Mon inscription au marathon de Francfort 2017 date de décembre 2016. Ce marathon m’intéressait depuis quelques années (roulant, dense, bien placé au calendrier, pas trop loin, etc…), ….
Donc dès que j’ai su que des amis lorgnaient sur l’édition 2017 : Sébastien Charnay, Olivier Gaillard, Yoann Seigneuret, et quelques autres, je me suis dit : « c’est l’occasion ! ».
La préparation : des doutes et remises en question
Ce marathon me motivait énormément, et toute mon approche automnale avait comme point d’orgue le 29/10. Mais ma préparation a été incontestablement la plus laborieuse de mes 9 prépas marathon.
J’ai attrapé la scarlatine en juillet, j’ai dû couper 2 semaines entières. A la reprise de l’entrainement, vers le 20/07, j’avais le souffle court et je « toxinais » très vite sur les séances. Je ne m’en inquiétais pas au début, c’était normal après 2 semaines off. Mais j’ai vite constaté que rien ne s’améliorait au fil des semaines. Rien !
Je me suis demandé ce qui m’arrivait. Après 5 semaines d’entrainement, lors d’une petite course de rodage, à Saint André sur Vieux Jonc, j’étais en gros à 10’’/km de l’allure qui aurait dû être la mienne à ce stade de la saison. 3 semaines plus tard, au semi-marathon de Macon, j’étais en gros à 8’’/km de l’allure qui aurait dû être la mienne…
Pfff… Démoralisant (voir CR Macon 2017). 1h17’45… Mon temps de passage sur mes meilleurs marathons. Et cela après 2 mois de reprise de l’entrainement ! De loin mon pire semi-marathon sur mes 16 courus, à 4’42 de mon record de l’an dernier. (Voir CR Bourg 2016).
En septembre, 10 jours avant le semi de Macon, sur une 10 X 400, tournée en 1’14’’9 de moyenne (à 2’’/2’’5 de mes moyennes habituelles), au bout de 3 efforts, j’avais la charge musculaire qu’on ressent normalement au 7ème, 8ème effort. Bref, à l’entrainement comme en compétition, c’est mauvais. Ça n’a en fait jamais été si mauvais depuis 18 ans.
J’ai du coup pris la peine de faire un check up complet au niveau sanguin fin septembre, car après discussions avec des amis, mon état de forme lamentable aurait pu être lié à une anémie, ou une carence vitaminique. Il n’en était rien, mes données sanguines étaient irréprochables. Meilleures qu’elles n’ont jamais été même !
Je pensais en avoir terminé avec « l’épisode scarlatine » après 2 semaines off, mais c’était loin d’être le cas. La fatigue occasionnée a eu de longues répercutions sur mon niveau physique. J’en suis même venu à me demander si j’allais poursuivre ma préparation.
J’ai pris ma décision de poursuivre, ou non, ma préparation marathon après le résultat de la course de Polliat : les foulées de la Veyle. Une course qui se déroule début octobre (à 4 semaines de l’objectif), que j’aime beaucoup et où je me trouve souvent en position de réussite. (10.2 km vallonnés sur routes et chemins : 35’21 en 2008, 35’24 en 2009, 35’21 en 2010, 35’10 en 2011, 35’02 en 2016).
Verdict : 36’13. A environ 5/6’’ au kilomètre de mes précédentes sorties là-bas. C’était donc « moins pire » qu’à St André et Macon. En gros, depuis St André fin aout, je « récupère » 1’’/km par semaine d’entrainement. C’est le seul signe positif qui m’a fait poursuivre la préparation.
À l’approche du jour J : les sensations reviennent et la confiance avec !
Les sensations lors des dernières semaines s’améliorèrent. J’étais presque en hyper éveil lors de mes séances, à l’écoute de mon corps, à la recherche de petits signaux positifs.
C’est fou comme un marathon peut conduire à la recherche de ces petits signes réconfortants ! On essaye toujours de faire des petits rapprochements, de recouper des situations, pour en dégager des aspects positifs. Mais ce n’est pas toujours facile !
