Free to Run retrace, via les témoignages des acteurs de l’époque et des images d’archives, l’histoire de la naissance et du développement de la course à pied à partir des années 60.
Les acteurs qui ont fait naître le mouvement à l’époque, pour la plupart toujours présents, revivent avec nous ces moments en les partageant devant la caméra de Pierre Morath. Cet ex champion Suisse a su retrouver et donner la parole à ces passionnés, qui racontent avec une saine nostalgie ces instants toujours aussi vivaces et savoureux dans leurs yeux.
Nous entrons ainsi au cœur du mouvement, dans les rouages, qui sont en fait à la base une histoire de quelques amis à la recherche de liberté, en écho aux mouvements de société qui secouaient le monde dans les années 60. L’histoire ainsi progressivement décrite ne s’arrête pas au seul fait de la course à pied et fait constamment le parallèle, proposant images d’archives significatives du contexte social et commentaires des principaux témoins de leur temps.
Nous découvrons ainsi comment la course à pied a été exercée de façon libre, reléguant ses pratiquants au rang d’originaux. C’était ainsi qu’étaient pris les quelques amis du New York Road Runners Club, qui se retrouvaient pour partager quelques foulées dans les rues de Big Apple, avant de voir leur mouvement transformé en épreuve mythique : le marathon de New York. L’arrivée de Fred Lebow à leurs côtés, qui avait le sens des affaires, a fait exploser le nombre des coureurs. On constate que l’idée de base était de voir de plus en plus de « fous » courir et partager des valeurs d’humanisme, traverser les quartiers pauvres de New York pour tirer vers le haut volonté et espoir en chacun.
Même si on nous confie plus tard avoir invité et payé des élites dès les débuts pour attirer de l’audience sur leur fête, les fondateurs ont passé le flambeau quand ils ont senti qu’ils n’apportaient plus à leur cause. Courir au départ avait donc bien un sens : liberté. En particulier pour les femmes dont Karine Switzer, après avoir lutté contre les idéaux des hommes pour participer au marathon de Boston, s’est sentie investie d’un rôle pour aider chacune à prendre les choses en main. La société, la course à pied, chacune s’entraînant l’une l’autre !
La parole revient régulièrement à ses gens, à ses coureurs, quelques fois à des athlètes, où devrions nous dire esthètes qui focalisaient leur symbolique foulée, leur force surnaturelle. Steve Préfontaine faisaient partie de ceux-là, mais toujours, toujours, donnaient un sens à leurs actes. Ainsi tous les coureurs passionnés de l’effort comprennent en visionnant le film pourquoi ils aiment tant courir et pour quelles raisons, où découvrent de quoi étaient investis les « runners » de l’époque, et ce qu’ils nous ont permis de faire aujourd’hui.
Un film hautement symbolique, frôlant avec l’émotion sans vouloir la provoquer de façon outrancière. Un documentaire qui rappelle les fondements de la course à pied en parallèle des grands mouvements sociaux, ou plutôt née avec les élans de liberté et de conquête de soi. Ce qui subsiste, après un final rapide sur le running actuel, constitué aussi de business et de modernité, c’est ce sentiment qui nous rappelle que la course est une chose des plus simples, qui nous rend proche de ce qui nous entoure. Cependant c’est quelque chose qui a du sens, celui de la liberté.
Le film aurait pu déborder et verser dans la critique de ce qu’est devenue la course à pied, mais elle ne l’a jamais fait. On rappelle simplement que quelques fois, on peut juste mettre sa montre de côté et aller juste courir. Ses acteurs sont toujours là, toujours plus ou moins proches de la course, mais toujours fidèles à eux-mêmes, véhiculant cet état d’esprit.
Si on devait relier cette période-là à ce qu’il se passe actuellement dans le running, je dirais que l’essor du trail est en quelque sorte une reconquête du monde extérieur, trop délaissé, ou plutôt trop envahi par le caractère urbain et économique de nos vies. Le trail est donc un retour à la nature, à des plaisirs simples et une envie de se reconnecter à ce qui a toujours été là. Le succès en vient en partie de là. Cependant comme vous le remarquez tous, le business est lui aussi présent. Il a aussi permis aux personnes les plus téméraires ou les moins entraînées de s’équiper et de se lancer dans des efforts de plusieurs heures.
Le coureur est donc tiraillé entre l’envie de retour en arrière, mais toujours attaché au monde moderne, équipé des pieds à la tête, toujours lié à sa sécurité et son confort. Ainsi va le monde !
Mathieu BERTOS
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