Après avoir pris du plaisir sur deux courses d’ultra-trail de plus de 110km en 2018 (MIUT et TDS), l’envie d’aller découvrir la distance un peu « référence » de l’ultra (100 miles), était forte …
c’est donc avec beaucoup de motivation et de détermination, encouragée par Manu, que je coche deux beaux « 100 miles » dans ma programmation 2019 : l’Ultra du Mont-Fuji, et l’Ultra Trail du Mont-Blanc.
Pourquoi l’Ultra du Mont-Fuji comme premier 100 Miles ?
Non pas que j’estime que le passage sur cette distance soit une finalité en trail. Pas du tout. Je pense, bien au contraire, que nous ne sommes pas tous faits pour ces longues courses, et pour que s’y lancer, il ne faut pas s’y sentir obligé, mais vraiment en avoir envie.
Et je ne suis pas fan du « toujours plus », puisque je considère le sport comme une façon de « rester en bonne santé » ! Et que mon objectif est, comme nous tous je pense, de durer.
Bref, je suis juste curieuse de vivre, moi aussi, cette longue introspection que l’on peut vivre en ultra-trail. De voir comment mon corps et mon cerveau vont réagir à cette longue « balade », de tester mes capacités physiques et mentales à affronter cette épreuve … l’inconnu, ça attire ! Mais ça peut effrayer un peu aussi parfois … !
L’UTMB dans le viseur depuis un moment, j’attendais d’être prête physiquement et mentalement pour me lancer. Oui, je pense qu’il faut avoir atteint un certain degrés de maturité dans la discipline pour encaisser au mieux ce gros chantier ! Et y prendre du plaisir !
Mais voilà, il se trouve que le Team Fuji Spirit, en collaboration avec ASICS, nous propose un projet très attirant pour démarrer l’année : vivre l’aventure UTMF avec les copains et rencontrer les équipes de production de la marque à son siège, Kobé. Pour également parler « développement produits » avec eux.
Génial ! Je suis super emballée par cette aventure ! Avoir la chance de concrétiser un projet sportif tout en le partageant de cette manière avec toute l’équipe, c’est juste hyper motivant !
Et le Japon quoi ! Un pays extraordinaire, une culture très attachante, … avec son Mont-Fuji comme terrain de jeu : parfait pour un baptême du 100 miles non ? ;))
Une première semaine d’acclimatation et de découverte
La course étant le 26 avril 2019, nous prévoyons d’arriver quelques jours avant pour tenter d’encaisser au mieux voyage et décalage horaire. Pas simple avec les +7 heures qu’on prend dans la figure !
Décollage de Lyon le mercredi 17 avril, pour atterrir à Tokyo le jeudi matin (dans la nuit pour nos organismes : bonjour JETLAG !).
Puis redécollage pour Osaka, avant de prendre un train puis un taxi pour se rendre à notre premier point de chute à Kobé !
L’équipe qui fera partie de l’aventure : les coureurs (Xavier Thevenard, Benoît Girondel, moi), le staff (Cathy et Laurent Ardito, Eddy Ferhi), Antoine Lemay de Peignée Verticale pour les photos et vidéos.
Autant dire que les jambes n’étaient pas super légères pour le premier footing japonais à notre arrivée ! ;)) Mais rien d’alarmant, ces sensations pourries sont tout à fait normales et il va falloir laisser le temps au corps de s’adapter !
Notre emplacement à Kobé est idéal : entre la ville et la montagne ! C’est la particularité de cette ville, qui possède cette caractéristique d’être contrastée : la ville et l’océan d’un côté, la nature avec la montagne, ses cascades, les dénivelés de l’autre côté.
Pour nous, c’est juste parfait. Mais j’avoue que je suis bien contente de m’offrir un petit « urban trail » pour découvrir la ville de Kobé en baskets vendredi soir ! ;))
J’adore l’idée de pouvoir découvrir un nouvel endroit en courant. Et c’est avec beaucoup de plaisir que nous partons à la découverte des ruelles et autres spécificités du centre avec Antoine.
Vendredi, les équipes de production ASICS en poste à l’ISS (Institute of Sport Science) nous attendent, pour une journée « scientifique ». Le centre de recherche de la marque ! Quelle chance de pouvoir s’y rendre et découvrir ce temple scientifique !
Notre accueil est 5 étoiles et les équipes nous ont concoctés un programme riche et varié, afin de nous intégrer dans le processus du développement produit de la marque.
Par rotation sur des ateliers, nous enchainons : numérisation 3D du corps, prises de mesure du pied avec un moulage effectué sur place, capture de mouvement effectué par un système de recherche biomécanique (d’où, tous les capteurs posés sur le corps !) ….tout est bien cadré et bien « timé » chez les japonais !
Nous sommes très impressionnés par tout ce qui a été mis en place autour de nous et sommes très flattés et heureux de pouvoir vivre ça ici ! Quelle journée !
De quoi nous donner encore plus de motivation pour la course, quand on réalise comme la marque est impliquée dans notre pratique et déploie autant d’énergie pour fabriquer les produits les plus performants possible.
Un énorme merci à toute l’équipe pour l’investissement qu’ils ont pu mettre dans ce projet !
Samedi, l’équipe nous retrouve au petit matin pour un run collectif.
L’occasion de tester sur le terrain, les nouvelles chaussures prototypes que les développeurs japonais venaient de concevoir ! Des modèles effectués sur-mesure, personnalisés pour nos pieds. Des vrais bijoux !
Test que nous pourrons réitérer le lendemain à l’occasion d’une ultime sortie longue avant le départ de la course. Je m’offre un petit « up and down » à Kobé ! Je me régale et les bonnes sensations reviennent doucement.
