Si on m’avait un jour dit que je gagnerais 4 fois l’Ecotrail de Paris, je ne l’aurais pas cru. Franchement. Et quand je me suis projeté vers cette 4ème victoire je me suis bien demandé qu’elle émotion j’allais ressentir. Celle-ci s’est dessinée toute seule …
dans le dernier kilomètre à l’écoute du speaker en haut de la tour Eiffel dont la voix retentissait sur les quais de Seine via hauts parleurs. Avant cela, 79 kilomètres. Une prépa bien menée depuis fin 2016. Un début de saison sans accrocs avec des jambes qui ont bien répondu à chaque temps de passage. Bref, un long scénario idéal. Même s’il manque secrètement la victoire de Sissi qui a fait six derniers mois superbes qui nous laissaient rêver à un doublé après lequel on court encore …
Saint Quentin en Yvelines. 12:00.
Fin de l’échauffement. Quelques allers retours tout au plus avec ou sans Sissi pour faire monter le régime. Les ravitos sont calés. La famille de Sissi a fait le déplacement au départ tandis que la mienne (parents et enfants) sera à l’arrivée. Dernier merci à Laurent et Cathy de nous suivre encore fidèlement depuis si longtemps sur cette épreuve qui nous est chère. Cela fait tout de même ma 8ème participation, 5ème pour Sissi… Départ des joelettes. Dernier bisous à Sissi. Je connais ce feuilleton…
12:15. Coup de pistolet. Tout reste à faire. La page est de nouveau blanche.
Je savoure ce moment qui est le point final de plusieurs semaines de prépa et le point de départ du « moment » tant attendu comme les 2500 autres coureurs sur le 80 km. Le départ est assez rapide à ma grande surprise et à mon plus grand bonheur…
Je craignais une course lente et un peu tactique et groupée qui mette du temps à se décanter. Je suis donc ravi. Malgré le vent et les porte bidons ou Camelback sur le dos, les allures oscillent entre 3’30 et 3’40 au kilo sur les 10 premiers kilomètres. Pas de quoi semer tout le monde mais au moins écremer un peu le peloton et y voir un peu plus clair. Alexandre Mayer, Julien Jurdie et Nicolas Duhail sont aux avants postes comme prévu.
Nous nous retrouvons d’ailleurs tous les 4 devants aux alentours du 15 ème kilomètre même si je distingue derrière à quelques hectometres quelques autres coureurs… L’allure est rapide et c’est d ailleurs sur les quasiment même temps de passage que nous nous présentons à Buc au ravito du 22 eme avec Julien Jurdie. Nous sommes seulement à deux, alors qu’Alexandre, Nicolas et quelques autres coureurs arrivent les uns après les autres le temps que je me ravitaille. Comme d’habitude je prends mon temps. Je m’hydrate bien. Fais le plein de boissons énergétiques ISOSTAR, de barres et prends un sachet de poudre pour remplir au point d »eau du kilomètre 45 à Meudon.
Laurent et Cathy assure le ravito. Laulau a la vidéo. Mais il me faut bien 1′ pour être sur de repartir avec tout ce qu’ il faut. Ce qui fait que rentré 1er je repars second derrière Julien et les autres suivent… A la queue leu leu…
Je constate que les jambes de certains commencent à s’alourdir.
Je suis surpris de constater qu’ un chapelet de 6/7 coureurs a réussi à accrocher le wagon. Et me dis que les kilomètres qui viennent vont sûrement me donner des réponses sur qui est en surregime et qui ne l’est pas. Effectivement, après quelques hectometres et le début du grand huit dans les bois qui va durer presque 50 kilomètres, je constate que les jambes de certains commencent à s’alourdir… En effet, le début des difficultés après ce premier ravito ne laisse pas beaucoup de répit et nous nous retrouvons finalement à 4 de nouveau devant. Julien semble frais mais ressent quelques problèmes à la descente tandis que je soupçonne Alexandre de bien gérer pour la seconde moitié de course … Nicolas quant à lui est discret et toujours en retrait mais semble facile dans les bosses. Bref, j’ai l’impression de jouer à une partie de poker menteur… Qui n’est pas mon jeu préféré… Finalement, aux alentours du 35ème kilomètre, je me décide à accélérer une première fois l’allure pour tester le groupe.
