Trois semaines après une Transgrancanaria avortée aux alentours du 40ème kilomètre, il m’a fallu vite me remobiliser pour cet Ecotrail pour lequel j’ai repris des séances typées vitesse et des sorties longues rythmées pour être à la hauteur de l’évènement.
En effet, avec quelques étrangers de gros calibres et parmi les meilleurs français sur ce type de course et de profil, il valait mieux être bien armé pour ne pas « passer par la fenêtre », comme on dit…
Mais c’est justement ce plateau relevé qui m’a permis d’être très motivé et de pleinement me concentrer sur cette fin de prépa en essayant de faire de mon mieux pour arriver le jour J en pleine possession de mes moyens.
Je crains particulièrement Manu Meyssat, quasi intouchable depuis plusieurs mois sur le sol français et Didrick Hermansen, le norvégien, solide vainqueur de 2 manches de l’UTWT et qui fait partie de l’élite mondiale depuis plusieurs années et qui m’a mis une petite fessée sur l’Ecotrail d’Oslo l’an dernier !
Jarle Risa, l’autre norvégien mais aussi un estonien, et la clique des meilleurs français sur terrains roulants me fait penser à une course très rapide et très dense qui mettra du temps à se décanter mais qui risque d’exploser. Avec un léger manque de prépa vitesse, je compte sur le foncier accumulé cet hiver pour compenser…
Les petites habitudes !
Avec Sissi, nous faisons le voyage vers Paris, presque sans encombre. Débauche à 16h45 environ, trajet vers Nimes, train à 18h00, tupper dans le TGV, arrivée 21h30, Ubber qui nous dépose à l’hôtel. Dodo à 23h15. Tout est réglé. Nous connaissons cette « routine » vers Paris par cœur.
Le petit déj du Campanile aussi, même table, presque même collation que l’an dernier à un café près. On est prêt ! Pauce le photographe et Arnold notre « ange-gardien » ravitailleur sont dans la place. Dernières consignes et nous filons vers Saint-Quentin.
Echauffement sérieux, on teste les chaussures sur le mouillé, le dur, on accélère, on ralentit. La routine habituelle ! J’opte pour un maillot manches courtes, coupe vent manches courtes et manchettes. Il fait 7°, ca menace de pleuvoir, mais pas plus que ça, je ne fais donc pas ma chochotte ! Je mets mes Cloudflow au pied, je ne m’attends pas encore à un réel chantier…
Derniers bisous à ma grenouille, dernier « check » à Taz, Arnaud, Arnold, Pauce, et les autres coureurs sur la ligne et c’est déjà l’heure d’y aller.
Départ canon, comme d’hab !
Et les premiers hectomètres sonnent déjà comme un avertissement. Le terrain habituellement boueux est très spongieux . Ca ne renvoie pas super bien et on s’enfonce si on ne prend pas garde où l’on met les pieds…
On se retrouve rapidement heureusement sur les bords du plan d’eau où le terrain est meilleur et où cela déroule autour de 3′ 40 » au kilo. Les premiers kilomètres filent assez vite car nous sommes un bon petit paquet d’une dizaine d’unités, ce qui permet de discuter un peu et de ne pas se retrouver trop isolé.
Comme d’habitude, à partir du 12/ 13 ème kilomètre, les premiers talus font tendre l’élastique et certains coureurs qui nous accompagnaient commencent à perdre du terrain. Nous nous retrouvons à la faveur de ces accélérations successives environ 6/ 7 en tête : Vincent Viet, Manu Meyssat, Didrick Hermansen, Arnaud Perrignon (mon ON-partner!;-)), l’estonien Thomas Cardin et moi. Je sais que la route est longue et je temporise au maximum dès que je le peux même si l’allure est vive.
Nous arrivons enfin dans les portions de forêt où je peux très rapidement me rendre compte que la course ne va pas se dérouler tout à fait comme je l’avais prévu.
La boue invitée surprise n°1
En effet, la boue est partout. Et il est difficile de passer sur les côtés pour l’éviter. Première surprise donc, le rendement auquel je suis habitué risque de ne pas être au rendez-vous… A la faveur de cette portion, Vincent nous dépose d’ailleurs et semble « voler » dans la boue.
Manu lui emboîte le pas ainsi que Thomas Cardin. Pour ne pas me mettre à fond au niveau cardiaque, je suis simplement dans l’impossibilité de répondre sur ce terrain. Je manque clairement d’habilité sur ce type de surface et ma motricité est réduite à du patinage incessant. Le groupe de 3 « s’envole », je reste spectateur avec les 3 autres coureurs qui m’accompagnent.
