Cela faisait 2 ans que les copains Sébastien Charnay, Lionel Vignon et Lionel Ribeiro y pensaient très sérieusement. En réalité, ils avaient déjà cela dans un coin de leur tête après avoir parcouru le GR en 4 jours en juillet 2013.
Pour présenter en quelques mots mes amis et compagnons de route :
–Séb Charnay : 2h20’56 au marathon ; 4ème en 2012, 3ème en 2013, 4ème en 2014, 3ème en 2015 et 5ème en 2017 du championnat de France de marathon ; de nombreuses participations et victoires au tour de l’Ain pédestre ; le GR 20 en 4 jours, etc.
–Lionel Ribeiro : 2h33’37 au marathon. Plusieurs tours de l’Ain pédestre. Le GR 20 en 4 jours. Des victoires sur de petits trails dans l’Ain, ces dernières années. (Ex : La montée des Jonquilles 2012). Athlète d’une très grande polyvalence, etc.
-Lionel Vignon : GR 20 en 4 jours ; 100 km de Chavagne en 2015 ; Paris / Brest / Paris en 2015, sans assistance (vélo surchargé de matériel, ainsi que le sac à dos) soit 1230 km en 52h ; Défi bugiste (Col du grand colombier pas les 4 faces) réussi avec un temps remarquable ; victoire au tour de l’Ain pédestre en 2013 avec Séb et Lionel ; la France en Courant ; 2h43’50 l’automne dernier au marathon de Francfort à 48 ans, etc.
Je les connais depuis près de 10 ans, ces gars sont des machines. Ils ne se rendent pas compte de leur niveau. Ils avaient déjà souhaité que je participe avec eux, au GR20 en 4 jours en 2013. Pour diverses raisons, notamment financières et (in)aptitude physique, je ne les avais pas accompagnés sur ce chantier.
Mais cette fois, pour le TMB 2017, je voulais faire partie de l’aventure, me découvrir sur ce genre de rando/run, profiter des paysages, et surtout : vivre de bons moments avec mes supers amis. Quelle CHANCE j’ai de côtoyer ces gars-là !
Après une conviviale réunion de finalisation en juin, tout est calé. Nous allons parcourir de TMB en 3.5 étapes : Les Houches – Les Contamines ; Les Contamines – Courmayeur ; Courmayeur – Champex ; Champex – Les Houches.
José Ribeiro, récent champion de France de marathon V3 pour la 2ème fois, père de Lionel, conduira le Camping-car et nous rejoindra sur le point d’arrivée de chaque étape.
1ère étape : 21.9 km en 2h17’ de rando/run,1260 m de D +
Départ le samedi 8 juillet au matin de Viriat, arrivée aux Houches en milieu de matinée. On se prépare presto, et c’est parti ! On y est !
La première « étape » n’est clairement pas la plus belle au niveau du cadre et du paysage. Nous la terminons même un poil déçu. Cette semi étape servait surtout à délester le menu des jours suivants. C’était l’échauffement comme l’a dit Lionel Ribeiro. C’était notre pain blanc au niveau physique, mais notre pain noir au niveau cadre et plaisir visuel, même s’il y avait quand même quelques points de vue sympa et même si la base touristique des Contamines est conviviale.
Au cours de cette étape, par hasard, nous avons recoupé plusieurs fois l’itinéraire d’une course : la Montagn’Hard. Sur certains secteurs, nous sommes remontés sur des concurrents qui participaient aux 104 km et qui ménageaient leur monture.
Au final 21.9 km en 2h17’ de rando/run, 1260 m de D + (Principale bosse, le Col de Voza à 1650 m, monté à bon régime). Lionel Vignon a eu quelques soucis au niveau du genou. Il a récemment réveillé une douleur à l’entrainement, nous espérons que ça ne le gênera pas trop sur la suite.
José est comme prévu sur le spot d’arrivée. Nous nous baignons un moment dans les eaux revigorantes du Bon Nant, puis nous passons une après-midi relax, entre potes, et consommant quelques boissons récompense, en écoutant le suivi de l’étape du Tour de France à la radio et en préparant le repas du soir, puis l’étape du lendemain.
Les tentes sont installées, nous avons trouvé un coin calme, une bonne nuit se prépare… mais vers 22h30’, une dizaine de voitures arrivent, se garent dans le champ d’en face : enterrement de vie de garçon… portières ouvertes, musiques, chants, cris, alcool, … bref. Pas eu besoin de mettre le réveil… J’ai dû dormir 1 heure.
