De retour de l’île de la Réunion, Maria Semerjian, ambassadrice i-run et ultra-traileuse nous raconte son Grand Raid ! Une course très exigeante de 170km/10 000mD+ qu’elle termine en 36h16, 9ème féminine.
« Participer à un ultra c’est pas mal d’entraînement évidemment, mais c’est aussi une bonne dose d’organisation matérielle ! Et ce d’autant plus que tu cours à quelques milliers de kilomètres de ton sweet home.
Pour des raisons surtout professionnelles, j’ai pris l’avion au dernier moment. Total, j’ai récupéré le dossard mercredi à 18 h, ça failli être trop court ! Mais au moins bosser jusqu’au dernier moment et arriver sur le fil permettent de ne pas se faire submerger par la pression ambiante.
Par contre le jeudi, cette fameuse pression te rattrape forcément un peu ! Mais là encore, j’avais pas mal anticipé et mes 3 sacs de base de vie sont vite prêts. Cette journée s’écoule lentement entre absorption glucidique et tentative de sieste ! On attend à l’appart, chez de la famille, dans la voiture et puis enfin on décide de rejoindre l’arène de départ…
Là par contre, c’est un moment de vraie tension négative.
J’avais bien mes 2 bracelets, sésame pour le sas élite mais pour rester avec Brunilde et Alexis, j’ai renoncé à ce « privilège »… ouf, c’est rude, un vrai moment de stress négatif : la cohue pour entrer dans la zone de dépose des sacs de bases de vie, le contrôle du sac de course, l’attente assis, puis debout serrés comme des sardines, l’avancée dans la bousculade jusqu’à l’arche de départ en se tenant les uns aux autres pour ne pas se perdre, l’attente encore un peu et puis le troupeau est enfin lancé.
Objectif : se faufiler sans se brûler les ailes, remonter le plus possible le peloton sans se perdre de vue avec Brunilde pour éviter au maximum les bouchons à venir lorsque le chemin se rétrécira… le tout encouragées par une foule super dense pendant 15 km.
En fait, jusqu’à Mare à boue (49e kilomètre de course), c’est ce qu’on a fait : courir en binôme, en prenant de temps en temps des relais, en veillant l’une sur l’autre, en s’aidant dans les petites choses de la course, se tenir le sac, se partager les tâches aux ravitos… donc, on arrive sans casse sur la plaine de Mare à Boue. 49 km très roulants, sans difficulté technique particulière, bouclés en moins de 8 h. Bon, c’est pas le tout, mais c’est quand que ça commence vraiment ?!!
Et bien, là justement… on a rangé les frontales, avalé notre premier bol de vermicelles et on attaque la première vraie difficulté : la montée vers Kerveguen. Là ça ressemble à quelque chose ! De la boue, des racines, des marches, la vitesse qui chute vertigineusement.
Brunilde est dans son élément, je m’accroche au mieux.
On est toujours bien sur notre prévisionnel. Cilaos est en ligne de mire, on entend déjà la sono mais LA descente sur le village est réputée très scabreuse. Effectivement, elle est bien à la hauteur de sa réputation, parfaite pour casser de la fibre ! Je suis bien contente de m’être calée quelques séances de marches et de muscu spécifique avant de venir !
Il y a bien quelques escaliers métalliques mais les marches sont immenses même pour Brunilde ! Alors pour moi c’est un saut à chaque fois ! Mes quadriceps résistent bien mais je sens ma coéquipière fléchir, des maux de tête la font terriblement souffrir. Elle prend sur elle, mais c’est dur… on décide de rester ensemble jusqu’à la base de vie, pas question de la laisser en galère sur le dernier tronçon…
Mais nos routes vont malheureusement se séparer sur le stade de Cilaos.
Pendant qu’elle passe au poste de secours, j’essaie de perdre le moins de temps possible pour me changer, refaire le plein de gourdes, avaler encore du vermicelle et repartir tristement seule… dommage, notre duo était bien lancé.
Il n’est que 9 h du matin, mais il fait déjà bien chaud dans la cuvette de Cilaos et s’annonce la longue montée vers le Taibit. Je prends soin de bien me mouiller, de boire et d’avancer petit pas par petit pas… mais c’est long ! C’est beau mais c’est long… enfin au col, on bascule dans le cirque de Mafate et le ravito de Marla.
En 2009, j’avais traversé le cirque entièrement de nuit, sans profiter des beautés de cette superbe nature. Au moins cette année j’ai tout le plaisir de traverser en plein jour cet inventaire à la Prévert : ilet Malheur, îlet à bourse, sentier scout, col des boeufs, Grand place… à chaque fois, l’accueil est fervent et chaleureux.
