La Saintélyon. Typiquement le genre de course où il faut mieux arriver bien préparer physiquement ET mentalement. Si tu veux prendre du plaisir, ne pas trop subir, ou même tout simplement, finir.
Une course de courageux !
Je me répète à dire que c’est une course de courageux : s’élancer pour 70/80km à minuit, dans le froid, et braver des conditions météos très souvent horribles … en fin d’année, à une période où t’as plus envie d’hiberner que de t’en remettre une dernière pour finir une saison déjà bien remplie. Et pourtant, 17 000 courageux au départ encore cette année !! Je trouve ça génial et admirable !
Pour cette 65ème édition, l’organisation nous gâte avec un parcours rallongé ! 81km et 2400mD+. Raison de plus pour prendre le départ avec une grosse envie … mais ça tombe bien, depuis ma première participation (en 2013), la Saintélyon m’a toujours faite envie ! Il y a quelque chose de particulier qui attire.
C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je repars pour une 6ème participation à la Saintélyon ! En ayant accrocher toutes les places du top 5 sauf la première (3ème en 2013, 2ème en 2014 et 2016, 4ème en 2017, et 5ème en 2015), c’est vrai que je commence à en avoir très envie de l’accrocher à mon palmarès celle-là … mais bon, avec le plateau annoncé au départ, j’avoue ne pas y croire cette année.
La saison a été très remplie cette année, avec beaucoup de dossards et beaucoup de longues courses, donc c’est un peu le point d’interrogation sur l’état de forme pour cette dernière de l’année à venir. Les dernières sorties étaient plutôt rassurantes, mais on le sait, sur ce genre de course, rien n’est écrit avant l’arrivée !
La gestion de l’attente !
Avec un départ à 23h30, la gestion d’avant-course n’est pas très commune sur la Saintélyon ! On se force à dormir, mais on n’y arrive pas. On hésite entre bien manger, mais pas trop quand même. On veut se couvrir, mais on a peur d’avoir chaud. On voudrait se reposer, mais on a peur de se ramollir … bon, bref, parfois, la meilleure solution, c’est de ne pas trop se poser de questions !! ;))
On prend la route en fin de matinée avec Manu, pour arriver à la Hall Tony Garnier, à Lyon, en début d’après midi. Un passage au salon pour retirer les dossards et faire le tour des stands, puis je retrouve Marion Delespierre et Cédric Fleureton pour la conférence de presse organisée par Julien, du pôle Santé Sport de Gerland. Un échange bien sympa sur le thème de la prépa mentale.
J’évite de trop m’attarder quand même au salon, et profite de la proposition de Thomas et Chloé de chez Isostar, qui me prêtent une de leur chambre à l’Ibis en face pour caler une sieste. Je tente de fermer les yeux de 18h30 à 19h30 … mais bof : pas sommeil du tout !! Je me force à rester au calme et prépare tranquillement mes affaires avant de retrouver Manu pour dîner. Riz/poulet : simple et efficace !
Cette année, il vivra la course différemment Manu. Non pas de l’intérieur, mais de l’extérieur, en suivant ma course avec Laurent, assistance de choc ! Frustrant pour lui, bien évidemment … mais c’est pour mieux revenir l’année prochaine ! 21h30/22h, on prend tranquillement la route de Saint-Étienne.
On ne rigole pas avec l’équipement !
Les températures n’ont jamais été aussi élevées sur une Saintélyon que cette année ! Presque 10 degrés au départ, c’est du jamais vu. Mais prudence, il risque de pleuvoir, et sur les hauteurs, avec le vent, je ne m’attends pas à avoir chaud … du coup, je ne change rien à mes habitudes vestimentaires : 3 couches en haut, collant, gants, bonnet et buff !
J’ai même ajouté des vestes GORE-TEX à l’assistance en cas de fortes pluies. Frontale NAO PETZL chargée à bloc, une seconde avec piles dans la ceinture au cas où, et une 3ème à l’assistance pour changer à mi-parcours. Gros questionnements sur le modèle de chaussures à enfiler … un modèle trail, c’est sûr, avec lequel ? Le terrain est annoncé très boueux, j’ai donc envie de miser sur une semelle qui accroche.
J’ai bien les Trabuco Pro, mais étant donné que c’est un proto test (elles arriveront sur le marché courant 2019 !!), ce n’est pas la bonne pointure. Un poil trop petite, mais j’ai envie de le tenter en retirant la semelle de propreté. Elles sont vraiment parfaitement adaptées à ce terrain ! Allez, tant pis, je prends le risque, en prévoyant une seconde paire pour changer au ravitaillement en cas de problème.
