À peine rentré de Kona et du célèbre IRONMAN d’Hawaï, Christophe Noclain, ambassadeur i-Run, s’apprête à prendre le départ de la dernière course de sa saison ce dimanche à Rheinsberg, en Allemagne : le Swimrun Ötillö. Entre deux valises, il prend le temps de nous raconter son aventure hawaïenne !
C’est avec le mors aux dents que les derniers jours sont abordés
« Comme promis je reviens sur MyKona’16 qui a eu lieu il y a une quinzaine de jours maintenant. Sur place plus de 2 semaines avant l’échéance (l’idée était de mettre le paquet sur cette Ironman avant de couper avec quelque chose devenu trop chronophage) la préparation finale et notamment l’acclimatation furent très bonnes. Cependant (et oui je vais me plaindre) parti seul, dans un premier temps, la vie familiale m’a beaucoup manqué et me suis senti vachement seul. Une semaine avant le Didé, avec femme, beau-frère et belle-sœur présents et dernières grosses séances pré-compétitions passées, non sans mal, je me sens carrément mieux.
Dans l’eau je suis vraiment bien comme depuis pas mal de semaines. A vélo après des premières séances sur place assez compliquées, tout comme à pied, où là le fait de ne pas avoir couru tous le mois d’août rend le banal, du coup, assez exceptionnel, les dernières séances sont hyper convaincantes. Y’a pas à dire, la prépa’ a été compliquée, toute la saison d’ailleurs l’a été et se trouver, tout de même, là, à Kona en ce début de mois d’octobre est déjà en soit une immense victoire. Une envie de tout arrêter début juillet, un mollet récalcitrant au mois d’août mais avec à côté de cela un engagement, même s’il n’est pas comme je le supposais un an avant, à 200%, qui reste prononcé et non dissimulé.
C’est donc avec le mors aux dents que les derniers jours sont abordés. Je vais de mieux en mieux même si j’ai les jambes lourdes (seul bémol) que je tenterais d’alléger avec 2 séances de pressothérapie à J-4 et J-2 offertes ma Normatec (ça, c’est Kona !). Un contrôle anti-dopage à J-3 (ça aussi c’est Kona) au moment du retrait des dossards. Sans oublier aussi l’Underpants Run à J-2 en famille, pour la déconne, histoire de se dire que tout cela ça n’est que du sport finalement …
Le matin de la course, après une très bonne nuit, je n’en mène cependant pas large.
Et qui le serait, hein ??? L’atmosphère autour du « Courtyard King Kamehameha » est super pesante. Je n’arrive pas à l’avance et poireaute bien 30’ avant de pouvoir me faire body-marker et peser. Quand j’arrive enfin à mon vélo il doit me rester 35’ avant le start. Heureusement mon ami Tonio vient me claquer la bise et ces quelques mots, toujours apaisants et réconfortants, me font un bien fou pour retomber en pression (pression à 9 bars qu’il m’aura aussi aidé à mettre dans mes boyaux).
Un échauffement à sec et dans l’eau, légèrement écourté, sur la plage du CKK et je rejoins le départ. Dans 5’ c’est parti ! Comme en 2012 je rentre donc au dernier moment volontairement et arrive à être en 1ère ligne, quasi en plein milieu légèrement excentré sur la gauche. Là franchement aucun laps de temps pour tergiverser, se poser 36 000 questions que le coup de canon résonne en moi comme une délivrance !
C’est dense mais tête hors de l’eau, expiration correcte je me fais ma place sur ce start des Groupes d’Âges Amateurs Hommes. Il est 6h55. Coup d’œil à droite, ça part plus vite (les meilleurs nageurs s’y trouvent là-bas, c’est le chemin le plus court le long des bouées) mais suis pas ridicule. Je le suis davantage au bout de 200m quand, sans réelle explication, je me mets à brasser, réajuste mes lunettes car de l’eau est entrée. A nouveau j’ai comme un coup de stress, une envie de tout arrêter, de rentrer fissa sur le Pier (d’ailleurs je me retourne pour voir comment je pourrais faire !!). A posteriori j’ai vraiment du mal à comprendre ce qu’il se passe dans ma tête à ce moment-là. T’es quand même venu jusque-là, tu t’es entraîné des heures et des heures et tu veux jeter l’éponge au bout de 5’. Incompréhensible !! Pendant une centaine de mètres ça repart tout doux puis je rentre à nouveau dans le match en cadençant davantage ma nage et en ayant surtout des appuis bien plus solides. Du coup ça remonte et je slalome un p’tit peu jusque au demi-tour où je fais un léger effort pour me faire respecter. Coup d’œil à la montre alors que l’on entame la ligne droite du retour (29’).
Sur le retour tout se passera bien avec quelques passages un peu plus soutenus (pour ne pas s’endormir) et suivre mon poisson-pilote du jour en swimskin Xterra bariolée et lunettes roses (pas moyen de le perdre c’ui là ;)). Comme prévu -et je ne me suis pas fait surprendre cette fois- c’est à nouveau plus dense sur les 200 derniers mètres. Là encore je me fais respecter et encore davantage lorsque je vois que le sub1h est possible. 59’32 à la sortie de l’eau … Good job !!