Mais alors, quelle chaleur ! S’il fait cette météo pour la course, autant dire qu’on risque de devoir anticiper sur l’hydratation. Parce l’air est super humide … !
Lundi, après 3 belles journées passées à Kobé où nous avons eu la chance de vivre des moments extraordinaires, il est déjà temps de refaire les valises pour déménager un peu plus au nord de l’île, à Kawaguchiko. Le lieu d’arrivée de l’UTMF.
Voir cette première partie de séjour en vidéo :
Une 2ème semaine en mode course !
Avec tout ça, on a presque oublié qu’on avait un 100 miles à boucler dans 4 jours. Mais l’arrivée sur les lieux, avec le majestueux Mont Fuji dans le paysage, nous remet assez vite le cerveau en place !
Changement de décor, changement d’organisation : nous passons de l’hôtel à Kobé, à une jolie maison typique de location près du lac de Kawaguchiko.
Et les joies de la vie en communauté ! Heureusement que Cathy est là pour nous materner et gérer les repas. Elle nous bichonne. Merci Cathy !
Nous faisons la connaissance de Nobu, un très sympathique coureur japonais qui s’est gentiment proposé pour nous servir de guide cette semaine et jusqu’à la course. Adorable !
Il nous aide à nous repérer dans les supermarchés (et à faire les bons choix de produits !), à lire les cartes du restaurant pour choisir les bons plats, à nous aiguiller du mieux possible sur le parcours pour reconnaître quelques portions du parcours.
Une sacrée belle rencontre qui reflète assez bien la belle mentalité des japonais : très attentionnés, disponibles, gentils, serviables, … ils ont le sens du sacrifice et de l’accueil !
Merci à Nobu d’avoir été si bienveillant à notre égard pendant notre séjour là bas. Je crois qu’il a largement contribué à la réussite de ce projet collectif.
Mardi et mercredi sont donc deux journées consacrées à repérer quelques portions du parcours. On repère notamment la portion du kilomètre 140 au 157 : le chantier !
Comme ça, en forme, à l’entraînement, c’est top, on se régale. Ça grimpe bien (700mD+), des belles descentes (1000MD-), de la technicité, des passages encordées type escalade, des paysages magnifiques …. mais après 140km de course, je pense que ça va moins me faire rigoler !
Entre siestes, auto-massages, pressothérapie, séances de LIFE+, séances de compex … Xav soigne au mieux sa récup !!
Il m’impressionne et j’arrive même à culpabiliser de boire une bière alors qu’il a les électrodes sur les quadris !! ;))
Pour Benoît, c’est plus compliqué. Blessé au tendon d’Achille depuis plusieurs jours, il commence à se demander s’il va être en mesure de prendre le départ … en attendant, il ne chôme pas entre séances de vélo et séances de kiné ! Et on croise les doigts pour lui en lui demandant chaque matin : « alors, ça va mieux ? »
Me concernant, ma préoccupation principale est d’essayer de faire des bonnes nuits ! Et ce n’est pas encore gagné … je crois bien que je vais prendre le départ de cette course avec un gros retard de sommeil et ça commence à m’inquiéter sérieusement. Mais cela ne m’empêche pas de profiter !
Revivre cette partie de séjour avec la vidéo 2 Endurance Mag :
La course : préparation, conférence, jour -1
Jeudi, veille de course, et jour de conférence de presse. On va en savoir plus sur la météo annoncée … on entend tout et son contraire à ce sujet. Notamment la possibilité d’un parcours modifié à cause du mauvais temps. Ce qui ne ravit pas Xavier, déjà victime d’une telle décision en 2016 !
En effet, les prévisions ne semblent pas optimistes si on s’en tient à ce que l’on trouve sur internet. Mais attendons de voir ce qu’en pense l’organisation. Repos pour moi aujourd’hui, comme toutes les veilles de course !
J’en profite pour me mettre au clair avec mon matériel obligatoire que je vais devoir présenter pour retirer mon dossard. C’est qu’ils ne rigolent pas avec ça les japonais ! Le sac doit peser minimum 2kg à la sortie de chaque ravitaillement, et pas un gramme de moins.
Et d’ailleurs, au moment du retrait des dossards, ça coince pour Xav et pour moi : on n’a pas imprimé les bonnes cartes du parcours. On s’était contenté bêtement d’imprimer le profil nous. Normal. Mais c’était bien plus poussé que ça en fait : il fallait imprimer chaque section d’un ravito à l’autre. Autrement 12 cartes à emmener avec soi sur la course ….
Nous voilà donc obligés d’aller les acheter sur place. Elles sont à vendre sur le salon (8 euros !!!!), je pense que les japonais ont l’habitude de ce genre d’oubli … grrrr ! Mais nous voilà enfin en possession du précieux sésame !
Et puis, bonne nouvelle à la conférence de presse : on aura la droit au parcours initial !! Le beau temps n’est pas assuré, mais a priori, ils sont bien décidés à nous faire passer par tous les sommets quand même … et bien, allons-y mes amis !
La course : jour J !
Vendredi 26 avril : ah oui, c’est mon anniversaire ! J’ai reçu pleins de sympathiques messages, trop touchants !!!
