Ce marathon était mon principal objectif printanier. C’était mon 10ème marathon, et mon 5ème championnat de France après Toulouse 2013, Metz 2014, Rennes 2015 et Sénart 2017.
Une course d’équipe
Sur les 4 éditions précédentes, notre équipe Pontévaloise (pour le classement par équipe) était composée de notre leader Sébastien Charnay, Lionel Ribeiro et moi-même. Mais cette année, le premier nommé est convalescent d’une opération du tendon d’Achille. Il est venu à Albi en accompagnateur et supporter mais n’est pas en capacité de courir pour le moment.
Notre équipe est donc cette année composée de Lionel Ribeiro, Lionel Vignon et moi-même. Lionel Vignon vient de passer Master 2, c’est un sportif hors norme, qui a à son actif ces dernières années un Paris Brest Paris en 2015 sans assistance (1230 km en 45h09’ roulées (27.2 km/h de moyenne avec un vélo surchargé) et 52h30’ au total en intégrant les pauses repas/sieste), un 100 km, un GR 20 en 4 jours (avec Lionel Ribeiro et Séb Charnay), 2 défis bugistes (de mémoire, le dernier il y a 2 ou 3 ans en 10h47’), le Tour du Lac Léman, une France en courant, le Tour de l’Ain pédestre, il ne compte plus les sorties à vélo de plus de 6 heures, etc.
Il a par ailleurs réalisé un joli 33’41 il y a quelques années et est qualifié pour ce championnat de France de marathon avec un 2h43’50 (mais 2h44’04 officiel sur la fédé ) réalisé à Francfort en Octobre 2016 (à 48 ans).
Sur notre dernière sortie longue préparatoire, 34.5 km en 2h22’ par 17 °C (avec Séb Charnay en VTT à nos côtés), il m’a fait sauter sur le dernier effort.
Au niveau objectif par équipe, après nos titres en 2013, 2014, 2015 et notre 2ème place en 2017, cette année c’est assez différent : Ales Cevennes Athlétisme aligne une équipe monstrueuse avec F Guimard, R Courcières, L Vincente et K Boujdemai. Les 2 premiers nommés sont des candidats au titre national. Ils sont inaccessibles pour nous.
Ils ne le sont en revanche pas pour la 2ème plus grosse équipe sur le papier (Aix en Provence) qui aligne Sébastien Bazeille, Fouad Latreche, Alexis Rodriguez Hernandez, et bien d’autres. Nicolas Navarro est engagé également, 3 semaines après son monumental 2h15’14 au marathon de Paris et 5 semaines après son 29’24 au 10 km de moirans. Mais il n’est pas certain qu’il participe. Il n’empêche : cette équipe peut menacer Ales. En tous cas, même avec 1 abandon pour chacune de ces équipes, elles sont hors de portée pour nous.
Notre objectif est donc limpide : la 3ème place du podium !!
Il faudra pour cela devancer l’équipe Run and Freedom de Dominique Chauvelier, Laurent Michelier, etc. Ils sont très nombreux ! (et très bruyants !!) Et leur temps d’engagement en font de sérieux adversaires pour la 3ème place.
A noter que Mohamed Serbouti, récent champion de France du 10 000 m en Master 1 (après être resté ventousé aux basques de Julien Moreau 9900 m) a réalisé son footing de « qualification » pour ce championnat de France de marathon trop tard, en dehors du délai imparti, il est donc engagé en bénéficiant d’une qualification exceptionnelle et ne peut compter pour le classement par équipe comme le stipule le règlement fédéral.
Il aurait été un maillon fort dans cette équipe. Dommage pour son équipe. Il avait pourtant presque 2 ans pour se qualifier mais n’a pas daigné le faire dans l’intervalle de temps prévu.
Notre vétéran 3 José Ribeiro, champion de France M3 en titre (avec un joli 2h53’22), espère quant à lui renouveler son bail. Mais la concurrence sera rude ! Et Dominique Chauvelier évolue dans cette catégorie lui aussi.
Michèle Martinet notre vétérane 3 espère elle aussi entrer dans le top 5 de sa catégorie, mais une douleur au genou survenue quelques jours plus tôt risque de la pénaliser…
Lionel Vignon est quant à lui 7ème temps d’engagement en Master 2 avec son chrono de Francfort 2016. Ça ne rigole pas en M2 !! 3 ou 4 gars sont engagés en 2h38’. Une médaille est donc quasi inenvisageable, et un top 5 dans sa catégorie pour Lionel serait déjà une belle réussite.
