L’édition 2016 du Grand Raid des Pyrénées aura marqué les esprits, avec ses fortes chaleurs entraînant un nombre important d’abandons sur tous les parcours. Marine Mejri, au départ du 84km (5500mD+), nous partage ici, sa première expérience sur cette distance !
« Le GRP j’en rêve depuis trois ans, depuis que j’ai accompagné mon frère sur le 160, que j’ai chaussé des baskets et me suis mise à la course à pied. Ses cailloux, ses lacs, les bénévoles adorables, l’ambiance familiale, tout me donnait envie. Alors quand j’ai cliqué pour m’inscrire je savais que ce serait difficile, que je n’étais pas encore prête à affronter de telles distances sur le terrain pyrénéen mais j’étais heureuse de me dire que j’allais faire partie de la fête !
La préparation ne fut pas de tout repos et parsemée de gros doutes mais avec Madère et le Défi de l’Oisans dans les pattes je me sentais prête. Seule inconnue cette année le parcours se ferait à l’envers et avec deux cols en plus. Je n’avais donc aucun repère pour mes temps de passage et aucun retour sur la difficulté du parcours dans ce sens. Je décide donc de prévoir trois heures supplémentaires au temps d’une amie, d’une parce qu’elle est plus rapide et de deux parce que cet ajout de cols va sans doute nous faire bien mal….
je retire mon dossard, il fait extrêmement chaud et le vent est brulant
26 Août 2016, on y est place de Vielle-Aure, je retire mon dossard, il fait extrêmement chaud et le vent est brulant ça va être tendu dans ces conditions. Un copain a déjà dû lâcher sur le 160 à cause de problèmes gastriques, et un passage par le PC course me fait réaliser que les abandons ne cessent d’arriver. C’est l’hécatombe sur le 120 et le 160 cela promet pour demain sur le 85 où nous sommes 1500 au départ.
27 Août 5H du matin, me voilà sur la place avec mes compères du Castries Running Club Stephan et Laurent prêts à en découdre avec les cailloux. Nous sommes motivés et inquiets à la fois. Il fait déjà très chaud, la journée pour eux et la nuit en plus pour moi vont être longues mais si on voit la ligne d’arrivée alors tout sera oublié.
10, 9, 8… 1, Pan c’est parti ! Les garçons sont partis devant, je reste en fin de peloton pour ne pas forcer d’entrée. La première montée dure 13kms pour 1500 de D+, on commence par la route, des sentiers droits dans le pentu, et nous applaudissons arrêtés en embouteillage joyeux, le vainqueur du 160 et les premiers du 120. Nous attaquons ensuite l’ascension de pistes de ski, on rigole encore, on s’en souviendra de la mise en jambe ! Les sensations ne sont pas fabuleuses, les jambes vont bien mais j’ai mal au ventre et du coup ne sais pas trop s’il faut boire ou non, manger ou jeûner… Je me force, je verrai bien au premier ravito avec Ludo, mon conjoint, ce qu’il en pense. J’arrive avec 5 minutes d’avance sur le prévi au restaurant des merlans mais coup du sort il n’y pas Ludo (coincé dans les embouteillages de ravitailleurs), tant pis je le retrouverai au 34ème km, une soupe et je repars.
Le ventre me fait mal, mais j’avance toujours donc je profite des paysages si spécifiques aux Pyrénées.
Dans la montée vers le col de Barèges nous nous retrouvons à la file indienne impossible de passer sous peine de se griller dans cette pente et avec ces blocs de pierres il faut donc prendre son mal en patience et se dire qu’on s’économise. C’est magnifique mais le cœur n’y est pas, dans la montée vers le col de Madamète je réalise que j’ai déjà une heure de retard sur les temps de passage. Madère me revient en tête, la douleur, 24h dehors, ne plus pouvoir marcher, les larmes, les 4h pour faire 12kms je ne veux pas revivre ça et malheureusement il semble que je sois parti pour.
Le cerveau décroche, rien que d’y repenser les larmes montent, c’est décidé je descends à Tournaboup et je rends mon dossard. Je traine dans cette longue descente, essaie de me convaincre que le mieux et d’arrêter là ne pas poursuivre ce qui finira par être un calvaire… Je croise Ludovic un copain engagé sur le 160 qui lui remonte et file vers l’arrivée en très bonne positon. Il me convint de prendre mon temps au ravito, et penser à ma décision avant de rendre ma puce. Je lui promets d’y réfléchir et le laisser filer.
Arrivée au ravito, je vois les Pouly, des amis du club venu me soutenir, retrouve Ludo et leur explique ma volonté de stopper là. Ils m’assoient à l’ombre (car il fait désormais extrêmement chaud), tentent de me raisonner, je pleure, je ne me vois pas passer 24/25h dehors. Ludo m’aide à me nourrir. Un peu de jambon, de fromage mais rien ne passe. Des gens vomissent, d’autres ont déjà des heures de retard sur leur prévisionnel, c’est la valse aux abandons ! Ludo m’explique que je me suis plantée sur mes temps et que je suis partie sur une base de 21h je n’ai donc pas de retard et avance bien quoi j’en pense. Je suis large sur les barrières, il serait dommage d’arrêter là et puis ce n’est pas Madère il faut se sortir cette douleur de la tête…
Dans ces moments on trouve toujours des copains de galère, là un couple voisin et une bande de copains me disent allez on repart tous ensemble on va voir le pic du midi puis on voit ! Après un temps infini passé à ce ravito, une pause aux WC qui me libère enfin nous voilà repartiS vers le pic. Corinne, la copine du club m’accompagne aussi jusqu’au col de sencours ce qui me fait le plus grand bien au moral.
