Afin de préparer au mieux l’un de ses objectifs de saison, l’Ethiotrail, Fred s’est rendu à Font Romeu pour un petit stage en altitude, avant de partir dans la vallée du Rift en Éthiopie. Il a souhaité partager avec nous, ces deux expériences uniques.
« Cet été a été celui d’une sorte de pèlerinage autour du trail que je me suis offert, avec une première semaine de préparation physique à Font-Romeu, au Centre National d’Entrainement en Altitude (CNEA) du 24/07 au 31/07, ce qui clôturera mon plan, puis avec une seconde semaine en Ethiopie pour courir un trail jeune de sa 3ème édition en 2016, dans la vallée du rift (ethiotrail), du 01/08 au 08/08. Récit de voyage et de course de ces 2 semaines de « recueillement course à pied ».
Dans ce premier article, témoignage autour de l’entrainement au CNEA de Font-Romeu. Le récit de la seconde semaine en Ethiopie peut se trouver dans cet article
Le contexte de ma saison 2016
Licencié à l’ASPTT Orléans sous l’entrainement de Gilles Renard et de Pascal Rouballay. Après un cycle d’entrainement de 3 mois pour mon marathon de printemps (Cheverny début avril, en 3h00) et avant un cycle en automne sur le marathon de La Rochelle (prévu en 2h55), l’Ethiotrail est le second de ces 3 objectifs « majeurs » de la saison.
La dernière course en date depuis la reprise d’entrainement d’après marathon de printemps est le trail de Sancerre couru en juin (35kms, D+ 1300), où j’aurais eu la belle surprise de finir crescendo en 20ème position sur un trail bien maîtrisé. C’est donc dans ce contexte que je me lance dans ces 2 semaines Font-Romeu / Ethiopie.
Font-Romeu : l’entrainement
• Le plan
Situé à 1850 mètres d’altitude, l’hypoxie du lieu est sensée induire des adaptations physiologiques. Une semaine, c’est court pour cela, mais avec une semaine en altitude en Ethiopie en plus avant la course, j’espère que ces 2 semaines auront tout de même un effet bénéfique. En m’informant dans le très recommandé livre « S’entrainer en altitude » de G. Millet et L. Schmitt, je comprends que l’hypoxie ne se suffit pas à elle-même mais que pour être constructive, elle doit être prise comme un paramètre parmi d’autres, intégré dans l’entrainement global, au même titre que le volume, l’intensité ou la fréquence des entrainements sont d’autres paramètres intégrés et modulables.
Je prends aussi conscience que mon approche de cette semaine n’est pas bonne et va à l’encontre de 2 grands principes d’entrainement en altitude : (1) ne pas faire sa première expérience d’entrainement en altitude la semaine d’avant course, ce qui est mon cas, et (2) la première semaine doit être une semaine d’adaptation sans séance ou encore à très faible intensité, ce que je n’ai pas le luxe de pouvoir faire.
Je suis donc obligé de revoir mon plan pour ne pas faire trop n’importe quoi en conditions hypoxiques, surtout que dans mon plan, la séance culminante est prévue le jour d’arrivée en altitude…
Plan initial :
Semaine 10 d’entrainement (dernière semaine de travail)
Jour 1, arrivée à Font-Romeu (Dimanche 24/07): 2h15 en terrain vallonné dont 3×20’ à « intensité spécifique » (la notion d’allure spécifique étant inadaptée au trail)
Semaine 11 (première des 2 semaines de relâchement)
Jour 2: (Lundi 25) : Footing 1h15’
Jour 3: 12 x 300m (sur piste, R=45’’)
Jour 4: 1h15’ footing sur terrain vallonné
Jour 5: 4’-6’-6’-4’ à intensité semi marathon sur terrain vallonné (R=1’30’’ et 2’’)
Jour 6: Footing 1h15’
Jour 7: 1h15’ footing en terrain vallonné
Jour 8: départ de Font-Romeu à 9h00
Je m’adapterai en suivant 3 principes de base : (1) effectuer la séance culminante (2h15 dont 3×20’) en fin de semaine après un temps d’acclimatation à l’altitude, (2) ne pas faire 2 séances de qualité deux jours successifs et (3) inclure l’entrainement croisé l’après midi, en profitant des équipements présents sur le centre. J’y ai d’ailleurs découvert le « bosu », sorte de mini trampoline circulaire, bombé et instable, parfait pour travailler les appuis, la posture, l’équilibre en préparation trail.