Sans parler des bons moments passés entre nous depuis notre départ de Bourg en Bresse et sans s’embarrasser de mentionner tous les détails de la préparation et de l’échauffement, nous voilà au départ, motivés et soucieux de faire au mieux !
Au niveau personnel, je compte partir sur 16 km/h, comme souvent, et m’adapter selon les sensations du jour.
J’ai le 32ème temps d’engagement, donc un top 30 me ravirait.
Au niveau météo, il fait 14°C, le ciel est couvert, la route est sèche, et le vent est modéré et provient principalement du Nord-Ouest.
La course : gérer l’allure des premiers kilomètres
Pan ! C’est parti ! Je trouve le bon tempo dès les premiers appuis. Beaucoup d’autres me semblent partir trop vite. Dès le début je m’applique sur chaque détail, et cela jusqu’au terme de mon marathon. Trajectoires, placement dans le « peloton », relâchement, équilibre « fréquence/amplitude »…
Km 1 : 3’42. Impec. Les espaces se forment petit à petit, un groupe imposant avec Karine Pasquier, Aline Camboulives, mon équipier Lionel Ribeiro, Laurent Vincente, Karim Boujdemai, JP Carvalho (que je connais bien), etc, etc, se forme devant moi et s’évade inexorablement. J’aurais aimé pourvoir évoluer dans ce groupe, mais il va trop vite pour moi. Tant pis, je suis dans un groupe beaucoup plus petit et avec des gars qui me sont inconnus. Km 2 : 7’24 : impec !
Mon petit groupe est mené par 2 gars d’Aix en Provence, qui sont à 2 de front. J’aimerai rester avec eux, mais je sens que cela va encore un peu trop vite pour moi. Ben merde !! Faut que je me relève un peu encore. Je suis seul… Mais j’écoute mes sensations, et elles me disent : « tu n’es pas au régime moteur marathon, tu le dépasses ».
Km 3 : 11’10. Seul. Je suis déjà en sueur. Je continue en faisant un effort bien linéaire. Le groupe auquel j’appartenais tend à revenir doucement sur le groupe Pasquier/Camboulives. Les kilomètres passent, je rattrape 1 ou 2 concurrents, mais je suis un peu isolé. Par contre Lionel Ribeiro a pris un bon départ, il est dans un super groupe, c’est top !!
La course : gérer ses ravitaillements
Je passe au km 5 en 18’35. J’arrive à saisir mon ravitaillement perso (les coureurs avaient la possibilité de faire parvenir leur ravitaillement personnalisé la veille, pour que ces derniers soient disposés sur des tables particulières sur les stands de ravitaillement, tous les 5 km environ). Je reste concentré sur tous les détails.
Nous quittons la ville pour longer le Tarn sur une route secondaire. Le parcours est annoncé avec 37 m de D+ au total du parcours, mais j’en doute fort. La route est une succession de légers faux plats. Mon rythme est presque linéaire, il s’affaisse (déjà) légèrement, mais je respecte mes sensations du jour.
Je passe au km 10 en 37’30. J’attrape mon ravitaillement et passe un gel. Devant, le groupe des filles semble plafonner, et il me semble distinguer mon équipier en queue de groupe. Ha…
Au km 12, un gars revient sur moi, de Bouillac Sport (Cyril Chanu que je ne connaissais pas), il me passe lentement. J’emboite le pas. C’est un Master 1. En un coup d’œil, mon instinct me dit que c’est LE bon wagon. J’en ai la conviction profonde, je ne sais pas d’où cela vient, mais JE SAIS qu’on faire faire route commune. C’est une sensation très spéciale. En avant !!
Nous enchainons la plupart des kilomètres entre 3’46 et 3’48. Le km 15 est passé en 56’31, le 16ème en 1h00’23. Je sais déjà à ce moment-là que je vais être en dessous de 16 km/h de vitesse moyenne sur ce marathon. Tant pis, je ne peux faire autrement. J’aperçois Cyril Thomas sur le bord de la route : abandon. Il avait pourtant fait une belle prépa…
Cyril et moi nous relayons en parfaite symbiose. Il assume 3/5ème du travail. Je passe mon gel n° 2 au km 18.
La course : gérer l’arrivée des premières douleurs
Nous passons le 20ème kilomètre en 1h15’26 puis le semi en 1h19’33 (en 40ème position). (Ça va être très très chaud pour les – de 2h40’). Tous les 5 km j’arrive à saisir ma petite bouteille « Vittel/Isostar ». Le groupe de devant s’est disloqué. Aline Camboulives « recule » et nous revenons sur elle avant le demi-tour.