On y est Patou, c’est énorme et la moitié du chemin est accompli !
Je me surprends dans cette ascension, certes en plein soleil mais régulière, à arriver à recoller au groupe avec lequel j’étais avant mon arrêt prolongé au ravitaillement. On monte bien et arrive au col sans souffrance, malheureusement le ravitaillement est plein, impossible d’y accéder. Je recharge en eau embrasse les Pouly que je reverrais à la Mongie et poursuit ma route vers le sommet avec mon chéri cette fois. On monte tranquillement sur la piste, puis la dernière partie dans les cailloux est plus rude, mes poumons brulent et j’ai dû mal à ventiler. Finalement j’accède à la terrasse dans les temps. On se pose quelques minutes, je pense au copain du club Patou dévié en bas du pic l’an dernier pour cause de mauvais temps alors cette ascension elle est pour lui ! On y est Patou, c’est énorme et la moitié du chemin est accompli !
Nous redescendons ver le col de sencours, croisons les derniers coureurs qui montent, en bas la barrière horaire aura encore fait des malheureux. Ludo file à la voiture et me rejoindra à la Mongie km 55. Je descends avec Franck, coureur croisé au ravitaillement, on trottine, on discute la descente est longue, technique et va nous bouffer les jambes mais ce n’est pas grave on attaque la deuxième partie de course alors on est heureux !
La Mongie, 20 minutes d’arrêt ! J’arrive en mode Zombie, les Pouly restent jusqu’à ce que je reparte sinon je risque de rentre mon dossard encore… Ludo s’est équipé pour m’accompagner sur les 30 derniers kilomètres on reviendra chercher la voiture demain. J’ai faim, les barres avalées depuis ce matin ne suffisent plus il me faut du solide, de la vraie bouffe ! J’accède à la salle de ravitaillement, une odeur immonde me monte au nez je suis sur le point de vomir, et déclenche une crise d’asthme vite je ressors de là !
Tant pis, il commence à faire frais mais je reste dehors. Ludo me trouve des pâtes, je dévore mon assiette puis nous repartons avec un petit groupe pour les 29 derniers kilomètres.
Là encore les abandons pleuvent car après la Mongie plus moyen d’abandonner, il faut arriver à Vielle-Aure par ses propres moyens.
Bien qu’exténuée et avec de graves difficultés pour respirer, avec Ludo à mes côtés, je me sens prête à poursuivre. La suite est faite de 9 kms de montée avant de redescendre vers les merlans puis l’arrivée, j’avance lentement mais j’avance, j’ai mal aux poumons mais tente d’oublier ce désagrément… Nous commençons à croiser des gens allongés sur le côté qui dorment, tout le monde multiplie les pauses. La nuit va bientôt tomber et les locaux pestent. Certains n’étaient jamais arrivés de nuit et là ils leur restent plus de 25kms à parcourir… La chaleur, le parcours en sens inverse l’ajout des cols tout y passe ! Cela me rassure, je ne suis pas la seule à souffrir.
Je commence à râler dès que la nuit s’abat sur nous, les kilomètres semblent plus long, les blocs de pierre plus difficiles à franchir, la pente plus forte bref l’effet de la nuit sur une traileuse déjà attaquée. A partir de ce moment-là et ce jusqu’à l’arrivée il me faudra faire des pauses tous les 10 mètres pour reprendre mon souffle, faire descendre mon cœur qui s’emballe même quand je tente d’avaler un micro bout de barre ou parler à mon compagnon.
Je ne cesse de pleurer, répéter que je ne veux plus jamais revivre ça et seul Ludo et ses encouragements arrivent à me calmer. Je me fais doubler par un nombre incroyable de gens, je suis à l’arrêt ! J’arrive finalement à me ressaisir sur les trois derniers kilomètres en me répétant qu’il faut que j’avance, que je marche, que je peux le faire et qu’il est temps de finir ce parcours.
Nous franchissons la ligne d’arrivée main dans la main à 6h13, je ne pleure même plus, je suis exténuée mais simplement fière d’y être arrivée, heureuse d’être là avec Ludo même si c’est promis je ne lui ferai plus subir ça non plus avant de longues années…
Arrivée à l’appartement, je regagne en rampant mon lit et en profite pour prendre des nouvelles de mes compagnons de club. Stephan a regagné Vielle-Aure à 22h, Laurent a malheureusement dû arrêter dans la montée du Pic du Midi. Cette course laissera des traces, c’est sûr. Pour ma part, décision est prise de retourner sur des distances plus raisonnables où le plaisir est le maître mot. Je retourne sur les 40/50 kms, il me faut encore un peu de temps pour apprivoiser la nuit et les efforts qui durent plus de 20H. »
Bravo et merci Marine pour le partage !!
Infos et résultats du Grand Raid des Pyrénées 2016