Je savais bien qu’il était complètement déraisonnable de m’aligner sur une épreuve telle que les championnats de France de trail, 15 jours après avoir couru le 90km en Suède à l’Ultravasan. Mais pour être classé au TTN (Trail Tour National), cette épreuve est obligatoire.
2ème du challenge, au coude à coude derrière Aline Coquard (elle aussi au départ de ces championnats de France de trail), je me dis qu’il saurait dommage d’abandonner le TTN en si bon chemin … C’est donc dans l’optique de tenter de conserver ma place dans ce challenge FFA que je décide de prendre part à ces France de Trail Long.
La semaine passée sur le salon de l’UTMB pour le boulot m’a bien fatiguée, mais en terme d’entraînement, j’ai allégé au maximum pour bien récupérer de cet ultra de 90km en Suède. Une petite douleur au périoste me fait douter de prendre le départ, mais elle disparait presqu’aussi vite qu’elle est apparue, donc pas de stress (au passage, merci à notre cher ostéo local, Benoît Ferrari !). Les dernières séances sont plutôt encourageantes, et ne sont, en tout cas, pas révélatrices de fatigue inquiétante. C’est donc avec l’envie de passer un bon moment sur ces sentiers du Mercantour que j’aborde ce week-end dans le 06 avec Manu. J’ai bien conscience qu’il va cruellement me manquer du travail de dénivelé, que je risque de subir l’altitude, et de payer la fatigue et manque de sommeil des derniers jours, mais je me dis que si je ne suis pas dans le coup, j’aurais au moins l’opportunité de faire une belle sortie dans des nouveaux lieux, qui me servira ensuite pour les Templiers.
Après avoir réglé toute la partie administrative dans l’urgence avec notre nouveau club, le CA Balma (merci à Hélène et Michel qui ont traité avec brio et rapidité nos dossiers !), nous validons nos inscriptions in-extermis pour ces championnats de France. Reste plus qu’à trouver un hébergement, et ce n’est pas la partie la plus simple … Rien à moins de 50′ du départ. Tant pis, on se contentera de ce qu’il reste ! C’est finalement dans un charmant petit village des Alpes-Maritimes, à Utelle, que nous posons nos valises samedi soir vers 19h après pas moins de 4h30 de voiture. Les autres membres du team Asics logent ailleurs : Thomas Saint Girons (qui s’est gentiment proposé pour retirer nos dossards, merci Taz !!) à Saint Martin Vésubie avec son club, Lambert Santelli et Julien Ardito dans un autre village un peu plus près. On a prévu de se retrouver à 2h45 juste avant le départ, pour caler l’assistance avec Julien.
Nuit très courte avec un réveil à 2h45 pour décoller à 3h30 et être sur la zone de départ à 4h30. L’organisation a décidé d’alléger le matériel obligatoire, en retirant de la liste, veste Gore-Tex et manches longues ! Décision intelligente compte tenue des fortes chaleurs attendues. 1l d’eau minimum, je pars donc avec mon porte-bidon, et une flasque de 500ml supplémentaire qui rentre dans la poche avant. Le départ est à 5h30, mais 1h avant, la ville est bien calme et déserte … On en profite pour aller chercher nos maillots de club que Didier nous a déposés au PC course la veille (merci Didier !) et préparer tranquillement nos affaires. La zone de départ se remplit tranquillement, avec des coureurs qui partent dans tous les sens pour s’échauffer. On retrouve Julien, Lambert, Taz pour caler l’assistance. Manu n’est pas au top, hier déjà il n’était pas dans son assiette, j’espère que ça passera une fois le départ donné. Je partage quelques foulées avec Sandra Martin à l’échauffement et lui lance : »j’ai fait les pronostics sur toi Sandra, je te sens bien aujourd’hui !! » (t’as vu Sandra, je ne m’étais pas trompée ! ;)).
5h20, il faut rentrer dans le sas de départ. Bonne ambiance dans le sas élites, ça rigole, ça papote, ça taquine, … si elle était présente, la pression ne s’est pas fait ressentir je trouve ! Les filles annoncées favorites sont bien là : Maud Gobert (championne de France en titre), Sophie Gagnon (2ème à la Maxi-Race 2016), Sandra Martin (vainqueur 6000D 2016), Aline Coquard, Adeline Roche, Sylvie Hascoet, Sandrine Etienne, Marie Dohin, Agnès Duhail, Amélie Sparfel, Karen Courcelle, Christine Denis-Billet … On débriefe rapidement sur nos sensations du jour, le speaker nous demande d’avancer sur la ligne de départ, d’allumer nos frontales … un dernier bisou à mon chéri et le top départ est lancé, il est 5h30 !!