Quelques semaines avant le jour J, j’ai appris les forfaits de 2 des amis avec lesquels j’avais hâte de vivre cette expédition : Olivier Gaillard (répercutions d’une mauvaise chute à vélo) et Sébastien Charnay (tendon d’Achille). Cela me navre pour eux. J’espère que nous aurons l’occasion de rattraper ça !
Dans l’approche finale de l’objectif, j’ai soigné mon alimentation et fait mon « sevrage café » de J-5 jusqu’au matin du marathon : Je considère que le corps humain, compense ou surcompense, pour toutes les choses de la vie. Qu’elles soient physiologiques ou émotionnelles.
Le corps s’adapte. Il y a la traditionnelle surcompensation liée à la charge d’entrainement, la compensation en globules pour contrer les effets de l’altitude pour ceux qui font des cycles d’entrainement en montagne, mais je pense que cela va beaucoup plus loin. Je pense par exemple que faire un cycle d’entrainement avec une météo anticyclonique (forte pression athmo, air sec, gros indice UV) permettra de gagner quelques pourcents de performance, si, par bonheur, la masse d’air change le jour de la course et devient dépressionnaire (couverture nuageuse, fraicheur et humidité). L’effet inverse est cohérent aussi selon moi.
Cela peut expliquer que parfois, on est bien à l’entrainement quand la météo est fraiche, grise, on passe de solides sorties et nos ambitions de résultats sont à la hausse, mais en compet, on passe ensuite au travers alors qu’il y a un beau soleil.
Un « sevrage café » de quelques jours permet donc, peut-être, d’obtenir une dérisoire amélioration de ses effets physiologiques, lors de la consommation du café du matin du marathon. (Une accentuation de la lipolyse ne peut pas être mauvaise pour un marathon !).
Veille de course : Direction Francfort en famille !
Nous arrivons en famille la veille, récupération du dossard et de la puce, dépôt des ravitaillements personnalisés (petites bouteilles eau/isostar, préparées pour les km 10, 20, puis tous les 5 km) : ça prend vite du temps quand on participe à ce marathon pour la première fois !!!
Nous retrouvons sur place Arnaud Drouin (de Macon, 1h11’24 au semi en 2016 et 32’22 au 10 km en septembre) et un de ses amis, ils sont en train de faire les démarches nécessaires pour obtenir un dossard Elite B, et ainsi avoir une position pas trop désavantageuse au départ.
NB : En France, le système est pénalisant. Le temps retenu officiellement par la fédération est celui du coup de pistolet au franchissement de la ligne, pour établir les résultats des coureurs d’un niveau supérieur à IR4. Donc, si un bon athlète part mal placé, s’il passe la ligne de départ 40’’ après de coup de pistolet, et qu’il réalise en temps réel (dit « temps puce ») 2h29’55, le chrono officiellement retenu sera 2h30’35’’…
N’ayant PAS DU TOUT envie de perdre gratuitement des dizaines de secondes avant même de franchir la ligne de départ (mon dossard, malgré un temps d’engagement à 2h35’, me fait partir dans le SAS ASICS, qui contient tous les athlètes qui s’estiment capable de faire moins de 3h… ça se compte donc en milliers… Or après consultation des archives de cette course, je devrais pouvoir me situer entre les 150 à 200 premiers si tout se passe bien (donc partir du 5ème rang de coureurs environ)).
J’accompagne donc Arnaud et son pote vers la référente pour obtenir les « pastilles vertes » qui permettent d’intégrer le SAS Elite B. Arnaud obtient ces fameuses gommettes après une longue discussion en « franglais », saupoudrée de « danke » et autre « ich habe nicht verstanden ». Pour moi, c’est un refus. Tant pis. Quand on souhaite performer sur une course, c’est dur de se résoudre à abandonner des secondes avant même d’avoir couru.
