Lancement de la saison 2018 faite pour Emmanuel Gault, ambassadeur i-Run, sur la Transgrancanaria le week-end dernier. Il avait à coeur de bien faire, mais s’est vu contraint de mettre le clignotant au bout de 40km à peine. Retour sur ses mésaventures espagnoles.
UNE PRÉPARATION SOUS LE SIGNE DU CHANGEMENT
Presque 3 mois que je pensais à cette Transgrancanaria 2018 sur laquelle je lorgne depuis quelques années mais que je n’ai jamais pris le luxe de courir, présence à l’EcoTrail de Paris oblige.
Une saison 2018 que j’ai décidé d’axer sur les ultras, sur des nouvelles méthodes d’entrainement, sur une remise en question de la diététique de course, etc…
C’est ainsi que le kilométrage de ces deux derniers mois s’est accru avec notamment deux week-end chocs au mois de janvier qui devaient m’aider à encaisser les kilomètres. Ces deux blocs s’étant relativement bien passés, j’arrivais ainsi assez confiant sur l’épreuve avec comme premier objectif de terminer !
Car cela fait maintenant 4 ans que je ne me suis pas aligné sur un Ultra et il est important d’aborder ce genre de nouveau challenge avec humilité je pense. Et d’essayer de jouer quelque chose si les jambes répondaient bien en seconde partie de course. J’ai la chance d’avoir la confiance de l’équipementier ON dont les chaussures m’inspirent pleinement confiance pour avoir du rendement sur toute l’épreuve.
Côté diététique, mon passage chez TORQ, qui travaille à partir de produits naturels et à IG bas devait aussi m’aider à supporter plus facilement les efforts longs. Une gamme complète qui m’a pour l’instant donné pleinement satisfaction mais que j’avais hâte d’utiliser en situation « de course ».
UNE AVANT-COURSE SEREINE
L’étude du parcours étant faite et le soutien de Fabrice pour le ravitaillement, un ami, en place, il n’y avait plus qu’à… (Sissi était retenue en stage avec le team Fuji Spirit).
Les préparatifs, le vol, le repos, la remise du dossard, l’avant-course se déroulent à merveille. Bien détendus nous sommes mais pas trop. Bien reposés nous sommes aussi (important pour le ravitailleur aussi!!). Bref, à 22h15, nous approchons de la ligne de départ après avoir calé tous les ravitos, scénarios possibles et échafaudé quelques plans sur la comète.
La ligne réunit cette année encore de grands noms de l’Ultra et je suis tout excité de courir à côté de Tim Tollefson ou Pau Capell, que je suis de loin de puis deux ans puisque non présent sur les épreuves de l’UTWT depuis 2014.
DÉPART CANON
A 23h, le départ est donné dans l’excitation la plus totale. Nous démarrons sur la plage de Las Palmas, ce qui n’est pas un cadeau puisque les appuis sont fuyants et fatigants même si nous commençons à peine la course.
Rapidement nous nous retrouvons à 7/ 8 coureurs devant. Il est vrai que la course est partie sur des bases folles. Nous sortons du sable pour embrayer à 3’30 » au mille. Le rythme est très élevé. Je discute un peu avec Tony Moulai qui trouve aussi le départ très rapide. Autour de moi Maxime Cazajous côté français également et devant Aurélien Collet qui se détache avec un groupe de 4/ 5 coureurs dont Tim et Pau.
Derrière, je gère mon allure et garde en tête l’objectif de finir. Interdit de se mettre en surrégime même si les jambes répondent très bien ! Je me sens très à l’aise en côtes, ce qui me rassure sur la validité de ma prépa. Je me dis que au moins, si je souffre sur la fin, je vais prendre mon pied un long moment…
La première difficulté est avalée rapidement et déjà nous redescendons dans le premier vallon. Je suis seul en « chasse-patate » en 6/ 7 ème position et sur la portion descendante je suis rejoint par quelques coureurs dont Maxime Cazajous. Nous évoluons ensemble et il me chambre gentiment au milieu d’un chemin rempli de galets qui dure plusieurs kilomètres.
Il sait que je ne suis pas fan des « mers de cailloux » et me rappelle les bons souvenirs du Gruissan Phoebus trail où je râlais après tous les cailloux deux ans auparavant ! Nous arrivons rapidement au premier ravitaillement à Ayagures après 17 km courus à vive allure. Je suis le seul à m’arrêter pour remplir et mon petit groupe s’échappe. Je retrouverais à ce petit jeu Tony que je vais suivre sur les kilomètres qui suivent.
Cette fois-ci le parcours se fait encore plus montant et les bâtons commencent à clinquer au sol… Ca revient de derrière et nous formons un nouveau groupe de 4/ 5 coureurs aux alentours de la 10 ème position je pense. Ca bâtonne à fond, je garde une alternance marche / course qui me va bien.
Je reste avec ce groupe dans l’ascension et suis dans la descente qui suit jusqu’à Teror, lieu que nous sommes venus reconnaître la veille avec Fabrice. Tout est prêt, Fabrice assure un ravitaillement serein bien qu’il se soit fait une grosse frayeur car pris par la vitesse de course (je passerais finalement en 2h10 environ pour 27 km et 1360+). Je lui avais prédit un passage en 2h40.
Nous prenons le temps de discuter et je prends le temps de bien boire, prendre les bâtons et la frontale et d’échanger un peu avec lui. Tout se passe au mieux. Je suis presque neuf et repars. La bosse qui suit se présente et je sors donc à mon tour les bâtons avec lesquels j’ai passé une bonne partie de l’hiver.
PIEGE PAR LE PARCOURS
Seulement, le parcours n’est pas franchement montant. Nous alternons des petites montées avec de petites descentes sur la route ou sur terrains durs, ce qui a le don de me faire courir en arrière car il est difficile d’allonger.
Au bout de deux trois descentes de ce type, je sens que mon bassin commence à se crisper. J’ai du mal à relancer et à réallonger la foulée car le terrain n’est pas propice à relancer franchement l’allure.
Je sens que les choses se compliquent et que je vais avoir droit à un blocage que je connais malheureusement par cœur. Ma « jambe courte » accidentée de jeunesse me rejoue des tours au plus mauvais moment. Il suffira de la descente qui suit pour vérifier mes craintes. Je suis complètement bloqué et doit me résoudre à marcher alors que je sens que le réservoir est plein. Frustré, blasé, mais arrêté. Ma jambe gauche ne répond plus.
Dès lors, malgré mes multiples tentatives de relancer, je m’astreins surtout à essayer d’avancer sans trop perdre de temps pour ne pas avoir trop froid. J’enfile ma veste et me rends péniblement au ravitaillement suivant. Je mettrai 40′ pour faire les 3 kilomètres qui suivent. Fabrice me récupèrera claudiquant.
Fin de l’histoire.
Durant ces 5 derniers kilomètres, j’ai eu le temps de me repasser toute ma prépa, l’entraînement, le voyage, l’engagement qu’une telle course nécessite même si tout cela n’est que du plaisir et de la passion.
Le soutien des miens, des partenaires, qui comptaient sur moi même si ils ne mettent aucune pression mais à qui j’aurais voulu rendre la pareille. La frustration est grande… Immense même. Et ces longues minutes de marche sont plus souffrance morale que physique. Et me semblent durer des heures.
Voilà ce qu’abandonner veut dire. Il faut maintenant retirer des leçons de tout ça, se soigner, faire en sorte que ça ne se reproduise plus. Et surtout, vite retrouver l’appétit pour la suite de saison qui est encore bien longue !
Accessoirement aussi refermer la valise… Et revenir l’an prochain !