C’est donc dans la nuit noire que nous nous élançons sur ce parcours de 55km et 3400mD+. Aucune idée de ce qui nous attend ce matin, si ce n’est des échos que j’ai eu à droite à gauche : « parcours très exigeant, avec des portions très techniques typées skyrunning ». Bon, on verra et on avisera ! Mais d’entrée de jeu, en effet, ça grimpe dur, avec un kilomètre vertical en guise d’apéro ! 6km pour 1100mD+, une belle manière de rentrer dans le vif du sujet de bon matin. Le single étant étroit, difficile de doubler, c’est donc en file indienne et sur un rythme plutôt cool que j’appréhende le début de cette première grosse difficulté.
Les sensations sont bonnes en ce début de course, je ne m’affole pas, et grimpe, en alternant marche/course. À mi-pente environ, je recolle deux féminines, je reconnais Marie et Aline. Je reste avec elles un bon moment, en essayant de garder le rythme, mais finis par les perdre de vue sans trop pouvoir visualiser les écarts à cause de la nuit. Le jour se lève vers 6h30/7h, j’atteins le sommet de cette première belle bosse qui nous emmène à presque 2100M d’altitude, en 1h20. Avant d’arriver en haut, je commençais déjà à subir les effets de l’altitude, avec des sensations d’étourdissement, de respiration coupée, et de jambes qui flanchent … J’essaye de reprendre mes esprits une fois là haut et espère que ces sensations désagréables disparaîtront en descendant.
On bascule donc en descente, direction le premier ravitaillement. Un sentier en single avec quelques passages très caillouteux, où j’ai l’impression d’évoluer au ralenti … Je me fais pas mal doubler sur cette partie, dont notamment par Christine Denis-Billet (en forme et taquine, elle me lance : »il te fait un beau p’tit cul ce short moulant ! » Bon, ça a le mérite de me redonner le sourire à un moment difficile ! :))) et Karen Courcelle. J’essaye d’accrocher le wagon, mais en vain. C’est donc seule et dans la peine que je rejoindrais ce premier point de ravitaillement (Madone de Fenestre/km13), où m’attend Laurent Vicente. 2h de course déjà. Je pense à Manu qui ne va pas bien, derrière moi.
Je ne perds pas de temps ici, Laurent m’a tout bien préparé (merci encore !!), bidon, flasque, barre. Hop, ça repart ! C’est reparti pour la prochaine montée vers la Cime du Pisset à 2230m d’altitude. Je crains la remontée et les effets néfastes qui vont avec, mais j’essaye de gérer mon allure pour qu’elle se passe au mieux. Pas trop d’idée de mon classement, mais à priori, je serais aux alentours de la 12ème place, et on m’annonce les filles devant très proches. L’allure est trop basse à mon goût, mais j’ai toujours ces mauvaises sensations pendant cette seconde ascension, impossible d’aller plus vite ! Au sommet et sur les crêtes, les paysages sont juste incroyablement magnifiques !! 2h40 de course, on passe de l’ombre à la lumière et les premiers rayons du soleil nous font plisser les yeux et baisser les manchettes … Magique !! Je presque envie de sortir mon téléphone (qui faisait partie du matériel obligatoire) pour faire des photos tellement c’est beau ! Au sommet, on m’annonce 11ème (entre temps, j’avais doublé Sylvie Hascoet), à 16′ de la tête de course.
Après un passage vraiment chouette en balcon, on bascule vers une nouvelle descente très caillouteuse, où je me fais reprendre encore une place par Sylvie Hascoet, beaucoup plus à l’aise que moi ici !! Je manque de m’étaler plusieurs fois en m’accrochant l’avant du pied sur des cailloux … Je me décide donc à freiner franchement pour ne pas prendre de risque. S’en suit une portion en single de 2/3km en sous bois, sur un sentier plat, mais en dévers et avec des racines. Ces sensations d’étourdissement ne m’ont pas lâchées, on évolue autour de 2000m depuis un moment. J’ai hâte de redescendre ! Par manque de lucidité, je finis d’ailleurs par me faire quelques véritables belles frayeurs en chutant violemment et m’écorchant les genoux et les mains. Rien de trop grave a priori, mais c’est le genre d’évènement qui te rappelle assez vite à l’ordre …Cette fois, c’est Agnès Duhail qui me double ici. Elle prend des nouvelles, ne me voyant pas au mieux, me demande si je n’ai pas besoin de quelque chose et file. Trop gentille ! Merci Agnès pour cette bienveillance. Je finis par réussir à rejoindre le second ravitaillement (km22, 3h30 de course), avec le moral pas au top après ces quelques chutes et difficultés de progression. Je suis donc passée 13ème.