Je rejoins ma famille pour le repas. Puis finalement, juste avant de trouver un restaurant, je décide d’aller voir dans une papeterie s’il n’y a pas moyen de trouver quelque chose… je cherche, je fouine. Pas de gommettes vertes, dommage… Je regarde encore. Tiens, des gommettes blanches rectangulaires. Allez feu ! Un fluo vert et passage en caisse. Je tente le coup. Non sans me dire : « Tu fais le con là ! »…
Une fois dans la chambre, en dehors de tous les autres préparatifs habituels, je redimensionne aux ciseaux mes gommettes rectangulaires, je colle sur le dossard au même endroit que là où elles ont été appliquées sur le dossard d’Arnaud Drouin, et je passe le fluo vert : Merde ! Elles sont plastifiées ! C’est trop moche ! Indescriptible. Finalement, en attendant que le fluo sèche à moitié, j’ai pu « arranger » les choses pour obtenir une couleur, certes pâlotte, mais au moins homogène…
Jour J : les galères du SAS ÉLITES
Je passe une bonne nuit. Le matin, je rejoins Yoann Seigneuret et son pote Nicolas Bourlier en bas de l’hôtel Skyline. Il a plu la nuit et le vent annoncé est bien là. Le temps est frais sans être froid.
J’ai enfilé la grande cape verte obtenue lors de ma participation au marathon de Paris 2016 (Voir CR Paris 2016). A 30’ du départ, direction les SAS de départ. Je montre mon dossard, le gars me fait signe de rejoindre le SAS Elite B : Bingo ! Freddy Guimard me rejoint quelques minutes après. Il me demande comment j’ai fait pour obtenir mes gommettes, je lui explique mon petit stratagème.
En discutant, il me dit aussi vouloir tenter – de 2h15’ avec les jumeaux Gras. A 5’ du départ, malgré avoir pris mes précautions, je dois ressortir, la vessie est trop tendue. Je ressors du SAS en disant au gars « remember me, i’m back in 1 min ». Je fais mon affaire, je reviens vers l’entrée du SAS : c’est un autre mec ! Merde ! Je lui dis : « I was here 1 min ago, i just switch for quick toilet”.
Il me demande de montrer mon dossard (j’ai encore la cape). Puis me dis : « not good grün, go away ». J’essaye d’insister, de supplier, de dire que ce rendez-vous est important pour moi. Il me fait signe de me ranger dans le SAS Asics, en faisant le tour. Il y a 200 mètres de coureurs empilés dans ce SAS maintenant… Il a presque une hésitation voyant ma mine déconfite et ma détresse, mais m’incite à ne pas plus trainer pour me ranger dans mon SAS prévu en disant : « you want to play with me, you loose your race ».
Mais avec des mimiques de compassion quand même. Je suis effondré. Je me dirige vers mon SAS. Yoann Seigneuret et Joao Ferreira, un ami de club, occupent la première ligne du SAS, juste devant eux, des membres de l’organisation se tiennent les mains pour contenir les athlètes. Certains gars au premier rang ont tout vu de ce qui m’est arrivé.
Les grilles de chantier qui bordent les coureurs font 3 m de haut, je ne peux passer au-dessus. Me ranger à 300 m de la ligne de départ, je n’y pense même pas. Pas envie d’avoir des centaines de coureurs en 3h devant moi. Je regarde dessous les grilles, il y a, sans exagération, environ 12 cm. Et je ressemble à Pacman avec ma grande cape verte du marathon de Paris… Je ne sais pas pourquoi, mais après 10/15 secondes d’hésitation, voyant dans le caniveau toutes les feuilles mortes mouillées, par la pluie de la nuit mais pas que…
J’enfile la capuche, étire la cape vers le bas, puis m’allonge sur le sol pour passer une jambe, ça frotte contre le bas de la grille, je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Je suis ridicule, dans le caniveau à essayer de passer à un endroit où ça ne passera jamais. J’essaye d’engager la cuisse, sans conviction, limite larmoyant, et là, elle s’élève légèrement ! Ho putain !!! Elle est enchâssée sur 7/8 cm dans le plot en béton. Y a peut-être moyen !
