’apercevoir la lumière de Courmayeur, et de savoir qu’on va y retrouver de quoi se requinquer physiquement et moralement !
Je sens que la descente aura laissé des traces musculaires, mais j’arrive à Courmayeur avec des jambes encore en état de bien courir dans les ruelles de la ville endormie.
Le bide un peu en vrac, mais le froid et le passage de la nuit font souvent cet effet malheureusement … me voilà enfin à Courmayeur, auprès de Laurent, qui m’attendait impatiemment !!
12h de course, il est 6h du mat. Je suis 24ème et nous sommes ici au km81, nous avons fait la moitié du dénivelé presque, soit 5000mD+. C’est à dire qu’il reste encore BEAUCOUP de route !!
Il me tarde que le jour se lève et que le soleil nous réchauffe ….
De Courmayeur à Arnouvaz : un long chemin de croix !
Je prends plus mon temps que d’habitude à Courmayeur. Je me change complètement : tee-shirt sec, j’enfile le short à la place du collant, je change de chaussettes, … merci Lolo !
J’avais préparé un tupper riz/lentilles, que je me force à avaler, même si ça me fait que moyen envie … et puis hop, je refais le plein de vivres : à boire et à manger ! Une nouvelle frontale sur la tête et c’est tipar !
Bon, et dès ma sortie du gymnase, je regrette d’avoir repris une grosse frontale parce que j’en porte une de plus que le matériel obligatoire, et … il fait quasi JOUR !!! :)))) tant pis, je vais la porter pour rien …
Un peu froid en short (un peu la sensation de prendre le froid d’un seul coup quand tu sors du lit et de la couette bien chaude !), mais quand le soleil nous réchauffera, ça ira mieux.
On sort de Courmayeur, direction les premiers sentiers avec cette grimpette vers Bertone. Je me rends vite compte que la route va désormais être longue … je suis au plus mal … vide d’énergie ! Le corps lourd, à avoir du mal ne serait-ce qu’à marcher.
Pas de panique, je savais que cet état là arriverait un moment donné … mais c’est tôt là quand même ! Je patiente. J’avance comme je peux, en me disant que « ça va passer ».
Je suis repartie 21ème de Courmayeur, je passe 24ème à Bertone. C’est assez simple : je n’avance plus. Pas d’hypo, mais plus d’essence.
C’est dur, d’autant qu’il reste encore beaucoup de route, et que cette portion roulante de Bertone à Bonatti est celle que j’attendais et sur laquelle je pensais pouvoir me régaler ! À la place c’est un véritable calvaire ! C’est plat, ou faux plat, mais je suis dans l’incapacité de courir …
Désemparée, le moral à zéro, j’appelle Manu en espérant qu’il trouve les mots pour me réconforter et pour tenter de me changer les idées et tenter de sortir de cette spirale négative … aussi, pour qu’il prévienne Laurent que je vais arriver beaucoup plus tard que les prévisions.
Le réseau est bof, j’échange 3 mots avec lui, il tente de me soutenir comme il peut, mais au final, j’espère que je ne l’ai pas inquiété. Je m’auto-encourage : « Allez Sissi, avance, on fera le point à La Fouly. T’façon, pas le choix, tu verras personne avant ! »
Arnouvaz, presque 100km et 6000mD+, 15h40 de course, je suis 22ème. À croire qu’il y a donc pire état que moi … bah moi, en fait, c’est ça l’ultra … t’avances pas, tu survis ! lol
De Grand Col Ferret à Champex Lac : entre espoir et désespoir !
L’ascension du Grand Col Ferret est un véritable calvaire … je pars même parfois à reculons tant la pente me paraît raide et interminable !
Je lève de temps en temps la tête pour apercevoir le sommet … je me demande comment je vais pouvoir l’atteindre dans ces conditions. Je n’arrête pas de me faire doubler !
Je crois que c’est le seul moment de la course où j’ai regretté de ne pas avoir de bâtons …. quand je vois certains coureurs carrément appuyés dessus, ça me fait presque envie !! :)))
En attendant, il me reste mes cuisses, pour appuyer. ENFIN, 1h30 plus tard, j’arrive au sommet. Pour faire 4,6km et 740mD+ ! Misère ! La belle descente courante qui nous amène à la Fouly devrait, elle aussi, me régaler … mais non, je la subis complètement.