Cette fois, c’est Juju qui m’attend. Il s’aperçoit que quelque chose me chiffonne et tente de positiver comme il peut. Belle ambiance ici, avec des spectateurs qui mettent le feu ! Top !! Merci aux supporters de choc ! Après avoir pris de temps de me ravitailler, je reprends ma route, mais prends conscience au bout de quelques mètres que j’ai oublié l’essentiel … mon bidon !!! Rooo ! Demi-tour, je cherche Juju qui a disparu ! « Juju ?? Juju ?? » Ah ouf, il est juste un peu plus en amont du ravito et a gardé mes affaires à portée de main. Je prends donc mon bidon, plein ! Cette fois, c’est la bonne, go ! C’est ici une 3ème et longue ascension que nous entamons. Moins brutale que le kilomètre verticale en début de course, mais qui nous emmènera tout de même au point culminant de la course, le Mont Archas.
On passe près du lac du Boreon, km23, une courte portion de bitume et nous voilà de retour sur les sentiers. Le soleil commence à taper, mais comme on est en altitude, les températures sont largement supportables ! Je fais un bout de chemin avec Karen Courcelle et Sylvie Hascoet, que je suivrais un long moment dans cette montée, avant de finalement les doubler quand je retrouve une soudaine seconde vie en milieu d’ascension. Le jour et la nuit, quelque chose s’est soudainement débloqué et me permet de repartir en mode petite course. Je me sens super bien, avec un regain d’énergie comme on aimerait en avoir tout le temps ! Je remonte ainsi sur Christine Denis-Billet puis Aline Coquard, qui me suis de près sur la fin de la montée. Encore une fois, on a la chance de pouvoir profiter d’une vue incroyable ici !
Un coucou à Michel Bowie, que je double avant d’arriver au sommet. 2515m d’altitude là haut, on profite un instant avant la bascule, parce qu’il paraît qu’un véritable calvaire nous attend derrière ….km32, 5h26 de course.
870mD- en 3km. Une descente raide, droit dans le pentu !! Oh, comme je déteste ça ! Pas de sentiers ici, on évolue sur un sol complètement instable où les chevilles partent dans tous les sens ! Ça glisse, c’est terrible ! Aline n’aura pas de mal à me redoubler tellement je n’avance pas dans ce bourbier … Je ne sais pas comment elle fait pour descendre à cette allure avec cette pente ! Elle m’impressionne vraiment. Perso, c’est impossible, sinon je me blesse.
D’ailleurs, j’ai beau être archi prudente, je finis par faire une glissade qui me fait descendre quelques mètres plus bas ! Je tombe en arrière et me retiens par le poignet qui se retourne complètement vers l’intérieur. Je hurle de douleur ! J’ai entendu crac et pense tout de suite à une fracture, voyant mon poignet gonflé à vue d’œil. Deux gars adorables s’arrêtent pour me proposer de l’aide, mais malheureusement, ils ne pourront pas faire grand chose ici … Il va falloir de toute façon aller jusqu’au prochain ravitaillement, 8km plus bas. Inquiète par ce poignet vraiment douloureux, je reprends donc cette infernale descente avec la plus grande prudence.
Difficile de prendre du plaisir sur cette partie, et dans ces conditions. J’essaye de faire des mouvements avec le poignet pour évaluer l’ampleur de la blessure. Ça fait mal, mais ça bouge. C’est gonflé, mais pas bleu. Par contre, j’ai du mal à plier, donc attraper mon bidon dans le dos devient un véritable supplice. Quel chantier ce parcours, vivement qu’on en termine (ok, il reste encore 20km …). Je me décrispe un peu lorsqu’on retrouve un terrain relativement stable et moins propice aux glissades. Quand le poignet ne plie pas, ça ne fait pas trop mal, je devrais pouvoir aller au bout quand même. Malgré cet épisode, les jambes continuent à aller bien, je relance donc sur le faux plat qui suit, et reviens ainsi de nouveau sur Aline Coquard. Elle marche et s’arrête prendre de l’eau à une source naturelle. J’en fais de même et en profite pour passer mon poignet sous l’eau fraîche. Ne la voyant pas au mieux, je prends de ses nouvelles. Elle me dit qu’elle préfère ralentir pour éviter de refaire une hypothermie comme à Buis y’a deux ans. Mais ça va, elle gère. Ok, je l’encourage donc et prends les devants en lui souhaitant bon courage.
