La Suède faisait partie de nos destinations de vacances, mais pas pour se reposer ou visiter !! Une belle course nous attendait le samedi 20 août 2016 : l’Ultravasan. Un évènement trail dont Asics est partenaire, et qui connaîtra sa 3ème édition cette année, rassemblant au total pas moins de 8 500 coureurs.
Un parcours mythique : la Vasaloppet
L’épreuve a su se construire une belle notoriété, attirant des coureurs venus de différents horizons. Nombreux sont les athlètes élites spécialistes 100km, qui viennent faire une entorse à leurs habitudes et se faire plaisir sur un terrain vallonné et beaucoup moins roulant qu’il pourrait y paraître … L’Ultravasan propose deux parcours, 45 et 90km, qui arrivent au même endroit, à Mora. Ville célèbre parce qu’elle est aussi le lieu d’arrivée de la plus longue course de ski de fond au monde, la Vasaloppet. C’est d’ailleurs sur ce même tracé que les traileurs du 90km auront la chance de courir samedi matin !
Depuis la première édition, le team Asics se déplace avec quelques athlètes pour participer à l’évènement. Holly Rush avait remporté la course en 2014, l’an dernier, Manu (Gault) et Arnaud (Perrignon) avait terminé ensemble à la 4ème place. J’avais eu la chance de venir en supportrice et de constater la rigueur de l’organisation ! Bref, tout nous donnait envie de revenir cette année. Souhaitant enchainer sur les championnats de France deux semaines après, je prévois de m’aligner sur le 45km, tout en sachant que de toute façon, l’enchaînement sera risqué. Ces courses roulantes, où les allures sont plus poussées que les trails à forts dénivelés, laissent des traces.
Entre 90 et 45, mon cœur balance !!
On prend l’avion direction Stockholm mercredi pour atterrir dans la soirée, puis faire la route en voiture de location jusqu’à notre lieu d’hébergement à Mora. L’organisateur, Peter Fredricson, nous a très gentiment prêté sa maison jusqu’à dimanche ! Trop sympa !! Cathy et Laurent Ardito sont déjà sur place depuis une semaine, ils ont participé à la Vasaloppet VTT. La même version que le trail, mais sur deux roues ! Ils se sont régalés d’après leurs récits post-courses ! :)) Déjà hâte d’être à samedi matin !
Nous profitons d’ailleurs des beaux sentiers suédois dès le jeudi matin, avec une session running sur une portion de 12km du parcours. Temps idéal : 16/20 degrés, quelques nuages. Je me régale tellement que je me dis que je suis bien idiote de ne pas faire le 90km pour profiter encore plus de l’évènement, des paysages et de ces beaux sentiers ! L’idée me traverse l’esprit, j’en parle avec légèreté avec Laurent, qui me prend au sérieux … et me confirme que l’organisation accepte le changement. Jeudi soir, j’étais complètement perdue : 45 ou 90km ?? J’ai beau essayer de peser le pour et le contre, d’en discuter avec Manu qui me confirme que notre entraînement effectué ces dernières semaines me permettra de terminer, … impossible de prendre une décision.
Vendredi matin, au réveil, pas mieux. On file au rendez-vous fixé par l’organisation à 9h pour le run collectif et la conférence de presse dans la foulée. Les favoris sont tous présents, y’a du niveau !!! Chez les féminines, Yasmin Nunige (vainqueur en 2015, 2ème aux Templiers 2015, 7 fois vainqueur du Swiss Alpine Marathon …), Sarah Bard (4ème aux mondiaux de 100km en 7h29), Cassie Scallon (4ème aux Templiers), Isabellah Andersson (originaire du Kenya, 2h23 sur marathon), les norvégiennes, Margrethe Løgavlen et Mari Mauland (2ème à l’EcoTrail d’Oslo 2015, la suédoise Kerstin Rosenqvist (8h18 sur 100k) … Ça risque d’aller très vite devant !! Du beau monde aussi chez les gars, difficile de faire des pronostics en cette veille de course. Oui d’ailleurs, 45 ou 90 ??
Par contre, il va falloir aller au retrait des dossards et choisir une couleur … Vert ou orange ?? La femme me tend un dossard vert (45) lorsque je lui donne mon nom, mais Laurent me regarde : « t’es sûr ?? ». Je lui réponds en souriant : « non ! » Il enchaîne : « tu veux que je décide pour toi ? » Allez, on fait ça comme ça et j’attrape le dossard orange !! Go pour le 90km alors ! Maintenant que la décision est prise, il va falloir se préparer mentalement à courir double de distance … en espérant que la météo soit avec nous pour ne pas me faire regretter !! ;))
Un réveil très matinal, qui fait mal !