J’appelle Manu en vidéo en me réveillant pour lui envoyer mes pensées avant de partir pour ce long périple, et les copains déjà debout depuis un moment me chantonnent un « happy birthday to you ! » Merci ! Ça me fait super plaisir, mais j’avoue, ce n’est pas ma principale préoccupation de la journée ! lol
Il est 8h, je me dépêche de prendre mon (copieux) petit déjeuner pour finir de préparer mes affaires. On s’est fixé 9h pour partir, on a une bonne heure et demi de route et le départ à est midi. Xavier commence à trépigner, il va être grand temps qu’il lâche les chevaux ! ;))
Dehors, il pleut ! Les températures ont terriblement chuté, ce n’est pas super motivant … mais ça peut toujours se lever avant midi. Gardons espoir ! L’assistance a bien été calée avec Laurent, qui s’occupera de moi pendant toute la course.
Un peu prise de tête les organisations de ces longues courses, où t’as parfois un peu de mal à mettre en place des prévisionnels, surtout quand c’est la première fois que tu te lances sur ce type de distances. J’ai tenté d’en faire un en me basant sur les temps de passage de la japonaise qui termine 2ème en 26h l’an dernier. Un peu trop ambitieux selon moi, mais on adaptera en fonction de l’avancement.
Laurent pourra donc m’assister 5 fois sur la course (zones A marquées en vert) : 167km et 8000mD+. Mais quelle idée, quelle idée !!!! :))))
On arrive sur place en avance, mais apparemment, nous ne sommes pas les seuls ! ;))
2500 participants au départ de cette course. C’est juste énorme et je vous assure que ça fait du remue-ménage au départ (et des longues queues aux toilettes !).
Grosse question du moment : manches courtes ou manches longues ? En bas, je n’hésite pas ! Étant donné qu’il faut de toute façon avoir un collant dans le sac, autant l’avoir sur soi. Donc, je pars en mi-long avec des manchons de compression. Il ne fait pas si froid, mais les prévisions ne vont pas vers le beau et ça risque de bien chuter au fil de la journée.
Après l’échauffement j’ai un peu chaud. Benoît (qui finalement devra déclarer forfait. La douleur est toujours trop présente), réussit à me convaincre d’enlever une épaisseur. Mais je garde le manches longues, frileuse que je suis ! Il fait à peine 10 degrés, faut pas abuser ! De toute façon, je risque de me changer pendant la course … !
En chaussures, je décide de partir en Asics Fuji Lyte, puisque le début de course est roulant avec pas mal de bitume. Mais je prévois d’enfiler les nouvelles Trabuco Pro pour les parties techniques. Surtout si le sol est très glissant. Le grip infaillible devrait me sauver !
Bon allez, maintenant, il faut arrêter de se poser des questions et foncer ! Go sur la ligne de départ, il est 11h45 et les coureurs sont déjà tous derrière la ligne ….
Il me tarde aussi maintenant ! De m’élancer, et de profiter sans me poser de questions ! La route va être longue, mais la motivation est bien là et le cerveau s’est bien mis en mode « ULTRA » ! La météo ne me fait même pas peur, alors qu’en temps normal, partir pour 167km avec ça … ça aurait pu me faire partir à reculons ! ;))
Je redoute un peu de partir trop vite en début de course, mais je crois que je ne vais pas trop faire de calculs et la jouer aux sensations. C’est mon premier, j’ai le droit à l’erreur hein ! Il faut que le métier rentre … enfin plutôt, il faut bien faire son apprentissage.
Quand le top départ est donné à 12h pile, pleins de pensées se bousculent dans ma tête, mais j’essaye de faire le vide, je prends une grande respiration en me disant : « allez, jusqu’au bout, tu ne lâches rien ! »
La course : jusqu’au 50ème kilomètre, tout va bien !
J’ai retenu les conseils de Nobu : attention, la course commence au km30. Avant, il faut gérer. Ce début de course est bien humide, et nous démarrons dans le brouillard (on devra poursuivre et finir avec aussi malheureusement !).
Je déroule la foulée sans pousser, et sans me mettre dans le rouge. C’est vrai que les allures sont rapides, mais j’ai l’impression d’être dans la retenue. Tout va bien.
Premier ravitaillement, km16, 1h17 de course, les copains sont là pour nous encourager et Antoine pour nous flasher ! Je prends le temps de m’arrêter 3 secondes pour remplir ma flasque. Et hop, ça ne traine pas ici, fait pas chaud !
J’ai fait une partie de ce début de course avec une coureuse chinoise (Fuzhao XIANG), qui a l’air très à l’aise et qui semble très bien maitriser son sujet . Je l’ai laissée s’envoler à son rythme, j’ai peur d’exploser en vol en restant avec elle.
Avec moi depuis le début aussi, une coureuse australienne (Lou CLIFTON), plutôt en forme et rapide. On passe ensemble ici, 2 et 3ème, la chinoise en tête.
Je ne regarde pas trop la montre et je m’efforce de m’hydrater correctement. Ces paysages me font penser à la Suède et l’Ultravasan ! On alterne bitume et sentiers propres en DFCI sur quelques kilomètres, puis arrivent les premiers « up » and « down » en peu casse-pattes et glissants, ça fait plutôt plaisir de rentrer enfin dans le vif du sujet ! ;))
2ème ravitaillement au km23, presque 2h de course. Là haut, je fais le plein d’eau et je recharge en boisson Isostar. Le prochain point de ravitaillement ne sera qu’au km50 et la première grosse difficulté arrive.
Tout va bien, je me régale, mais je commence à être bien trempée par la pluie et à avoir froid. La chinoise a dû faire une pause technique, je passe en tête, elle est 1′ derrière moi (mais je la pensais devant !).
(Passage à 30′ puis 56′ :)))
Ça va toujours assez vite, mais je me sens en aisance respiratoire et je n’ai pas l’impression de taper dedans musculairement non plus. Je sais que l’alimentation est stratégique, je m’efforce de manger et boire régulièrement, même si j’ai froid et que j’ai moyen envie de tout ça.