De mon côté, je poursuis à mon rythme jusqu’à La Colmiane, dernier point de ravitaillement. On m’annonce 8ème, à moins de 2′ de la 7ème et à environ 7′ de la 6ème. Ce regain de forme m’aura permis de faire une belle remontée au final ! C’est Laurent Vicente qui me fait des grands signes au ravitaillement. Il assure grave ! Encore une fois, les spectateurs sont au top, mettant le feu à chaque passage d’un coureur ! Trop bon ! Je lui raconte ma chute, mon poignet, il m’annonce qu’il y a eu des couacs dans le parcours et que certains auraient coupé involontairement, que ça mettrait le bazar dans les classements. « Ah bon ?? je n’ai eu aucun soucis de balisage me concernant en tout cas. » Je suis surprise, mais j’aurais plus d’infos à l’arrivée. Je repars gonflée à bloc pour tenter de recoller sur la 7ème (dont je ne connais pas encore l’identité d’ailleurs). 40km, 6h21 de course.
En effet, il ne devait même pas y avoir 2 minutes entre nous, je l’aperçois au loin lorsque la visibilité le permet, dans la montée du Varaire. C’est Marie Dohin, je reconnais ses bâtons et son buff rouge ! Comme elle marche en bâtonnant et que je trottine doucement, je ne mets pas trop de temps à la rattraper. Je lui lance : »hey hey salut jumpy Marie ! » Elle semble surprise, les écouteurs sur les oreilles. Elle ne m’avait peut être pas entendu. Elle retire la musique des oreilles, on papote un peu, puis je l’encourage à poursuivre avec moi et me propose pour faire l’allure. Allez ok, on fait ça ! Petit moment sympathique partagé, on fait ainsi un bout de chemin ensemble; Je rate une bifurque, Marie ne la rate, elle me prévient : « Sissi, c’était à droite ! » Oups, heureusement qu’elle était là ! Du coup, elle passe devant et fonce à toute allure. Ah ok, bon, je passe la seconde aussi du coup, mais me retrouve à faire un vol plané 3 étoiles peu de temps après juste derrière elle. Je chute de nouveau sur le genou (le gauche cette fois) et plus grave, me retords le poignet alors qu’il me faisait déjà bien souffrir. J’hurle à nouveau, le nez au sol, mais Marie ne se retourne pas et s’échappe !
Quelle poisse aujourd’hui, je les cumule vraiment .. Il reste même pas 10km, ce n’est pas le moment de s’abîmer davantage. 7 ou 8, on s’en fiche. Je me raisonne et poursuis cette descente un peu casse-pattes en mode tranquillou-billou, pour assurer une fin de course en toute sécurité. De toute façon, Marie a filé subitement, tel un boulet de canon, elle a l’air déterminée pour ne pas laisser passer cette 7ème place ! ;)) Je croise le mari d’Agnès qui fait la remontée en sens inverse, Jonathan Duhail. Je lui demande des nouvelles d’Agnès, il m’apprend qu’elle est 12ème. Ah bon, je la croyais devant moi (en fait, elle avait fait une pause pipi et je l’avais doublé pendant ce temps) !! Du coup, je suis en train d’essayer de deviner qui peut être devant, mais à part Maud, Sophie, et Sandra, je ne vois pas … Surprise à l’arrivée ! Aucune nouvelle des classements des gars (à part, malheureusement, l’abandon de Manu), hâte d’avoir plus d’infos dans quelques minutes … Ça m’occupe l’esprit pour les derniers kilomètres, roulants mais avec quelques petites remontées bien sympathiques en pleine chaleur (j’ai bien fait de refaire le plein à une fontaine dans un village !) !
Un bénévole nous annonce le dernier kilomètre (il me dit : »allez, bravo, encore 1 kilomètre ! » Je lui réponds alors en souriant : »vous voulez dire PLUS qu’un kilomètre plutôt non ? »). On entre dans le village, quelques marches à grimper, les ruelles à traverser avec les terrasses des restaurants et cafés blindées : quel accueil !! Génial de vivre une fin de course aussi animée ! Un dernier virage et l’arche d’arrivée me tend les bras, enfin la délivrance … J’en termine en 7h56, 8ème féminine et 55ème au scratch !
Cela n’aura pas été simple d’en venir à bout, de ce parcours si exigeant ! J’y aurais laissé quelques plumes – les genoux, c’est que de la carrosserie, c’est le poignet qui m’inquiète le plus (la radio effectuée 2 jours après la course révèlera en effet une entorse avec légère rupture du ligament et petite fracture) – mais j’avoue avoir tout de même été surprise de ne pas être plus « à la rue » que ça, 15j après l’Ultravasan. Comme quoi, le corps peut surprendre parfois ! Je ne regrette pas cet enchainement et je prendrais maintenant le temps de récupérer de ces dernières péripéties, avant de repartir vers de nouvelles aventures !! ;)))
Sylvaine CUSSOT
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