Certes, on est loin des bases des records très relevés de Madame Emilie Lecomte. et Monsieur François D’haene … mais boucler le GR20 en 5 étapes, sans assistance, représente tout de même une perf honorable.
Nous étions 6 à monter et boucler cette « expédition » en Corse.
Retour en accéléré sur ce bloc de découverte et d’entraînement.
Jour 1 : Une mise en bouche bien relevée
La petite troupe est fraîche et dispo au départ de Calenzana ce samedi 22 juillet. On a pris le minimum vital mais nos sacs sont bien plus lourds que nos habituels porte-bidons ! Mais on est aussi tellement plus légers que certains randonneurs qui se lancent avec plus de 15 kg sur le dos sur le sentier !
Aujourd’hui, on triple les étapes par rapport au cheminement habituel. Il n’y a qu’un peu plus de 25 km au compteur MAIS 3500 m de déniv positif et quasiment pas de négatif ! Ouf ! Et quasiment pas de course à pied ! Si on a couru 2 km, c’est le grand maximum ! Toute l’étape se passe dans les cailloux, il faut mettre très souvent les mains pour s’aider à passer les marches, les bâtons ripent sur les grandes dalles de granit, juste tu suis les traces rouges et blanches et t’avances petit pas à petit pas !
Les refuges croisés régulièrement nous permettent de refaire le plein d’eau, de rythmer la journée, de se donner des objectifs. En fait, en gros, pour aller de refuge en refuge, on met moitié moins de temps que celui annoncé par les panneaux et les topos, c’est pas mal.
La dernière portion pour rejoindre Asco est rude, les jambes commencent à « s’acidifier » méchamment ! Comme tu n’es pas sur un vrai chemin, c’est le caillou qui te dicte où mettre les pieds ! et la dépense énergétique pour suivre cette feuille de route imposée n’a rien a voir avec un cheminement classique !
On bascule sur Asco et sa station de ski. On a réservé un gîte pour bénéficier d’un peu plus de confort que dans le refuge du Parc National : une douche chaude, un bon repas et une couverture, ceux ne sont que des petits riens mais pour la récup, ce « confort » nous semble indispensable !
Jour 2 : Une entrée légère et aérienne
On prend le temps d’un bon petit déj, on laisse partir les randonneurs chargés comme des mulets, on n’est pas « pressés », aujourd’hui c’est notre étape la plus light. On ne fait « que » doubler pour profiter du confort qu’offre le col de Verghio. Le GR est dévié pour éviter le mythique mais un peu dangereux Cirque de la solitude. La variante mise en place depuis 2015 n’est pas une simple balade !
1300 m de positif d’un bloc, évidemment quasiment sans chemin et avec des parties vraiment raides. Mais c’est le matin, il fait frais, on se retrouve sans problème au col. Et là, on pose les sacs et on s’accorde un petit bonus en aller-retour : grimper au Monte Cinto, 2720 m d’altitude, LE sommet de la Corse. Là non plus, ce n’est pas vraiment de la rando au sens strict du terme !! Le chemin tient plus de l’escalade pour arriver au point culminant.
On enchaîne sur une vraie grosse descente jusqu’au refuge de Tighjettu. Une pause pain de mie-babybel-viande des grisons et ça repart ! Il fait beau et chaud dans les montées ! mais mon acclimatation en Grèce me sert bien ! On avance doucement mais sûrement jusqu’à plonger vers le col de Verghio !
On peut enfin courir sur un beau chemin ouvert. On ne résiste pas à s’accorder une pause dans les vasques cristallines. L’eau n’est même pas trop fraîche ! On est pas mal du tout sur le GR 20 ! Mais il faut finir l’étape : on renfile nos tenues humides et on trotte jusqu’au Castel de Verghio. Douche chaude, lessive (quel luxe !), apéro, bon petit repas… et nuit pas si mal.
Jour 3 : Un plat de résistance bien roboratif
C’est ici que les choses se compliquent : 42 km +3500, -3800 au programme… on met le réveil à 5h30 pour éviter d’arriver trop tard ! Et on commence sous la pluie. Heureusement l’épisode ne dure pas mais on avance assez dans le brouillard. Dommage pour la vue ! En contournant le superbe lac de Nino, on se croirait sur la lande irlandaise avec son brouillard, son herbe rase et ses chevaux sauvages !
Après la pluie et le brouillard, le vent s’invite sur cette rude étape. Après le refuge de Pietra Piana, on décide de prendre une variante par les crêtes, il parait que c’est un peu plus court et que la vue est magnifique… Certes, certes, mais des bourrasques de vent terribles nous secouent fortement. Je tiens à peine sur mes jambes sur certains passages… heureusement la crête est large et on a rangé les casquettes !