Surprise, je retrouve une nouvelle fois toute l’équipe, sur le côté pour nous supporter ! Trop plaisir !
Ils ont l’air tous « énervés » et me conseillent de ralentir. J’entends Benoît lancer un « on n’est pas sur l’ÉcoTrail de Paris !! » Oui bon, ok, mais je gère, ne vous en faites pas.
Drôle de surprise de retrouver la chinoise ici, alors que je le pensais devant … elle me double, je la laisse partir, elle est impressionnante de faciliter. On poursuit un bout de route et traversée de village, et vers le km30, nous voilà au pied de la première grosse bosse !
On prend plus de 700mD+ en moins de 3km, puis de nouveau 400 sur les 7km suivants. Ça brûle les mollets !
La montée est douce au départ, mais entrecoupée de véritables murs, que t’es obligé de grimper courbé, les mains sur les cuisses.
Et finalement, c’est cette incessante alternance de relances / raidars, qui use les organismes et les muscles !
Je recolle la chinoise dans la montée, on dirait qu’elle accuse un coup de moins bien. Je passe devant, mais elle s’accroche et termine toute la montée dans mes talons. Plutôt satisfaite des sensations dans la première bosse (qui m’a aussi permise de me réchauffer un peu), je sais qu’il va falloir jouer la prudence dans la descente très raide qui suit.
La chinoise me redouble, elle descend à toute vitesse en prenant tous les risques !!! Mais comme elle fait pour ne pas tomber …?? Perso, je mets les freins, et j’arrive à prendre 4/5 gamelles en glissant sur les fesses.
Sauve qui peut, c’est la grosse débrouille pour tous et pour négocier au mieux cette descente archi glissante. On se tient aux arbres, on se laisse glisser sur les fesses, on cherche les appuis les moins périlleux … je me fais doubler par un paquet de coureurs ici, et je souffle un bout coup de soulagement en arrivant enfin en bas, entière !
Et là, un américain me lance un : »Wow, it was very funny no ?? » Euh, non, pas très funny pour moi là tu vois ! Et je suis contente de retrouver un peu de terrain propre pour pouvoir relancer un peu et tenter de rattraper le temps perdu. Vu comme elle descend, la chinoise a dû prendre un paquet d’avance. À mon avis, je ne la reverrai plus.
Les écarts entre les coureurs commencent à se creuser, je suis seule sur cette portion jusqu’au prochain point de ravitaillement; et je manque cruellement de boisson et je suis glacée !
Plus rien à boire, plus rien à manger, je croise les doigts de ne pas faire d’hypo jusqu’à la prochaine zone; ça me paraît très long mais j’arrive en toute possession de mes moyens à FUMOTO (km51).
5h56 de course, je suis bien contente de retrouver Laurent et Antoine pour me mettre au sec et passer en mode nuit !
La course : une nuit bien longue et difficile
Je passe donc 2ème au km51. Je me sens bien, et je suis surtout contente de pouvoir me changer pour repartir sèche pour la nuit. Il reste à peine 30′ avant d’allumer la frontale puisque la nuit tombe assez tôt ici et qu’avec ce brouillard, on risque de ne plus y voir grand chose assez tôt.
Je ne revois Laurent que dans quasiment 30 kilomètres, ça peut être très long. Je m’assure donc de ne rien avoir oublié avant de repartir du ravitaillement; ok, go !
Ça repart en faux plat montant, au milieu d’un décor assez sauvage et presque flippant avec ce mauvais temps. Heureusement que c’est bien balisé parce que je n’aurais pas envie de me perdre toute seule ici franchement … ! Les jambes vont bien, j’arrive à courir à petites foulées dans les montées, ça me rassure.
Par contre, le brouillard ne s’est toujours pas dissipé et lorsque j’allume ma frontale parce que je commence à ne plus rien voir, je comprends assez vite que, dans ces conditions, la nuit va être bien compliquée.
C’est très simple, on ne voit rien !!! J’ai même du mal à apercevoir les balisages et je suis obligée de gigoter la tête dans tous les sens pour tenter de percer le brouillard tant bien que mal avec la frontale. Quelle galère !
J’appréhende la nuit et je me dis surtout que je ne vais prendre aucun plaisir dans ces conditions. J’ai peur de me perdre, j’ai peur de tomber et de me faire mal … !
(Vidéo ci dessous du passage des premiers. Sauf que moi je suis passée à la nuit noire … lol)
Ces ondes négatives dont je n’arrive pas à me débarrasser me polluent le cerveau et me gâchent un peu ce moment de la course. Je tente de positiver comme je peux mais je n’y arrive pas. Ça fait beaucoup de choses à gérer en même temps : s’orienter sans rater le balisage, lever les pieds et faire gaffe aux trous pour ne pas tomber, continuer à bien s’alimenter et boire, … puis avancer quand même ! La route est encore longue.
Les jambes vont bien, mais ce contexte ne me rend pas sereine et m’empêche de me régaler ici. On reprend une sacrée belle montée de 600D+ suivie d’une descente raide que je fais à l’aveugle en tentant de ne pas m’envoyer dans le décor … la galère comme ça glisse en plus de ça … !
Des racines, des racines, des racines ! Je ne vais pas bien vite ici, mais j’ose espérer que ça doit être pour tout le monde pareil … (ou alors, je ne suis pas encore assez guerrière ??).
Lorsque je sors du sentiers, ouf ouf !!! Km66 (CP Motosuko), 8h15 de course, bientôt le prochain CP. Laurent est là avec Antoine, et ça me fait un bien fou de les voir ! C’est rassurant et ça me remonte le moral et me renvoie des bonnes ondes positives.