C’est alors Alexandre qui me suit alors que Julien disparaît et Nicolas perd un peu de terrain. Pour autant Alex ne semble pas au mieux et Nicolas, à l’aise en montée recolle dans la difficulté qui suit. Scénario décousu… Je me sens de mieux en mieux dans les bosses et décide alors de produire l’effort pour faire un tri si cela doit se faire. A ce petit jeu, c’est Alex qui en fait les frais et qui sera distancé définitivement. Nous ne sommes pas encore au kilomètre 40 et comme souvent, nous sommes déjà isolés en tête… A ce moment je me dis que cela va être long… Comme d’habitude.
Pour autant, les jambes sont excellentes et je me sens vraiment confiant sur la deuxième moitié de course qui nous attend. Je n’appréhende pas les nombreux kilomètres qui restent comme cela m’est parfois arrivé…
kilomètre 42, j’accélère de nouveau pour tester Nicolas qui cède du terrain.
Je poursuis sur ma lancée car j’ai en tête le scénario de l’an dernier où j’avais perdu beaucoup de temps au point d’eau de Meudon ( kilo 45) pour me ravitailler et perdu ainsi beaucoup de secondes et d’energie pour revenir… Ce qui m avait coûté cher en fin de course. Cette fois ci si j’arrive avec un matelas de 30 secondes d’avance je pourrais mieux gérer j’espere…
Eh bien malgré cela j’arrive à mal goupiller mon remplissage… la gourde qui tombe, mon sac de poudre qui se vide mal etc… Et finalement Nicolas me passe et repart avec une trentaine de secondes d’avance… Je ne sais pas comment il a fait pour être aussi rapide. Je suis bluffé ! Et énervé contre moi ! Le mauvais souvenir de l’an passe resurgit…
Autant dire que je n’ai pas envie de laisser faire et, quand je repars, je mets plein gaz pour revenir au plus vite. J’ai Nicolas à moins de 200 mètres en visu, ce qui me rassure. Je laisse un peu faire dans les tours et détours autour du château de Meudon avec les montées d’escaliers qui ne sont pas mon exercice préféré et accepte très franchement lorsque l’on arrive vers le parc près de l’observatoire. Le trou se bouche petit à petit et sera défintivement clos lorsque nous pénètrerons de nouveau dans la foret. A ce moment la, plusieurs solutions s’offrent à moi. Temporiser ou pas… A encore 30 Kilomètres de l’arrivée, ça se calcule me dis-je..
Finalement j’arrive à Chaville avec 1’30 » d’avance environ
J’avoue avoir des fourmis dans les jambes et déteste temporiser de manière générale donc le choix est vite fait. J’accélère franchement pour faire le break. 30 kilomètres restant ou pas. Et je ne regrette pas mon choix dès les premiers kilomètres parcourus. Je sens que les jambes sont bonnes et je prends encore beaucoup de plaisir sur ces sentiers propices à la relance… Les hectomètres qui nous séparent de Chaville sont en effet très tortueux avec des montées et descentes assez exigeantes, ce qui me permet de voir qu’ il me reste encore beaucoup de fraîcheur.
Finalement j’arrive à Chaville avec 1’30 » d’avance environ. Je prends une nouvelle fois mon temps pour me ravitailler grâce à Laurent et Cathy. Et repars très concentré pour être sûr de garder une bonne allure sans non plus me mettre dans le rouge. Je suis vigilant sur les appuis, essaie de m’appliquer sur ma foulée. J’ai appris que Sissi est seconde derrière Jasmin Nunige. Je sais qu’ elle fait le max elle aussi…
Finalement ces kilomètres défilent assez vite et malgré une petite tergiversation dans le parc de Saint Cloud autour d’une grande fontaine, le ravitaillement du 67eme arrive assez vite. D’autant que Fred Lejeune ( team ISOSTAR) en VTT et en balade est venu m’annoncer que l’écart était maintenant d environ 4′ (merci Fred d’être sorti de ton canapé pour venir sur la course). J’arrive donc au 67ème après la longue montée dans le parc de Saint Cloud avec des jambes en bon état de marche.