Je retrouve tout la staff Asics juste avant d’arriver au ravitaillement. Ils sont au top ! Je ronchonne un peu pour exprimer ma souffrance (oui bah quand même, je ne vais pas faire semblant de me régaler là ! ;)), mais je sais que je continuerai tant que je tiens debout.
La Fouly, j’y retrouve ma famille et Manu. 113km / 6700mD+, 19h de course. Ils me font du bien, mais je m’efforce de ne pas trop m’arrêter ici, sinon je vais avoir encore plus de mal à repartir.
J’ai perdu tous repères temporels. Quelle heure est-il ? J’en sais rien, je suis focalisée sur ma foulée, mes sensations, avancer, avancer … j’essaye de rester au contact de Sabrina Cachard, que je connais un peu.
J’alterne « UP and DOWN » jusqu’à Champex. Parfois je retrouve un semblant de retour d’énergie, et la minute qui suit, je suis à l’arrêt. Je compose avec. Mais je vais devoir gérer un autre problème : mes pieds et les ampoules ! Qui commencent vraiment à me faire souffrir …
Champex Lac : 127ème km / 7300mD+, 21h28 de course. J’ai rétrogradé à la 25ème place. Mais je n’ai pas d’infos sur le classement à ce moment là, et je suis sortie de la compétition dans ma tête.
Je suis passée en mode : compet avec moi même, avec un objectif : terminer comme je peux, en essayant de me ratacher à quelques petits moments de « UP » au milieu de ces « DOWN ».
De Champex à Vallorcine : never give up !!
Après chaque ravitaillement où je peux prendre de la force auprès de la famille, des proches, … retrouver Laurent qui prend toujours soin de moi : je repars regonflée de motivation jusqu’au prochain coup de mou !! Ahah !
Laurent a tenté de soigner mes pieds; on a changé de chaussettes, de chaussures, on a mis de la crème … mais étant donné l’ampleur des dégâts et la distance qu’il reste encore à effectuer, je crains de devoir serrer les dents pour finir malgré tout.
Après Champex, je croise plein de monde que je connais, ça me fait un bien fou. J’ai l’impression de retrouver du pep’s et de l’énergie, je repars à bonne allure et avec un retour de bonnes sensations. Pourvu que ça dure !
En plus, j’adore cette portion assez courante jusqu’à Trient ! Régalade ! D’ailleurs, je double 5/6 féminines sur cette portion, comme quoi, le classement n’est vraiment jamais figé en ultra tant les écarts sont serrés et tant ça peut basculer, en fonction de la forme, d’un côté comme de l’autre.
Je vais arriver avec de l’avance sur mes temps prévisionnels, j’espère que Laurent et toute la petite famille seront quand même à Trient. Ils sont en effet surpris de me voir arriver si tôt, mais sont bien là !
143km / 8300mD+, 24h42 de course. Je pointe 19ème ici. Je me sens mieux. Il va me falloir reprendre la frontale, la seconde nuit devrait tomber avant Vallorcine … je m’en serais bien passée !!
Mes pieds commencent à terriblement me faire souffrir, j’essaye de ne pas y penser, mais je sens que la situation s’empire … ! Je subis la montée qui suit Trient … Sabrina me redouble, elle semble avoir la pêche !
Je me sens de nouveau vidée d’énergie … ces fameux « UP AND DOWN » … mais j’avance, tranquillement. Heureusement, il ne fait pas froid et les conditions ont été idéales jusqu’à maintenant.
Check Point au Tseppes, puis direction Vallorcines. Pas de difficultés majeures ici, si ce n’est que les pieds qui picotent fort, et les jambes qui commencent à être dures comme des bâtons, et à avoir du mal à dérouler autrement qu’en « jambes tendues » ! ;))
Un petit moment calme, j’en profite pour envoyer une petite vidéo à ma famille et aux collègues i-Run ! Et à envoyer une pensée à Manu. Il fait nuit quand j’arrive à Vallorcine.
153km / 9100mD+, 27h21. Il est donc 21h30. Allez, ça sent la fin ! Une dernière grosse difficulté et c’est la descente vers Chamonix !
Je pointe 20ème ici.
De Vallorcine à Chamonix : comme sur des oeufs !
