L’UTMB était dans le viseur pour 2018.
Après une première participation à l’évènement en 2014, et une 4ème place inattendue sur la CCC, j’avais très envie de revenir sur les sentiers du Mont-Blanc !
L’attrait de la découverte, du sauvage et de la difficulté
i-Run étant partenaire de l’évènement depuis 2013, j’ai la chance de pouvoir vivre l’évènement chaque année. Oui, mais le vivre en tant que coureur, c’est encore autre chose ! Trop tôt pour me lancer sur le tour complet. Et puis de toute façon, je n’ai pas les points. Alors CCC ou TDS ?
Tant qu’à faire, autant découvrir un nouveau parcours ! La CCC ? elle est déjà cochée. Et la TDS est réputée plus sauvage, plus intimiste, plus technique … et plus difficile ! On aime les défis et les confrontations avec nos limites, alors sortons de notre zone de confort et allons nous tester sur ces pentes raides de ce TRAIL DES DUCS DE SAVOIE !
Bien-sûr, avec sa technicité et ses dénivelés conséquents, ce n’est pas la course qui colle le plus à nos habitudes ni à nos « spécificités », mais se tester sur des parcours très alpins comme celui-ci nous fait envie. Et puis rien n’est impossible quand on est bien préparé, pas vrai ? Ça tombe bien, parce qu’on est motivé à préparer correctement ce prochain objectif estival !
Une préparation sérieuse, mais perturbée par quelques petits bobos
Pas de secret, pour réussir et tenir la distance, il va falloir aller faire des bornes en montagne ! Grimper, descendre, balader, et tenter au maximum d’aller en altitude. C’est l’un de mes points faibles l’altitude … j’ai toujours un peu de mal quand on arrive au dessus de 2000m et je subis pendant l’effort.
En ayant terminé le MIUT fin avril, je sais que je peux tenir les 20h, et surtout c’était une belle première expérience pour apprendre à gérer l’effort de longue durée. Une règle d’or : ne pas partir trop vite ! J’avais fait l’erreur à Madère et je l’avais payé dès le début de course. À ne surtout pas reproduire donc ….
Juillet/août, on parvient à caser deux bons blocs d’entrainements pour aller reconnaître quelques portions du parcours. Entre le week-end à l’occasion du RUN IN TOUR et le Trail EDF CENIS TOUR intercalé entre deux blocs de prépa, on devrait être prêts pour affronter les principales difficultés qui nous attendent sur cette TDS.
Bon, j’ai été bien embêtée 15 jours/3 semaines par un bel hématome et une grosse pizza sur la cuisse suite à une chute à vélo en juillet. Mais globalement, j’ai tout de même réussi à bricoler avec ça. Ce qui m’aura le plus gênée dans cette préparation, c’est cette satanée aponévrosite plantaire dont je n’arrive pas à me défaire depuis début d’année.
Entre soins kiné, massages diverses, glace, argile, Compex ou encore Life+ … j’arrive à ne pas faire empirer la douleur, qui est supportable au quotidien, mais insupportable au lendemain des sorties longues et au delà d’un certain temps de course. L’IRM détecte bien une tendinite, mais pas d’épine, ni de lésions osseuses qui impliqueraient une interdiction totale de prendre le départ.
Reste donc à pouvoir serrer les dents pour tenir la distance le jour J …
Les incertitudes en cette veille de course
Arrivés sur Chamonix la veille, le mardi 28 août avec Manu, nous retrouvons Cathy et Laurent Ardito pour le déjeuner au chalet, avant de filer au retrait des dossards comme prévu.
Mais avant, un rapide passage au salon pour voir les collègues et jouer le jeu d’une petite session télévisée « téléachat » ! ;)) (vidéo ci dessous).
Un détour également vers le chalet du team Salomon pour une rencontre avec l’une des grandes favorites de cet UTMB 2018, Mimmi Kotka, qui nous consacre un peu de son temps pour une vidéo d’avant course (à venir !), ainsi que Thibaut Baronian, au départ de l’OCC malgré ses petits bobos.
