Après avoir fini ma préparation (détails ici) par une semaine au Centre National d’Entrainement en Altitude de Font-Romeu (CNEA), c’est excité et curieux que je m’envole vers l’Éthiopie pour y courir l’Ethiotrail, un trail jeune de sa 3ème édition en 2016, dans la vallée du rift.
Récit du voyage et de la course passée en compagnie de l’élite espagnole de trail et éthiopienne.
L’Ethiotrail, plus qu’une course
« L’Ethiopie profite encore peu de la valorisation de son patrimoine, pourtant ses paysages offrent un beau support pour y promouvoir le trail et le tourisme. » Voici l’état d’esprit de l’agence « Run In Africa » qui cherche à valoriser, via le trail, les merveilles éthiopiennes dans ce pays de tradition de course sur route. L’Ethiotrail, c’est 3 distances, 12kms (D+ 300m), 21kms (D+600m) et 42kms (D+1200m), dans le parc naturel de la vallée du rift, début août, peu de participants (300 toutes distances confondues), et la possibilité de courir avec l’élite éthiopienne féminine et masculine.
Mais plus que la course, on y vient plusieurs jours (une semaine pour moi) pour y vivre l’expérience éthiopienne. L’effort est clairement affiché par les organisateurs de faire découvrir le patrimoine naturel et culturel du pays et de nous immerger dans la population et les traditions éthiopiennes, autour du café, des repas, des danses, des animaux, des paysages… Sur les repas, mention spéciale à l’Injera, sorte de galette à base de tef, une céréale très intéressante riche en protéines, que l’on prend avec la main pour piocher les aliments. Les avertis de la nutrition apprécieront.
Avant la course, nous irons 2 fois au centre d’entrainement en altitude (2800m) de Haile Gebreselasie
A mon arrivée à Addis Abeba, je rencontrerai d’autres participants espagnols, dont les très sympas Azara Garcia (2ème à l’Epic trail 2016) et Manuel Merillas (Team Mammut, 4ème à l’Epic Trail 2016), couple fraichement marié, spécialiste de Sky Running et avec qui je passerai une belle semaine. Notre départ pour la vallée du rift est retardé à cause de conditions météo et de manifestations locales. Pour nous « occuper », les organisateurs nous amènent dans quelques musées, réserve faunistique…
Nous irons 2 fois au centre d’entrainement en altitude (2800m) de Haile Gebreselasie, le Yaya Village pour y faire 2 sorties d’acclimatation (http://yayavillage.com/). Nous y attendent des jeunes athlètes du centre pour nous servir de « Guide / Meneur d’allure », et là nous sommes loin de la réalité Running européenne : chaussures trouées et bien sales aux pieds, portables à la main à envoyer des sms en courant.
Leur aisance est flagrante et leurs chronos de référence m’affligent : 63’ sur semi pour le premier, 31’ sur 10 km pour le plus jeune âgé de 14 ans, et 2h35 au marathon pour la fille de 19 ans. Une partie de l’avenir éthiopien est là ! Quand ils me demandent « Are you an athlete ? », mes 80’ sur semi deviennent très relatifs et je réponds donc avec humilité « More or less… ». Après 3 jours à s’occuper dans la capitale boueuse, polluée et pauvre, nous nous dirigeons enfin vers le sud dans la vallée du rift.
Gebre Gebremariam, vainqueur du marathon de New York 2010 et partenaire de la course, nous attend sur place. Grand bonhomme bien souriant et surtout bien sapé, la discussion est ouverte et je dinerai à côté de lui. On chausse enfin les runnings pour une sortie sur les hauts plateaux de la vallée du rift, origine de l’humanité et région native des plus grands coureurs éthiopiens. Des terrains peu techniques et secs, mais des roches volcaniques abruptes et des acacias aux terribles et longues épines. Pour nous accompagner, rien de moins que Joseph Teka, spécialiste de 400m et 800m, qui est devenu entraineur sur la région d’Addis Abeba. L’opportunité pour moi de finir la séance en trio avec Jospeh et Azara Garcia sur des accélérations 30’’/30’’ puis des mouvements de coordination. Un beau moment.
Les jours se succèdent autour des paysages, du café et des sourires éthiopiens et le jour de la course approche, on soigne l’alimentation, on essaie de bien dormir, mais la saison des pluies en Éthiopie s’exprime: 2 jours de pluie consécutifs remettent en cause le parcours du 42kms…
Ce que je craignais arrive : le 42kms est annulé au dernier moment
Le départ prévu à 6h30 oblige à se lever dans la nuit pour petit-déjeuner vers 3h30/4h00. Le 42 km est encore incertain à cause des pluies passées. Finalement, comme beaucoup de choses cette semaine, l’heure de départ du bus pour nous amener du centre au lieu de course (45’ de bus) sera retardée de 10’ en 10’. Organisation et timing … éthiopiens.
