Le MIUT (Madère Island Ultra Trail) était le dernier gros RDV de ce premier trimestre sportif bien rempli ! Une découverte pour moi sur ce type de format. 115km / 7500mD+ : un sacré chantier auquel j’avais vraiment hâte de m’attaquer …! Avec appréhension certes, mais avec beaucoup d’excitation aussi.
L’attrait de la beauté de l’île
Pourquoi s’attaquer à un si gros morceau ? La réponse est simple : juste l’envie de se tester sur ce type de parcours encore inconnu pour moi, et s’offrir par la même occasion, une belle et longue balade sur les fabuleux sentiers de cette île incroyable ! Un endroit que nous avions eu l’occasion de découvrir en novembre dernier avec Manu, lors de petites vacances en amoureux.
Certes, je suis bien consciente que le défi est ambitieux pour moi. Autant de dénivelé, autant de technicité et de kilomètres … alors que je suis plus habituée à des profils de courses roulants, avec des durées de courses moins longs. Mais y’a un début à tout, et à partir du moment où l’envie et la motivation sont là, que la préparation a été faite sérieusement, il n’y a pas de raison que je n’y arrive pas.
Comment et à quel classement, c’est une autre histoire …. mais l’objectif sur ce MIUT n’est pas de faire une performance, c’est avant tout de me tester sur l’ultra, d’apprendre de cette nouvelle expérience, et d’essayer de me faire plaisir pour me donner envie de renouveler l’expérience ! Tout cela, idéalement, sans me blesser ! ;)) Mais voilà, avec ta tête du terrain qui nous attend, ça sera peut être mon plus gros défi sur ce MIUT …
Un voyage sans encombres pour une arrivée sereine sur l’île
Semaine chaotique pour l’aéroport de Madère, avec des vents violents qui bloquent les atterrissages des avions à Funchal. La plupart des vols prévus les jours précédents la course sont reportés, annulés, ou encore décalés. Par chance (et assez rare pour le signaler), notre vol au départ de Barcelone le mercredi matin se passe sans encombre ! Correspondance à Porto, nous atterrissons à l’heure prévue à Madère : bonheur !
Juste le temps de faire un footing de décrassage à la sortie de l’avion avant la tombée de la nuit. L’occasion de tenter une reconnaissance des derniers kilomètres de la course … une reco complètement ratée puisque nous n’étions finalement pas du tout sur le bon sentier ! Mais ça, nous le saurons qu’après avoir franchi la ligne d’arrivée … ! Ahah ! :))
Petite séance courte pour se défouler jeudi (et en profiter pour retourner fouler cette belle Pointe de Saint Laurent), conférence de presse et retrait des dossards en fin de journée, avant une soirée simple mais sympathique pour marquer le coup en ce jour d’anniversaire ! Ben oui, parce que ce jeudi 26 avril 2018, je soufflais mes 36 bougies ! J’espère bien dévorer le gros gâteau qui m’attend demain jusqu’à la dernière miette … ! ;))
Jour J : enfin le grand départ … !
Vendredi 27 avril : c’est le jour J ! Une bonne dernière nuit de sommeil nous permet d’aborder cette journée sereins. Les affaires sont préparées, les dossards prêts à être épinglés , reste à fignoler nos ravitaillements avec l’assistance. Sportivement parlant, c’est repos. C’est important de faire du jus sans trop se ramollir non plus, mais la journée va rester active quand même, ça tombe bien !
Nous déjeunons en terrasse à Funchal avec ma famille (mon papa, ma belle maman, ma soeur et mon frère sont venus pour l’occasion). Pommes de terre, légumes, saumon. On essaye de faire simple ! Je retrouve Patricio et Barbara, qui m’ont gentiment proposée leur aide pour l’assistance. 5 points sont autorisés pour les assistances personnelles, ce qui me permettra de pouvoir me changer si besoin, de pouvoir refaire le plein de mes ravitaillements habituels (boisson et barres Isostar).
Tout est calé, c’est parfait ! L’occasion de refaire un point sur les principales grosses difficultés du parcours, et de se rendre encore plus compte que … elle n’est pas gagnée l’histoire ! Pouaaah, quel chantier ! Les prévisions météo ne sont pas terribles, mais Patricio est plutôt optimiste et rassurant, donc je ne m’inquiète pas outre mesure.