On retrouve ici un peu de bitume et quelques lampadaires, j’en profite pour éteindre ma frontale et dérouler un peu la foulée.
Au ravitaillement, je suis seule, mais je me ravitaille bien. Je vais bien mettre plus d’une heure et demi avant de retrouver Laurent, donc je dois absolument m’approvisionner un maximum, d’autant qu’il fait de plus en plus froid et que le corps plus vite les calories.
Rien n’est simple depuis l’arrivée de la nuit en fait, et ces passages techniques en singles dans la montagne sont des vrais freins pour moi. Dès que le terrain est stable et propre, et que le brouillard laisse place à un meilleur champ de vision, j’en profite pour essayer d’allonger. Mais malheureusement, ces moments sont bien rares et je crois qu’il va falloir composer avec jusqu’au petit matin.
Je gère comme je peux jusqu’au km78 et retrouve un peu de réconfort auprès de Laurent et du team Asics Japon quand je les retrouve au CP (Shojiko). 10h24 de course. Je commence à décompter les heures qu’il me reste avant le lever du soleil, ça sent pas très bon ça … !! ;)))
Je suis toujours 2ème derrière la chinoise, mais elle a bien accentué son avance. Tu m’étonnes !
Bon je repars en sachant que je revois Laurent dans 17km seulement. « Allez Sissi, c’est la dernière portion un peu pénible, après ça va être une longue portion de faux plat sur terrain propre ! » Oui bon, je m’auto-encourage ! J’aurais aimé avoir la musique pour m’apporter un peu de baume au coeur ici, mais c’est interdit …
Le froid sur le ventre commence à faire des sérieux dégâts, et j’ai de plus en plus de mal à manger. Je sens que je vais passer la 2ème partie de la nuit à faire des pauses buisson … ! Ça grimpe dur de nouveau, ça glisse, et on n’y voit rien. Dès qu’on reprend un peu de hauteur, on reprend le brouillard et c’est la misère ! Je sens que je n’avance plus bien vite et que les muscles en prennent un coup.
Tous dans le même bateau … et je recolle un coureur japonais que j’ai côtoyé sur « Asics Beat The Sun », Kota ARAKI. Un très bon coureur, mais qui coince ici. Il est à la peine dans la descente et subit musculairement. Mais on fait un petit bout de chemin ensemble, on se soutient. Ça fait du bien de courir accompagné, parce que la nuit peut paraître bien longue dans ces conditions difficiles.
Je finis par le distancer sur les portions de relance où j’arrive encore à courir un peu; on entame la descente au point haut. Mais voilà, j’arrive à un moment de la course où je sens que les descentes commencent à faire mal aux quadris et je n’arrive plus à allonger comme d’habitude. Bon, de toute façon, on n’y voit toujours rien, donc c’est compliqué de mettre de la vitesse … !
Quelques D- et glissades en bas, je retrouve de la lumière et de la chaleur au CP de KATSUYAMA. km95. 13h de course, toujours seconde avec environ 45′ de retard sur la tête de course. À vrai dire, je ne pensais pas vraiment au classement à ce moment là, mais davantage à ce qu’il me restait encore à faire. Et au fait qu’il va falloir GÉRER !
J’ai envie d’une soupe, j’en prends une sur les tables des ravitaillements. Laurent comprend que je rentre dans une phase un peu galère et m’encourage comme il peut. Il le verbalise : « allez ! Tu vas rentrer dans le dur maintenant, c’est normal ! »
On change la frontale, je prends le temps de m’assoir et de ne rien oublier. Parce qu’à la prochaine assistance, il fera jour et j’ai plus de 32km à faire seule, de nuit. Une portion assez « facile » au niveau du terrain, mais avec ces muscles qui commencent à être bien entamés, ça risque d’être long.
Et puis finalement, mon principal problème les heures qui suivront ce CP, ce seront mes maux de ventre et mes problèmes gastriques, qui m’amènent à m’arrêter régulièrement pour … me vider ! :((( et également, l’envie de dormir qui commence à pointer le bout de son nez !
Mais j’avance et me répète sans arrêt : »allez, ça va passer, ça va passer ! » Je crois que j’ai débranché mon cerveau à ce moment là, parce que je ne me souviens plus de grand chose, mis à part ces pauses pour me vider et ces longues portions à tenter d’allonger la foulée sans trop y arriver ! :)))
Le passage à côté de supermarchés déjà ouverts … ou pas fermés ? (2/3h du mat !), et cette pluie fine qui continuait à nous caresser le visage … et puis de nouveau, le brouillard, les sentiers, ça grimpe, la pluie … le vent qui s’y met aussi ! Et le sommeil qui ne me quitte pas .. ! (Oui bah t’avais qu’à mieux dormir cette semaine ma Sissi !)
J’arrive au CP du km114 (OSHINO), frigorifiée. 15h45 de course. Et je me fais stopper nette pour un contrôle du matériel obligatoire. Sous la pluie et en plein vent. MERCI ! Je dois sortir mon téléphone portable et prouver qu’il s’allume et que la batterie est pleine. Puis la pantalon Gore-Tex, le manche-longue et les deux frontales avec pile. J’ai tellement froid aux mains que j’ai du mal à tout remettre dans le sac.
Je passe vite fait aux tables de ravitaillement pour refaire le plein des flasques, prendre bananes, fruits secs … mais je ne m’attarde pas, j’ai trop froid. De toute façon, j’arrive plus à manger alors. Je repars, mais ça souffle fort, et la pluie s’intensifie. Je n’arrive pas à me réchauffer, je décide donc de m’arrêter et de me couvrir.