Retour en fin de journée au chalet pour le dîner et la préparation du matériel avec Laurent. Bonne nouvelle, on va pouvoir dormir une heure de plus, le départ a été décalé à 8h au lieu de 6.
Mais la mauvaise, c’est que ce changement de dernière minute est dû à de grosses perturbations climatiques annoncées demain, qui vont donc amener l’organisation à modifier légèrement le parcours. Pas de passage au Passeur de Pralognan, très engagé et trop risqué en cas d’orages. Ça devrait nous donner un parcours raboté à 7000m, mais avec plus de kilomètres au compteur. À voir !
Dans tous les cas, je ne me pose plus de questions sur la tenue à enfiler au départ. Je me suis déjà faite avoir deux fois cette année en partant trop légère (au MIUT et à l’Eco-Trail de Paris ) donc cette fois-ci, je ne prends pas le risque : ça sera collant long/ manches longues !
L’expérience m’a prouvée qu’il fallait mieux avoir un peu chaud que mourir de froid sur ce genre de courses … et étant données les conditions annoncées, il y a peu de chance qu’on meurt de chaud sur les sommets humides là haut. Et puis en plus, ça m’évitera de devoir les porter dans le Camelbak, puisque ce sont des choses qui font partie du matériel obligatoire.
Avec seulement deux points d’assistance autorisée sur l’ensemble du parcours, ça limite un peu la logistique d’avant course et ce n’est pas plus mal. Je prépare donc deux sacs à Laurent Ardito, qui se chargera de mon assistance, avec de quoi refaire le plein de barres Isostar, de boisson énergétique et des affaires de rechange si besoin.
Bourg Saint Maurice (km51) et Les Contamines (100ème km) seront les deux uniques occasions d’avoir une aide extérieure. Il va falloir en profiter et prendre le temps de ne rien oublier !
22h30, au dodo ! Bien sûr, impossible de dormir … et quand le réveil sonne (enfin non, il ne sonne même pas, puisqu’on se lève avant !), j’ai le sentiment de ne pas avoir du tout dormi ! Il est 5h45, le petit déjeuner sera donc léger et la préparation avant le décollage vers le départ, à 6h20, un peu speed !
Jour J : de quoi nous donner le smile au départ !
J’ai la tête un peu farcie avec cette nuit blanche en partant du chalet direction Courmayeur. Tout le monde en place dans la voiture, Laurent fait le point : « vous avez tout ? Sac, montre, chaussures, matériel obligatoire, dossard … »
Oups !!! Non, j’ai oublié mon dossard ! Il est resté dans la chambre … Merci Lolo, tu m’as sauvée ma course ! Ça commence bien … aller/retour en 2 secondes et la voiture redémarre (#gaston).
Cathy Ardito et Laurent Brière (qui fera les photos) nous accompagnent, merci à eux pour le soutien ! Grand soleil en Italie, et pas un seul nuage à l’horizon. En effet, c’est tentant d’enfiler le short et le débardeur … mais non, je ne changerai pas mon plans ! ;))
On dérouille un peu les jambes avec Manu avant le départ. Mais alors vraiment histoire de ! Attend, on a le temps de chauffer la machine en 124km !
Et puis le moment de se faufiler sur la ligne de départ est très vite arrivé. Un bisou à toute l’équipe et on se range sagement avec les 1600 autres participants de cette TDS. On retrouve alors quelques têtes connues et tous les favoris annoncés, bien concentrés !
En mode « attente » jusqu’au Col Chavannes
La première partie du parcours, nous l’avions reconnu avec Manu. Je sais que cette première ascension est longue, et surtout, qu’il faut mieux que je la gère tranquille si je ne veux pas le payer derrière. Catherine Poletti fait son speech qui fait réaliser (ci ce n’était pas déjà fait), que le chemin ne va pas être un long fleuve tranquille ….