Je m’instaure une routine pour gérer au mieux mon avancée : je m’assoie le temps d’avaler 2 bols de vermicelles, de refaire le plein de ma flasque moitié eau moitié cola (ma boisson énergétique traditionnelle me manque pas mal, mais c’était compliqué sans assistance, alors je fais avec les moyens du bord) et de repartir. Je suis toujours sur mes prévisions mais je n’ai pas trop de marge.
J’ai doublé une concurrente mal en point et je pointe à la 9e place.
Mon suivi personnel m’annonce régulièrement la 8e potentiellement rattrapable mais patience !
La fin de la journée approche et la 2e grosse difficulté, la montée du Maido également ! Mais rien n’est direct pour atteindre ce Graal ! Il faut d’abord descendre droit dans la pente par un chemin improbable à la rivière aux galets, la traverser et évidemment remonter de l’autre côté à Roche plate (mais c’est une montée à la réunionnaise : effectivement tu reprends 600 m de déniv mais entre temps tu en perds 3×200 ! En 2009, ça m’avait rendue chèvre… mais là, je réajuste ma frontale et prends mon mal en patience!).
Mes gourdes de semoule et de crème soja ont tourné et fermenté ! Non seulement ce n’est vraiment pas bon mais en plus j’ai peur de me vriller l’estomac. Je quémande des bananes pour attaquer le Maido, faudra bien faire avec ce peu. Au programme, 1000 m de D+ quasiment sans coup fourré.
C’est parfois très raide mais ça monte régulièrement. Je croise pas mal de marcheurs qui en descendant m’encouragent, ça fait du bien de ne pas être trop seule dans la nuit. Et puis, il y a les petites frontales au sommet qui font un phare, l’objectif se rapproche doucement mais finalement assez sûrement.
Je sors au Maido en 24h17.
Il y a foule au sommet, les assistants attendent leur poulain mais le ravito officiel est 2 km plus bas et personne ne m’attend, sniff !
Bon, sur le profil, le plus gros du déniv est fait, il reste une longue descente de 13 km qui nous mène à la 2e base de vie de Sans Souci. Ravito le plus express possible, chaussures neuves, teeshirt officiel et ça repart. Je n’ai pas sommeil, je n’ai pas de douleur particulière mais c’est loin d’être terminé.
Et même que ça va devenir long, mais long et inintéressant… on va passer de ravine en ravine en remontant par des chemins moches, parfois très raides et en descendant sur des parties scabreuses en se tenant aux branches et en faisant des acrobaties sur les rochers…
là dessus, se greffe la pluie, qui rend les pavés volcaniques du fameux Chemin des Anglais glissants comme dans une patinoire. Impossible d’aller trop vite sous peine de sanction immédiate. Et les minutes s’égrènent inexorablement….
Un dernier bol de vermicelles à la Grande Chaloupe et je me dis que ça commence à sentir bon… en fait pas du tout ! Du tout ! Après les rochers glissants, on a droit à la boue infernale. Remonter au Colorado à 4 pattes, ça prend un temps fou et ça me tape sur les nerfs… je n’ai plus d’indications GPS, mon profil s’est effacé, chaque bénévole me donne sa version de la route qu’il reste à parcourir…
je m’énerve un peu, j’appelle Alexis, qui vient brillamment de finir, pour qu’il me donne des indications objectives… Ok, c’est moins pire que ce que je pensais, alors je serre les dents et je retrouve les bénévoles du Colorado. Bon voilà, une heure à patiner dans la boue et les racines et c’est bon.
Il fait une chaleur accablante, mon chrono est en berne, faut juste finir sans se briser le cou… je foule la piste du stade de la Redoute tant attendu à 10h16, soit 36h16 de course, un peu trop à mon goût mais j’apprécie tout de même cette arrivée, tellement en meilleur état qu’il y a 9 ans.
Je n’espérais vraiment pas le top 10 mais devant, la course a fait des dégâts, Nathalie Mauclair et Emilie Lecomte n’ont pas pu aller au bout. Par contre, la 8e n’a pas craqué et je n’ai jamais pu la rejoindre. Ce sera donc une 4e place chez les M1 et puis grâce à la superbe perf d’Audrey Tanguy (2e exaequo avec Juliette Blanchet), je vais même avoir droit au trophée de la meilleure équipe avec les Expérun-Globetraileurs.
J’ai enchaîné sur 2 jours de récup bien passive puis on a refait les sacs à dos (des 30 l !) et on s’est offert 5 jours de bonnes balades à travers les cirques et le Piton des Neiges, pour prendre le temps de contempler cette nature époustouflante. »
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