2 gars me voyant faire, la lève sur quelques centimètres supplémentaires. Je suis passé !!!!!!!!!!!!!! Ho putain !!!! Départ dans 2 minutes. A 1 minute du départ, je tente le diable : je montre à nouveau mon dossard à un membre de l’orga en mettant à moitié mes doigts dessus sur les gommettes. Il me dit : « go ». Retour dans le même SAS qu’avant ! Environ en 5ème ligne, parfait ! Juste le temps de serrer la main d’Arnaud Drouin, c’est parti !
La course : les 10 premiers kilomètres en gestion
Je me concentre sur mes sensations. J’entends autour des gars dire en anglais ou en allemand : « trop vite, allure 3’25/km ». Je ne crois pas mon gars ! Avec les bâtiments et les interférences, le GPS n’est d’aucune utilité pour le moment. Km 1 : Je passe 3’43’’7 après le coup de pistolet (soit 3’39 courues). Impeccable.
J’ai oublié ma mésaventure et je suis déjà dans ma course. Au km 2, Joao et Yoaan reviennent sur moi. Ils courent leur premier marathon. Yohan sait que j’envisage de partir entre 3’42 et 3’45/km sur les 10 premiers kilomètres et a décidé depuis longtemps de courir avec moi. Joao lui est un peu plus fougueux et décide de partir sur les bases de 36’30/36’40 au 10 km. C’est plus risqué pour lui.
Km 3 : 11’12. Toujours ensemble. Les groupes se forment, puis s’étiolent, puis se recomposent autrement. Tout le monde cherche « son groupe ». Ça fait comme un banc de sardines dans lequel chasse un prédateur. Il y a une forte densité de coureurs.
Vers le km 4, alors que nous pensions avoir trouvé le bon groupe, les gars qui le composent, relancent presque imperceptiblement. Je décide de laisser filer, Yoann reste avec moi, Joao y va lui. Nous sommes 2…
Km 5 : 18’33. Bien réguliers. Les cannes répondent, mais je ne suis pas dans la forme de ma vie non plus. Pire encore, quelques kilomètres après, des douleurs de type crampes se font sentir dans le mollet gauche : Mais c’est quoi ce délire !!! Je n’ai jamais eu ça à l’entrainement, jamais eu ça en compet sauf parfois sur marathon au delà du 26ème km.
Et là, j’ai le mollet tout dur. Toujours le même d’ailleurs. Je dois avoir une fragilité quelconque à ce niveau-là. Je n’ai pas un châssis de champion et je sais que mon « alignement biomécanique » est imparfait, mais là quand même ! Si tôt ! C’est peut être consécutif à un mouvement que j’ai fait lors de mon rush sous la grille… ça m’inquiète.
Un peu plus loin, ces tensions douloureuses s’estompent un peu. Depuis quelques kilomètres, un groupe est venu nous phagocyter, avec Yoann, nous nous « mettons au chaud ». Il y a une allemande dans ce groupe et un français, David (dossard 4830), qui est assez actif à l’avant du groupe.
Vers le km 9, je consomme mon gel en même temps que Yoann. Km 10 : 37’21. Légèrement plus lent que ce que je j’envisageais au départ, mais je suis calé depuis le départ sur l’intensité marathon du jour. Joao est passé en 36’48 lui.
La course : passage au semi en 1h18’33
Au ravito, j’arrive à saisir mon « bidon ». Cool. Lors du ravitaillement, et depuis plusieurs kilomètres, j’observe le comportement de Yoann et son placement : Un sans-faute. Il lit bien la course, le sens du vent, les zones où l’adhérence est la meilleure (feuilles mortes mouillées…).
Ses trajectoires sur le parcours, avec les contraintes du groupe, montrent un bon sens de l’anticipation. Il a tout d’un futur bon marathonien. A côté de cela, certains font n’importe quoi. C’est pourtant si important !