J’aperçois Ludo Collet, qui vit l’évènement en symbiose avec les coureurs. Il est génial ! Et tous les spectateurs, à fois anxieux pour leurs proches qui vont s’élancer, et enthousiastes de faire partie de cette belle aventure, et de voir se concrétiser probablement un projet commun. On se serre fort la main avec Manu. Un regard, un bisou, on se comprend sans se parler. Puis le décompte est lancé, les chronos s’enclenchent et les foulées s’allongent : go !
Premier kilomètre un peu porté par l’ambiance, dans les rues de Courmayeur, 4’14. Idem pour le 2ème kilomètre, mais je commence à trouver un peloton moins énervé pour baisser un peu de régime. 4’45. Et puis voilà, nous quittons le centre de Courmayeur pour s’engager vers la première ascension.
J’aperçois Audrey Bassac et Marion Delespierre devant. Mégan Kimmel vient de passer comme un boulet de canon. Interdiction de commencer à penser au classement maintenant, la route est longue, l’ultra est une histoire de patience … un coucou à Laurent et Cathy sur le bord du sentier, puis Lolo qui fait des photos !
Tous les coureurs ont sorti les bâtons et sont passés en marche active, mais je garde ma méthode « course à petites foulées », comme je l’avais prévu, sans me soucier des autres. On est parti pour presque 12km de grimpette et 1200mD+ jusqu’à Chavannes ! J’arrive au niveau de Marion, on échange quelques mots. Elle prend les devants, je la laisse filer pour ne pas calquer sur un rythme qui ne serait pas le mien.
Je me sens bien, mais je suis morte de chaud et je transpire beaucoup ! J’essaye donc de bien boire pour compenser. Ça ne parle pas beaucoup dans le peloton, on sent la concentration sur le visage de chaque coureur, à l’écoute de ses sensations. Col Checrouit/Maison Veille, déjà presque 1h depuis le départ. Je file sans remplir, le prochain ravito n’est pas loin.
Le sentier se rétrécit, on passe les uns derrière les autres, pour évoluer vers un superbe single jusqu’à l’Arête du Mont Favre. Je fais un bout de course avec Benoît Carlin, que je croise sur pas mal d’autres courses, il semble en forme, on échange un peu, il prend une photo ! ;)))
Je me sens bien, je gère mon effort, redoute le passage au dessus de 2000 et m’attends à subir de plein fouet l’altitude … mais non ! Au point culminant de cette première ascension, à l’arête du Mont Favre, 2400m, les voyants sont au vert ! 1h45 de course. Je la joue prudence dans la descente qui suit vers Lac Combal. S’agit pas de se péter les cuisses d’entrée de jeu.
Plusieurs féminines m’ont doublée, je pense être vraiment loin dans les classements (17ème féminine), mais peu importe, je n’ai pas dit mon dernier mot !! ;)) Pas mal d’encouragements à Combal, ça fait du bien ! Merci ! 2h12 de course, mais j’ai l’impression d’être partie il y a à peine 30′. C’est bon signe !
Le soleil continue de nous chauffer le bout du nez dans l’ascension qui suit, vers Col Chavannes. Pas reconnu cette montée, mais pour l’avoir aperçu au loin, je sais qu’elle pique ! 5km / 600mD+. Ça va se faire mains sur les cuisses ! J’essaye d’alterner petites courses quand la pente le permet, mais celle-ci, il faut la gérer aussi.
Elle passe très bien, j’arrive au col en forme, prête à relancer pour la longue descente qui suit, et que je connais bien pour l’avoir faite avec Manu. 3h07 de course, 20,5km.
Tout Schuss vers le Petit Saint Bernard, puis Bourg Saint Maurice !
Interdiction de laisser trop d’influx dans cette descente. Pour en avoir parlé avec des coureurs d’anciennes éditions de la TDS, si tu lâches trop les chevaux ici, tu risques de laisser des plumes pour la seconde partie du parcours.
On démarre la descente en papotant avec d’autres coureurs, à allure modérée mais en déroulant tout de même. C’est sympa de pouvoir échanger sur nos ressentis respectifs !