Retour à l’hôtel de Machico après pris un bon bain de soleil dans les rues animées de Funchal. Tentative de siester un coup … mais voilà, à quelques heures du départ, on a les jambes qui trépignent un peu trop pour réussir à rejoindre Morphée …! On en profite pour finir de préparer les affaires tranquillement, se remplir l’estomac de féculents une dernière fois et puis à 21h, c’est déjà l’heure de rejoindre les navettes pour se rendre sur le lieu du départ de la course : Porto Muniz , célèbre pour ses piscines naturelles !
Une nuit qui s’annonce bien longue !
Les navettes sont bien bruyantes en début de trajet : ça papote dans tous les sens, on sent l’excitation et l’anxiété à la fois. Mais la route est longue, et au bout de 30′, silence complet. Tous les coureurs sont, soit très concentrés, soit en mode veille, les yeux fermés. Il fait nuit noire lorsque nous arrivons à destination. Le ciel est dégagé, mais le fond de l’air est frais.
On retrouve ma famille qui est venue nous soutenir au départ, Patricio et Barbara sont là aussi. Quelques mots échangés et quelques questionnements aussi sur la tenue à enfiler pour ce début de course : short ou collant ? Veste ou tee-shirt ? Les quelques foulées avant le départ nous permettent de trancher : ça sera short/tee-shirt ! En courant, il fait doux, ça devrait le faire, et au pire, on sortira la veste coupe-vent du Camelbak !
Allez, un dernier bisou et nous nous glissons dans le sas de départ. Nos dossards élites nous permettent d’y entrer au dernier moment, et surtout, de partir aux premières loges. Nous retrouvons tous les favoris annoncés sur cette édition, français et internationaux. C’est qu’il y a du beau monde ! Contente d’être là et excitée à l’idée de cette longue balade qui nous attend, je savoure ces instants qui précédent le départ.
Le compte à rebours est lancé. 10 petites secondes et nous voilà lancés pour cette grande et longue aventure ! Je n’ai fait aucune « stratégie » de course, si ce n’est que d’être très prudente sur les parties techniques pour éviter les mauvaises chutes. Du coup, compliqué de faire des prévisionnels sur mes temps de passage aux différents points de ravitaillement.
Pour tenter de donner des indications à mes ravitailleurs, je me suis calée sur les pointages de Maria Semerjian de l’an dernier. Sans même être certaine de pouvoir les tenir … on verra !
Une rapide entrée en enfer ….
Je suis le rythme un peu engagé de ce début de course, sans me mettre dans le rouge non plus. Quelle ambiance de fou au départ ! Ça colle les frissons, j’adore ! On se jette dans l’ascension de cette première bosse. Sur le profil, elle ne paye pas d’mine, mais en vrai, elle met direct dans le bain ! Ça grimpe raide, sur le bitume. Court mais intense !
J’ai aperçu 5/6 féminines, Audrey Bassac et Juliette Blanchet sont juste devant. Même topo pour la descente qui suit, raide et cassante, mais courte. Sans transition, en enchaîne avec la seconde ascension, un peu plus longue celle-ci, puisqu’on part pour plus de 1000mD+. J’économise ma frontale (Nao+ de Petzl) tant que les lampadaires nous éclairent, je n’ai pas prévu de la changer, elle doit donc me tenir la nuit entière.
J’ai étrangement très soif, et je me rends rapidement compte qu’il y a un problème : je transpire au taquet, j’ai les jambes coupées et d’un seul coup, je n’ai plus du tout d’énergie ! Des sensations terribles, dignes d’une grosse panne d’essence. Ça peut arriver, mais pas à moins d’une heure de course quand même … non ! Maux de ventre, nausées, je dois me résoudre à marcher, rien ne va.
Forcément, la course continue autour de moi, et je dois tenter de rester mobilisée malgré tout ça. Je vois les coureurs me doubler dizaine par dizaine, le moral en prend un coup, mais je garde espoir que cette mauvaise passe ne dure pas trop longtemps. En attendant, j’en bave et la pente me paraît tellement insurmontable que j’ai l’impression de partir en arrière sur les portions très raides.
Les féminines me doublent l’une après l’autre, j’ai l’impression d’en avoir vu plus d’une vingtaine me doubler ! Maria est étonnée de me voir ici, elle m’encourage en me doublant, je lui explique que je suis au plus mal et que j’envisage de mettre le cligno à la prochaine zone d’assistance autorisée, si les sensations ne reviennent pas. Je ne prends AUCUN plaisir dans ces conditions, j’ai l’impression de faire du mal à mon corps, et je ne vois même pas comment je vais pouvoir envisager terminer dans cet état de méforme.
