Mo Farah a réalisé pour la seconde fois de sa carrière un doublé historique lorsqu’il a gagné l’or Olympique sur le 5 000 m, puis le 10 000 m, aux Jeux Olympiques de Rio, renouvelant ainsi sa performance de Londres en 2012. Il fait partie des nommés pour le Laureus World Sportsman of the Year 2017.
Il répond aux questions de « Laureus.com », à quelques jours de la cérémonie des Laureus World Sports Awards, qui aura lieu à Monaco le 14 février.
Laureus : Six mois après, en regardant en arrière vers Rio, quel est votre ressenti ?
Mo Farah : Rio fut un moment exceptionnel pour moi. Voir tout ce dur labeur payer, c’est très gratifiant – cela a donné un sens à ces milliers de kilomètres courus à l’entrainement, ce travail de fond exigeant et le fait d’être loin de ma famille pendant des mois entiers.
Avec du recul, l’atmosphère autour de Rio était intense et a rendu ces Jeux assez spectaculaires. Mais j’ai apprécié chaque minute. C’était vraiment une atmosphère différente de celle de Londres en 2012, mais c’était toujours aussi incroyable.
L: Y a-t-il un moment de ces Jeux, en particulier, qui restera gravé dans votre mémoire ?
M. F. : Je pense forcément au moment où j’ai trébuché, pendant le 10km – c’était, honnêtement, l’une des courses les plus difficiles de ma vie, et cette chute représentait presque la fin de toute chance de faire quelque chose pour cette épreuve. Tout est arrivé si vite, et je n’arrêtais pas de penser à mon travail acharné lors des séances d’entrainement et aux sacrifices que j’avais faits, qui étais en train d’être gâchés.
J’ai eu de la chance que la chute arrive assez tôt dans la course, cela m’a permis de me relever, de reprendre mes esprits et de me remettre dedans en accélérant pour les derniers mètres restants. Quand j’ai passé la ligne, j’étais complétement vidé – j’étais épuisé physiquement et mentalement. C’était tellement bien d’avoir ma femme Tania et ma fille Rhianna dans les gradins, pour fêter ça avec moi juste après.
L. : Avant d’aller à Rio, pensiez-vous que vous pouviez gagner le 5km et le 10k à la fois ?
M. F. : La période des Jeux approchant, je ne m’étais pas blessé et mon entrainement se déroulait de manière satisfaisante. Je suis donc arrivé à Rio en bonne forme et confiant. Mais quatre ans, c’est une longue période d’un point de vue sportif. Je vieillis et il devient plus difficile pour moi de récupérer entre les sessions d’entrainements, donc je ne prenais rien pour acquis pour ce qui était de garder mes médailles d’or.
En parallèle, on doit croire que l’on peut pour réussir. Je me rappelais sans cesse ces douloureux kilomètres que j’avais parcourus – 193km par semaine ; m’entrainant plus longtemps et plus dur que mes rivaux. Cela m’a donné confiance. En plus, j’avais promis à mes enfants Hussein et Rhianna que je leur gagnerais une médaille d’or chacun, donc je n’avais pas le choix, je ne pouvais pas les abandonner !
L : Quel était votre état d’esprit à l’approche de chaque course ?
M. F. : Je me sentais en confiance. Je savais qu’il y avait des attentes de victoire de ma part, et que j’étais perçu comme l’homme à abattre, ce qui peut être difficile. Certains médias parlaient aussi d’une association des autres athlètes afin de me battre ; c’était une information dont j’ai eu besoin pour réaliser. Mais je savais que je m’étais entrainé dur, donc je croyais en moi.
Le moment le plus difficile a été avant les séries du 5km, lorsque j’étais encore bien fatigué de la finale du 10km. J’ai dû pousser mon corps plus loin, juste pour arriver en finale. Pour la finale des 5km, j’ai dû creuser profond, mais je savais que c’était ma dernière course Olympique, et pensais que si je faisais de mon mieux, personne ne pouvait me battre. C’était un sentiment extraordinaire de revenir au Royaume Uni avec deux médailles d’Or.