Une ambiance de feu entre Vallo et Col des Montets ! J’adore ! Je croise Julien qui me remonte le moral.
La bande Asics, les copains de chez i-Run, Romain, puis ma petite soeur Anna, Clémentine, mon papa, Laetitia, Manu et toute la petite famille … quel bonheur de les voir ici ! Je suis tellement chanceuse d’avoir tout ce petit monde pour me soutenir.
Les gars de chez Alabama font quelques images au passage, juste en bas de la montée vers Tête aux Vents. Puis d’un seul coup, je me fais arrêter net par un commissaire : « numéro de dossard ? » « Euh, bonjour, oui, le voilà. » « assistance hors zone, vous allez prendre une pénalité ! » « quoi ? Mais qu’est ce que vous racontez ? » « Oui, ils vous éclairent avec leur lumière, c’est une aide aux coureurs » …
Ok, on prend le temps d’expliquer au commissaire que les gars font des images pour un film, ils ont filmé sur 20 mètres (d’où la lumière) et repartent.
Il ne veut rien entendre, mais je ne perds pas plus de temps que ça : « écoutez, mettez moi une pénalité si vous voulez, je m’en fiche, je ne suis « que » 20ème; mais moi je repars, j’ai une course à terminer quand même ». Je suis repartie sans savoir à quelle sauce j’allais être mangée ! N’importe quoi …
La montée, comme prévu, a été longue et très difficile ! Très technique, avec des portions où il faut mettre les mains, crapahuter de rocher en rocher … à la frontale. Je ne me pose même plus la question de savoir comment je suis au niveau énergie, tant que je suis focalisée sur mes douleurs aux pieds. Elle sont devenues insoutenables !
Chaque pose de pied au sol est un enfer. Je sens que j’ai des ampoules partout. Je suis seule. Vraiment seule. Je m’arrête pour regarder si je vois une frontale devant : non. Au loin derrière ? Non.
Je lève les yeux, je vois un magnifique ciel étoilé. Je prends 30 secondes, je me pose, j’éteins la frontale et je contemple. Un petit moment à moi qui restera gravé.
Dans la douleur et en solitaire, j’atteins le ravitaillement de la Flégère en 30h31. 164km et plus de 10 000mD+. Reste une descente et c’est l’arrivée … je suis toujours 20ème.
Impossible de courir dans cette descente. Mes pieds me font trop souffrir. Je suis donc contrainte de marcher. Comme sur des oeufs. Pressée de retirer ces chaussures et de mettre mes pieds dans de l’eau froide !
7km petits kilomètres de descente. 1h15 pour les boucler ! Quel enfer. l’arrivée sur le bitume est un vrai soulagement pour mes pieds. Je me suis faite doubler par une féminine qui descendait comme un boulet de canon : l’australienne, Kellie EMMERSON.
Mais je rejoins une autre juste coureuse, avant de s’offrir le dernier petit tour dans ce centre de Chamonix. Je ne me vois pas lui faire le coup du sprint final après tant d’heures de course … j’échange avec elle en lui disant de rester devant, mais je m’aperçois qu’elle ne comprend rien, elle n’est pas française ! C’est Mimmi KOTKA !
Je finis donc en déroulant, sur le bout de mes petits pieds meurtris, … en savourant ces dernières minutes de ce périple de dingue ! Une longue, très longue boucle effectuée dans la douleur, agrémentée de quelques jolis moments de plaisir !
C’est avec émotions que je retrouve mes proches à l’arrivée, et que je franchis enfin cette ligne … (avec mon Papa, tellement content d’avoir pu vivre ce moment là !) 31h et 48 minutes après l’avoir quitté dans l’autre sens.
Voilà, j’ai terminé l’UTMB, maintenant, je sais ce que c’est. L’inconnu est désormais connu ! :))
Mais la part de magie et de mystère des ultras ne disparaitra jamais, tant on apprend à chaque nouvelle aventure, même quand on a une vague idée de ce qui nous attend …
Une découverte de soi même, dans un tourbillon d’imprévus et de surprises : bonnes comme mauvaises ! ;))
Un énorme merci à toutes les personnes qui ont été là, de près ou de loin, pour me soutenir dans ce défi ! Il y en aura d’autres, je l’espère !
Photos : ALBIN DURAND / Flashsport