La soirée est consacrée à la préparation du matériel et des ravitaillements, puis à 21h, il va falloir penser à se mettre en position horizontale, parce que le réveil est programmé à 2h …. Forcément, c’est compliqué de s’endormir dans ces conditions ! Je vois toutes les heures passer et je décide de sortir du lit avant même que le réveil ne sonne. Je n’ai pas fermé l’œil du tout, misère !! Arnaud est déjà au petit déjeuner à 2h, la tête dans ses œufs. Mais lui, il a dormi et paraît plutôt zen et détendu … jusqu’à ce qu’il se rende compte que la cafetière ne fonctionne pas ! aaaah elle démarre mal cette journée ! Manu nous retrouve à 2h30, il a repoussé le réveil au max. 2h55, on prend la route du départ : direction Salen, à environ 1h de Mora.
Nous arrivons sur place vers 4h10, pour une départ de course à 5h. Ça laisse le temps d’une petite mise en jambe, histoire de dérouiller la machine de si bonne heure. Il fait encore nuit, mais le jour devrait se lever juste après notre départ. On a pris la pluie et le brouillard sur le route en voiture, mais ici, ça s’est calmé. 10/11 degrés, humide mais après quelques foulées, le débardeur avec les manchettes semblent suffisants … On opte donc tous pour la solution minimaliste. Côté hydratation, et matériel, rien d’obligatoire ! Comme les ravitaillements sont nombreux (tous les 5/10km environ), je ne me charge pas et pars avec juste une flasque de 500ml et une barre. Petite particularité bien appréciable sur cette course, l’assistance est autorisée partout, sauf sur les zones officielles de ravitaillement ! Ça nous change de la France hein ? ;)) du coup, Cathy qui sera mon assistance de luxe ce matin, prévoit de me voir à de nombreux endroits, ce qui me rassure !
La pluie s’invite à la fête, j’ai froid !
Nous entrons dans le sas élites à 4h50, une petite tension est bien palpable !! Très belle aire de départ, on imagine bien l’ambiance qui doit régner l’hiver à l’occasion de la course de ski de fond … ça doit être grandiose ! Un coureur me passe le bonjour de Marion Clignet (sympa Marion, si tu me lis … merci !! ;))), on se souhaite bonne course avec les gars, je jette mon buff à Laurent au dernier moment (je sens qu’il va me donner chaud !), et le compte à rebours est lancé, c’est parti pour faire avancer les pattes arrières quelques heures … !!
Forcément, on s’emballe tous un peu au départ, mais les premiers kilomètres se faisant en montée, on est tous, assez vite calmés ! Les avions de chasse se sont envolées, Yasmin, Sarah, Cassie, Isabella, puis une suédoise en rose … Je me compte 6 ou 7ème fille. Juste pour avoir un ordre d’idée. Avec ce plateau, j’ai du mal à me fixer un objectif de place, mais je me dis que passer sous les 8h serait bien ! Les jambes et le souffle répondent plutôt bien au démarrage, je suis rassurée. Par contre, la pluie s’invite à la fête dès ce début de course, j’ai froid. Je regrette mon buff, je regrette ma veste. On va faire avec ! Ou sans plutôt ! ;))
Avantage ou inconvénient, je ne sais pas, mais chaque kilomètre parcouru est matérialisé par des panneaux sur le bord des sentiers. Le premier indiquant 89, on avance donc en se rapprochant de 1 … Ça permet de vraiment suivre sa progression, mais psychologiquement, je trouve ça un peu dur … j’ai beau essayé de ne pas les regarder ces fichus panneaux, c’est compliqué de les éviter !! Le début de course s’effectue en montée, mais sur terrain propre et roulant. Des larges pistes sans aucune difficulté. Ça permet de se concentrer sur ses sensations, mais c’est vite lassant … Heureusement, vers le 8/10ème kilomètre, on bifurque assez vite sur la partie la plus technique du parcours, des véritables sentiers de trail, qui permettent de s’amuser un peu ! Certes, ça casse bien l’allure, mais ça a le mérite de faire varier les sollicitations musculaires et ça fait du bien de varier les plaisirs ! ;))
Vive les buissons suédois !
Les kilomètres défilent, la pluie devient de plus en plus intense, les ravitaillements sont nombreux, mais je préfère ne pas m’arrêter pour le moment. Pas soif, j’ai trop froid !! Km16, un peu moins d’1h20 de course, Cathy gère l’assistance au top, mais me concernant, je ne suis pas au top, prise de maux de ventre depuis plusieurs kilomètres. Je temporise mais il va falloir que je trouve un buisson pour m’arrêter, sinon, ça va pas l’faire !! Sauf qu’en Suède, y’a rien de rien pour se cacher !! Les arbres sont trop fins, la végétation peu propice à ce genre « d’escapades ». Bref, je passe 20′ à courir en regardant à droite à gauche si je ne peux pas trouver un endroit, et à défaut, je m’arrête derrière … un petit rocher. Bon ok, en fait, j’suis pas cachée du tout, mais c’était ça ou je me faisais dessus …. ;)))) Une coureuse est repassée devant moi entre temps, j’essaye de prendre son wagon en repartant. Les jambes ne vont pas si mal, mais je dois composer avec ce mal de ventre et cette gêne gastrique qui me suivra, avec la sensation de m’affaiblir un peu plus à chaque pose buisson, quasiment jusqu’à la fin.