Mais au bout d’un moment, je regarde ma montre et je réalise qu’on devrait peut être quand même ne pas se laisser aller à une balade de santé ! ahah ! Je passe la seconde, tout en restant vigilante à l’environnement : mes flasques sont vides et je sais qu’il y a un torrent qui coule et qui permet de remplir.
Bingo, un peu plus loin, je peux faire le plein et me rafraîchir en même temps. Parfait !
3h58 en bas. 50′ pour faire ces 10km de descente, soit 12 à l’heure, c’était l’allure à laquelle j’avais envisagé boucler cette portion, je suis rassurée, les sensations restent bonnes.
Seul bémol, mon pied droit qui commence à m’envoyer des coups de couteau à cause de cette aponévrosite plantaire, qui se réveille souvent violemment au bout de 3/4h de course avec les changements de dénivelé. Il va falloir composer avec cette douleur toute la course … pas le choix.
Descente raide, traversée de rivière sur la passerelle et nous voici repartis pour 6km de montée vers Le Petit Saint Bernard. Mal au ventre, une petite pause s’impose, et comme d’habitude, après cette première « vidange », je repars au taquet, avec la sensation de légèreté ! Forcément ! ;))
Top encouragements ici aussi, ça donne des ailes. J’ai doublé 2/3 féminines sur cette portion, je pointe au Petit Saint Bernard, 14ème, en 4h55.
Manu est là, il décide de mettre le cligno. Comme moi, son pied le fait souffrir. dégoûtée pour lui ! On essaye de s’apporter mutuellement des ondes positives, dur de le voir jeter l’éponge ici. Cathy et Laurent sont là aussi, ils me donnent les écarts et me rassurent. J’aperçois Greg, Nico et d’autres amis à eux lyonnais, ils m’encouragent. Merci les gars !
Le temps se gâte sérieusement. Ça vente de plus en plus, le ciel s’assombrit, et dans la descente vers Bourg Saint Maurice, j’aperçois au loin un ciel noir de chez noir !! Ça sent la grosse saucée à venir …. à peine le temps d’y penser, les premières gouttes tombent, puis la douche !! Ok, ça ne sert à rien d’attendre : je m’arrête, je sors la veste et l’enfile par dessus le Camelbak.
Je repars, mais finalement, mauvaise formule : je me ré-arrête, re-enlève la veste, le sac et choisis l’autre option : sac par dessus la veste. J’en profite pour mettre le buff sur la tête, la capuche et zou, me voilà parfaitement protégée !
Et alors là, je ne regrette pas mon collant long ! Surtout quand je prends une méga gauffre et m’étale de tout mon corps au sol. Magnifique Sissi !! La chute sur le plat, j’adore ! Pas de gros bobos, ouf ! Grand merci aux gars qui se sont souciés de moi en étant spectateurs de cette première figure de style !
De la régalade jusqu’à Bourg Saint Maurice ! Je m’éclate vraiment sur cette partie du parcours, qui permet d’allonger la foulée et de se faire bien plaisir. Du coup, je reprends encore deux féminines ici, passant 12è à Bourg. 6h20 de course, 51km.
L’interminable route qui mène jusqu’au Cormet de Roselend
À Bourg Saint Maurice, je retrouve mon assistance. Ça fait un bien fou !! Pas de blague ici, il faut prendre son temps, et Laurent me le fait gentiment comprendre en m’ordonnant de m’assoir ! lol ! Ok Laurent, next !
Une fois dans les « boxs », on fait le point : « est ce que tu veux changer de chaussures ? » NON ! « Est ce que tu veux changer de tee-shirt ? » NON ! Je veux juste bien une veste sèche, des chaussettes sèches et ma musique !
Laurent est au top. Il s’occupe bien de moi, me rassure, me conseille, … il a les bons mots ! On se regarde avec Manu (qui ne peut pas venir dans la zone, c’est le règlement …!), on se comprend.