On souffle un peu dans la descente suivante mais le répit n’est que de courte durée ! Sur la 4e portion de la journée, il faut remonter plus de 700 m de déniv bien raide avec le vent toujours tempétueux de 3/4 qui te cingle… Pas d’énervement, petit pas à petit pas, on arrive bien contents au sommet ! Evidemment la civilisation et notre hébergement à Vizzavona est encore loin, juste 1000 m plus bas, dans les cailloux !
On boucle l’étape en 11h30 (pauses incluses). Ouf, on va pouvoir souffler un peu à l’abri du vent et de la pluie du soir dans notre chalet et recharger toutes les batteries ! Au niveau vivres de course justement, on s’est envoyé un colis avant le départ et, très bonne surprise, il est bien arrivé ! Chacun récupère ses barres et ses lyophilisés préférés !
Jour 4 : Un gâteau à la châtaigne un peu plombant
Au départ ce matin, le vent a cessé, le ciel est bien dégagé, c’est nettement mieux pour le moral et pour attaquer le Sud du GR. Alexis est mal en point (à priori les cèpes d’hier soir sont mal passés…) et est contraint de nous quitter sur cette étape. Il va pouvoir se reposer et rejoindre l’arrivée en transports en commun.
De notre côté, on découvre un nouveau visage du GR : plus large, plus roulant, mais tout aussi exigeant ! Le profil est tout en « boîte à oeufs », un truc que je déteste ! Mais on en a pour plus de 80 km, alors je prends mon mal en patience et j’essaie de ne pas trop regarder ma montre ! souvent elle m’annonce la fin de la montée et pourtant, t’es toujours en train de crapahuter ! Au bout de 44 km de crêtes et de petits sommets (c’est dommage, la vue n’était pas toujours bien dégagée), on déboule au refuge d’Usciolu.
Changement d’ambiance… j’aime bien être en pleine montagne mais là, c’est vraiment « roots »… Le passage sous la « douche » (un tuyau directement relié au ruisseau) est glaçant, on oublie la lessive et j’enfile toutes mes couches disponibles pour essayer de récupérer un peu de chaleur. Heureusement les garçons ont dévalisé l’épicerie du camp, et avant nos pâtes déshydratées, on se partage saucisson et fromage du crû ! Un pur régal !
Pas de couverture dans les refuges corses, c’est la règle, on la connaissait, on la redoutait ! Alors, on superpose toutes nos pelures et on se pelotonne dans nos légers sacs à viande. La nuit sera très compliquée pour moi, mais au moins j’ai profité du superbe ciel étoilé !
Jour 5 : Une liqueur de myrte pour finir en beauté !
Bon, aujourd’hui il faut finir ! Mais il reste quelques difficultés, 43 km, +2200 et -3700… et entre autre la remontée au dernier vrai col à 2100 m et la descente bien raide sur le refuge d’Asinao.
Les genoux commencent à bien couiner mais personne n’est blessé. Pour ma part, j’ai laissé pas mal de gomme de mes ultra raptor sur le caillou corse et au niveau du creux plantaire, ça chauffe bien depuis hier ! J’ai l’impression d’avoir du sable continuellement dans mes chaussettes…
La 2e portion est magnifique dans les aiguilles de Bavella mais c’est un peu rude de retrouver la civilisation et la foule des touristes au col de Bavella… On traverse les quelques restos en trombe, on nous regarde un peu comme des extra-terrestres… Pas le temps de se faire une crêpe, il y a trop de monde ! On se partage un paquet de Granola et une brique de jus de pomme et on « file » vers Conca !! Alexis nous attend au dernier refuge, il s’est requinqué et s’est vraiment sympa de terminer ensemble.
Chacun serre les dents, on trouve les derniers kilomètres interminables comme souvent ! mais ça y est, on franchit la bocca d’Usciolu et là, c’est sûr, il ne reste plus que de la descente ! On voit même le village ! Yesss ! On se fait prendre en photo autour de la plaque qui marque la fin du périple. On savoure ces bons moments avant de descendre tranquillement à l’hébergement du soir.
Et voilà, un peu plus de 180 km et 13000 m de dénivelé positifs, des paysages magnifiques, des fromages succulents, des chemins pas roulants du tout et 5 jours de passion partagée : c’était notre belle expérience sur le GR20 !
On va remonter tranquillement à Calvi, reprendre l’avion, faire dégonfler un peu les pieds et retrouver une vie et des chemins « normaux » !!
Texte : Maria Semerjian
On retrouvera Maria très prochainement au départ de l’UTMB ! :))