Le parcours est original, vraiment dépaysant, on a l’impression d’être en pleine jungle, au milieu de nulle part. Ça m’a rappelé la Patagonie à plusieurs reprises d’ailleurs. Le brouillard et la pluie rajoutant un côté mystique aux lieux. Les singles sont étroits, nous obligeant à rester en file indienne, en équilibre sur des planches de bois, installés ici pour les traversées de marécages. Ça ralentit bien le rythme aussi, d’autant que chaque pose de pied sur ce bois mouillé est super glissante et nécessite une vigilance maximale ! Ces passages ludiques permettent de bien déconnecter de la progression kilométrique, trop lente à mon goût ! J’aperçois pourtant très bien le panneau « 65 », réalisant le chemin qu’il me reste à parcourir alors que je suis de nouveau prise d’une grosse crise de maux de ventre qui m’oblige de nouveaux arrêts. 25è km, 2h05. Ça va être très dur d’aller au bout. Avec tout ça, j’ai perdu pas mal de temps, j’ai été obligée de ralentir l’allure et deux autres féminines m’auront doublée entre temps. Je suis perdue dans les classements, mais je pense être toujours dans le top 10.
Sur ces longues courses, je crois que le cerveau déconnecte régulièrement en fait, pour permettre aux jambes d’avancer sans trop se poser de questions ! Si on s’écoute trop, dans certains moments difficiles, on stopperait tout très vite ! Je déconnecte plusieurs fois entre le 25ème et le 80ème. Je me souviens faire des calculs, pleins de calculs, pour arriver à savoir si j’avais encore la possibilité d’être dans mon timing prévisionnel des 8h. Les yeux régulièrement sur ma Suunto pour vérifier les allures. Et puis le cerveau reconnecte quand j’aperçois Cathy aux ravitos, qui prend des nouvelles et s’aperçoit que ça ne va pas. À chaque fois, je ne peux m’empêcher de lui lancer un « Cathy, je ne sais pas comment je vais aller au bout ! » J’ai envie que ces souffrances stoppent, mais je n’ai pas envie de stopper. J’ai envie de terminer ! Alors je continue comme ça, en espérant retrouver un état de forme me permettant de prendre un peu plus de plaisir.
Quand le moral lâche, mais que l’option de l’abandon n’est pas envisageable
Je continue de rétrograder dans le classement et d’autres féminines me doublent, je crois que c’est fichu pour le top 10 et les moins de 8h (en fait je ne le savais pas, mais d’autres auront abandonné devant me permettant de rester dans les 10). Je prends un peu coup au moral et à mi-course, 45ème, je continue mes calculs. 3h54 de course, mais j’ai fait le gros du dénivelé sur la première partie. En admettant que ce ventre me laisse tranquille et que je retrouve de l’énergie sur cette seconde partie de parcours … Les moins de 8h sont toujours envisageables, mais faut pas ralentir la cadence ! Ok, faut le tenter, mais pour le moment, j’ai du mal à y croire. Une douleur au pied gauche m’embête depuis un petit moment. Je pensais qu’elle allait partir comme elle est arrivée, mais comme elle persiste, ça commence à m’inquiéter. Je pense à un problème de languette de chaussure. Je m’arrête, déchausse, puis rechausse. Mais même douleur. Je me ré-arrête, relève un peu mon manchon de compression, réajuste ma chaussette et repars. Mais rien n’y fait. Je compose donc avec, mais me rends compte que je modifie ma foulée et risque de me blesser ailleurs en compensant. Bref, ça m’occupe un peu ces bêtises et quand je commence à apercevoir des « 3 » sur les panneaux, je ne peux envisager autre chose que The Finish Line !! :))
En pensant être 12 ou 13ème et plus du tout dans mon timing, j’avoue être passée dans un autre état d’esprit que la recherche d’un objectif sportif basé sur une éventuelle performance. Je veux juste terminer et profiter d’être ici, en pleine nature suédoise ! Je prends mon temps aux ravitaillements officiels, et goûte à cette célèbre soupe de myrtille ! Au moins, j’aurais des raisons d’avoir mal au ventre ! ;)) Délicieux ! Je prends le temps de raccrocher mon dossard mouillé, qui s’était décroché et que j’avais glissé dans ma manche depuis le début pour ne pas le perdre. Cathy m’apprend l’abandon de Manu, je suis trop triste pour lui … Arnaud a décroché de la tête. On n’aura pas brillé ce matin ! Km61, on est passé aux panneaux avec des 2 (29kms restants), ça fait du bien au moral ! 5h20 de course, ça commence à être dur pour tous, et même sur le parcours des 45 que nous avons retrouvé, certains commencent à sévèrement coincer. Comme j’ai levé le pied, je parviens à être régulière et double quelques coureurs.