22h45 au Parc des Expositions de Saint-Étienne. Les coureurs attendent au chaud. On est tous impatients ! Excités d’en découdre, mais aussi un peu anxieux à la fois de constater que la pluie commence à sérieusement s’inviter à la fête … pas de panique, ça va bien se passer !! ;)))
TRAIL
Favorite de la #saintelyon , @SissiCussot se prépare pic.twitter.com/XFePqEMFC3— Le Progrès Sports Rhône (@LeProgresSport) 1 décembre 2018
Un départ toujours aussi féérique !
23h10/15, il est plus que temps de se rendre sur la ligne de départ !! Des milliers de frontales déjà allumées forment une belle chenille sagement installée devant le Parc des expos de Saint-Étienne. Je trouve une place dans mon porte-bidon pour la balise GPS que l’organisation me demande d’emporter, et je rejoins les coureurs au départ.
Ça y’est, nous y revoilà !! Pour la 6ème fois de suite, je vais avoir la chance de savourer un départ de Saintélyon !! J’adore ! Elle est magique cette ambiance nocturne … le speaker sait aussi très bien nous faire dresser les poils. Merci à lui de nous faire autant vibrer chaque année. Tous les favoris annoncés sont là.
Chez les femmes, je reconnais Claire Mougel (3ème aux mondiaux), Aline Coquard (3ème devant moi l’an dernier), Claire Bannwart (3ème de l’écoTrail de Paris cette année), les russes arrivées en force cette année (dont la vainqueur de l’Ultravasan 2018), Marie Dohin que je connais bien, et d’autres coureuses que je ne connais pas, mais qui galopent vite !! Caroline Chaverot, grande favorite, est forfait.
Perso, j’ai pronostiqué une victoire russe, et plus particulièrement d’Alexandra MOROZOVA. On verra demain matin !! En attendant, je suis motivée pour tout donner et prendre un maximum de plaisir sur cette dernière de l’année. Quand le speaker lance le compte à rebours, je pense à mon Papa (qui aurait tant aimé pouvoir être là ! #daddypower), à Manu (qui aurait tant aimé pouvoir la courir aussi !) et à Stéphane (mon DicDic qui ne vit pas les meilleurs moments de sa vie en ce moment … #saletédecrabe).
23h30, les fauves sont lâchés !!
Tout en gestion jusqu’à Saint Christo : 19km/600mD+ (1h40)
Oui, on le sait et on le répète : attention de ne pas s’emballer au départ !! Mais chaque fois, c’est la même, on se laisse embarquer et on part toujours trop vite ! Forcément, en partant avec les relais, ça n’aide pas. Premier kilo, 4’09. 2ème kilo, 4’26. Plat, sur bitume, aucune difficulté pour le moment, si ce n’est que de gérer l’allure pour ne pas le payer ensuite.
J’ai retrouvé Claire Mougel et son mari, Hervé, on fait un petit bout de chemin ensemble sur cette première partie. Les premières pentes arrivent aux alentours du km3, ça calme un peu les ardeurs. J’ai plutôt chaud que froid, mais je sais que ça ne va pas durer. Dès qu’on va arriver sur les hauteurs et s’enfoncer dans la nuit, la fraîcheur risque de nous saisir.
Tout va bien pour le moment, mais je sens que je ferais mieux de ne pas essayer de m’accrocher à Claire et aux autres féminines devant, et de rester à mon rythme. Je laisse donc filer, mais reste dans la foulée d’Aline Coquard, avec qui je suis souvent amenée à courir. 10ème kilomètre passé en 48’30, parfait ! On évolue sur un profil plutôt ascendant, avec quelques petites relances de temps en temps. Ça me va très bien !
Pour le moment, les écarts sont réduits entre les participants, on évolue les uns derrière les autres dans les singles, mais ça reste fluide ! Je ne regrette pas mon choix de chaussures sur les partie boueuse : ça accroche grave !! Par contre, je commence à sentir une gêne sous les gros orteil qui annonce un début d’ampoule … n’y pensons plus ! Le risque serait de focaliser l’attention sur ça et de s’entourer d’ondes négatives …
Cette première partie de course passe vite, on arrive au premier ravitaillement au bout d’1h40 de course. Saint Christo en Jarez, km19. Je pointe 7ème, toujours avec Aline. Les 3 coureuses russes sont devant, Laurent et Manu sont en place pour l’assistance.
On trouve son rythme jusqu’à Sainte Catherine : km32 / 970mD+
Pas de panique, je rassure Laurent et Manu : tout va bien, je me gère ! Pas évident de trouver le juste équilibre entre « ne pas partir trop vite » et « ne pas trop se laisser distancer ». Et puis il faut réussir à rentrer dans sa course. Le corps n’aime pas trop qu’on le brusque en pleine nuit, et ses réactions peuvent parfois être bizarres, avec des possibles maux de ventre ou maux de tête.