Bon, cette année 2016 aura été rapide dans l’eau (tout le contraire de 2012) mais je pourrais quand même dire que j’ai nagé sous l’heure à Kona ;)) . Pour continuer dans le comparatif avec 2012 où j’étais sorti en 1h04 et en 530ème position (88ème GA) là je suis 446ème et 49ème dans le GA 40-44 ans. Il y a bien progression malgré les 4 ans de plus, c’est top !
Tout le monde veut faire au mieux et au plus vite sur cette course
Une transition où j’essaie d’être propre et calme. Ce n’est pas le cas pour tout le monde, j’ai un gars qui s’étale de tout son long à la sortie de l’eau. Un autre qui embrasse les barrières avec son vélo. Y’a pas de doute, il y a du stress, de la précipitation … tout le monde veut faire au mieux et au plus vite sur cette course. Paradoxalement c’est sur le vélo que j’ai le plus de certitudes sur mes capacités physique mais c’est sur le vélo, aussi, que la flippe est la plus grande. Encore plus qu’à pied je redoute la chaleur, la surchauffe sous le casque !! Il fait encore assez frais avec ± 25°C et dans un 1er temps la préoccupation première est de négocier les 12km initiaux, en ville, plutôt tortueux et dense de la meilleure manière.
Je remarque quelques tête connues et constate que je suis à ma place après la natation. Suis sous l’heure mais la nata cette année est rapide. C’est bien d’avoir ce recul à ce moment de là, ça permet aussi de ne pas s’enflammer et de rester les pieds sur terre, quoi ! Une fois sur la QueenK mon but est de revenir à un niveau moindre de wattage (± 280w jusque-là). Mais il faut aussi composer avec la densité incroyable de concurrents. A vrai dire sur la 1ère demi-heure je suis relativement tranquille. C’est assez simple : soit on me dépose, soit je dépose !
Une fois les positions établies ça devient plus compliqué. Le plus souvent à mon aise sur le plat je n’ai pas de mal à dépasser sur ces parties, c’est moins le cas dès qu’il faut franchir un roller. Du coup je me retrouve souvent avec 3-4 gars, toujours les mêmes. Il y a Sven l’allemand, Mike le danois, un suédois que-jsais-plus-comment-il-sappelle et un américain (enfin je crois) répondant au doux nom de Nick. A tour de rôle nous prenons les commandes de ce mini-train, à distance forcément, et sautons de groupe en groupe si tant est qu’on puisse parler de groupe. Il y en a mais c’est tellement dense que sur cet aller vers Hawi la route n’est jamais clairsemée. La vigilance est de mise, c’est ma principale préoccupation alors qu’après 50-60km nous nous prenons un vent de face qui nous scotche à 25km/h sur le plat ! Des arbitres sont présents, et c’est très bien, et les Penalty Box jonchant le parcours me paraissent bien garnies.
Puis arrive ce km170 …
Pour revenir sur la partie wattage, à vrai dire, je ne m’en occupe pas trop. « A l’ancienne » on va dire et avec l’expérience acquise je me sens capable de m’en affranchir. C’est davantage focus sur ceux qui m’entourent ET l’alimentation/hydratation. Sur la montée d’Hawi, vent ¾ face, je serais quasi seul et j’ai pu gérer tranquille (trop ?? « seulement » 250W NP) en mangeant même mon sandwich jambon/fromage (j’avais trop la dalle ) sans attendre le ± 100ème km comme d’habitude.
Demi-tour puis à fond de 54*11 ce sont 10km de descente vent favorable qui nous éloigne vitesse grand V d’Hawi. A partir du carrefour de Kawaihae vent toujours favorable, ça trace bien ! Je suis très bien sauf l’extérieur de mon genou G qui me gêne (TFL ?). En versant de l’eau bien froide à 2 reprises la douleur s’est estompée. Gooood !! Il reste ± 50km et « j’ai les jambes », je reste bien aéro et me soulage le dos de temps en temps. Reste 40-30-25 km ça défile super vite et sans pénibilité, sans fatigue, sans coup de mou ! Au niveau densité c’est bien mieux je suis quasi seul !
Puis arrive ce km170. Je reviens sur un gars alors que 2 autres reviennent sur moi et me dépassent pour se rabattre juste devant moi. Juste après ça devient plus roulant, et comme je l’ai fait jusqu’à présent, je déboite et tente de dépasser à nouveau. Alors que j’effectue ce dépassement j’entends très bien la Harley d’un arbitre se positionner juste à côté. Je fournis mon effort et là, l’athlète américain à ma droite que je dépasse se met à gueuler ! Coup d’œil à l’arbitre à ma gauche, il griffonne sur son carnet puis la moto file ….