Plus inquiétant, Lionel Ribeiro semble en difficulté, je ne l’avais jamais vu coincer lors de nos précédents championnats de France. Avant que nous fassions demi-tour, nous pouvons voir la tête de course. Un premier groupe emmené par les gars d’Ales comporte aussi L’espagnol d’Aix en Provence, qui coure en manchette et bandeau de tête, pourtant il ne fait pas froid !
Alaa H’RIOUED, adepte des saisons « déraisonnables » complète ce groupe. 20’’ plus loin, Brulet est en chasse seul derrière, son regard est porté sur la tête de course. Ensuite Guillaume Ruel, espoir engagé sur qualif exceptionnelle, est complètement seul, puis plus loin on retrouve un groupe bien étoffé avec Bastien Bazeille est les autres gars passés en 1h15’ environ au semi. Leur vitesse m’impressionne.
Nous rejoignons Lionel Ribeiro vers le km 22/23, il essaye de suivre mais n’y parvient pas. C’est con, je me serais bien vu faire le 2ème semi avec lui et Cyril. Je croise Lionel Vignon qui évolue toujours dans l’autre sens, je fais un pointage : j’ai fait demi-tour depuis 1’, il est donc à 2’ derrière moi à la mi-course. Je suis sur les bases de 2h39’/2h40’, il est donc sur les bases de 2h43/2h44’, c’est parfait !
Nous nous encourageons d’un petit geste. J’aperçois plus loin José, qui ne semble pas impérial, puis plus loin Michèle, un peu isolé, mais sereine et bien dans le rythme.
Nous retraversons les 2 tunnels empruntés lors de l’aller. Cyril est désormais le plus actif de nous 2 au niveau des relais. Il assume environ 4/5 du travail. Je passe parfois par solidarité, mais je le sens un peu plus solide. Et moi, mon état physique se dégrade petit à petit. Mes premiers signes de difficulté s’amplifient, les jambes s’alourdissent, je ressens aussi parfois de petites montés de crampes au niveau de l’adducteur droit.
Ça fait comme une boule qui se contracte fort et subitement, puis ça s’apaise quelques appuis plus loin. J’espère que ça ne va pas prendre plus d’ampleur trop vite… Cela a tendance à faire pareil au mollet gauche… Je suis pourtant un de ceux qui boivent le plus et je suis parti parfaitement hydraté…
Nous apercevons un gars d’Aix en Provence stopper son effort sur le côté, je lui glisse un mot pour qu’il persévère. Nous passons au km 25 en 1h34’14 (Gel), au km 26 en 1h38’02. Sur mes meilleurs marathons, je me disais au km 26 : « reste 1 heure d’effort ». Mais je sais que ça ne sera pas envisageable aujourd’hui. Je sais que je vais devoir m’arracher pour faire – de 2h40’.
La course : gérer le fameux « mur » du 35ème
Nous restons très réguliers. Du km 20 au km 28 (1h45’36), nous avons enchainé TOUS les kilomètres en 3’46/3’47. Au niveau musculaire, ça commence vraiment à faire mal là. Ça durcit ça durcit… Nous « ramassons » quelques gars par ci par là. A l’approche du km 30, j’ai l’impression que Cyril accélère.
Nous basculons en effet sur un tempo en 3’43/3’44. 3’’/km, ça compte !! Km 30 en 1h53’01 (je passe un gel, car j’ai l’impression, j’espère, qu’il « endigue les montées de crampes »), km 32 en 2h00’31, km 34 en 2h07’59. Entre temps nous avons rattrapé JP Carvalho, qui n’a pas pu rester avec nous bien longtemps. Nous avons échangé quelques mots amicaux, nous nous retrouvons tous les ans sur le championnat de France de marathon.
Subitement, tout bascule !! Au pied du faux plat sévère qui mène au km 35, Cyril aperçoit une connaissance sur le bord droit de la route, qui l’encourage. Il accélère légèrement à ce moment-là. Et moi, je reste pendu. J’ai l’impression qu’en quelques appuis, je viens de prendre 10 bornes dans les cannes. C’est l’EXPLOSION musculaire.
Je subis chaque impact au sol, mes jambes sont en béton, mes fibres musculaires sont explosées. Le tout sur le kilomètre qui mène du 34ème au 35ème. 3’54 ce km-là. Je tente une relance une fois la bosse effacée pour revenir sur Cyril, mais c’est fini. Peu après, 2 autres Master 1 me passent au moins 1 km/h plus vite, je ne peux pas répondre. C’est FOU comme ils creusent l’écart sur moi.