Dans les portions qui redeviennent dures, je vois bien que l’on maintient l’écart tandis que dans les portions boueuses, nous sommes littéralement « plantés ». Au kilomètre 22, nous passons donc à Buc avec 40 » de retard.
Je sors de ce ravito avec Didrick qui semble temporiser, et l’estonien nous rejoint assez rapidement. Ce dernier semble très en verve et nous fait l’essentiel des relais en montée tandis que j’assure la chasse avec Didrick sur le plat. Mais je temporise toujours, la course est encore longue. On nous donne fréquemment des écarts et il semble que nous ayons stabilisé celui-ci entre 1 minute et 1 minute 30…
Lorsque les portions sont propres, je sais que nous ne perdrons pas de temps. Je compte donc les portions boueuses pour estimer comment l’écart peut se creuser même si il n’y a pas lieu de s’affoler. Aux alentours du kilomètre 30, un bénévole nous demande « 50 ou 80 ? ». Je réponds 80, je suis le seul à parler français… Ce dernier nous dit « à droite ».
Je m’exécute et me retrouve au pied d’une belle bosse qui ne nous laisse pas le choix de marcher et qui me rappelle des souvenirs. L’estonien passe devant en haut et nous reprenons notre trio de chasse. Quelques hectomètres plus loin, à la faveur d’un carrefour et de la présence de signaleurs, je demande des écarts sur la tête.
Je comprends dans la réponse de ces derniers que la tête s’est égarée et que nous sommes les nouveaux leaders de la course. Je n’accueille pas cette nouvelle avec enchantement et me pose des questions sur la probabilité d’un tel scénario puisque nous n’avons à aucun moment douté du parcours et surtout, à 3 coureurs devant et 3 coureurs en chasse, il semble bizarre que personne ne s’aperçoive d’une fausse route…
La neige invitée surprise n°2
J’essaie de chasser assez vite ces questions et me reconcentre sur la course. Je suis toujours dans une optique de garder de l’énergie, d’autant que le temps est devenu très compliqué. La température a baissé significativement et la neige commence à tomber.
Je sens qu’une autre course commence… Je commence à regretter mes vêtements légers. Je n’ai pas de gants et mes mains sont glacées. Cela devient difficile de boire et de manger.
J’essaie donc de me ravitailler comme je peux, de rentrer dans ma bulle et de me nourrir comme je le peux. Je me mets en mode « économie d’énerge et d’influx » ; Il faut rester calme… En gardant une bonne allure tout de même!
Nous arrivons au ravitaillement de Meudon et je comprends vite que mes deux compères sont dans le même état que moi. D’habitude, ce point d’eau est passé à toute allure. Cette fois-ci, chacun prend le temps de manger et de bien remplir. Ca me change vraiment, j’ai le souvenir d’une vraie course poursuite à la suite de ce point habituellement…
Nous repartons tous les 3 et sillonnons le parc autour de Meudon. Juste avant de sortir de celui-ci, nous apercevons Manu et Vincent derrière à environ 1 à 2 minutes. Connaissant très bien Manu, je m’attends à une réaction « costaud » quand il va nous revenir dessus. Autrement dit, si il a les jambes, il va attaquer tout de suite. Je me prépare à cette eventualité et reste en dedans le plus possible. Comme prévu, il nous revient dessus alors que Vincent ne fera jamais la jonction.
Pour être honnête, il « fond » littéralement sur nous car il nous reprend sur une portion terriblement boueuse où nous faisons de la moulinette. Ses qualités de crossman et son gabarit font le reste. Il prend le temps de m’expliquer que nous nous sommes surement trompés de parcours et garde son allure pendant que nous rétropédalons.
J’assiste au même spectacle qu’en début de course, Impuissant. Didrick tente de l’accrocher. Je n’en ferai rien. Gaspiller mes forces dans ce bourbier m’est tout simplement impossible et je sais aussi que la fin de course, plus propre me sera plus favorable. Avec l’hypothermie qui guette de surcroit, ce ne serait pas tres sage…
Je garde donc un rythme soutenu mais économise mes forces en vue des 20 derniers kilomètres. Au ravitaillement de Chaville, je prends le temps de mettre une veste, même si je perds un temps monstrueux à la mettre : retrousser les manches, fermer le zip… avec les doigts glacés, les gestes sont paralysés et il est difficile d’être efficace.
Je mets bien 2 minutes à ficeler le tout. Heureusement Arnold se charge de me redonner de quoi boire et manger et je prends le temps d’avaler d’un trait ou presque un bidon de boisson TORQ.
Une fin de course à la bagarre.
