Depuis le temps que je viens ici, cela ne sert plus à grand-chose d’essayer de comprendre et surtout d’expliquer ma venue.
Pourtant le mot « raisonnable » ne semble pas forcément coller à la situation.
Mais cela ne m’a jamais fait de mal et il se pourrait même que cela me soit bénéfique, donc je suis ici … pour la 7ème fois !
« C’est grave docteur ? »
18h30 Lévignac, il pleut, il fait nuit, il fait pas forcément très chaud. Cadre « nominal » pour cette 8ème édition du Forest Trail. Le nombre de patients venant chercher sa dose est conséquent, plus de 2000, mais diminue avec la posologie théorique. A peine 10% sont venus pour la version « remède de cheval » à savoir le 42km. Forcément j’en fait partie, pardi !
A défaut de camisole, j’essaye de pas me louper sur la tenue de soirée …et le rythme associé … vous ne voyez pas le rapport ? Et bien pour moi c’est bien souvent une donnée à ne jamais sous-estimer. Il faut être suffisamment couvert mais pas trop histoire de pas trop transpirer puis attraper froid quelques kilomètres plus tard à cause de la sueur qui a pris le vent et le froid, encore plus vrai quand tu pars en mode K-Way !
La tenue de soirée ?
Haut manche longue bien chaud, tee-shirt Forest Trail 2017, camelbak (avec coupe-vent et kit de survie dedans) … et par-dessus tout ça un K-way qui taille un peu grand histoire d’enrober le tout et qui a l’avantage de me protéger bien plus bas que le bas du ventre (je ne vous fais de détails), et qui, cerise sur le gâteau, est zippé sur toute sa hauteur pour ventiler facilement si besoin.
Si avec ça tu rajoutes la casquette pour la pluie et frontale sur la tête, tu es quasi certain de ne ressembler à rien ! C’est pas grave personne ne me verra ou presque !
18h30, c’est parti pour la thérapie de groupe.
2km de bitume pour commencer, principalement en montée. Pas d’échauffement effectué donc j’en profite pour faire quelques gammes (foulées rasantes, foulées bondissantes, talon fesses et j’en passe). Je reconnais Thomas Moreau et Samir Hijazi qui sont avec moi sur cette partie.
Km3, le premier sentier se profile avec un long replat (et la boue qui va avec). Mais ça va. J’allonge un peu la foulée pour finaliser l’échauffement et je me détache déjà. 2 ou 3 singles plus tard, je comprends que je suis parti pour me faire une « petite » cure thalasso solo. Mon rythme de croisière est quasi établi.
Ma frontale est OK (j’en ai une deuxième avec moi au cas où) donc je n’ai plus qu’à me concentrer sur mes sensations et le balisage. Mot d’ordre : lucidité. La 1ère boucle me semble assez roulante, même si il y a toujours des petits singles ici ou là pour te rappeler que faut rester vigilant. Bref rien à signaler.
Km15, v’là la buse ! Et bien même pas abusé ! Pas tant d’eau que cela finalement … en tout cas en choisissant l’option bordure. Sinon balisage OK, sensations OK, ravito OK, 1ère boucle de 25km OK … ou presque, car j’en ai presque 27. On m’aurait menti ?
Km27, le passage à Levignac est un peu épique car pas grand monde pour me dire où je dois vraiment aller. Il se peut aussi que j’ai raté 2 ou 3 infos durant le débrief … ou que je sois allé plus vite que ce que Bison Futé avait prévu. Après quelques échanges je trouve enfin la voie à suivre, celle de ceux du 18km. Et comme 27 + 18 = 42 forcément !
Bref on se dit que tout va bien ! Et dire que les années d’avant on était plus proche des 40 (… ne surtout pas penser à demain matin !). Un passage dans un champ d’herbe folle, une belle montée bitumée qui dure un peu, et là les ennuis commencent.
Je découvre une nouvelle facette géologique du coin : la boue-glue-carton-pâte ! Le sentier a gentiment été bien préparé et malaxé par le peloton du 18. Ca colle, ça glisse … bref c’est bien pourri … et comme au Forest, rien n’est jamais assez funky, je croise ici les 1ers du 18km. Ne me demandez pas qui ! Mais je comprends déjà qu’il faudra que je repasse ici plus tard.