J’aperçois Marion, avec son assistance aussi, elle n’a pas l’air au top. Elle repart avant moi. Pas besoin de trainer plus, après avoir fait le plein de choses à boire et à manger, je repars.
Contrôle du matériel obligatoire à la sortie. Grrrrr je venais de tout bien caler dans mon sac ! Dégoûtée. Mais c’est la règle. Allez, c’est tout bon, GO ! Je rattrape Marion assez vite, dans la montée qui suit. Elle a vraiment petite mine, je prends de ses nouvelles et essaye de la remotiver comme je peux avant de prendre les devants. Pauvre bichette. J’espère que va retrouver une seconde vie plus tard!
Sans bâtons, j’appuie mains sur les cuisses, en essayant de garder la foulée dynamique et légère. Mon pied est toujours super douloureux, mais depuis 8 mois que je traine ça, j’ai presque appris à « supporter » cette douleur. Sauf que sur des distances aussi longues, le risque, c’est de compenser. Et en ayant mal au pied droit, je commence à ressentir des gênes à gauche : au niveau de l’aine, et des brûlures sur le pied gauche, qui ressemblent fortement à des débuts d’ampoule. Je n’aime pas !!
J’ai enclenché mon MP3, la musique me donne la patate ! Je suis dans une bonne dynamique au niveau énergie, et je remonte doucement le classement en doublant pas mal de coureurs. Ça motive ! On est dans la partie du parcours qui a été modifiée, la bifurcation qui nous évite de grimper au Pralognan.
En sous-bois, c’est vraiment agréable, et j’ai la surprise de voir mon frère Louis, ses grands parents et la sœur de ma belle maman, sur le parcours ! Top d’avoir leur soutien ici, ça me fait super plaisir ! Nous voilà sortis du sentier pour quelques kilomètres de bitume. Aie aie aie mon aponévrose !!
Un crochet vers les Chapieux où je retrouve Manu avec les Laurent et Cathy, ils me reboostent encore et toujours, en me prévenant que je ne les reverrai maintenant qu’aux Contamines (km100)… Wouaaah mais c’est dans longtemps ça ! (Je me refais le parcours dans ma tête et me prépare donc psychologiquement à passer de longues heures toute seule dans la montagne …!).
Que c’est looooong jusqu’au Cormet de Roselend, sur cette route qui n’en finit pas de m’envoyer des coups de couteaux sous le talon ! Et cette douleur en haut de la cuisse, à chaque levée de jambe gauche, qui se fait de plus en plus forte … là j’avoue, en constatant tout ça au km70 à Cormet, je me demande bien comment je vais pouvoir faire 50 bornes de plus dans cet état … !
Le ciel est gris, menaçant, mais l’orage nous a laissés tranquille, et ça, c’est quand même une chance !
Je pointe 11ème au Cormet de Roselend (mais j’ai aperçu une japonaise repartir quand j’arrivais), un peu plus de 9h30 de course, km70. La moitié quoi …. parce qu’en terme de dénivelé et de difficultés, il reste encore quelques gros morceaux, et je les ai bien en tête !
Bref, le plus dur reste à faire, même si j’essaye de ne pas me l’avouer. En tout cas, le speaker m’informe avec beaucoup d’enthousiasme : « vous êtes la 100ème concurrente ! » Ouais ! J’ai gagné un cadeau ? ;))
Alors que s’invitent la grêle, et la nuit ….!
Pause rapide à Cormet, mais je prends le temps de faire le plein correctement, je sais que la route est longue jusqu’au Col du Joly. Pas de ravito avant ça. Les écarts commencent à sérieusement se creuser entre les coureurs, je fais désormais route seule. L’atmosphère n’est pas très joyeuse ici, avec un ciel gris et la fraîcheur qui arrive.
Je sens que je vais entrer dans une phase plus difficile, alors j’essaye de m’entourer de choses positives, qui pourraient me faire oublier toutes ces petites douleurs. Je pense à un ami qui se reconnaîtra, et qui se bat actuellement contre cet saleté de crabe … je pense à Manu qui a abandonné et qui doit se faire du souci pour moi.