J’ai mis une plombe pour réussir à enfiler mes affaires ! L’horreur. Tout est humide, j’arrive pas à passer les pieds du pantalon et j’ai les doigts tellement gonflés que les gants sont trop serrés … sans parler du fait que je sois arrêtée sous la pluie et que je reparte donc encore plus mouillée qu’avant … bien joué Sylvaine !!! ahah ! Au moins, ça a la mérite de m’avoir réveillée cette histoire ! ;))
Bon, mais l’opération s’est avérée concluante sur long terme, je suis bien mieux couverte comme ça, et je repars un peu plus sereine pour la prochaine difficulté. Et je n’arrête pas de regarder l’heure en me disant : « bon sang, il se lève quand le jour !! »
La course : le jour se lève, mais le plus dur reste à venir !
Heureusement, au Japon, il fait jour tôt à cette période de l’année, et dès 4h45/5h, je peux enfin éteindre ma frontale. Bon, ce n’est pas ce matin que je vais savourer un magnifique lever de soleil … je me souviens très très bien de cette montée dans laquelle j’étais, au moment où j’ai enfin pu m’orienter à la lumière du jour et non de ma frontale. Je chantonnais dans ma tête ! :))
Dans le brouillard. Encore et toujours. Il faisait encore très sombre. Alors je la rallumais parfois, pour être sûre de ne pas rater le balisage. Et je l’éteignais, pour mieux passer à travers le brouillard. Seule dans cet endroit si étranger pour moi … mais de jour, rien à voir, et je me sens mieux. Certes, j’ai les jambes fracassées, mais le coeur léger et motivée pour poursuivre ma route, coûte que coûte !
Je reconnais l’arrivée au CP de YAMANAKAKO, km127, c’était déjà un endroit où les coureurs passaient en 2014, l’année où j’avais accompagné Manu. La pluie s’est calmée, mais je n’ai pas envie de me découvrir, je reste en GORE-TEX !
Contente de retrouver Laurent et l’équipe japonaise, qui s’occupent bien de moi.
17h54 de course, je suis restée 6′ au ravitaillement ici.
Le temps de changer de chaussures (aie aie aie, j’ai une ampoule qui s’est formée de chaque côté des petits orteils. Comme d’hab, au même endroit), changer de chaussettes, et reprendre des forces mentales auprès des proches !
J’ai réussi à garder ma 2ème place pendant la nuit, je ne sais pas comment !! La première s’est littéralement envolée, elle a 1h15 d’avance ! L’australienne, 3ème, a réduit l’écart et n’est plus qu’à 34′ derrière moi. Chaud !! Mais la route est encore bien longue … reste 40km et un gros morceau de dénivelé. Rien n’est joué, dans un sens, comme dans l’autre.
À partir du km140, je serai en terrain connu. Mais d’ici là, reste 13km / 850mD+, franchement loin d’être les plus faciles. À mon sens, la portion du parcours la plus exigeante !!
Des murs à grimper limite les 4 pattes au sol, je vous promets … je me suis retrouvée en bas du truc, j’ai levé la tête en voyant des espèces de rondins de bois qui faisaient office de « marches d’escaliers » (mais plus qu’inutiles, qui étaient en fait gênants : t’avais pas la place de mettre le pied sur la marche, t’avais pas la place de mettre le pied sur le côté. Ben du coup, tu ne pouvais que mettre le pied de travers sur le rondin).
Interminable …
Je n’arrêtais pas de dire : « mais non ! » ou encore « oh putain », et « c’est pas possible ! » :)))) Pour finalement, grimper ce mur à 4 pattes ! Et puis à d’autres endroits, des pentes de fou, sur terrain glissant, avec des cordes … impossible de les passer sans les cordes et ça devenait un travail de force avec les bras plus qu’un travail de jambes !
Je crois n’avoir jamais autant pesté que sur cette portion, à devoir utiliser presqu’autant mes bras que mes jambes pour avancer ! UN TRUC DE FOU. Et je peux vous dire qu’à ce moment là, les kilomètres ne défilent pas bien vite ! Et bien chapeau bas Sissi : il m’aura fallu 3h pour boucler cette portion ! 3h !!!! Ça vous donne une idée de l’ampleur du chantier (et des dégâts de mes jambes !).
3 longues heures très douloureuses moralement et physiquement, mais en arrivant au CP du km140, je me dis qu’à ce stade là, je ne me vois pas ne pas aller au bout !! Hors de question que je ne franchisse pas cette ligne d’arrivée. 27km … quand t’as passé tout ce que tu as passé avant, 27km, c’est rien !
20h53 de course, mon corps arrive maintenant dans l’inconnu puisque je n’avais jamais dépassé les 20h30 de course (au MIUT). Je passe ici toujours 2ème, mais l’australienne continue de se rapprocher doucement … je refais le plein de tout : eau, boisson, bananes, fruits secs.
Et puis ici, je connais puisqu’on avait reconnu cette portion mardi matin. Et je sais comme elle est exigeante … (voir photos plus haut, pendant la reco). Les cordes encore, les murs, les singles avec les racines, les rondins … puis la descente hyper abruptes et glissantes, où je m’étais ramassée pendant la reco !
Je me répète : « allez, allez, allez ! » Mais je me rappelais pas que c’était si long dis donc ! Mardi matin, on avait mis 1h45, et aujourd’hui, j’en aurais mis … un peu moins de 3h ! Voilà voilà, mais oui, j’ai 145km dans les pattes, une nuit blanche, et des fringues mouillées sur le dos.