Une fin de course en roue libre !
La pluie a enfin laissé place au soleil ! On ne peut pas dire qu’il fait chaud, mais au moins, je n’ai plus froid ! Je galère toujours avec cette douleur au pied, mais elle s’est estompée depuis mon dernier re-chaussage. Je galère toujours avec ce mal de bide, mais à force de me vider, ça va bien finir par s’arrêter ! Je commence à bien sentir tous les muscles de mes jambes, l’accumulation des kilomètres se paye … Normal ! J’allais quand même pas m’en sortir sans une courbature ! ;)) Cathy assure toujours une assistance de luxe, heureusement qu’elle est là, ça me donne aussi une motivation supplémentaire pour avancer.
On est maintenant passés aux chiffres 1 avec 19 kilomètres restants !! 70ème kilomètre passé en 6h13. Puis le 80ème en 7h11 … Je suis complètement perdue dans les classements d’autant que nous sommes maintenant mélangés depuis un moment avec les coureurs du 45km. Ça ne va plus bien vite, mais j’ai bien conscience que je n’ai pas le courage de me faire plus mal que ça pour terminer … (fainéante !!). Et puis le parcours est aussi parsemé de belles relances qui obligent à ralentir le rythme, et peiner pour relancer. Malgré tout, c’est finalement sur ces derniers kilomètres que je prends presque le plus de plaisir : il fait beau, mon estomac me laisse enfin tranquille, je visualise la ligne d’arrivée et on est en Suède, mince alors !! :))
6km avant l’arrivée, je revois Cathy une dernière fois. Elle m’annonce alors, à ma plus grande surprise, que je suis 7ème, pas très loin des 2 filles devant. Ah ouais ?? Le top aurait été à ma portée alors ? Incroyable, moi qui croyais être complètement à la traine avec cette progression difficile en dents de scie … Je prends le temps de refaire le plein d’eau, une barre, on échange quelques sensations avec Cathy et biiiiimmmmm, la grande blonde suédoise me passe sous le nez, à grandes foulées !! Bon, ben, je suis passée 8ème ! ;)) Je tente bien de l’accrocher en la gardant en ligne de mire, mais c’est qu’elle termine en boulet de canon la gazelle ! Moralement, je n’y arrive pas, et je me contente donc de cette 8ème place, en essayant de ne pas complètement craquer sur les derniers kilos pour ne pas me faire rattraper (je ne connais pas les écarts derrière, mais en fait, j’étais assez large).
km87, 7h51. C’est mort pour les 8h (d’autant qu’il ne reste pas 3, mais 4kms !), mais ça faisait déjà longtemps que je n’y croyais plus. Tant pis, ça sera du moins de 8h15 et pis c’est tout ! Les spectateurs, de plus en plus nombreux sur le bord des sentiers, nous motivent (bon ok, c’est du suédois, on n’y comprend rien, mais on fait semblant !), et le dernier kilomètre qui nous fait entrer dans la ville (Mora) est vraiment chouette ! Je reconnais maintenant les lieux et je visualise bien les dernières foulées, avec cette dernière longue ligne droite … J’y suis, je donne tout, je remercie d’un sourire les gens qui m’applaudissent pour me féliciter et je viens franchir cette ligne d’arrivée suédoise en 8h11, 8ème féminine. Manu, Laurent, Cathy, Arnaud et Arnold sont là pour m’accueillir avec Peter, ça me touche, un grand merci à eux aussi !
Aucun regret d’avoir fait ce changement de distance à la dernière minute. J’ai subi, c’est certain, mais je me suis aussi enrichie d’une belle nouvelle expérience. Et tant qu’on a la chance d’être sur nos deux jambes, on peut se permettre de laisser la raison de côté pour vivre pleinement notre passion … ! Merci à Peter et son équipe de l’Ultravasan pour ce chaleureux accueil qu’ils nous ont réservés. La soirée s’est terminée par une belle cérémonie avec les podiums et un bon moment convivial autour d’un verre. Le lendemain matin à 6h, il était déjà l’heure de se lever pour repartir …
Sylvaine CUSSOT
(Photos : Asics/organisation/irunfar)
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