Toutes sortes de pensées négatives me traversent l’esprit, notamment celle de devoir m’arrêter avant même d’avoir pu voir le jour se lever. C’est dur ! Je pointe au sommet, à Fanal, en 2h20 (j’avais établi un pseudo prévisionnel à 2h/2h05, c’est pour dire !), 18ème féminine, 223ème au scratch. Je n’ai jamais pris autant de temps sur un ravitaillement de début de course que celui ci …
Après l’entrée, le descente en enfer !
Je repars du ravitaillement sans aucune motivation, avec le peu d’énergie que j’ai en moi, pour aborder la suite du parcours. Au menu, une terrible descente technique, glissante, très raide, et pleine de gros rochers ! Je prends mon mal en patience, je passe du chaud au froid, du froid au chaud, et je passe mon temps à enlever la veste, la remettre dans le Camelbak, puis à la ressortir. Le sketch ! J’ai l’impression d’être dans un mauvais rêve … et je me réveille quand là ?
L’avantage, c’est qu’en allant si doucement, je ne risque pas de faire de vol plané ici ! Purée, je me fais pitié ! 4,5km, 800mD+, j’aurais mis 50′ pour boucler cette portion, pendant que Mimmi Kotha en mettant 33′ … voilà voilà ! Il faut dire que cette partie était bien dangereuse et nécessitait double vigilance, mais quand même …. me voilà maintenant 19ème féminine à Chao da Ribeira, 2ème pointage et 2ème ravitaillement. Et toujours au plus mal !
3h10 de course, c’est reparti pour une nouvelle grosse ascension ! La plus longue du parcours : environ 9km et 1200mD+. J’appréhende de m’embarquer sur cette portion dans cet état, qui va de pire en pire. Je dois m’arrêter de nombreuses fois pour souffler et tenter de trouver l’énergie nécessaire pour m’aider à grimper, quelle galère ! Entre vomissements et pauses buissons, je n’arrête pas de me vider, c’est l’enfer.
Je patiente, j’attends que la roue tourne et que les sensations reviennent, mais constatant au bout de 4h que j’en suis au même point, je décide d’appeler Patricio qui m’attend à l’assistance là haut : 1-pour éviter qu’il s’inquiète ne me voyant pas arriver, 2-pour le prévenir que je risque de m’arrêter au CP3 à Estanquinhos. Il est au top, me rassure et me soutient. Merci Patricio !
Quand le mauvais temps s’invite au cauchemar
Pour couronner le tout et ajouter encore plus de grisaille à mon moral, la pluie et le froid s’invitent à la fête. Simple crachin et départ, qui se transforme rapidement en de belles averses bien rafraîchissantes. J’enfile définitivement ma veste coupe-vent pour me protéger de cette tempête qui semble s’installer pour la nuit.
Au sommet à 5h13, je prends du réconfort auprès de mes ravitailleurs, Patricio et Barbara, qui me rassurent : « allez, courage, ce n’est que le début ! » Oui, enfin bon, ça fait quand même plus de 5h que je galère et je ne vois pas le bout du tunnel encore … sans trop me poser de questions, je continue finalement ma route. On fera le point quand il fera jour ! Tant que les jambes me portent et que je tiens debout, je ne me vois pas jeter l’éponge ici. Probablement mon caractère de taureau qui fait des siennes …
Plus de 27km, il est reste 90km … ahah ! Rien que ça ! J’embraye dans la descente qui suit, assez courante en temps normal je pense, mais vraiment pas agréable dans ces conditions. Le brouillard masque la visibilité, les chevilles partent dans tous les sens, et la frontale peine à percer à travers cette épaisseur de nuages.
Les écarts entre les coureurs se sont bien creusés et je passe une longue partie de cette descente en solitaire. Je rate d’ailleurs une bifurcation et me prends une belle gamelle dans la précipitation. Rien de grave, mais le tibia a bien cogné. Ainsi que les deux mains, qui resteront douloureuses à la pliure du pouce jusqu’à l’arrivée.
Nous voilà sortis de ce sentiers larges caillouteux, pour entrer dans un single en forêt. Il pleut fort, le froid commence à m’envahir. J’ai doublé quelques féminines et pense donc avoir remonté un peu le classement, mais je n’ai pas retrouvé la forme des grands jours pour autant. Je fais route avec un coureur avec qui je papote un peu. Entre descentes raides, glissantes, marches d’escaliers, quelques passages près des lavadas et cascades, cette portion est vraiment agréable et très variée, mais pas simple du tout !