Ca me fait du bien immédiatement et je repars avec l’estonien en chasse derrière Didrick et Manu. On nous annonçait 2′ derrière, nous devons être maintenant à 3/ 4′. J’ai retrouvé des forces et un peu de chaleur grâce à mon coupe-vent, je me sens d’attaque pour, cette fois-ci, jeter mes dernières forces.
Dans la bosse qui suit j’appuie donc une première fois très fort pour faire le break sur l’estonien. Il a pris lui aussi beaucoup de temps au ravitaillement, je pense qu’il n’est pas au mieux. Effectivement, bien qu’il ait été très à l’aise dans les bosses durant toute la course, il semble marquer le pas. Je suis donc maintenant et je l’espère en 3 ème position de manière definitive.
Il disparaît petit à petit derrière et il me reste des forces. Je croise les doigts pour que ça continue comme ça. Les portions propres se multiplient et je peux « engager » comme je le souhaite. J’aperçois assez rapidement Didrick au loin qui semble ralentir lui aussi à son tour. Je prends le temps de revenir sur plusieurs hectomètres pour ne pas puiser trop. Il s’accrochera un petit moment avant de lâcher prise à l’entrée du parc de Saint Cloud à la faveur d’un faux-plat montant. Je ne souhaite pas le garder trop longtemps sur le « porte-bagage » car je connais son mental. Il pourrait reprendre espoir…
Cette fois-ci, lui aussi disparaît petit à petit de mon champ de vision et je profite d’un tour de petit lac pour jauger l’écart. Nous en sommes au moins à la minute à ce moment-là… Ma progression est bonne, le ravitaillement approche, mais après un petit pont, je n’aperçois plus de rubalise. Un petit chemin à gauche se dessine, mais je n’y aperçois aucune rubalise. Je décide de filer tout droit.
J’arrive à un grand rond point où je n’aperçois toujours rien. Je demande mon chemin à un jeune coureur qui ne semble pas comprendre ce que je lui demande. Je fais alors demi-tour et pose la même question à un couple de runners qui ont bravé la météo pour venir faire un footing semble t’il… Toujours aucune idée. Je vois maintenant Didrick qui revient, avec qui je fais le même aller-retour sans succès. Ce que je craignais arrive : Le parc Saint Cloud, très fréquenté a été sûrement débalisé par des promeneurs… ( cela arrive sur de nombreuses courses malheureusmement).
Nous attendons finalement l’estonien qui nous sauvera grâce à sa montre GPS : ils nous indique une direction : Tout droit ! Ok, je repars direct dans cette direction sans me poser de question. Effectivement, j’aperçois le ravitaillement et quelques rubalises au loin. Je suis plus déçu de voir revenir ces deux coureurs que j’avais réussi à distancer, que du temps perdu. En effet, il faut tout recommencer. J’essaie de garder mon calme, je ravitaille et remplis mon bidon aux bonbonnes de l’organisation.
Ca coule lentement… GRRRR !!! Finalement je repars avec Didrick en ayant encore laissé une bonne minute au ravitaillement. Contrôle du matériel. J’ai l’impression de repartir pour un 10 kilomètres avec Didrick pour seul adversaire. Je ne lui laisse pas le temps de souffler et décide d’accélérer nettement dès la sortie du contrôle. Nous sommes côte à côte puis petit à petit, je gagne du terrain. Je mets toutes mes forces dans la longue descente qui va vers les quais pour faire la différence et enfin, la distance se creuse.
Sur les quais, je continue mon effort pour être sûr de creuser suffisamment et pouvoir gérer la fin. En me retournant, je constate que la différence d’allure est conséquente. Je continuerai ce travail jusqu’à 3/ 4 kilomètres de l’arrivée même si je constate que Didrick n’est plus dans mon viseur quand je me retourne. Je profiterais des 3 derniers kilomtres pour ralentir un peu et souffler avant la ligne.
Derniers hectomètres, tour du pied de la tour Eiffel. Dernières marches que je passe en marchant. Les muscles sont bien durs. Et 2ème place en 6h05 que je savoure malgré tout après une journée « commando » où j’aurais trouvé plus fort que moi en la personne de Manu Meyssat qui nous aura littéralement donné une « leçon de cross » sur la boue. Il terminera en 6h01. Bravo à lui.
Je n’aurais pas le bonheur de savourer la victoire ex-aequo de Sissi, étant appelé pour le contrôle anti-dopage. Une édition qui restera dans les annales de la course. Les chronos ne reflétant que partiellement le chantier que nous avons eu à traverser… Je ne sais pas si le coefficient « boue » existe dans les barêmes de l’ITRA. Si ce n’est pas le cas, il faut y songer! 🙂
Maintenant, on rebascule sur une prépa ULTRA/ MONTAGNE après quelques jours de repos. Prochain gros objectif : le MIUT !
Emmanuel Gault