Rémy Jegard a eu le droit à une 4ème tentative. Il a fait partie des heureux élus à avoir pu participer à l’édition 2018 de la Barkley, célèbre course qui s’est déroulée le 24 mars dernier dans le State Park de Frozen Head du Tennessee, aux USA.
Et pour Rémy, assez rare pour le signaler, c’était une 4ème participation à l’évènement ! Soigneusement sélectionnés par l’organisateur, LAZ, les participants ne sont pas plus de 40 au départ de chaque édition.
Plus motivé que jamais, notre ambassadeur toulousain i-Run.fr, s’était préparé sérieusement, avec l’objectif de tenter de faire mieux que ses expériences passées. Il revient ici sur son incroyable aventure.
1er tour validé en moins de 12h
« L’orage gronde. La pluie s’abat sur nous avec une violence brutale. Cela fait bientôt 12h que je suis parti. Je serre les dents. Je sprinte dans la dernière ligne droite. Là où il y a un peu de bitume. Les deux cents mètres d’asphalte de toute la Barkley. La montre que Laz nous a donnée avant de partir indique 11h56.
Allez encore un effort. Je n’y vois quasiment rien tant la pluie est forte. Je devine au loin la Yellow Gate. Quelques spectateurs m’encouragent avec le traditionnel « Good Job ». Je tape sur la porte. C’est comme ça qu’il faut faire. Le tour est ainsi validé. Moins de 12h. A ce moment-là, je suis satisfait. Je sais que j’ai effacé la terrible désillusion de l’année passée. J’y suis arrivé.
Mais je sais aussi que la suite ne va pas être facile. Que mon objectif alors me parait bien loin. Mais comment faire pour réaliser les deux tours de cette put… de course ? Je suis trempé jusqu’aux os. Dans la voiture pour me changer, tous mes muscles déjà me font mal. Je serre les dents. Je suis tombé combien de fois sur ce tour ? Vingt fois ? Trente fois ? Je ne saurais le dire.
Un parcours que l’on ne trouve qu’à la Barkley …
En fait ce parcours est devenu limpide pour moi : tout d’abord il y a cette première montée, régulière, sur le sentier, pour s’échauffer. Et puis ensuite l’enfer débute. La première descente se fait directement dans la pente, hors piste. 600m de D- dans les ronces, dans les arbres morts, dans les feuilles glissantes, dans la boue, sur les rochers traitres.
Pas le temps de chercher des appuis meilleurs que les autres. Il faut dévaler la pente, de peur de perdre le contact avec quelques autres compagnons de virée. Les meilleurs vont un peu plus vite. Déjà je les perds de vue. Et puis ensuite, cela ne s’arrête plus jamais. Succession de véritables murs à escalader avec les mains.
Avec cette boue aussi qui te fait reculer d’un pas ce que tu as mis tant et tant d’efforts à gravir. Avec cette pluie aussi qui ne cesse jamais vraiment. Ici petite bruine et là grosse averse. Et successions de descentes vertigineuses où tu te mets toi-même sur les fesses pour glisser plutôt que de te vautrer sans arrêt.
Mes trois compagnons de route tombent tellement tour à tour qu’il devient ridicule de leur demander à chaque fois si cela va. Une fois j’ai une branche, vue trop tard, trop occupé à regarder mes pieds, qui me rentre dans l’œil. Une autre fois, dans la terrible descente de Rat Jaw, je tombe à nouveau mais me réceptionne mal. Les fesses directement sur un bout de bois qui dépassait.
Cela va me faire souffrir tout le reste de l’épreuve et même bien après…
Je serre les dents. Je serre la main de Laz. Je repars
Et puis il y a cette brume. A 15h déjà, on a l’impression d’être à la tombée de la nuit. On n’y voit plus rien à dix mètres. Difficile ainsi de trouver les bouquins déjà si bien planqués. Je serre les dents. J’ai un mental en béton armé pour cette année.
Je ferme les yeux et je me revois lors d’un de mes entraînements si rudes de l’hiver et où je m’étais dit qu’il faudrait que je m’en souvienne. Au bon moment. Je ferme les yeux et je la revois, elle, avec son sourire étincelant. Je vois ma fille. Et je me dis que ce n’est pas grave. Que je suis là où j’avais envie d’aller.
A part une vraie erreur de navigation sur l’ensemble du parcours, tout va se passer plutôt bien. Cinq kilomètres en plus certainement et des dizaines de mètres de D+. Mais cela fait partie de la Barkley. On perd une demi-heure par ici, une autre par là et les rêves s’envolent.
Je serre les dents. Je serre la main de Laz. Je repars. Il me remet le deuxième dossard sous une pluie battante. Il sourit en me souhaitant bon courage. Je sais déjà que je n’irai pas au bout de cette deuxième boucle. Mon objectif annoncé. Je sais que je n’ai pas le temps.
Il fait nuit noire. Je suis tout seul. Je monte le Chimney Top. Un livre. Je continue. Deux autres lumières derrière moi. Mais ils sont tout aussi désabusés que moi. Je suis déjà de nouveau trempé jusqu’aux os. Le froid aussi s’installe quand la vitesse diminue.
Je fais donc demi-tour. Un petit tour dans la voiture pour l’annoncer à Phil et je regagne la Yellow Gate pour entendre le son du clairon. Comme le veut la coutume.
Fin de la Barkley pour moi. Une page se tourne.
Fin de mon aventure avec cette édition particulièrement difficile. Dantesque. J’apprendrai ainsi par la suite que personne n’ira au bout. Que seul Gary Robbins va réussir une Fun Run. Personne dans le 4ème tour ? Cela aussi, c’est assez rare pour être signalé.
A ta santé, la Barkley ! Tu m’en auras fait tellement baver, tellement chier durant quatre ans. Et tellement rêver aussi. Tellement rêver !! Merci mon ami Laz pour tout cela… et pour le reste… #runstoppable »
Reverra t-on Rémi sur la Barkley 2019 ? On va déjà lui laisser le temps de digérer celle ci !! ;))
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