Malgré le fait que je sois obligée de m’arrêter de nombreuses fois pour soulager mes problèmes d’estomac et me vider, je prends enfin du plaisir sur cette partie et commence à retrouver espoir que les sensations reviennent. Je pointe au CP4 de Rosario, 10ème féminine et 141ème féminine, à 6h20. Je suis glacée, mais contente d’avoir retrouver mes jambes et du plaisir aux alentours du 40ème kilomètre.
Le retour des jambes à la sortie de la nuit
Clairement, une autre course commence pour moi passé le checkpoint de Rosario. J’ai une pêche d’enfer qui me permet de continuer à courir dans les montées et de prendre énormément de plaisir ici. Le seul « hic », c’est que cette pluie commence à vraiment ma glacer. J’ai hâte que le jour se lève pour ranger la frontale et y voir plus clair sur cette terrain rempli et petits pièges en tout genre !
Je retrouve mon assistance (Patricio et Barbara) à Encumeada, à 7h20. km45 environ. Je suis trempée complet, frigorifiée, mais je décide d’attendre Curral pour me changer. Quelle grosse erreur !!! Je suis passée 8ème mais je n’en avais aucune idée à ce moment là, et j’étais d’ailleurs bien focalisée sur bien d’autres choses que le classement.
Je croise Manu à la sortie du ravitaillement, il s’arrête et décide de mettre le cligno ici. Arf mince ! :((( Il me rassure pour éviter que je m’inquiète trop, et me préviens qu’il va tenter de retrouver mon assistance pour continuer à me suivre sur la course. Le jour s’est levé, mais avec ce temps pourri, il fait toujours très sombre, et j’ai oublié de ranger ma frontale. Tant pis, elle restera sur mon front jusqu’à Curral !
Les kilomètres qui suivent ce CP sont un enfer tellement on se gèle !! Le vent glacial transperce nos vestes et je n’attends qu’une chose : retrouver une montée abritée pour pouvoir être protégée. J’aperçois Maria juste devant, elle est en tee-shirt, je ne sais pas comment elle fait !! Nous entamons une ascension très raide, le long d’un gros tuyau de conduite d’eau. Ça pique !! Je suis courbée, presque à 4 pattes pour monter, Maria « batônne » devant moi.
On discute un peu, elle m’apprend que nous sommes 7 et 8è. Ah bon ?? Moi qui pensais être 16/17ème, ça me redonne un peu de baume au cœur de constater que j’ai réussi à revenir dans le top 10 ! Je finis par la doubler juste avant d’arriver au sommet, avant de relancer sur la portion plus roulante. Je l’encourage et me dis que je le reverrais plus loin. Retour rapide sur des pentes ascendantes, sur les massifs montagneux de l’île.
Les jambes vont beaucoup mieux ici, mais je commence à avoir un sérieux problème de température corporelle … ça me rappelle des vieux souvenirs de Patagonie. Et pas des bons ! Plus que simplement avoir froid, je me transforme en glaçon. Sortir de ma zone de confort pour évoluer ces « situations d’exception » quelques heures, je peux le faire. Mais là, ça fait depuis 5h du mat que j’y suis et que l’inconfort va grandissant.
Je ne pense maintenant plus qu’à ça : j’ai trop froid. Je suis crispée, je n’arrive plus à sortir les mains de mes manches pour boire ni manger. Je suis passée en mode automatique avec une chose en tête : avancer le plus vite possible vers Curral Das Freiras pour pouvoir me mettre au sec. On ne voit même pas le paysage tellement les sommets sont chargés, quelle poisse ! Rien d’agréable ici et la descente très technique qui suit ne va d’ailleurs pas me redonner le sourire au lèvre …. !
Curral Das Freiras : retour des éclaircies, arrivée des douleurs muculaires
Mais quel bonheur de retrouver quelques degrés en descendant vers ce CP6 ! La pluie s’est enfin arrêtée, j’ai réussi à ressortir les mains de mes manches pour boire et retrouver la chaleur de ma famille et de Manu au ravitaillement de Curral me fait un bien fou. 60 kilomètres effectués, c’est mi-course. Purée, seulement la moitié !!!! Il ne faut mieux pas y penser.
Je commence à sérieusement avoir les muscles qui chauffent, la foulée qui devient de plus en plus rasante … il est à peine 10h. Je prends le temps de changer de tee-shirt, enfiler des chaussettes et chaussures sèches, prendre une veste supplémentaire. J’ajoute même un collant par dessus mon short trempé ! Sans avoir eu la possibilité de le faire, je ne suis pas certaine d’avoir pu repartir. Les risques d’hypothermie étaient beaucoup trop importants ici, et il aurait presque été inconscient de remonter là haut dans cet état.