Cathy est cette fois avec Arnold et malgré la proximité de Paris, je garde mon calme et prends de nouveau un ravito serein où je fais attention de ne rien oublier et de prendre des nouvelles de Sissi. Ma montre m’annonce 69 kilomètres au lieu de 67. Hum hum… On nous a rajouté quelques kilomètres ! Pas grave, ils sont derrière ceux-là! :)) Il me reste 11 kilomètres à faire et ceux là je les connais… Longue descente pour rejoindre les quais de Seine bien envoyée…
Reste 9 kilomètres.
2 kilomètres de plat pas trop compliqués. Reste 7 kilomètres. La longue » nouvelle bosse » pour changer de foulée et apaiser un peu les coups de marteau dans les jambes. A petite foulée… Reste 6 kilomètres. La longue descente qui suit avec une fin façon pif-paf. Reste 4,5 kilomètres. Allure toujours autour de 15/16 à l’heure.
Je ne veux pas descendre en dessous mais veille à ne pas me mettre en sur-regime. Je ne pense qu’à ma foulée. A bien m’appliquer… Reste 2 kilomètres.
Un pseudo aller retour pour rejoindre la statue de la liberté. Reste 1 kilomètre environ. A ce moment là, je ne me permets toujours pas de savourer. Je reste dans ma bulle. 500 mètres. On redescend vers le dernier quai. Je croise Fred, le beau père de Sissi qui fait des bonds et m’encourage comme il sait le faire. Lorianne, sa maman, qui a fait la surprise de venir pour Sissi ! 🙂 200 mètres avant le pied.
Elle fait du bien…. vraiment. Cette 4eme victoire!
J’entends le micro qui crie sur les quais. Qui parle de cette 4 eme victoire. De ma famille qui est là. Mes enfants, mes parents. De cette histoire avec cette course, avec Sissi aussi. Je prends un coup de tonnerre. Ça y est. Je réalise. Je vais accrocher une nouvelle fois cette belle course à mon palmarès. Avec tout ce que ça englobe et dont je viens de parler. Et j’en suis étourdi. La montée des marches est finalement trop rapide. Mes idées se bousculent. Je savoure en pensant a mille chosesv…J’arrive au premier étage. Trop heureux après une saison 2016 qui n’a pas comblé mes attentes et nourri beaucoup de frustrations. Elle fait du bien…. vraiment. Cette 4eme victoire!
Ben et Clem qui plongent dans mes bras ne font que concrétiser ce super moment. Leur offrir une belle victoire à tous les deux en même temps était un rêve que j’avais depuis longtemps… J y suis. Papa et maman en larmes comme au premier jour… Tellement fidèles depuis toujours… Je ne peux contenir les miennes tant ce moment rassemble de choses au final alors qu’ on aurait pu croire que gagner une nouvelle fois ne suscite pas autant d émotions… Je pense à Sissi encore en train de galoper…
Mes premiers mots rassemblent tout ca ainsi que des remerciements nourris pour la fidélité de Laurent et Cathy, nos boss/coachs/managers du team Asics qui se plient en 4 pour nous depuis si longtemps… Gagner l Ecotrail à nouveau 8 ans après, ca ne peut se faire qu’ en étant bien entouré. Et cette victoire tient sûrement de tout ca…
Il manque maintenant une seule pièce au puzzle : la grenouille dont j’ai des nouvelles fraîches et qui se bat et s’accroche pour sa 2ème place. Avec un très beau plateau féminin au départ de la course, elle aura su montrer sa régularité avec cette 2eme place. Je suis fier d’elle. De ses progrès et de cette nouvelle place d’honneur qu’ elle aura acquis aussi au terme d’une prépa ou ce n était pas tous les jours les vacances !!
Tout est dit… Si ce n’est que sa place de deuxième laisse encore la place à un projet qu’ on aimerait réaliser : accéder tous les deux à la plus haute marche sur une « grosse » du calendrier. D’abord on va un peu se reposer. Mais très vite bientôt, promis, on y travaille ! Avant quand même… Dernier selfie au pied de la dame de fer ! On revient bientôt ! 🙂
Par Emmanuel Gault / Photo : La Cave À Jaife