Je me baserai alors sur le plan suivant :
Semaine 10
Jour 1, arrivée à Font-Romeu (Dimanche 24/07): Footing « d’adaptation » 1h, tranquille
Semaine 11
Jour 2: matin, 12 x 300m (sur piste, R=45’’) ; après midi, entrainement croisé*
Jour 3: matin, 1h15’ footing sur terrain vallonné ; après midi, entrainement croisé*
Jour 4: matin, 4’-6’-6’-4’ à intensité semi marathon sur terrain vallonné (R=1’30’’ et 2’’) ; après midi, entrainement croisé*
Jour 5: matin, 1h15’ footing sur terrain vallonné ; après midi, REPOS
Jour 6: matin, 2h15 en terrain vallonné dont 3×20’ à intensité spécifique (la notion d’allure spécifique est inadaptée au trail) ; après midi, « rando-course » 20kms avec D+ 620m
Jour 7: matin, 1h footing en terrain vallonné ; après midi, entrainement croisé*
Jour 8: départ de Font-Romeu à 9h00
* Entrainement croisé = vélo d’intérieur 30’ à 1h dont 10’ à 20’ d’alternance 1’ haute intensité / 30’’ basse intensité + 5’ à 10’ de corde à sauter + renforcement musculaire (gainage…) + gammes + 30’ à 1h de natation. Quand on est à Font-Romeu, on ne compte pas…
Avec ce contenu dense, 7 heures d’effort par jour, je vivrai au rythme des camps d’entrainements éthiopiens et kenyans sur une base de « séance matin, manger, dormir, séance aprem, manger, dormir », en veillant à une récupération de qualité : alimentation, sommeil et sauna / bain froid en fin de matinée et en fin d’après midi.
• Les séances
Les effets de l’hypoxie se feront largement ressentir dès le premier footing du jour 1, surtout en montée où il est difficile de décoller. Le manque de souffle est flagrant. Sur la séance de 12x300m, ma foi bien menée (59’ à 1’01’’ le lendemain de l’arrivée en altitude, ça me va), notamment grâce à la présence d’athlètes de trempe (inter) nationale sur la piste, le dernier 100m donnera les mêmes sensations que le dernier 100m sur 400m, lorsqu’on cherche l’énergie et que l’on tire car l’anaérobique se fait sentir.
Sur la séance de 4’-6’-6’-4’ à intensité semi marathon, ça a été le choc ! Impossible de maintenir mon allure classique de semi durant 2×6’ successifs. Il aura fallu réviser l’allure, à bout de souffle. Désagréable, mais c’est ainsi, un rappel d’humilité est toujours bon à prendre.
Concernant le lieu des séances, ils auront pu être variés. Finalement, la séance de 12x300m aura été la seule sur piste, et ça aura été l’occasion de vivre l’ambiance matinale sur la piste au CNEA : dès 9h30, la piste s’anime et devient pleinement vivante jusqu’à 12h30, elle chauffe sous les foulées des différents athlètes du centre et de leurs séances respectives, athlètes de qualité. Ca « envoie du lourd ». Ma séance de 4’-6’-6’-4’ aura été faite sur le parcours demi-fond du centre, appropriée à ce type d’effort : légèrement vallonnée, alternant chemin, herbe, piste sur près de 1500m.
Encore mieux, tout autour du centre partent tout une multitude de sentiers balisés, qui offrent donc la possibilité de réaliser les footings et les 25’ d’échauffement d’avant séance dans les montagnes pyrénéennes, à jongler sous l’ombre des pins avec les montées / descentes damées de roches et de racines. Ce dont l’orléanais que je suis raffole !
La séance culminante (jour 6) a été belle : je profite du sentier n°33 de 11km avec D+360m pour faire environ une première heure. Ensuite, le sentier n°26 de 4km avec D+ 90m accueillera mes 3 répétitions de 20’, qui deviendront donc 3 séries de 4km. Cette boucle de 4 km à intensité de compétition sera faite en 17’48’’, 17’30’’ et 18’’, ce dont je suis satisfait (13 à 13.5 km/h). Très belle séance technique où est travaillée toute la biomécanique : posture, dynamisme, appuis au sol, respiration, relances, économie de course…
L’après midi, ma « rando-course » de 21km se transforme finalement en sortie longue, car je ne me suis pas forcé à passer de la course à la marche. Une très belle ballade de légèrement moins de 2h. Au final, plus de 50 km dans la journée avec D+ cumulé 1400m. Sûrement pas le plus raisonnable à 9 jours de mon trail, mais je ne suis pas tous les jours dans les Pyrénées, encore moins à Font-Romeu, et donc le plaisir prime le raisonnable.
Font-Romeu avant les JO, que du beau monde
A Font-Romeu une semaine avant l’ouverture de JO, c’est évidemment l’occasion de croiser du beau monde sur le centre, je n’y avais pourtant pas pensé. Autant d’athlètes avec lesquels j’ai partagé la piste, mais aussi les repas, les moments de récupération en bains froids et saunas … Dès mon arrivée le dimanche : une équipe polonaise sur piste, une équipe espagnole sur trail, un groupe de jeunes français seront présents à mon arrivée. L’équipe de France de rugby à 7 sera là jusqu’au mardi.