Je repars, toute neuve !! Enfin presque, parce que j’ai pas trouvé de muscles de rechange à l’assistance, pour remplacer les miens, dont les fibres sont maintenant bien abîmées par ces interminables montées et descentes très cassantes ! On m’annonce 7ème et je suis remontée à la 96ème place au scratch. La longue ascension qui suit est terrible ! Je la connais, nous l’avons faite en rando avec Manu en novembre dernier pendant nos vacances : plus de 1000mD+ en 7km.
Je retrouve les premiers coureurs de l’Ultra (85km) me doubler ici. Ça fait du bien de croiser quelques têtes connues : Julien, Germain, Alexis, Yann, Katie … on voit très vite aux allures que nous ne sommes pas dans la même course !! L’ascension me paraît bien longue, je n’avance pas bien vite, mais je prends du plaisir. Quasiment 3h de montée puisque j’atteins ce premier sommet, Pico Ruivo, un peu avant 13h.
La route est encore longue et douloureuse jusqu’au sommet le plus haut, Pico Do Areeiro. Des escaliers à n’en plus finir … cette partie là aussi, je la connaissais. Mais c’est tellement raide que t’as beau te préparer mentalement pour ça, tu en baves forcément ! Quel panorama par contre !!! Il ne faut pas avoir le vertige ni être claustro ici : sentiers étroits à flanc de montagne avec le vide de chaque côté, passage dans les tunnels à traverser.
Soulagement en apercevant la grosse boule blanche annonciatrice d’un sommet plus très loin … puis d’entendre Laetitia, Manu, ma soeur Anna, mon frère Boris et mon cher Papa m’encourager. Ils sont au top et me donnent presque envie de pleurer tellement ils vibrent pour moi !
14h en haut, je passe 7è féminine, avec quelques places grappillées au scratch : 75ème. Pas de ravitaillement ici, il ne se trouve qu’une dizaine de kilomètres plus bas, à Chao Da Lagoa, CP9. J’y serais 43′ plus tard.
À partir du moment où les jambes se transforment en bout de bois
Le soleil est revenu, il nous réchauffe le corps, mais je suis loin d’avoir envie de faire tomber la veste. L’air reste frais, et dès qu’un nuage passe, ça caille ! Je prends le temps ici. Le sucré passe toujours bien, mais la patate douce sur les tables de ravitaillement me font envie, ainsi que les cacahuètes grillées. Alors je ne me prive pas.
80 kilomètres ici, il en reste encore 35 quand même … je commence à décompter, c’est mauvais signe. Je regrette de ne pas avoir pris la musique, elle m’aurait bien fait plaisir à ce moment là de la course. 14h43, ça commence à faire long et dire qu’il me reste encore presque 6h ….je visualise le profil dans ma tête et me souviens qu’il reste une belle bosse vers Poiso.
Sur le profil, elle ne paraît pas si terrible à côté de toutes les autres, mais en vrai, elle fait bien mal ! À ce moment de la course, tout paraît difficile de toute façon je crois … les descentes font horriblement mal aux quadris; les quelques portions de plat ou faux plat, tu tu dis « oh yes, je vais pouvoir accélérer ! » Mais non, c’est pas possible, les jambes sont raides comme des piquets, dures comme des bouts de bois, et chaque impact au sol fait grimacer et serrer les dents !
Donc au final, tu fais comme tout le monde sur la fin : tu gères et t’essayes de garder des allures acceptables, pour ne pas perdre trop de temps, et arriver le plus vite possible vers la destination finale, Machico. J’ai repris contact avec Manu par téléphone, on s’envoie des SMS, ça me fait du bien. Et j’échange aussi avec mes copains toulousains par WhatsApp, qui suivent le live et m’envoient pleins d’ondes positives en direct de la ville rose !
Poiso, km90, 16h38. La descente vers Portela est douloureuse musculairement, mais l’énergie est là, et me permet de ne pas trop me trainer, et de conserver mon classement. Je sais maintenant qu’à moins une grosse défaillance technique genre entorse ou grosse chute, j’arriverai au bout de ce chantier ! Ça me motive de positiver dans ce sens. J’arrive à Portela, CP12, à 17h57. Presque 100km.