Vers les km 12/13, mes douleurs au mollet gauche reviennent. Pas pire qu’auparavant, mais elles sont là. Pourquoi j’ai ça merde !! J’essaye de bien me détendre et de ne pas trop focaliser dessus. J’essaye de rester serein. Nous passons au km 15 en 55’37 (depuis le départ : 18’33/18’48/18’16 par tranches de 5000 m. Des fluctuations de la vitesse, inhérentes au parcours et au vent, mais l’intensité reste constante, c’est bien là l’essentiel).
J’amortis les légères fluctuations du groupe et reculant, ou remontant d’un rang dans le groupe (une dizaine d’athlètes environ). Par moment, Yoann se retrouve du coup un rang ou 2 devant moi et se retourne pour voir où je suis. Passage au 16ème : 59’23, c’est très bien ! Pourvu que ça dure.
Je passe mon gel n°2 au km 19, pas de contre coup derrière, ça passe nickel. Je balance mon bidon attrapé au km 10 (j’’ai bu en gros 1 gorgée par kilomètre), pour attraper mon bidon du 20ème. (1h14’21, + 18’47). Pourtant bien placé et à l’affut : c’est raté ! Pas vu ! Merde ! Je ne panique pas et attrape un gobelet d’eau 50 m plus loin.
Pas de chute dans le groupe, qui se reforme après un logique petit épisode de confusion. Je constate que les petits changements d’appuis lors du ravito ont soulagé mon mollet gauche. Je commence par contre à avoir mon coup de pied droit bien talé par la puce de chronométrage.
Passage au semi en 1h18’33. La fatigue s’installe petit à petit, mais au niveau physio, je suis encore bien. C’est juste ce mollet qui déconne !
La course : au kilomètre 30, devant, la course a basculé
Le français (4830) qui menait le groupe stoppe net son effort sans aucun signe annonciateur. J’essaye de trouver quelques mots d’encouragement pour lui, pas de réaction… Il avait déjà fait un micro « arrêt/demi-tour » quelques kilomètres plus tôt pour ramasser son bidon qu’il avait fait tomber.
Quelques hectomètres plus loin, un gars qui était à l’avant du groupe, met le cligno, se baisse pour ramasser une poignée de feuilles de platane, saute par-dessus un mini buisson pour se retrouver dans l’angle d’un jardinet d’un particulier… ça semblait urgent !
Km 23/24 environ, la douleur au niveau du mollet revient. C’est plus intense. Je dis à Yohan, sans entrer dans les détails : « je ne suis pas impérial ». Il me répond : « pareil, je m’accroche, mes quadris commencent à charger ». Mais nous continuons à faire une course linéaire. Bien concentrés. A un moment, je lève les yeux sur la droite, je croise du regard Arnaud Drouin. Nous nous faisons un signe en même temps. Il est au cul d’un groupe qui est sur le retour, ça cavale bon train. Il parait encore pas mal le bougre !
Km 25 : 1h33’16. (+ 18’55). Je m’applique dans mon placement pour voir et choper mon bidon n°3 : Pas vu. Merde encore ! Je prends du coup 2 petits gobelets d’eau sur la table suivante, mais c’est moins efficace pour ravitailler. Dur de boire leur maigre contenu sans s’en mettre plein les narines.
Je suis vraiment embarrassé d’avoir raté 2 X mon bidon (km 20 et 25), mais je reste calme. Plus loin, je vois mon bidon au sol partiellement vidé, quelqu’un l’a trouvé à son goût… Yoann me propose gentiment un peu de son bidon, mais je préfère le lui laisser.
Devant, le groupe de Joao s’effile et ne creuse plus. Au km 28, je passe mon gel n°3, car je distingue une mini cuvette au km 29. Notre parcours passe sous une voie rapide. Pour donner une idée, cela ressemble en tous points (dans la partie ascendante) à la petite remontée du km 28 du marathon de Paris, le long des quais.
Le groupe s’élargit sur cette partie-là, signe d’un ralentissement. Je maintiens mon intensité d’effort, ma vitesse baisse logiquement, mais moins que pour d’autres. Si bien que je me retrouve à l’avant du groupe pour la première fois depuis que j’y suis. Je suis même 2 m devant en réalité.