Je pense à mes proches et toutes les gentils mots d’encouragement que j’ai reçu avant la course. Je pense aux autres coureurs qui doivent en baver tout comme moi ! Et au pourquoi nous sommes là … ben justement, pour connaître ces moments là. Nos limites. Tenter de les dépasser en se surpassant ! Donc Sissi, tu l’as voulu, tu assumes ! Tu serres les dents et tu te bouges les fesses !
À ce moment là, je savais que coûte que coûte, je franchirai cette ligne à Chamonix (oui bon, à moins de finir à l’hopital quoi !)
Direction la Gittaz par le passeur du curé. La descente un peu technique et rendue glissante par la pluie ne me rend pas hyper sereine, mais j’arrive à prendre du plaisir malgré tout. Je me fais reprendre par des gars, qui semblent avoir de l’énergie à revendre encore ! Je ferai finalement une grosse partie de la suite du parcours avec l’un d’eux, Guillaume, d’une bonne humeur communicative, j’adore, ça fait du bein au moral un peu de positivisme !
Pointage à la Gittaz, 11h de course, toujours 11ème. Une fontaine à disposition nous permet de refaire le plein, parfait ! Il est 19h et la nuit ne va pas tarder à tomber, d’autant que le ciel redevient très très menaçant. Et ça tombe très mal, parce que prendre l’orage à cet endroit du parcours, c’est vraiment pas drôle du tout ….
En effet, à peine démarrée l’ascension vers le Col du Joly, la pluie s’invite, pour passer à l’orage. Ça tonne à droite à gauche, c’est carrément flippant. J’angoisse un peu de me retrouver toute seule là haut, dans la nuit, sous ce déluge, mais j’essaye de rester zen, et de positiver. Je prends le temps de remettre la veste et de sortir la frontale, que Guillaume m’aide à attraper. Merci à lui !
La pluie devient de plus en plus forte, ça gronde dans le ciel, on prend les éclairs, et cerise sur le gâteau, voilà la grêle ! Et pas des petits grêlons … mais non, pas ça ! Ok ok, pas de panique. Je commence à avoir vraiment trop froid, si bien que je n’arrive plus à attraper mes flasques pour boire.
Nouvel arrêt, je me cache derrière un rocher pour m’abriter et j’enlève le Camel pour sortir tout mon matériel obligatoire. Et j’enfile tout !! Sur-pantalon, gants, buff, bonnet … bon, la couverture de survie, on va la garder en cas de situation extrême quand même ! ;)) Ça va de suite mieux emmitouflée comme ça.
Quelques mètres plus haut, je retrouve le sourire et je marre en constatant la situation : tous les 20 mètres, je vois un coureur arrêté en train de chercher un truc pour se couvrir dans son sac ! J’en vois même un enlever son short pour mettre le pantalon ! En sommes, on se met en pyjama douillet pour passer la nuit tout confort ! Ahah ! Enfin, confort … je m’entends quoi.
Par miracle, l’orage finit par passer et les conditions redeviennent supportables au moment où la nuit tombe. Pourvu que ça dure … ! Je souffle un bon coup à la bascule. Point de contrôle : « entre deux nants », km82, 11h50 de course. Je sais que la descente qui suit est technique. Avec la nuit, il faut la jouer prudence ! Certains endroits sont très boueux avec ce qui vient de tomber, c’est franchement galère, mais c’est pour tout le monde pareil.
Je double une coureuse chinoise dans cette descente. Pour une fois que je tombe sur moins agile que moi en descente technique ! héhé ! Je m’assure que tout va bien pour elle et je file.