C’est la dernière fois que je revois mon assistance ici. Mon papa est très ému, il m’encourage et me donne à chaque fois l’envie de me dépasser, tant il me montre qu’il est fier de moi. J’ai de la chance de l’avoir eu à mes côtés aujourd’hui. Je décide de prendre une frontale supplémentaire, pour assurer en cas de fin de course après 21h. Je n’espère pas ! J’ai deux E-Lite dans le Camelbak, mais la NAO me permettra d’y voir plus clair, si jamais.
J’envoie une petite photo par SMS à Laurent Ardito pour lui donner des nouvelles et lui dire que tout va bien !
Derniers efforts avant la finish line !
Reste 17km, ça commence à sentir bon la fin !! Sauf que dans cet état de douleurs musculaires, le 10 à l’heure n’est pas si simple à tenir ! Même sur le plat, oui oui ! J’ai tellement mal aux jambes que je suis obligée d’alterner marche et course régulièrement. Par contre, je suis rassurée de constater que je n’ai pas de baisse énergétique. La forme est toujours là !
Mais que c’est long !! Chaque kilomètre me semble interminable, et les échanges avec Manu et mes copains me font du bien. Ça m’occupe un peu l’esprit et me permet d’oublier un peu la douleur. Oui mais à force de faire l’andouille et à plus regarder le téléphone que mes pieds, je rate une pose de pied qui glisse au bord de la falaise ! Le téléphone valse au sol (du bon côté, heureusement !), et moi je tombe du mauvais côté et me retiens in extremis avec mes deux mains au bord du ravin.
Grosse frayeur, je suis passée à côté de la catastrophe. Je remonte comme je peux à la force de mes bras, des épines de ronces partout sur les mains. Non mais Sissi, n’importe quoi là ! Cette fois je range définitivement mon téléphone et me reconcentre pour essayer de terminer ce périple sans encombres supplémentaires.
À petit rythme, petite foulée, mais sans rien lâcher et en tentant de faire abstraction de la douleur, j’avance. Ça sera raté pour les moins de 20h, que je passe aux environ du 109ème kilomètre. Machico se fait bien désirer, et cette lévada que nous longeons depuis un petit moment paraît interminable ! Le ciel s’assombrit de nouveau, les gros nuages reviennent, ça sent le retour de la pluie …
Peu importe, le plus dur est passé maintenant, la pluie peut revenir, plus rien de m’arrêtera !! J’ai hâte de retrouver toute la petite famille à l’arrivée, et hâte d’arrêter de martyriser mes pauvres muscles ! La ville de Machico apparaît enfin dans le viseur ! Nous surplombons la baie depuis un petit moment, il va falloir un dernier effort musculaire pour redescendre au niveau de la mer, serrer les dents pour les dernières marches d’escaliers, et savourer ces derniers mètres au bord de la mer, qui nous mènent à l’arrivée .
Ma belle maman, Laetitia, et ma petite soeur, Anna, sont venues me chercher un peu en amont, et m’encouragent avec beaucoup d’enthousiasme. Elles sont extras !
Manu et Papa sont juste quelques mètres devant la ligne. Je passe les embrasser avant de m’offrir ce superbe tapis gris, installé en guise de « tapis rouge » afin de rendre ces dernières secondes de course encore plus « magistrales » !!
20h37, c’est fait, je l’ai franchis cette arche d’arrivée, j’en suis venue à bout de ce parcours exigeant du MIUT … !! Rien n’aura été facile, j’ai de nombreuses fois imaginé l’abandon comme seule issue, mais à chaque fois, j’aurais finalement réussi à m’accrocher pour continuer malgré tout.
La preuve que quand on a un objectif, il ne faut rien lâcher ! On passe parfois par des moments de doutes, de souffrances, de remises en question, de démotivation … mais avec de la détermination, du courage, de la volonté et un peu de confiance en soi, on peut franchir ces différentes barrières pour arriver à ses fins.
En étant bien entouré, c’est toujours plus facile, je vous l’accorde ! Un énorme merci à mes proches, ma famille, Manu, mes amis, qui ont été présents, de près ou de loin et m’ont soutenue dans cette belle aventure ! Barbara, Patricio, pour leur aide précieuse à l’assistance, aux nombreux bénévoles sur le parcours, et aux coureurs que j’ai pu croiser sur ma route.
Merci merci, ce genre d’aventure est encore plus belle quand elle est partagée. Vivement la prochaine, même si elle est aussi douloureuse ! ;)))
Par Sylvaine CUSSOT
Les résultats du MIUT 2018 : RÉSULTATS MIUT (Madère Island Ultra Trail)