Des évènements familiaux nous ayant obligés à annuler les Templiers au dernier moment (départ la veille de la course à 17h00 pour traverser la France pour retrouver le papa de Sissi) …
il nous fallait impérativement conserver un entrainement digne de ce nom et des sollicitations suffisantes dans la dernière semaine d’octobre pour préparer au mieux la Saintelyon, prochain et dernier objectif de l’année.
La condition étant là et malgré un bricolage en règle niveau entrainement, nous nous sommes donc laissés séduire par la course open des Championnats du monde au portugal où nous devions aller durant une semaine, qui, si elle était très largement secondaire en terme de plateau, avait au moins l’avantage de nous offrir les plus beaux paysages du parc national de Gérès.
Cette course d’une longueur de 55 kilomètres et de 3000m+ n’avait pas vraiment le même profil que la « Sainté », mais était équivalente en terme de durée et permettrait également de faire fructifier la prépa du mois d’octobre. C’est donc sans pression que nous prenons le départ de la course et dans une pure optique de plaisir et de « se défouler » après les durs épisodes de la semaine.
Je n’ai même pas de bidon pour faire la course et suis obligé d’en emprunter un à Ali Selmouni, mon ami de l’équipe nationale d’Algérie à qui je glisse quelques conseils pour gérer sa course en échange (merci Ali! ;)). Je n’ai pas de semelle intérieure dans mes chaussures (je les ai laissées dans le coffre de la voiture dans la précipitation d’une valise non préparée).
Bref, c’est un peu folklo et tranche avec la concentration de nos amis de l’équipe de France que nous avons plaisir à retrouver la veille de la course et dont on attend le meilleur. Je n’ai que deux barres pour couvrir la distance et me dis que je ferai le reste avec les ravitos proposés sur la course. Pareil niveau boisson, où je me contente d’un sachet de poudre Isostar que j’espère utiliser à mi-course.
Départ donné le samedi matin (bonheur cet horaire), dernier regard à Sissi après un très court échauffement-pipi-buisson et dernières paroles pour échanger la chance qu’on a d’être là et de pouvoir profiter, c’est encore plus fort en ces instants pour Sissi évidemment.
Le départ est prudent pour tout le monde et la course s’accélère au bout de quelques hectomètres seulement. Dès les premières pentes, le peloton assez groupé explose. Le parcours, fait de deux grandes ascensions et d’un nombre important de petits « talus » à surmonter le reste du temps, est exigeant et on nous annonce du terrain technique. Mais peu importe, je crois que Sissi comme moi avons envie de « mordre » dedans aujourd’hui …
Nous nous sommes bien préparés pour le dénivelé ces dernières semaines et je décide de ne pas temporiser et de me faire plaisir dès la première bosse. J’accélère donc un peu le rythme et souhaite vraiment appuyer pour me régaler… Je me retrouve rapidement en compagnie d’un seul coureur et de coureurs étirés que je vois en contrebas lorsque le parcours tourne … Dès les premiers mètres escaladés le paysage du parc national s’offre à nous et, pour une fois, je prends le temps de regarder, de profiter, d’ouvrir les yeux, de prendre quelques « détails » du paysage qui défile. A mi-pente, la pente se fait plus douce et nous arrivons dans un petit village reculé où les habitants, en deux roues, nous accompagnent de la voix et du regard (un peu surpris). Cela me rappelle la Turquie…
Nous sommes vraiment au coeur de la campagne portugaise, c’est vraiment beau… Je profite de ce « replat » pour accélérer un peu le rythme et décrocher mon compagnon de route. Nous ne sommes qu’au 10ème kilomètre mais j’ai vraiment envie (besoin) de me faire plaisir. La pente qui suit se durcit encore et je suis obligé d’alterner marche et course. Le terrain se fait plus technique.Je profite des quelques replats pour relancer mais gère mon avance sans stress… Ou presque… A l’occasion d’une légère descente « surprise » sur des cailloux bien mouillés, je fais un « plat » sur la hanche alors même que je passe quasiment à l’arrêt. Je suis bon pour un gros mal de poignet et des égratignures. Pas trop de mal mais je me suis fait peur…
La fin de l’ascension permet d’alterner relances et pentes raides, c’est un vrai régal et cela nous permet de rejoindre la course des championnats du monde où nous retrouvons les coureurs/ coureuses sur la course « des grands ». Évidemment, ceux que nous retrouvons à cette heure tardive sont pour la plupart dans des allures réduites et en difficulté ce qui fait que l’on dépasse pas mal de coureurs … Le premier ravitaillement arrive au kilomètre 17 et je pense avoir un peu d’avance. Je prends mon temps et vide mon sachet de poudre Isostar dans mon bidon car il n’y a que de l’eau (enfin je croyais…), mange ce que je trouve sur le ravito et profite de la vue somptueuse du moment (nous sommes au sommet…).