Dans la descente juste avant d’arriver au CP, je retrouve Antoine, qui s’est posté pour faire quelques images ! Oh la honte ! Non Antoine, pas ici, j’ai la démarche de Robocop !
Impossible de courir normalement, je suis passée à une vitesse comme dit Laurent. La première bien sûr ! :))) Trop mal partout, les jambes détruites, je n’arrive pas à aller plus vite et chaque foulée est un véritable supplice.
Salut quand même les gars ! Ouais, j’ai mal partout, le corps est détruit, mais la tête va bien et l’énergie est toujours là ! Alors pourquoi se plaindre ? Nan c’est vrai, on est venu chercher ça aussi. On le savait que ça ne se ferait pas sans douleurs quand même. Alors on serre les dents et on avance !
Me voilà donc au CP de FUJIYOSHIDA (km155), 23h50 de course. J’ai réussi à garder ma 2ème place, mais j’ai beaucoup marché et je crains que l’australienne ne me revienne avant l’arrivée.
Sauf si comme moi, elle n’a plus de muscles non plus … bon, on verra ça plus tard, pour le moment je prends soin de moi : je change de nouveau de chaussures, j’enlève le pantalon Gore-Tex, je m’offre même le luxe d’un pipi dans des vraies toilettes …bref, plus de 5 minutes au total dans la zone, c’est beaucoup.
Et je ne le savais pas, mais pendant mon changement de chaussures, l’australienne venait de passer …. elle a fait un ravitaillement plus rapide que moi, et elle me passe sous le nez sans que personne ne s’en rende compte ! Et ce que je ne savais pas non plus puisque Laurent venait de me dire que la 4ème était trèèèèèèès loin, c’est que la 4ème n’était que 3 minutes derrière moi … tout feu tout flamme !!
Pour résumer : la 2, 3 et 4ème féminine qui se tienne en 3 minutes à 12 kilomètres de l’arrivée d’un 100 miles. Normal quoi ! Et moi qui pensais, sereine, pouvoir assurer un moins une place sur le podium … tranquille !!! :)))
Quand tu perds ta place sur le podium à moins de 8km de l’arrivée ….
bon, du coup, je repars de ce dernier ravitaillement avec le smile : oui j’ai mal partout, mais oui, ça sent bon l’arrivée et la finish line !! Enfin, il reste quand même deux bonnes heures hein.
Mais dans la tête, il reste plus rien, et tu te vois déjà franchir la ligne d’arrivée à ce moment là, en fait ! Tu relativises la notion du temps. 2h, après avoir couru 24h : c’est comme un sprint final quoi ! Sauf que tu ne sprintes pas ! ahah :))
Je sais qu’il reste une montée, et une descente, mais que j’ai quand même encore plus de 700mD+ à me farcir ! À ce stade là, ça peut vouloir dire beaucoup, même si c’est peut être un détail pour vous .. ! Mais c’est la DER, elle va forcément mieux passée !
Je la démarre pleine de bonne volonté cette montée, tout en restant vigilante à une éventuelle remontée, je sais que l’australienne est à mes trousses (en fait, elle était devant, mais ça, je ne l’ai su qu’après l’arrivée … !).
Puis au fond de moi, je m’en fiche un peu en fait. Je me dis : 2ème ou 3ème, ça ne change pas grand chose au final. (Comme dirait Zazie : « ce ne sont que des cailloux ! » ;)) Ça reste génial et inespéré pour moi un podium ici !
Et puis BIM, je sens une présence derrière,; et sans me retourner, au souffle et à l’allure, je sais que c’est une fille ! Et BINGO, elle me dépasse, impressionnante de facilité ! Elle court dans la montée, telle une petite gazelle aux jambes légères. C’est pas possible ? Elle bluffe ? Elle essaye de m’impressionner pour la jouer stratégique ? ;))
Possible, parce que je ne me la joue pas petits bras et je tente de la suivre et de courir aussi (mais : aie aie aie,e je serre les dents !). Et au virage suivant, je la retrouve en ligne de mire, elle marche ! Et tiens, elle se retourne plusieurs fois pour vérifier que j’ai bien décroché. Oui, bon, elle a raison en même temps, c’est le jeu ma pauvre Sissi.
Et là, j’ai beau essayé de jouer avec elle, je sais d’avance que je vais perdre. Je n’ai plus les armes pour me battre. Ni l’envie d’ailleurs. Et je décroche assez vite. Je la vois s’envoler, sans rien pouvoir faire de plus.
Par contre, une question persiste : ce n’est pas l’australienne, c’est une japonaise (celle qui a terminé 3ème l’an dernier). Ça veut dire que, 1-Laurent a raté un truc en me disant que la 4ème était à 1h30, 2-L’australienne est encore probablement à mes trousses, et peut potentiellement encore me doubler …. bon, à suivre. Ça rageant de se faire doubler si près du but, mais rien de très grave non plus.
La montée me paraît bien longue, mais ouf, elle est un peu moins raide que certaines précédentes : pas de cordes, pas d’escalade, pas de rochers, pas besoin de faire de 4 pattes !
Par contre, les températures ont incroyablement chuté au fur et à mesure que je monte, et au sommet, il se met à neiger ! Mais non ! C’est quoi ce bordel ? Je suis limite de remettre mon pantalon Gore-Tex et mes gants, mais je me dis qu’en descendant, je vais probablement retrouver un peu de chaleur : « t’as qu’a te bouger les fesses ma vieille, t’auras plus chaud ! »
Plus envie de boire ni de manger. Je n’y arrive plus. Ça ne passe plus. J’espère que je ne vais pas faire un malaise en arrivant. J’arrête pas de penser à ça. Je crains vraiment cet « après ultra ». Ce moment où, quand tout s’arrête, ton corps accuse le coup et te fait payer tous les malheurs que tu lui as fait endurer ! On verra, j’ai prévenu Laurent que c’était une option envisageable ! :)))
Allez, tout schuss vers la descente ! Oups, je dois m’arrêter encore une fois, j’ai le ventre qui n’en finit pas de me faire des misères. Il est temps que ça s’arrête je crois. Et ce froid (maintenant neige), n’arrange rien.