Sur le lieu de départ de la course, la population des villages aux alentours s’est déplacée et observe, amusée. L’élite éthiopienne est présente et s’échauffe déjà. L’heure du départ aussi est retardée, je m’y attendais. Hélas ce que je craignais arrive : le 42kms est annulé au dernier moment, les terrains seraient impraticables après les pluies (réellement, ou manque de culture trail ??). Les coureurs du 42 iront sur le 21. Ma prépa 42 tombe à l’eau, je ne me projette pas sur une allure et un départ 21km, je quitte la camelbak inutile sur 21, et l’échauffement inutile sur 42 pourrait l’être davantage sur 21, mais on part dans 5’… Dommage tout cela.
Dès le départ, tous les coureurs éthiopiens partent en groupe largement détaché. Je suivrai une partie des coureuses éthiopiennes mais rapidement certaines d’entre elles se détachent, et un second peloton féminin se crée à 50m devant moi avec Azara Garcia. Nous passons sur les 4 premiers kms dans des villages éthiopiens, et je trouve l’allure bien rapide. La première difficulté, l’ascension d’un volcan, est pierreuse et abrupte. Ça calme l’allure de tout le monde, et j’y rejoindrai Azara Garcia.
Nous ferons tout le reste de la course ensemble, s’encourageant et plaisantant. Avant la deuxième et dernière difficulté, une seconde ascension volcanique qui se fait en marchant, l’élite éthiopienne a déjà fait demi-tour et passe devant nous, impressionnante. Mise à part ces 2 ascensions difficiles, le parcours est peu technique et offre de très beaux paysages sur des chemins parfois en terre, parfois sableux, parfois pierreux. Avec Azara nous courons le retour avec 2 éthiopiennes qui perdront du terrain dans les montées/descentes mais le regagneront sur le plat, tradition course sur route !
Plusieurs fois, les épines longues et robustes d’acacia m’auront entaillé les cuisses, les bras et les épaules, qui saignent. Le retour sur les villages m’indiquent qu’il reste 3 à 4 kms, le moment de finir en puissance, et Azara et moi finirons plus rapidement et reprendrons plusieurs éthiopiennes pour franchir la ligne en 1h48.
Certains coureurs du 21 ont finalement fait le 12km, et avec l’annulation du 42km des erreurs se font dans les classements. Je finis 3ème de la catégorie « étranger », mais l’organisation me classe 4ème, finalement le coureur qui sera appelé au podium à ma place viendra vers moi, se souvenant que je l’ai doublé, et insistera beaucoup pour me donner la récompense, que je refuse d’abord puis accepte sous ses insistances. La densité d’éthiopiens entre 1h16’ et 1h30’ est impressionnante (50 coureurs) sur ce parcours de 21kms à D+600m.
Cerise sur le gâteau, au retour pour Addis, les journalistes veulent rencontrer le grand Haile Gebreselasie, et nous autres traileurs en attente de notre vol, nous nous pourrons être présents pour dans le bureau de l’ancien champion du monde et olympique. Après notre arrivée, un petit bonhomme sort de son bureau, nous regarde tous les 10 à attendre, plaisante et vient serrer les mains, grand sourire. 45’ d’interview qui se finissent pas quelques photos, et un pot de miel « Haile » pour chacun d’entre nous (visibles sur la photo, Haile possède dans le sud de l’Ethiopie une « fabrique » de miel). Un très grand moment à savourer.
Malgré l’annulation du 42km, je suis content d’avoir pu courir dans le peloton féminin éthiopien et d’avoir fait toute la course avec la vice championne du monde de trail 2016. Une belle expérience éthiopienne, plus qu’une course il y avait toute cette semaine de nombreuses raisons d’avoir fait le déplacement.
Les résultats du 21 km « Local athletes » :
• IFA BELDA 1h16’52’’
• TAMIRAT SHIFERA 1h16’57’’
• TESHOME SHUME 1h17’05’’
• LIKNA AMBAW 1h28’47’’
• TSEDALE G/TSADIK 1h30’39’’
• HAREGEWEYIN AGONAFIR 1h30’58’’
Les résultats du 21 kms « Foreign athletes » :
• Manuel Merillas 1h39’34’’
• Jesse Muray 1h44’35’’
• Frédéric Gaboyer 1h48’42’’
• Azara Garcia 1h48’13’’
• Michelle Jezycki 2h06’10’’
• Ivana Valantina Garcia 2h36’04’’
>> Retrouvez l’ensemble des résultats de l’Éthiotrail 2016 : 12km 21KM
Texte et photos : Fredéric Gaboyer
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