L: Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être nommé pour le Laureus World Sportsman of the Year Award ?
M. F. : C’est une récompense fantastique, et être nommé aux côtés de quelques-uns des plus grands mondiaux est un honneur immense. Tout le monde dans ma catégorie – Usain Bolt, Andy Murray, LeBron James – sont au sommet de leur art et on se rappellera d’eux comme des piliers de leurs sports. De voir mon nom figurer parmi les leurs est quelque chose de très spécial.
Laureus: A votre avis qu’est-ce qui fait que les Laureus Awards sont si prestigieux ?
Mo Farah: Il suffit de regarder les personnalités impliquées – ces Awards ont réussi à rassembler les plus grands noms du sport depuis leur création. Il faut aussi noter le travail incroyable mené dans l’ombre par la Laureus Sport for Good Foundation auprès d’athlètes et de communautés dans le monde entier.
L. : Qui a été votre modèle ?
M. F. : En grandissant, mon héros était Mohammed Ali. J’avais des posters de lui sur les murs de ma chambre. Il était le meilleur ! Il se battait pour ce en quoi qu’il croyait et était fier de qui il était et d’où il venait. Il ne faisait jamais de compromis et n’abandonnait en aucun cas. J’ai été tellement triste d’apprendre sa disparition. Il était une vraie icône.
L: Beaucoup de gens vous décrivent comme le meilleur coureur de fond de l’histoire. Qu’est-ce que vous répondez à cela ?
M. F. : C’est le rêve de chaque athlète de voir son nom un jour dans les livres d’Histoire. Je n’aurais jamais pensé voir le mien aux côtés d’autres grands comme Viren ou Haile Gebselassie. Etant junior, je pensais que seule une médaille était possible, alors gagner 4 titres Olympiques et 5 médailles aux Championnats du Monde est un rêve devenu réalité. Je laisse aux autres le soin de juger où je me place par rapports aux autres, mais c’est génial d’être comparé à certaines des légendes du sport.
L: Qu’est-ce que cela représente pour vous d’avoir été fait chevalier – Sir Mo Farah ?
M. F. : Lorsqu’on m’a annoncé la nouvelle, j’étais époustouflé. Recevoir un honneur pareil, de votre propre pays, celui qui a été votre chez-vous depuis l’âge de 8 ans, c’est quelque chose d’exceptionnel. J’ai parcouru un chemin incroyable, et ai toujours été fier de gagner des médailles pour mon pays – le peuple britannique a toujours été là pour moi. Sans son soutien et son amour, sans ma famille, et l’équipe qui m’entoure, rien de tout cela n’aurait été possible.
L. : Quels sont vos objectifs pour votre carrière aujourd’hui, après Rio ?
M. F. : Je me languis de reprendre et de commencer cette saison bien remplie, qui normalement devrait atteindre son point culminant à Londres cet été, pour les Championnats du Monde, je l’espère. J’adorerais finir ma carrière d’athlète en gagnant l’or sur la piste du stade Olympique – revenir sur les lieux où j’ai passé mes plus beaux moments, lors des Jeux de Londres 2012.
Après les Championnats du Monde, je commencerai à regarder ce que je peux entreprendre, et j’ai déjà dit que j’aimerais me focaliser sur le marathon. C’est une discipline complètement différente, donc cela va me prendre du temps pour apprendre les bases et comprendre ses exigences, mais c’est passionnant de commencer un nouveau défi. Je suis quelqu’un de très compétitif, et j’adorerais essayer de me mettre au marathon de manière sérieuse. Tout le monde sait que je n’aime pas faire les choses à moitié – gardez un œil ouvert.
L. : Vous courrez peut-être le marathon pour les Jeux de Tokyo en 2020 ?
M. F. : Ne jamais dire jamais.
Interview réalisée par Laureus.com
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