La course : gérer les derniers kilomètres
Il me reste 7 km… A Chaque km qui passe j’essaye de faire des calculs pour voir si je vais pouvoir réussir mon – de 2h40’. Mais je n’y arrive pas trop. Km 36, dernier gel. J’enchaine 4’01/4’06/4’06/4’17… J’en suis à me demander si je vais pouvoir éviter de faire mon pire résultat sur marathon (2h42’11 à Toulouse en 2013).
Je m’arrache autant que je peux, au niveau moteur je suis bien, mais comme à Sénart l’an dernier, la transmission est flinguée. Je dépasse Sylvain Mouquet qui passe à côté de son marathon. Pour une fois. Je repense à la possible médaille par équipe, je sais que cela peut se jouer à peu. Je jette mes dernières forces sur la zone d’arrivée sur piste. Je fais les 2200 dernier mètre en 8’43 pour en terminer en 2h41’01. 29ème.
Je suis explosé. J’ai tout donné. Je titube. J’ai l’impression d’avoir déchiré toutes mes fibres musculaires des cuisses. Je repense furtivement à la position qu’avait adopté Nicolas Navarro à la fin de son marathon de Paris 2017, les jambes complètement repliées : je suis bien incapable de ça pour plusieurs jours !
Les autres résultats de ce championnat de France de marathon
Peu après, j’essaye d’aller jusqu’à l’entrée de la piste pour encourager les copains. Lionel Vignon en termine en 2h45’10, à 1’20 de son record, et COUP DE THEATRE : Il est 3ème Master 2 !! Il a passé toute une brochette de Master 2 sur les derniers kilomètres. Il est médaillé !! ENORME !! Sur le papier, c’était quasi impossible.
Lionel Ribeiro termine en 2h47’21, à 10’ de son niveau théorique du jour. Il fait partie de la longue liste des déçus de leur chrono sur ce marathon d’Albi (Personne quasiment n’a fait de chrono, sauf rares exceptions).
José Ribeiro a connu une journée galère et s’est contenté de terminer en 3h13’ pour assurer sa qualif pour le prochain championnat. La pluie est soutenue depuis les arrivées en 2h50’ et plus.
Michèle Martinet n’a malheureusement pas pu terminer son marathon : genou bloqué. A ma connaissance, c’est peut être son premier abandon. Elle a quand même été bien courageuse d’aller jusqu’au km 34 (sur les bases de 3h40’).
Mathieu Brulet, malgré une regrettable erreur de parcours, qui l’a pénalisé, est champion de France en 2h21’05, il devance Romain Courcière en 2h22’21 et Freddy Guimard en 2h23’28.
Le 1er Espoir est Guillaume Ruel en 2h25’22, il termine 6ème de la course et 4ème français. David Duquesnoy le talonne et remporte le titre master 1 en 2h25’56. Son 2ème consécutif. Série en cours.
Nicolas Navarro remporte lui le semi-marathon d’Albi en 1h09’24. De l’endurance dynamique pour lui.
Antoine de Wilde gagne lui le 10 km.
Karine Pasquier devient championne de France de Marathon en 2h39’36, devant Aline Camboulives en 2h44’03 et Cécile Kempf 2h53’03.
Une 3ème place par équipe
Au classement par équipes du championnat de France de marathon, après une longue attente, il s’avère qu’Aix en Provence remporte le titre pour 29’’ devant Ales, soit – de 10’’ par mec !! – de 0.25’’/km !! 7h22’32 contre 7h23’01. Des scores historiques pour un championnat de France de marathon. Quant à nous : Nous sommes 3ème !! Oléééééééééé !! Pour 69’’ !! Soit 23’’/mec, soit environ 0.5’’/km. Ce fut chaud !! En tout cas, contrat rempli !!
Même si ce n’est que mon 9ème temps sur 10 marathons courus, cela reste une 5ème médaille par équipe en autant de championnat de France disputés pour moi. Et le Top 30 espéré est atteint. Un bon chrono aurait été la cerise sur le gâteau, mais je n’ai pas pu. C’est le sport. Ce 2h41’ est également conforme à mon semi de prépa assez moyen : 1h15’28 à Feurs (voir Récit).
Le podium de Lionel Vignon et notre podium par équipe resteront de très bons moments, d’autant qu’ils ont été partagé avec notre leader, venu en supporter et conseiller averti. Ça restera un week end inoubliable.
Maintenant, place au repos, puis je vais sortir un peu à vélo. Je ne participerai probablement pas à un marathon cet automne.
Par Sébastien LARUE
Les résultats des championnats de France de Marathon à ALBI > france de Marathon à Albi