Je lève les yeux devant, la course a basculé. D’un coup, de nombreux athlètes passent en mode « fin de marathon ». Ils perdent leur geste, ralentissent, se retournent… Yoann n’a pas pu m’accompagner, merde alors. Je fais ma course.
La course : les 10 derniers kilomètres, on arrive dans le dur
Bien sûr, je ne me balade pas, ma foulée veut se dégrader aussi, mon corps voudrait ralentir, mais je le lui refuse. Les 2/3 kilomètres qui suivent sont un sale moment ! Je me concentre sur les trajectoires et le relâchement. Je mobilise aussi une grosse part de mes pensées pour essayer de « verrouiller mon tempo gestuel ». Car une fois qu’il est perdu, c’est définitif.
Au km 30 (1h52’05, + 18’49), seul, je remonte des participants. Au ravito, je m’applique, je vois mon bidon : Yes ! Je l’ai eu !!! Il me le fallait celui-là ! Au moment de le porter à ma bouche : ha bah non en fait… Il ressemble beaucoup, mais ce n’est pas le même. Je le consomme néanmoins. Il le faut. C’est une énergie drink quelconque. Mon corps l’assimile sans problème. Pas d’aigreur ou d’inconfort gastrique. Pas de contre coup énergétique non plus.
Au km 32 (1h59’35), j’établis la jonction sur Joao qui commence à craquer. Je lui glisse un petit mot : « si tu ne décélères pas plus, c’est – de 2h40’ au bout ». Mais le voyant, je sais que ça va être difficile. Dans les 10 derniers kilomètres, ma sudation s’accentue. Signe chez moi que je bascule de réservoir énergétique.
Il va falloir être très efficient dans la linéarité de l’effort ! Le chrono ne sera pas vilain si ça tient, mais les choses sérieuses, je suis en plein dedans ! Plus loin, 1 gars revient sur moi, puis un autre un peu après. Mais je ne peux me permettre de les suivre, ils vont 2/3’’/km trop vite pour moi à ce stade de la course.
Au km 35, je passe en 2h10’56 (+ 18’51). Je viens de passer mon gel 4 et je choppe un bidon au niveau d’une table, ce n’est pas le mien et je m’en excuse, mais il y en avait plusieurs au sol au niveau de la table du ravito, un gars a du faire un Strike en voulant saisir le sien. Je le consomme en décélérant légèrement, pour ne pas entrer en détresse ventilatoire.
Bon… Ben… apparemment, je n’ai pas assez ralenti ! J’ai le souffle court et le point de côté n’est pas loin sur les 2 km suivants ! Mon mollet gauche est en pierre, mais ne crampe pas. Mon coup de pied droit est douloureux avec la puce qui me tale (mauvais laçage de ma part). Mon geste se dégrade doucement, mais je n’ai pas à me plaindre, ça tient encore !
J’aperçois furtivement Adeline et les enfants à ma gauche dans le final. Ils m’encouragent et voient que je suis en galère, mais pas encore « en explosion ». Depuis le début, Lionel Vignon, un super pote, qui avait établi son record sur ce marathon en 2016, les tient informés de mes temps de passage par SMS, à partir du suivi puce, disponible informatiquement.
La course : les derniers kilomètres sont interminables !
Je ressens des débuts de fourmillements dans les bras, je passe mon dernier gel au km 39 environ. Je rate le ravitaillement en liquide au banc suivant, je n’étais pas du bon côté de la route quand je l’ai vu. De toute façon, je suis en crise respiratoire, cela m’aurait fait perdre du temps de le consommer.
Au km 40, je regarde la montre : 2h30’02. Je sais qu’en finissant très fort (pour moi), il me faut compter 8’ pour finir les derniers 2.2 km. (Je n’y suis arrivé que 2 fois en 8 marathons). Je décide de tenter le coup (- de 2h38’), je vide le réservoir. Je presse les muscles jusqu’à la dernière goutte. Les derniers kilos sont interminables.