Après un ravitaillement express, je repars concentrée. Il pleut de plus en plus fort, ça commence à devenir inconfortable … ! Mais pour le moment, je n’ai pas si froid et je parviens à garder un bon tempo avec Aline et une autre coureuse que je ne connais pas. Je me force à boire régulièrement et à manger. Le froid et ces conditions humides nous font griller plus de calories que d’habitude.
Le terrain est de plus en plus humide et de plus en plus gras, on commence à chercher les appuis les plus sécurisés pour limiter la casse. Le second ravitaillement arrive finalement vite : 3h de course à Sainte-Catherine. 32ème kilomètre. Je change de frontale, mais je garde ma veste humide. Je le regrette assez vite … Toujours 8ème féminine au classement, mais les écarts ne sont pas non plus monstrueux. Rien n’est figé !
Sortie du ravitaillement, je réalise que je pars pour une longue portion en autonomie, puisque je ne reverrai Manu et Laurent qu’au km60. J’ai froid aux mains, et je commence à avoir très mal au ventre. Je sens qu’il va falloir serrer un peu les dents et faire le dos rond là ….
La gestion du coup de moins bien … puis le début de la remontée !
J’accuse clairement un bon coup de moins bien juste après Sainte-Catherine. Une sorte d’envie de vomir, les jambes en coton. Mais je sais que ça va passer. Il faut patienter dans ces moments là, ça passe toujours. Ce scénario se répète à chaque Sainté chez moi ! J’y crois encore, je ne lâcherai rien.
Le vent est saisissant, la pluie ne s’arrête plus. Je croise Greg avant d’arriver au point culminant, le Signal, il subit aussi le pauvre. Je partage avec lui mon sentiment du moment : « mais j’ai trop froid !!!! » Finalement, le vent frais sur un corps mouillé, c’est presque pire qu’un froid sec comme l’an dernier. Je commence à focaliser sur ma douleur au pied et à me demander si je pourrais faire encore 40 kilomètres avec cette ampoule. L’humidité n’arrangeant pas les choses ….
4h12 au km42. Malgré tout, je commence à retrouver du poil de la bête au niveau sensations de course ! Après deux pauses buisson pour soulager ces maux de ventre (oui, bon, je n’étais pas la seule dans ce cas là, croyez-moi !! ;)), j’ai le sentiment d’avoir retrouvé une foulée légère et dynamique.
La descente raide du Signal est terrible dans ces conditions !! Vigilance exigée ! En bas nous attend le 3ème point de ravitaillement. Dommage pour moi, Manu et Laurent n’y sont pas. Il va falloir pousser un peu plus loin pour enfiler une veste sèche et changer de chaussures … !
Saint Genou : km47/1460mD+, 4h40. Je ne traine vraiment pas ici, d’autant que mon bidon n’est pas vide et que je me sens bien mieux que tout à l’heure. Seul bémol, cette ampoule au pied qui commence à me faire boiter ! Bon après, c’est quand même grâce à cette semelle en super « grip » que j’accroche bien dans la boue ! Mais vivement que je change de chaussures pour en enfiler une à ma taille … !
Une seule chose en tête : retrouver mon assistance à Soucieu !!
En sortant de Saint Genou, je croise Philippe Propage qui m’encourage et me remonte le moral : c’est super Sissi, t’es bien là ! » Il ravitaille Claire, donc je me dis qu’elle n’est peut être pas si loin devant ? À ce moment là, je suis un peu perdue dans les classements et je ne sais pas bien si je suis 6, 7 ou 8ème. Donc, dans le doute, je me dis : « ne te pose pas de question et fais le max ! On fera le point au prochain ravito ! »
Ce prochain ravito, qu’il s’est fait attendre !! Je ne pensais qu’à ça : me mettre au sec (j’ai vraiment vraiment froid !), et changer de chaussures (ne jamais courir 80 bornes avec un modèle trop petit !). J’essaye de me mettre dans ma bulle et avancer sans trop réfléchir. Le plus vite possible. Mais voilà, les conditions deviennent vraiment exécrables, avec notamment un brouillard qui devient extrêmement gênant !
Essaye de courir dans la nuit, à la frontale, avec un brouillard épais : tu ne vois rien !!! On voit à peine ses pieds, c’est véridique ! On a l’impression d’avancer à l’aveugle, sans trop savoir si on ne va pas se prendre un arbre , ou rater une bifurcation … d’ailleurs, on en a plusieurs raté une, nous obligeant à revenir sur nos pas ! Ambiance film d’horreur … j’attends les gars derrière pour se repérer à plusieurs (l’union fait la force !). Compliqué … et ça dure un moment l’histoire.
Forcément, le rythme est ralenti, alors que le terrain permettrait d’envoyer. C’est frustrant mais je me dis que ça doit être pour tout le monde pareil. Un coureur se greffe à d’autres parce que sa frontale ne fonctionne pas. Le pauvre ! On fait un bout de chemin ensemble.