Etape n°2 : Les contamines – Courmayeur (43.3 km, 6h56’ et 3222 m de D+)
Départ à 5h du matin précises. A 3. Séb, Lionel Ribeiro et moi. En effet, Lionel Vignon est parti une heure plus tôt, ayant eu peur de nous retarder suite à son genou capricieux et aussi parce que le sommeil était difficile à trouver pour les raisons évoquées ci-dessus.
Nous attaquons le Col du Bonhomme, qui enchaine ensuite sur le Col de la Croix du Bonhomme et le col des Fours (nous avons pris la variante du TMB ici). Respectivement 2330, 2480 et 2670 m. Nous essuyons de bonnes averses et vent de face sur la première heure. Mais nous ne perdons pas notre bonne humeur et nous profitons du paysage, incomparablement plus beau que sur l’étape de la veille.
Un peu avant le premier sommet, Lionel V nous attend, derrière un gros bloc, pour passer au sommet avec nous et découvrir le cadre en même temps que nous. Le pauvre n’a pas eu chaud en patientant. Nous montons à bonne allure. Nous ressentons les effets de l’altitude, mais cela ne nous empêche pas de courir sur les parties roulantes reliant ces cols. Le cadre est incroyable. C’est grandiose. Nous sommes si petits, et il y a tant d’espace !
Les averses ont cessé, et le soleil vient lécher le sommet du paysage au loin. Au-delà de 2500 m, nous avons quelques passages sur les glaciers. Nous croisons quelques randonneurs. Nous entamons ensuite la descente, assez rocailleuse et abrupte au début. Je suis un vrai boulet pour mes compagnons. Je suis lent et marche à beaucoup d’endroits où eux peuvent dévaler tout en petites foulées de contrôle. Je suis incapable de ça et pire, mes genoux commencent « à klaxonner » un peu…
Nous débutons ensuite l’ascension du col de la Ceigne. A mi pente, la météo se dégrade à nouveau. Nous montons à un rythme soutenu, d’ailleurs chaque col que nous montons est fait à une vitesse ascensionnelle moyenne comprise entre 800 et 900 m de D+/heure. Ce col est long. Certains passages sont raides. Nous doublons ici de nombreuses cohortes de randonneurs, tous ont des bâtons.
En haut, le paysage est bouché, la météo est capricieuse, nous descendons sans trop trainer pour ne pas refroidir et manger en bas de la descente. Séb Charnay a un peu souffert de son tendon d’Achille sur cette montée. Il a dû temporiser par moment pour le « ménager » un peu. Dans la descente, je suis encore plus mauvais que sur la précédente. Les copains m’attendent régulièrement.
Une fois presque en bas, vers des ruines et devant une magnifique vallée glaciaire forgée en U et avec des amas de moraines impressionnants, nous faisons la pause casse-croute. Séb Charnay nous annonce ensuite qu’il reste une petite bosse, puis ensuite la descente sur Courmayeur.
Nous descendons encore un peu. Sur une partie plate, Lionel R et Séb se lâchent et envoient du 18.5 km/h sur quelques hectomètres dans le gravier. Ils ont de la ressource ! Je reste avec Lionel V et ne cherche pas à jouer avec eux sur ce genre de rush. Je n’en ai pas les moyens.
Nous entamons ensuite la dernière petite bosse : La montée d’Arp. Nous montons à un gros rythme. Lionel Vignon mène la danse. Au bout de 30’ de montée, nous constatons que cette petite bosse est en fait une réelle difficulté. C’est long et difficile. A mi pente, je cède un peu de terrain sur mes compagnons, plus forts. Je sentais également des échauffements au niveau de mes talons dans chaque bosse, cela se transforme en ampoules.
Sur le flanc gauche, par endroits, nous profitons de belles vues : glaciers, moraines, éboulis, cascades, nuages enroulés sur les sommets. Wouaw. Nous ne croisons que très peu de randonneurs sur cette difficulté. Vient ensuite le moment de la descente sur Courmayeur. Relativement gentille au début, puis très pentue sur sa partie finale. Mes genoux morflent. Les copains doivent m’attendre régulièrement. Cela me navre pour eux. Mais ils sont plein de bienveillance, m’encouragent et me rassurent.
Les problèmes de genoux de Lionel Vignon s’estompent manifestement, car il parvient à rester au contact des 2 maillons forts. En descendant sur Courmayeur nous entendons un speakeur. Il y a une course également ce dimanche qui se termine là-bas. Nous retrouvons la pluie une fois en bas. Au final de l’étape : 43.3 km, 6h56’ et 3222 m de D+ selon le GPS (Garmin) de Séb Charnay (je n’avais pas le miens). Lionel avait moins sur le sien (2800 m de D + il me semble et 41.4 km).