Le mardi sur la séance sur piste : je suis entouré ne serait ce que … de Yohann Diniz (champion d’Europe 50km marche 2014) qui enchainera les tours sur piste sur des bases de 4’15’’/km (14km/h !). J’ai eu le plaisir de faire mon fractionné aux côtés de Sophie Duarte (record de France sur 3000m steeple féminin, championne d’Europe de cross country en 2013) et d’une coéquipière de la même trempe que je ne connais pas, qui enchainaient des 400m, en même temps que de son côté Yoann Kowal (champion d’Europe 3000m steeple 2014, 3ème en 2016) faisait de la vitesse. Mahiedine Mekhissi (champion d’Europe 3000m steeple 2016) sera aussi présent et enchainera de manière impressionnante des 400m et des 600m avec quelques franchissements de haies.
Puis arrive en fin de matinée l’équipe britannique avec rien de moins que Mo Farah (pour rappel, double champion du monde 10000m et 5000m en 2015 puis en 2013, champion olympique 10000m et 5000m 2012), et ses coéquipiers. Paula Radcliffe (record du monde marathon féminin en 21h15’25’’ à Londres en 2003) sera aussi présente. Bref, je suis gourmand des yeux.
Le jeudi, Yohann Kowal et moi ferons notre retour au calme sur l’herbe du terrain de rugby ensemble, échangeant autour des JO, de l’Ethiopie et du Kenya… Un rare moment à vivre à 100%. L’équipe de rugby des -19 ans arrivera pour 2 ou 3 jours seulement avant d’aller en Afrique du sud. Je retrouverai Mo Farah et les coureurs britanniques plusieurs fois les jours suivants, et le matin et en fin de journée. Un des coureurs britanniques enchainera des 1000m sur piste (au moins 6) à 20h30 sur une base de 3’45’’, sûrement son 2è ou 3è entrainement de la journée… Pour autant si Mo Farah aura fait ses échauffements au centre aux yeux de tous, je ne l’ai jamais vu faire ni de fractionné ni de piste, il devait aller autre part pour cela. Le vendredi, l’équipe de football d’Agde rejoindra le site pour seulement 2 jours.
Font-Romeu : la vie au centre d’entrainement
Ayant demandé une chambre individuelle, je dispose d’un petit 9m² comportant un lit individuel, toilettes, douches et placard. Des espaces collectifs existent, pour boire un coup avec les coéquipiers, pour se relaxer ou travailler.
Il n’y a pas d’horaires d’utilisation des équipements. Quelqu’un qui souhaite faire du vélo d’intérieur à 6h00 du matin le peut, la piscine est accessible dès 6h00 et jusqu’à 19h00, ou plus tard sur demande spécifique. Sont disponibles sur le site : piste d’athlé, terrain de rugby et de football, parcours demi fond, piste de ski de fond, bassin 50m, bassin 25m, gymnase, salle d’haltérophilie, salle de musculation avec espace fitness, salle de lutte, salle d’escalade, bain froid et sauna + hammam.
Question nutrition, les possibilités sont parfaites pour l’entrainement sportif, aussi bien dans les aspects qualitatifs que quantitatifs. Les repas ont lieu de 7h00 à 8h30, 12h00 à 12h45 et 19h00 à 19h45. Au petit déjeuner, nous avons le choix entre du salé avec notamment des protéines (jambon, blanc de dinde ou œufs…), différentes céréales (muesli, choco-pops, miels pops, frosties, flocons d’avoine), lait yaourts, fromage blanc, du pain frais (blanc ou complet) avec confitures ou miel, des fruits (kiwis, pommes, nectarines, oranges). Et bien sûr, café ou thé à volonté.
Pour les repas, l’entrée se compose de salades à base de féculents, de diverses crudités et d’une source protéique (thon, œufs…), souvent avec une possibilité de melon ou pastèque. Pour le plat principal, viande ou poisson selon les jours avec un mélange de féculents et de légumes (type épinards, ratatouille…). Fromages et laitages variés. Fruits (bananes, kiwis, pommes, nectarines, oranges).
Des petits plus notables : des noix décortiquées, des olives noires ou vertes seront systématiquement présentes à tous les repas, ainsi que du miel disposé directement sur les tables, de quoi enrichir les apports nutritionnels naturellement et facilement. Pas de restriction sur les quantités, on peut être resservi plusieurs fois, prendre directement par exemple 4 morceaux de poissons.
Exemple de repas :
Entrée : betteraves râpées, salade cœur de palmiers, olives, cornichons, noix décortiquées, tomates, salade, maïs, œufs durs.
Plat principal : Blanc de poulet à la chapelure avec riz et mélange forestier.
Différents fromages à pattes molle et à pâte pressée.
Desserts : Yaourts nature ou fruits, petit suisse, crème caramel, fruits (pommes, kiwis, nectarines, oranges).
Au final, une très belle expérience dans ce centre d’entrainement, magnifique semaine sportive intense en séances, entouré d’athlètes de qualité et des montagnes. J’en ressortirai physiquement préparé, enrichi, et je suis sûr qu’à l’avenir j’y retournerai pour d’autres objectifs ! »
À suivre le récit de la course de Fred en Éthiopie … ! :))