Certains sont en complète explosion. Malgré tout ce que je déploie, j’enchaine péniblement 3’55, 3’54 et 4’17 pour le dernier 1.195 km. Au final, temps officiel de 2h38’15.
Je me laisse tomber assis sur le tapis, contre les barrières, à côté d’Arnaud Drouin, qui a connu une fin de course difficile et qui termine 2’ devant moi. Je suis classé 163ème. Pour l’anecdote, précisément 100 places plus loin qu’à Paris en 2016.
Il y a une belle ambiance dans la Festhall, c’est un agréable vacarme. J’attends Yoann et Joao, assis. Je ne me lasse pas de voir les arrivées. Toutes ces émotions, tous ces états de détresse physique. C’est puissant. Le marathon, c’est vraiment à part !
J’entends d’une oreille Arnaud, car je suis dans le cirage et je suis contemplatif du défilé qui s’offre à moi. Au final, Yoann passe en 2h43’49 et Joao en 2h46’21. Ils ont donné leur maximum. Ils ont emmené leur corps là où il n’avait encore jamais été. Ils ne sont pas déçus et se re projettent déjà (!) sur de futurs marathons. Ce qui est un signe très positif. Nous restons un moment ensemble à débriefer dans la bonne humeur, mais dans la douleur !
L’après-course : analyse et résultats des élites
Je récupère ensuite ma médaille, retrouve ma femme et mes enfants, heureux et apaisé. J’ai perdu ici la trace de Yohan. Je me suis après fait violence pour aller poser ma puce électronique au 2ème étage du bâtiment.
Je croise Romaric Communod, une connaissance, qui envisageait de faire sa course avec Olivier Gaillard. Il réalise 2h29’57 (2h29’44 courues) : précisément ce qu’il était venu chercher. Il est ravi. Après quelques tentatives laborieuses sur marathon, il établit une magnifique performance, désormais alignée avec ses autres références (15’05/31’37/1h09’34).
Imaginez qu’il soit parti un peu plus loin du départ… et que quelques secondes de plus s’ajoutent au temps que la fédération retiendra officiellement…j’étais aussi curieux de voir quels allaient être les chronos des premiers de ce marathon et des meilleurs français, avec ce vent délicat à gérer.
Le vainqueur, Tola (ETH), l’emporte en 2h05’50. Monstrueux ! Je ne pensais vraiment pas que ça irait si vite devant. Le 1er allemand termine 6ème en 2h09’59. La petite seconde si précieuse ! Surtout à ce niveau !
Les frères Gras terminent 16ème et 23ème en 2h16’12 et 2h18’59. Freddy Guimard est quant à lui 24ème en 2h19’17. La première femme, Vivian Cheruyot (KEN) l’emporte en 2h23’35. Le podium féminin tient en 1’. 13 femmes ont été beaucoup plus rapides que moi sur ce marathon.
Au final, c’est mon 6ème chrono sur 9 marathons courus, mais je suis vraiment très satisfait. Ça valait le coup de persévérer à l’entrainement. Sur ce marathon, j’ai optimisé au maximum les moyens du jour. Par tranches de 5000 m, cela donne : 18’33 + 18’48 + 18’16 + 18’47 + 18’55 + 18’49 + 18’51 + 19’06 + 8’12. Par semi marathons : 1h18’33 + 1h19’42. A un micro poil du 16.000 km/h.
Je vais en garder plein de bons souvenirs, sportifs, amicaux (que d’anecdotes encore avec les copains !) et familiaux. Le lendemain, sur le retour (fait en 2 jours), nous avons passé, ma famille, moi et ma jambe de bois, la journée au Holiday Park en testant les nombreuses attractions ! 2 passages dans le Ge Force valent une bonne séance d’ostéo !
PS : MERCI à tou(te)s pour vos messages post marathon.
Par Sébastien Larue.
Les résultats du MARATHON DE FRANCFORT 2017