Encore une fois, cette descente me paraît interminable, j’ai l’impression d’avoir chaque quadri qui saigne à l’intérieur quand je pose le pied … et les tibias très douloureux aussi. Sans parler des dessous de pieds qui brûlent … c’est plus raide que ce que j’avais imaginé ! Ah, une tête connue ici, le photographe de l’Équipe Mag ! Hello ! On échange quelques mots, il me suit pour prendre quelques clichés.
Puis j’aperçois le lac, je m’en rapproche. Je commence à sentir l’effervescence de l’arrivée. Sortie du single, mes pieds évoluent désormais sur le bitume. A priori, c’est bon, je suis à l’abri d’une entorse maintenant !
Un caméraman me suit, il me pose des questions en anglais, je tente de lui répondre, mais ça ne veut pas dire grand chose je crois. Et je n’ai pas trop envie de faire d’effort maintenant, désolée monsieur.
Allez, le bord du lac : reste à faire tout le tour, traverser le pont et la ligne est là. Mais c’est encore si loin ?? Un bénévole m’oriente avec son bâton rouge de circulation (ceux qu’ils nous ont brandis pendant 26h pour nous empêcher de passer quand le feu était rouge alors même que les rues étaient désertes !), il m’informe : « Two kilometers before finish line ! » Just ten minutes ! » Ouais, c’est ça, parce que tu crois que je vais pouvoir faire du 12 kilomètres heure avec les poteaux que j’ai à la place des jambes là ?
Et puis la vérité, c’est que pendant ces 2 derniers kilomètres bien calmes autour du lac, il fait toujours un temps pourri (j’ai fini par mettre la capuche), j’ai toujours très mal aux jambes, au ventre, et puis mon corps entier est devenu douleur en fait … mais qu’est ce que j’ai kiffé !! J’ai tout simplement profité. Savouré oui, mais savouré quoi ?
Difficile de mettre des mots sur des émotions et des ressentis; mais c’est tout simplement un sentiment d’accomplissement personnel, qui implique également tout un collectif (le team, les courageux qui m’ont suivie toute la nuit et à qui je dois beaucoup, Manu qui a dû passer une nuit blanche à s’inquiéter, les partenaires qui m’accompagnent au quotidien, les collègues chez i-run qui m’ont apportée un max d’encouragement avant la course, les copains, la famille et toutes les personnes qui me soutiennent …).
Ce que je ressens pendant ces 12/13 dernières minutes est euphorisant et émouvant, et je ne peux m’empêcher de tout extérioriser, la tête dans ma capuche, au moment où je traverse ce pont. Je n’ai même pas envie de me retenir. Je pleure et ça me fait du bien.
Pas d’exploit dans ce que je viens de faire. Non. Ma course est loin d’être parfaite. Juste la satisfaction d’y être arrivée, et de n’avoir rien lâché ! Et ça me rend heureuse, simplement.
Bon, à pleurer comme une madeleine, j’ai la gorge nouée et je commence à m’étouffer quand même ! Donc je sèche mes larmes et je tente de me calmer en prenant des grandes respirations (c’est marrant, ça me rappelle quand j’étais petite et que mes parents m’emmenaient courir. J’avais mal, j’aimais pas ça : je faisais des crises de larmes à m’en étouffer !)
Essaye de pleurer en courant. Tu vas voir, c’est pas ce qu’il y a de plus simple en fait ! :)))
Les copains du team sont là pour m’accueillir, ça me touche énormément ! Tous là, même Xavier qui a franchi la ligne d’arrivée en vainqueur il y a plus de 6 heures ! MERCI ! <3
La ligne d’arrivée est donc franchie en 26h10. Un résultat bien au delà de mes espérances, surtout dans ces conditions. Bon, je pensais être 3ème, mais Cathy m’apprend que je suis 4ème (bon, alors là, j’ai raté un truc, il va falloir m’expliquer !).
Peu importe, un TOP 5, une 30ème place au scratch sur 2500 participants, et une finishline comme celle-ci, ça me comble et le contrat est rempli !
Pour la petite anecdote, la météo a continué à se gâter après mon arrivée, et les sommets se sont remplis de neige ! L’organisation a été dans l’obligation de stopper les coureurs et d’arrêter la course à partir de 27h de course.
Ne permettant donc qu’à 91 coureurs de franchir cette ligne d’arrivée à Kawaguchiko. La Nature règne, et aura toujours le dessus ! L’Être Humain est si petit face à elle …
Fin du séjour à crapahuter dans les rues de Tokyo avec des jambes un peu beaucoup douloureuses ! :)) Et puis, j’ai soufflé mes bougies avant de retourner au pays quand même ! Je m’en souviendrai de cette 37ème bougie !
MERCI à tous pour ce beau cadeau ! <3
Sylvaine CUSSOT / Photos : Peignée Verticale / Antoine LEMAY
Les résultats de l’Ultra Trail du Mont FUJI 2019 : RÉSULTATS UTMF 2019
La vidéo de la course par Trail Endurance Mag :
La vidéo de la course par l’organisation :
La vidéo d’après-course :