Alors là j’ai un gros doute !! Est-ce que c’est l’américain qui a pris un carton (5’ de pénalité) ?? tout le groupe ??? Je décide à ce moment-là qu’à T2, quitte à perdre quelques secondes, j’irai voir les arbitres dans la Penalty Box. Le vélo est terminé moyennement serein du coup et juste sous les 5h (4h56’59) alors qu’à mi-parcours je ciblais sur le 4h50 envisagé avant la course (le vent s’est levé sur la dernière partie du parcours, ce qui n’était pas prévu). C’est un vélo super propre, super bien géré et même un poil trop (243W NP) qui me laisse dans un état de fraicheur, après 6h d’effort au total, sans doute jamais connu jusque-là. La remontée au classement est intéressante : 119ème et 9ème dans mon GA !!!
C’est au niveau du mental que ça va clocher !
En effet en posant le vélo et en me préparant à enfiler mon attirail de coureur à pied je constate qu’il n’y a pas de Penalty Box à T2 (j’en ai vu une le matin mais elle a dû être emmenée sur le parcours vélo). J’ai un mince espoir qu’il y en ait une sur le parcours à pied mais au bout d’Alii Dr (± 8km) la certitude que je me suis planté me donne un sacré coup de massue sur la tête ! Déjà comme ça, dès l’entame du marathon, ce sentiment que j’ai pu prendre une pénalité, le fait que je ne le fasse pas et que je sois DiSQUALIFIE me hante et plombe ma foulée.
Je continue malgré tout et au retour sur Kona et alors que je grimpe Palani Rd, Christine est là avec François et ils m’encouragent vivement, de toutes leurs forces. Le contraste est saisissant avec mon état d’esprit et leur gueule dessus, au sens 1er du terme et sans retenu, que : « Mais Noooon ça sert à rien, je suis DIIIISQUALifIé de toute façon ». Alors que je finis de grimper cette p* !ù$ù§ de Palani rd surchauffée, je me ressaisis (à vrai dire je m’en veux aussi beaucoup de m’être emporté de la sorte envers la famille) et au moment de fouler la QueenK je me dis que disqualifié ou non j’irai au bout de la course et que même si je ne figure pas dans le classement officiel ce ne sera pas bien grave !
A ce moment-là, sans trop m’arracher on va dire, je rentre dans une sorte de zone de confort. C’est très, très relatif, hein … car ici à Kona le marathon reste un sacré morceau. Les ravitaillements espacés d’un mile environ ne sont pas en trop grand nombre. Rites immuables avec glace, éponges, eau, coca ou redBull puis à nouveau eau/éponges permettent de morceler ce marathon et d’avoir un semblant d’impression que ça passe plus vite. Car c’est long, très long pour aller rejoindre Energy Lab ! Mais comme en 2012, le fait de croiser les pros, me fait du bien. Tous de grands champions, des mecs super forts et eux aussi souffrent et peut-être encore plus !
L’image la plus marquante c’est de voir Lionel Sanders (CAN) souffler comme un bœuf, foulées complètement désaxées et le masque sur son visage. Energy Lab n’est pas une partie de plaisir d’autant plus qu’ici le soleil à la mauvaise idée de ne pas s’être caché derrière les nuages. A la sortie il reste 10km et histoire de me motiver, car les jambes commencent à être super lourdes, je me fixe comme objectif de rentrer à 5’/km maxi. J’irai plus vite finalement en me faisant un peu plus mal par moment. J’ai les doigts de pieds sensibles (2 semaines après j’ai perdu 7 ongles !). Une chaussette a bougé et me brûle sous l’orteil et les mollets commencent à être bien durs. Mais ils tiennent ces foutus mollets, ceux-là même qui 2 mois plus tôt couinaient au bout de 5’ !
Descente de Palani douloureuse pour les doigts de pieds et quadris. Puis accélération progressive en bas sur Kuakini pour finir à ± 16km/h à partir de Hualalei Rd. C’est ma manière à moi de profiter, je suis super bien, je n’ai plus mal aux jambes (comme quoi hein ;)). En franchissant la ligne je suis SOULAGE : « c’est fini toutes ces conneries » …..
Marathon en 3h16’23 – 87ème au général – 7ème GA 40-44ans
TOTAL : 9h18’26 (59’32 / 4h56’59 / 3h16’23)
Si j’annonce ces temps et classement c’est donc, vous l’avez compris, que je n’ai pas été disqualifié ! En toute honnêteté j’étais donc bien sur les tablettes mais noté « à la va-vite » on va dire, sans précision du type de vélo, de tenue (c’est la procédure) et explique sans doute pourquoi l’arbitre n’a pas notifié clairement sa pénalité.
Forcément on ne peut pas s’empêcher de penser que sans cet aléa de course mon marathon aurait pu être différent. J’ai été pollué par cette affaire mais rien ne garantit non plus que j’aurais couru 2, 3 ou 10’ plus vite. C’est un aléa comme il peut en exister des dizaines sur une course aussi longue. Et puis comme dis en préambule je reviens de tellement loin. A 2 mois de la course j’aurais signé de suite pour un nouveau top 100 …. »
>> Les résultats complets de l’IRONMAN D’HAWAÏ