Cette fois, il fait nuit noire, et je ne fais pas la maline sur la portion engagée qui mène jusqu’au ravitaillement du Col du Joly … heureusement que je l’avais reconnue avec Manu de jour celle-ci ! Dommage pour nous d’ailleurs, le panorama est canon par beau temps …
Un peu de réconfort aux Contamines
Quel soulagement de trouver de la lumière et de la chaleur au point de ravitaillement du Joly, 90ème kilomètre ! 13h10 de course, je suis passée 9è en ayant doublé la chinoise et avec l’abandon d’Audrey Bassac, qui était environ 15′ devant moi. Je passe ici avec une suédoise, la 8ème, mais elle semble plus fraîche que moi et repart avant.
10 kilomètres plus bas, on sera aux Contamines et on retrouvera la soutien des proches et l’aide de nos assistances. Allez allez !! Sauf qu’il faut gérer aussi cette descente, rendue très glissante par la pluie. Je tombe d’ailleurs plusieurs fois sur les fesses, me faisant quelques frayeurs. Mes pieds me font vraiment souffrir et je sens que l’ampoule ne va pas en s’arrangeant …
Mais je reste concentrée sur le parcours, éclairée par le faisceau de lumière de ma NAO Petzl (que j’ai pris soin de mettre en mode économie). 1h20 plus bas, je rejoins enfin le tant attendu ravitaillement des Contamines.
Quel bonheur de retrouver tout le monde ici ! Manu, Laurent, et il y a même Virginie et Didier Crouzier, des amis gardois. Trop sympa d’être venus me supporter !
Laurent m’attend à l’assistance, je vais avoir des choses à lui raconter ! Premièrement : NON ! On n’enlève pas la chaussure !! J’ai trop mal et peur de voir la tête de cette ampoule ! Mais si, il l’enlève … en effet, c’est moche ! Mais selon lui, indispensable de changer de chaussures et nettoyer ça, puis crémer pour assouplir la peau. Ok Lolo, je te fais confiance.
Deux autres coureuses sont arrêtées au stand avec moi, dont Mégan Kimmel, qui a longtemps fait la course dans le tiercé de tête, mais qui semble connaître un passage à vide … je demande à Laurent combien de kilomètres il reste : « 26 ! ». Wow si peu ? Quand t’en as fait 100, moins de 30, ça paraît presque être le sprint final quoi ! :)))
On décide de faire un ravito un peu speed, puisque mis à part ces douleurs aux pieds et à l’aine (genre de tendinite provoquée par compensation), tout va bien ! J’ai la pêche, pas de problèmes pour m’hydrater ni m’alimenter. À la sortie du ravitaillement, j’ai les deux féminines en ligne de mire.
La terrible ascension du Col du Tricot !
La prochaine difficulté est terrible ! Le col du Tricot. Faite en reconnaissance également avec Manu. Je me suis toujours demandée comment j’allais faire pour grimper ça après avoir crapahuter déjà plus de 100 bornes et 6000 et quelques D+ … bon voilà, on y est ! Bon d’abord, la première étape, c’est le chalet du Truc. Pas simple non plus …. sans parler de la redescente derrière, technique et casse-pattes.
Bon, ça passe ! Avec quelques glissades et dérapages, mais sans bobos ! Puis d’un seul coup, se dresse le mur du Tricot devant moi …. mon Dieu !! Comment je vais faire pour aller tout en haut. Je me répète sans cesse : « ça va aller, tu vas prendre ton temps, ça va aller ! » Il est vrai que, sans bâtons, j’ai vraiment galéré ici …. tu vois les lumières des frontales avancer tout doucement comme les fourmis, la lumière du PC course au sommet, mais t’as jamais l’impression de t’en approcher !
Galère galère comme dirait papa (1100m en 7km en partant des Contamines …). Mais le pourcentage de la pente est parfois tellement raide que ça me fait partir en arrière ! Faut être blindé dans la tête à ce moment là … et surtout ne pas trop se poser de questions ou écouter ses douleurs ! :)) J’ai le sentiment de ne pas avancer et arrive enfin au sommet, 2h10 après avoir quitter les Contamines !