Non sans mal et sans souffrances, j’arrive ENFIN à Soucieu-en-Jarrest, prochain ravitaillement (km61), 1h34 après Saint-Genou. 6h14 de course. Trop soulagée de retrouver Manu, Laurent, Maxou et les gars d’Alabama ! La surprise en les retrouvant : « Sissi, t’es 4ème !! » Mais non ? Ahhh mais cool !! Bon ben allez, vite, vite, on se dépêche, il faut que j’aille chercher cette place sur les podiums les gars !
Les 20 derniers kilomètres : ne rien lâcher !
Je sais qu’une autre féminine me talonne, mais j’apprends aussi, par un autre coureur qui repart avec moi, que la 3ème n’est pas si loin devant (bon en fait, elle était 7 minutes devant quand même ! lol).
Quel bonheur de retrouver des pieds qui respirent … !! :)))) J’ai repris une frontale, mais manque de bol, Laurent s’est trompé, elle commence déjà à montrer signaux de faiblesse ! Grrrrr ! Je la mets en mode économie. J’en enfilé une veste supplémentaire. Il pleut toujours. En discontinue depuis le départ … c’est usant !
On repart avec Guillaume, un très sympathique coureur avec qui j’avais d’ailleurs fait un bout de chemin à la TDS !! Trop marrant de se retrouver ici ! Il me motive, m’encourage, et me booste pour tenter d’aller chercher cette 3ème place ! Au top Guillaume, merci. On est bien décidé à ne rien lâcher. 4’56, 4’52, 4’27, on est déterminé Guillaume, mais ‘tention, faut tenir 20 kilomètres encore ..!
Je laisse partir un peu et ralentis un peu la cadence. Sans pour autant lâcher l’affaire !! ;)) Et ça aura payé, puisqu’en arrivant au dernier ravitaillement, à Chaponost, km70, je la retrouve. Je ne la connais pas, elle s’appelle Chrystelle Lambert et elle aurait fait quasiment les 3/4 de la course aux avants postes.
Encore un ravito express, je repars avant elle, et me voilà donc 3ème ! 7h03 de course. Reste 11km, plus question ne lâcher maintenant, il faut tenter de garder cette place sur le podium ! La forme est là, les jambes comment à être dures et les pieds à me faire vraiment souffrir, mais je suis bien décidée à serrer les dents jusqu’au bout en espérant que personne ne remonte et m’oblige à devoir jouer un sprint à 1km de l’arrivée …
Guillaume est dans mon tempo, je ne le lâche pas d’une semelle. Pressée que le jour se lève, ma frontale commence à être vraiment faiblarde !! Je commence à la connaître cette fin de parcours, avec ces petites difficultés ici ou là … quelques légères variantes par rapport à l’an dernier, mais je visualise bien les derniers kilomètres, ce qui me permet de mieux digérer cette dernière heure de course.
Quelques passages bien boueux encore, les ruelles éclairées par les lampadaires du petit matin, on double pas mal de randonneurs qui nous encouragent (merci !!), il fait encore nuit. Allez, allez, ça commence à sentir bon la fin et personne dans mon viseur (ouais, j’avoue,je me suis quand même retournée 2 ou 3 fois ! ;))).
Les lumières de Lyon en visu !! Reste à descendre sur les quais, remonter sur le pont, le traverser, … on s’approche du but ! De plus en plus de monde, la circulation, le jour se lève doucement, mais la frontale est encore utile. Moins de 2km. On serre les dents, on y est ! 1km, je suis accompagnée d’un caméraman en moto, il ne me lâche pas, mais tant pis, je grimace quand même !! ;))
Virage à gauche, virage à droite, dernière ligne droite avant d’entrée dans la hall !! Pas de sprint cette année, ouf … ! Mais une fin bien rythmée, qui prouve que sur la Saintélyon, rien n’est vraiment joué avant l’arrivée, et qu’il ne faut jamais rien lâcher. Je franchis la ligne en 8h12, 3ème féminine, 60ème au scratch, à 17 minutes de la victoire.
Rien à regretter, elles étaient plus fortes devant. J’ai fait au mieux pour assurer une place sur le podium cette année encore et je suis pleinement satisfaite de ce résultat et du déroulement, après cette saison bien remplie qui s’est écoulée ! Un grand énorme merci à mes assistants de choc et à tous les encouragements ou messages de félicitations que j’ai pu recevoir ici ou là !! merci merci !!
RDV l’année prochaine ? ;))
Par Sylvaine CUSSOT
Résultats SAINTÉLYON 2018 : RÉSULTATS SAINTÉLYON 2018
La vidéo officielle de l’évènement :