Je repars tranquillement quand j’entends l’ensemble de la tente qui crie derrière moi. Un coureur portugais me revient dessus comme un boulet de canon. Étant donné le différentiel d’allure (je suis reparti assez cool), je l’attends peu de temps pour qu’il me rattrape et il en remet une couche dans la descente qui suit pour me décrocher. Très habile en descente (il descend vraiment très fort) et moi ne voulant prendre aucun risque, il y parvient et me décroche l’espace de quelques hectomètres. Je profiterais d’une portion roulante qui suit pour le reprendre… Arrive très rapidement le ravito du 25 ème kilomètre qui se situe dans la vallée et surement plus accessible car la foule y est plus nombreuse. Le coureur portugais est poussé par les spectateurs et nous repartons ensemble le temps de faire le plein d’eau et de manger quelques gourmandises proposées sur les ravitaillements.
Le parcours se fait cette fois-ci un peu plus exigeant avec quelques bosses courtes mais sévères à gravir et une série de relances sur des terrains techniques. Je réaccélère dans la première bosse qui suit le 25 ème kilomètre et décroche mon compagnon de route. Sur la section qui suit je me contente de me faire plaisir, de bien gérer la technicité du terrain et de relancer proprement quand je le peux. (La seconde difficulté n’est pas encore là…) Le terrain de jeu est splendide mais empêche effectivement de prendre beaucoup de vitesse. Nous sommes souvent obligés de contourner des cailloux, etc… Et la pente (que ce soit en descente) ou en montée est toujours présente, même de courte durée. Heureusement que le balisage est excellent car les détours sont nombreux…
Ravito 3, 33ème kilomètre. De nouveau beaucoup de monde et la chaleur fait son apparition. Je bois beaucoup sur le ravito et remplis mon bidon et ma flasque au maximum car je crains l’ascension qui suit (1000+ ) très exposée. Le début de cette ascension propose des pourcentages raisonnables. Je m’applique donc à courir le plus possible. L’eau coule à foison et nous traversons/ longeons de nombreux petits cours d’eau. C’est magnifique. Encore un petit village typique à traverser et c’est le début de la seconde partie d’ascension, très rocheuse, exposée au soleil -et beaucoup plus technique et pentue- qui m’oblige à mettre les mains sur les cuisses une bonne fois pour toute. Je me régale dans cet exercice qui n’est pourtant pas mon point fort (mais quand on est préparé…) et double de nombreux coureurs qui « coincent » sur cette portion. Avec 30 kilomètres de plus au compteur, je comprends pourquoi…
Le panorama est juste magique une fois arrivé en haut. Nouveau coup d’œil, grosse pensée pour Sissi qui doit profiter à fond aussi. Et je me jette dans la descente avec envie ! Descente variée, technique puis roulante, un vrai plaisir. Le ravitaillement du 42 ème arrive très vite. Je décide de m’y ravitailler sans trouver de boisson sucrée. Je ne remplis donc que d’eau et avale une demie banane. Ça ne me rassure pas trop car il ne me reste qu’une demi barre énergétique à manger pour cette dernière portion. Je décide donc de gérer au maximum ces 12 derniers kilomètres pour en pas faire une fringale. J’adopte une allure de « bon footing » que je maitrise car c’est celle que j’adopte pour mes footings un peu appuyés. Je sais que je peux tenir assez longtemps à cette allure.
Je regrette un peu ce choix d’austérité. J’aurais dû essayer de fouiller un peu plus au ravito pour trouver et remplir mon porte bidon de boisson sucrée ou produits sucrés. Car la fin de parcours se prête vraiment à « envoyer du bois ». Même si certaines buttes coupent un peu l’allure, le reste de ces 13 derniers kilos sont très courants. Quand je le peux j’allonge la foulée pour le plaisir mais reste sobre le reste du temps. Sur cette dernière portion, je doublerais Ali qui se sera battu comme un beau diable et qui aura fait une très belle course faisant honneur à son maillot. Vraiment un plaisir de lui mettre un petite tape amicale et de se retrouver comme un clin d’oeil à ce moment là…
Je finirais ce beau périple en un peu moins de 5h40, la victoire étant anecdotique en comparaison des évènements de la semaine et de la performance époustouflante des « bleus » sur ces Championnats. Je suis simplement heureux d’avoir profité, de retrouver Sissi qui a couru pour son papa comme il aurait voulu qu’elle le fasse : dans le plaisir et le dépassement. Elle aussi gagnera sa course. Dans un très bon chrono. Comme quoi on trouve parfois dans certaines circonstances une énergie insoupçonnée… Il faut dire que l’ambiance et la course auront vraiment prêté à ce que nous puissions nous livrer avec envie.
Un endroit vraiment magnifique avec une super mentalité. Et un trophée en forme de « grenier à souris » typique de là bas en guise de souvenir… Un petit mal de cuisse qui nous fait dire aussi que l’optique « prépa Saintélyon » est lancée!! 🙂
Emmanuel Gault
Infos et résultats : TRAIL DE PENEDA GÉRÈS