Je respire un grand coup et m’engouffre dans la descente à la bascule. Seule dans la nuit noire. Le brouillard s’invite à la fête et les balisages se font de moins en moins visibles. J’ai les jambes qui commencent à faiblir et les muscles qui ne répondent plus trop, si bien que ce manque de tonicité me fait manquer de tomber à plusieurs reprises. Et la descente n’est vraiment pas simple, technique, pleine de cailloux et de racines ! Tout ce que je déteste ! Le fait qu’il fasse nuit n’arrange rien pour le manque de réflexe….
Un peu plus bas et après avoir entamé une petite remontée vers Bellevue (faite de passerelles, de gros rochers et je ne sais quels autres complications ! lol), me voici juste derrière Mégan Kimmel. Dans le dur la pauvre. On se soutient mutuellement, je m’assure qu’elle n’a besoin de rien, et je file.
Pointage de Bellevue au km111, 8ème féminine, 17h35 de course.
En route vers Chamonix pour les moins de 20h !!
Le brouillard est bien dense à Bellevue et à la redescente vers les Houches. Si bien que j’ai plusieurs fois l’impression de me tromper de route, ne voyant pas bien la rubalise. Ce n’est pas le moment de faire fausse route Sissi ! Je ne sens plus mes pieds, j’essaye d’oublier cette douleur en haut de la cuisse qui me brûle dans les montées.
Il faut serrer les dents, c’est la dernière ligne droite ! La lumière des Houches redonnent confiance, je prends du réconfort auprès de Laurent et Manu, toujours là pour me soutenir ! Même à une heure si tardive ! MERCI ! 18H15 de course, plus que 10km, et quasiment plus de dénivelé ! Youyou, ça commence à sentir bon !
Je suis donc passée 8ème aux Houches, mais méfiance, rien n’est acquis, je ne suis pas à l’abri d’une remontée, d’autant que Mégan est rapide sur le plat. Je m’autorise une pause pipi et alterne marche / course pour épargner ma cuisse douloureuse … mais lorsqu’un coureur qui me double m’annonce 2 féminines pas si loin, je reprends d’un seul coup du poil de la bête !
Je me promets de ne plus marcher jusqu’à l’arrivée ! Et j’accélère tant que je peux (bon, ça ne va pas bien vite quand même !!) sans regarder derrière. Dans ces conditions, cette dernière heure de course passe étonnamment très vite et quand une bénévole m’annonce « vous entrez à Chamonix, plus que 3/4km », j’en reviens à peine !
Effectivement, les lampadaires de la ville nous éclairent, on se rapproche du centre ville. Les rues sont désertes, normal tu m’diras, il est 3h du mat !! Quelle idée d’arriver en pleine nuit ! Une gentille bénévole m’encourage chaleureusement et souligne avec amusement : « pour avoir du monde à l’arrivée, il fallait aller moins vite aussi ! »
C’est chou ! Cette fois je reconnais. Le rond point, la rue piétonne, un virage, un second. Pete immortalise ce moment avec sa caméra, et filme cette dernière ligne droite ! Ça y’est, on y est, ici à Chamonix, face à cette arche d’arrivée …. !
Forcément, on est loin d’une foule en délire pour m’accueillir (je sais, il fallait aller plus vite ! ;)), mais peu importe. Les principaux sont là, ceux qui m’ont soutenue du début à la fin et qui me donnent la sourire jusqu’aux oreilles ces dernières secondes un peu hors du temps, où tu réalises que … ça y’est ! La boucle est bouclée, l’objectif atteint : 8ème en 19h18.
Honnêtement, dans les conditions où j’ai pris le départ, ce résultat est au delà de mes espérances. Dans le meilleur des cas, l’objectif était un TOP 10 et un moins de 20h. Et avec ce pied, terminer était presque inespéré. Donc le contrat est plus que rempli aujourd’hui !
Un énorme merci pour tous les encouragements et gentils messages que j’ai pu recevoir ici ou là, et qui font vraiment chaud au coeur. J’ai de la chance d’être si bien entourée.
Par Sylvaine CUSSOT / photos : Laurent Brière
En attendant la version plus longue, voici une première vidéo de cette TDS ! ;))