Si le trail se développe autant, c’est pour beaucoup grâce à l’apport de la technologie et du matériel. Le matériel a facilité l’accès au trail, aux sentiers de montagne, à la pratique par des météos difficiles.
Sans rentrer dans les débats du marketing qui est plus ou moins poussé, les chaussures à la fois cramponnées et confortables permettent d’accéder à des endroits compliqués. Elles mettent en confiance celui ou celle qui n’est pas très confiant ou très habile sur ses appuis. Le matériel est léger et pratique, les vêtements compressifs améliorent le transfert de chaleur, les coupe-vent sont hyper légers. Les montres indiquent le kilométrage ou le trajet et permettent d’éviter certaines erreurs qui pourraient mettre le coureur en danger… et ainsi de suite.
La technologie qui nous permet de ramener et diffuser les images a eu aussi un gros impact. Internet a permis de diffuser les informations et les images à grande échelle, d’autant plus depuis environ 5 ans avec un gros afflux sur les réseaux sociaux. Les téléphones portables, utiles pour leur fonction principale d’avertir les proches (ou les secours), ont ensuite permis de ramener les images grâce à l’appareil photo intégré. Cela permet bien sûr de faire découvrir nos terrains de jeux, de belles images qui mettent en valeur la pratique et aussi le pratiquant.
Mais, mais, mais… Ce qu’ont apporté ces nouveautés ont aussi retiré un peu d’instinct et d’instant au coureur. Beaucoup de gens sont exigeants et comptent beaucoup par exemple sur l’accroche et la stabilité d’une chaussure. Mais si on fouille un peu, quel est le travail technique fait en amont ? Le travail de proprioception qui sert à connecter le pied avec les défauts du sol ? Est-ce qu’ils travaillent assez en réel…? Attention à ne pas être totalement assisté, le corps est tellement intelligent… La musique, elle, soutient le coureur dans les efforts longs, c’est vrai. Mais elle perturbe aussi l’attention, les sens. L’oreille sert à entendre des coureurs qui s’approchent ou qui s’éloignent, elle permet de nous connecter au milieu naturel (bruit du vent dans les arbres, mouvement dans les buissons) et à nous-mêmes (son de nos foulées, de nos battements de coeur). La pratique est par essence une évolution dans le milieu naturel, de la plus simple des manières possibles, pourquoi mettre encore une barrière de plus…?
Tous les instants vécus doivent-ils obligatoirement être capturés en image ? En apercevant une biche dans les bois, un isard qui dévale un éboulis, ne pouvons-nous pas essayer de contempler ces images pleinement pour les ramener dans notre mémoire ? Est-il nécessaire de tendre une caméra au bout d’une perche pour enregistrer un départ de course ?
Beaucoup de questions pour remettre un peu de réalisme dans ce monde virtuel. Courir connecté, pourquoi pas, mais que ce soit le plus souvent possible au rythme de nos foulées. N’oublions pas tout le plaisir de vivre un instant de course en interaction avec le milieu. N’oublions pas de nous émerveiller en vivant des scènes rares en plein sentier, isolé, pour revenir chez nous les yeux encore grand ouverts avec l’envie de raconter ce que nous avons vécu. Quelques fois, partir léger avec le juste nécessaire permet de ramener bien plus de choses à notre retour.
Vivre l’instant tel qu’il nous vient, un instant – trail – né.
Mathieu BERTOS
Image : Des Bosses et des Bulles
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