Du rythme de croisière, je passe en mode rythme de galère !
Parfois pour passer un petit talus tout ce qui tombe sous la main devient utile, racine, arbre, buisson pour s’agripper. Petit passage sous les sunlights de tropiques avec des néons / guirlandes au milieu de nulle part (ou presque). D’ailleurs c’est là que Karine m’enguirlande presque … euh m’encourage à sa façon ! « No stress » ! Enfin j’essaye ! Et surtout à tout à l’heure !
Les 2 ou 3 traversées de champs un peu inondés deviennent pour le coup presque reposantes par rapport au reste. On gravit des sommets hors catégorie. Quoi je deviens fou ? Non ! Enfin pas tout à fait . Pour moi la boue c’est quelque part du D+ à horizontale ! Il faut bien idéaliser la situation pour éviter d’oublier la galère dans laquelle je suis embourbé.
Sinon je me mets désormais à rattraper la fin du peloton du 18km et je découvre un nouveau monde (mais pas celui des Indiens). On dira plutôt que j’en prend pleinement conscience. Je suis de plein pied dans le monde de ceux qui subissent fréquemment ce genre de terrain bien pourri mais qui ne rechignent pas, qui ne se plaignent pas, et qui n’auront jamais les feux de la rampe sur eux.
Je me dis que ces personnes-là ont vraisemblablement une raison bien plus noble que moi pour se mettre dans ces situations-là. J’aimerais bien savoir pourquoi ils en sont arrivés là, connaitre un peu plus leur motivation personnelle à supporter tout cela. Pour certains ce seront des galériens, mais pour moi ce sont des guerriers, des sortes de héros de l’ombre qui auront à supporter des choses bien plus dures que moi.
Bon, ils n’avancent pas très vite … mais ils avancent. Parfois ils s’entraident, souvent ils s’encouragent. Parfois une petite pause s’impose pour gouter … ou se « soulager » (vous savez l’effet transpi qui a refroidit sur le bidou ?). Bon il n’empêche que, si j’essaye de respecter tout ce joli monde, je dois parfois involontairement jouer des coudes pour faire ma trace, ou alors prendre la trajectoire la plus pourrie pour avancer … car la meilleure est déjà prise.
Bref c’est une autre course où le nombre de paramètres s’est décuplé. J’ai l’impression de ne plus être dedans ou pas à 100%. Et je sais aussi que je pioche allégrement dans ma cagnotte du lendemain. Parfois je suis encourageant, parfois je cours en rageant, mais jamais contre les autres !
On ne parlera pas du retour dans la zone où en plus de se frayer un passage dans le peloton, tu croises le paquet du 42km … ou alors 43 ? 44 ? 45, c’est mon dernier prix ! Bref on en parlera pas et surtout on ne leur dira rien ce qui les attend … sinon ils n’iront pas. Heureusement que demain est un autre jour. Moi je vous le dis ! Retour à Lévignac avec 44,2km à ma montre. Belle posologie !
Purée que ça fait du bien quand ça s’arrête tout de même !
Je tombe rapidement dans la collation d’après course : bière, sandwich saucisse, soupe. C’est le tiercé gagnant, pour lequel l’ordre n’est même pas garanti. Ça laisse rêveur, ou pas ! En tout cas, la convivialité dans la halle l’est !
C’est un vrai moment de complicité avec le reste des coureurs, même si je vais essayer de ne pas me faire piéger et donc me faire le moins vieux possible. Et là je ne peux que remercier grandement l’organisation pour cette soirée mais surtout d’avoir eu pitié de moi en faisant le podium dès que Samir et Thomas auront rallier eux aussi l’arrivée. Demain est un autre jour et la nuit porte conseil …. ou presque.
Aussi, si le Forest Trail peut ne pas être considéré comme un « vrai » trail (aussi bien d’après les éminents scientifiques qui se sont penchés sur le sujet que les adeptes des discussion de comptoir), en venir en bout vous sera grandement bénéfique pour la suite de votre saison.
Testé et approuvé par mes soins à plusieurs reprises. Il constitue pour moi une sacrée virée où l’on se forge aussi bien le mental que l’on parfait de manière complète sa musculation.
Fin de la consultation.
Nicolas MIQUEL (photo www.RunningMag.fr)