Des paysages grandioses, de bons moments. Mais des ampoules mal placées et des genoux qui sont en tendinite. José est là, nous nous douchons dans le camping-car avec une eau revigorante ! Nous migrons ensuite à le recherche d’un secteur pour passer la soirée et la nuit. Une fois en place, la pluie cesse, nous partons à pied, à la recherche d’un bar pour boire un coup et regarder le final de l’étape qui passe par le Mont du Chat. Magnifique étape du tour de France.
Après un bon repas saucisses/purée, vu la pluie soutenue qui s’est installée depuis la fin d’après-midi, Les 2 Lionel, Séb et José s’organisent pour tenir dans le camping-car pour passer la nuit, moi je suis dans ma tente, installé sous un chapiteau aimablement prêté par un ami. Vers 00h30’, un renard me réveille en éventrant le sac poubelle, situé contre le camping-car, qui contenait les emballages de saucisses.
Je sors péniblement de la tente (genoux en feu), essaye de le faire fuir. Le renard « se fout de ma gueule » en tournant autour du camping-car, synchro et diamétralement opposé avec moi. En regardant avec calme sous le camping-car. Il n’a pas peur. C’est comme si je jouais avec un petit gamin. Quand il repasse par le sac poubelle, il en traîne de partout. Au bout de 5’ de manège, j’abdique, j’éloigne le sac poubelle (ce qu’il en reste) de ma tente, puis me recouche. Pas trop tranquille non plus.
5’ après, il vient donner coup de patte et coup de museau contre ma tente, là où il y a mon camel, qui contient les sandwiches au jambon du lendemain (frigo du camping-car qui fonctionne mal). Je le chasse en tapant de l’intérieur sur les parois de la tente avant d’ouvrir et de sortir. Il est là, à 1 mètre de moi, sous le camping-car, et me regarde. Aucune peur de sa part. Je prends mon camelbak. J’ouvre le camping-car, où dorment les copains, pour y mettre le camel. Bien sûr ça les réveillent, ils sortent, et là le renard s’éloigne, après avoir fait une visite express de l’intérieur de ma tente. Il a mis ses pattes dégueulasses, pleines d’herbe et de terre sur mon oreiller.
A 3h57′, un autre renard vient chahuter ma tente et me réveille en sursaut. Mais bon, c’était moins gênant, le réveil était prévu pour 4h… Bref une nuit mémorable. Avec les renards et la pluie.
Étape 3 : Courmailleur – Champex (50.6 km et 3550 m de D+)
Après les préparatifs matinaux et la chasse aux ordures autour de notre spot, c’est parti pour l’étape 3 : Courmailleur – Champex.
Mes vilaines ampoules au talon me font souffrir dès le départ. Dans la première difficulté, immédiate à la sortie de Courmayeur, la montée vers le refuge Bertone, je dois m’arrêter pour mettre les Compeed que j’avais mis dans le Camel. Les copains montent bon train, je suis à l’ouvrage pour limiter l’écart sur eux. Ma pose de pied est contrariée par les douleurs.
Cette montée est longue, vers le sommet, nous pouvons profiter d’un cadre magnifique, c’est un des plus beaux coins. Ensuite, nous enchainons sur de nombreux secteurs roulants, nous pouvons courir à allure modérée sur quasiment 10 km aux environs de 2000 m d’altitude. Nous sommes groupés. Même si à un moment Lionel Vignon décroche un peu à cause de problème au niveau de sa vessie.
Après 17 km, nous abordons une partie descendante plus pentue, cela amplifie mes douleurs aux genoux… Je marche quasiment 2 km. Les copains ont dû attendre… nous amorçons ensuite la longue et exigeante montée du col Ferret. Mes ampoules me titillent, mais cela ne m’empêche pas de suivre les copains. Nous montons à un rythme soutenu aux environs de 900/950 m de D+/h. Le paysage est toujours très beau, mais la pente est telle que parfois le regard est seulement à 1 m de l’endroit où on pose les pieds.
La descente derrière est roulante, les copains peuvent courir, mais moi pas trop, les genoux pincent… je descends tant bien que mal pour ne pas leur polluer leur aventure. Ils m’attendent vers la Peule. Nous repartons ensuite groupés sur des passages moins pentus et un sol plus uniforme. Ça fait du bien de raccrocher le wagon. Nous poursuivons direction la Fouly pour le casse-croute. Lionel V a de plus en plus de problèmes avec son système urinaire. Il en souffre et cela ralenti régulièrement sa progression sur le parcours.
A la Fouly, 34 km au compteur. Pause conviviale dans un petit village sympa. La vue est très belle. Le soleil tape fort là. On voit des voitures exceptionnelles dans ce village : Bentley, Audi RS6, Porsche, Maserati… C’est beau à voir aussi ! Au niveau parcours, pour citer Séb : Maintenant, c’est easy : reste à suivre la Drance, on peut courir tout le long, puis à la fin, ça remonte un petit coup sur Champex. Ok. C’est facile, tant mieux, je commence à être usé.
La remise en route post casse-croute est laborieuse. La longue partie rive gauche de la Drance n’est pas la plus belle partie de notre parcours TMB, et le soleil tape fort ! On se fait cuire. J’ai bien rougi sur cette étape. Au bout de quelques kilomètres. Lionel V nous annonce qu’il souhaite finir plus cool, car sa vessie lui fait mal sur les parties où on court. Je reste avec lui, car moi aussi j’avais besoin de ralentir. Séb et Lionel partent donc devant, on ne les reverra qu’à l’arrivée.
Nous alternons marche / course avec Lionel jusqu’au pied de la montée vers Champex. En prenant le soin de nous hydrater dans les différentes fontaines le long de la Drance. Au pied de la dernière bosse, il monte à son rythme, toujours le même, celui d’une brute ! Dès le pied, je prends mon temps. Séb C et Lionel R en terminent avec cette étape en 7h30’ pour 50.6 km et 3550 m de D+ sur le GPS de Séb (celui de Lionel, annonce 2700 m de D+ et 48.3 km). Lionel V arrive environ 40’ après eux, et moi j’en termine en 8h30’ après une petite erreur de parcours (1.5 km) sur la fin.
José est installé comme convenu au camping de Champex-Lac. Un petit camping dont 85% du business est articulé autour du TMB, et qui pratique des tarifs salés.
Je suis bien calmé après cette étape. Mes genoux sont douloureux, et mes ampoules ne sont pas belles. Les compeed ont protégé un peu, mais ont aussi tiré sur la peau des ampoules au cours de cette longue étape. Plus tard en début de soirée. Je me sens frissonnant. Au moment de passer à table, je n’ai pas d’appétit. Je me sens faible. Quand je vois manger les copains, plus fringants que moi, à grand coup de pains au lait et de confiture, après une salade de riz monstrueuse, j’en ai presque du dégout. Un peu après, la fièvre est là… Je crois que c’est mort pour l’étape 4. Je me couche tôt dans ma tente.
Toute la nuit, sous les orages et la pluie, j’alterne entre frissons, et surchauffe dans ma tente. Obligé même parfois de tout enlever. Je chauffe l’air comme un radiateur. Les copains partiront sans moi demain. Je vais donc me contenter de 114 km en 17h43’ et 6800 m de D+ (le GPS de Séb est sans doute plus juste sur les distances, mais celui de Lionel me semble plus proche de la réalité sur le D+/D-, ce bilan reprends donc les données kilométriques de Séb et les données altimétriques de Lionel).
Forfait sur l’Étape 4 …
Leur étape 4 est un gros morceau. Ils partent, comme d’habitude, à 5h. Montent l’Arpette à 2670 m, le col de la Balme, col des Posettes, Aiguilettes des Posettes, puis le final par la montée puis la descente du Brévent : Sacré chantier ! 4100 m de D+ et 4400 m de D- environ. Et 47 km au GPS de Séb il me semble. En 12h15’ en comptant les pauses. Au final, Séb et Lionel R ont parcouru 160 km en 27h et environ 11 000 m de D+/D-. En 28h20’ pour Lionel V. Je les admire pour ce qu’ils viennent d’accomplir.
Cette journée-là, je suis resté avec José, nous avons plié les affaires à Champex, avant de faire la route par la Forclaz. José leur a préparé un super casse-croute pour leur arrivée. Moi je n’ai pas fait grand-chose, toujours frissonnant/fièvreux. Sans appétit. En mode loque humaine.
Je félicite mes amis pour ce très beau parcours de rando/course. J’ai été le maillon faible un peu tout le long de notre périple, surtout dans les descentes. Je les remercie aussi pour leurs encouragements et leur bienveillance. Séb et Lionel R ont décidé de s’inscrire à la 6000 D. Même si ce ne sont pas des spécialistes, et qu’ils y vont pour découvrir et se faire plaisir, j’ai hâte de voir où ils vont se situer au final.
Quant aux participants à l’UTMB, ce qu’ils réalisent est impressionnant. Sans pratiquer le parcours et vivre les effets de l’altitude, des descentes, voir la difficulté des montées, voir le terrain, etc, il est impossible de rendre compte de ce qu’ils accomplissent. C’est monstrueux. Physiologiquement, mécaniquement et mentalement.
Pour ma part maintenant : du repos ! Bonnes vacances à tous.
Sébastien LARUE – Ambassadeur i-Run