Quoi de mieux que la Maxi-Race comme terrain de jeu pour un premier trail ? À l’initiative de l’Association Mécénat Chirurgie Cardiaque qui organisait un grand rassemblement de coureurs solidaires, je me suis lancé dans le grand bain du trail running avec le tour du Lac d’Annecy en relais. Une première expérience sans préparation qui restera gravée dans ma mémoire … et dans mes jambes !
Difficile d’aborder sereinement ce premier trail. Les 44 Km et 2600m de dénivelé positif qui m’attendaient résonnaient comme du chinois pour un habitué de la route. Après les 30 Km de l’Éco-Trail de Paris, quelques footing longs et un travail en côte proche du zéro pointé, le défi était osé. Une cheville un peu souffrante est même venue pimenter le tout. Mais la motivation et la curiosité étaient bien là.
Il y a un an, je me souviens de ces frissons devant les succès de Sylvain Court et de Nathalie Mauclair, brillamment titrés aux Mondiaux de Trail accueillis par la Maxi-Race. J’avais alors suivi la course en mode journaliste pour U-Run et j’en gardais d’excellents souvenirs. 2016, retour dans ce même jardin. Annecy, son lac et ses montagnes, ce petit paradis savoyard que je côtoie annuellement grâce à un pied à terre familial. Un écrin parfait pour la pratique du trail et une envie de se mêler à la fête à mon tour …
Avec le concours des organisateurs et de la générosité de Compressport qui a fourni les tenues, une trentaine de coureurs solidaires étaient rassemblés pour la bonne cause. Leur objectif : collecter des fonds au profit de l’Association Mécénat Chirurgie Cardiaque dans le cadre de leur défi sportif : la Maxi-Race d’Annecy. Répartis sur les différentes courses du week-end, certains avaient opté pour la grande distance en duo (85 Km, 5200m D+). C’était mon cas avec Corinne, qui avait quelques trails à son actif. J’ai pris le premier relais pour qu’elle puisse aborder plus sereinement la 2e partie de course, avec déjà, la pression de bien faire.
En route vers l’inconnu …
18 degrés, le temps parfait. 3h45, le départ. Une heure inhumaine ! Un sommeil très léger, vous vous en doutez, et nous voilà plongés dans la foule, bien conscients du grain de folie qui nous animait sur la sombre plage d’Albigny. Le coureurs solos se sont déjà envolés depuis un quart d’heure. Cette fois, c’est notre heure. Il y a aussi du beau monde sur les autres formats : Sébastien Chaigneau, Thomas Lorblanchet, Vincent Viet … bien trop rapides pour moi ! Départ prudent sur les bords du lac, alors que la tête a déjà filé dans les rues annéciennes. Les traditionnels encouragement des fêtards du vendredi soir animent la ville endormie. Mais les choses sérieuses arrivent vite au pied Semnoz. Il est temps de s’engouffrer dans la forêt avec la lumière de la frontale comme seul repère. Heureusement, nous ne sommes pas seuls. Je dépasse une silhouette féminine longiligne. Il me semble reconnaître Marion Delage, engagée en duo avec la team Mizuno. Elle me reprendra quelques kilomètres plus tard.
Les sensations sont bonnes, je reste toujours calé derrière un petit groupe de peur de me perdre. Ma cheville abîmée ne me fait pas mal, mais je ressens sur les 10 premiers kilomètres des fourmis dans les jambes, comme si le sang circulait mal. Les chevilles sont en feu… sûrement le temps de chauffer la machine ! Si il faut parfois alterner entre marche et course, la montée du Semnoz est régulière et le sol n’est pas trop piégeur pour mes réflexes novices.
En retrouvant les coureurs engagés sur l’épreuve solo après 10 km de tracé différent, je reviens à hauteur d’une coureuse à la queue de cheval et toute vêtue de Asics : c’est Sylvaine Cussot. Tout content et rassuré de voir une tête connue, moi qui me sentais perdu au milieu de la montagne ! Le jour se lève avec nos quelques foulées communes. Le sublime sommet du Semnoz est passé en 2h11, ça c’est fait ! Le temps est passé vite. Ravitaillement carburant, abricots secs et c’est reparti. Pas le temps de s’attarder. La famille m’encourage. Elle a bravé l’heure matinale pour me suivre. La folie les auraient-ils aussi emportés ?
Allo les jambes ? Silence radio.
La première longue descente commence, doucement mais sûrement, je reste très prudent, laissant filer les habitués par grappes. Pas question de tomber et de se blesser. C’est à Saint-Eustache (Km 28) que les choses se gâtent. La descente m’a détruit les jambes. Pas habitué à ce type d’effort, le corps a dit stop d’un seul coup. Difficile de reprendre à courir, même sur les parties roulantes. J’ai honte, et puis j’accepte de baisser fortement le rythme. Les crampes arrivent à l’entame de l’interminable ascension du Col de la Clochette. Sylvaine me récupère et me dépose littéralement sur place, progressant en trottinant dans une portion où je ne pouvais à peine marcher. Attends-moi ! Bon, en fait, je ne la reverrais plus. J’ai laissé des dizaines de coureurs me passer, les jambes tétanisées, la tête qui tourne, avec de nombreux arrêts pour souffler, m’hydrater et reprendre mes esprits. Plus courte que le Semnoz, cette montée m’a parue plus exigeante, avec moins de répit. Je l’avais reconnue quelques jours auparavant sans être impressionné, mais ce jour-ci, l’ascension s’est transformée en escalade. Ai-je payé ma trop bonne forme du départ ? Un peu dépité, j’espérais ne pas arriver trop en retard sur Doussard. J’envoie un SMS à mon frère et ma relayeuse pour leur dire que j’aurais du retard sur les temps prévus …
La descente après le Col de la Clochette est plus raide. Les crampes se font plus vives et je me tords parfois de douleur en plein milieu des chemins, rassurant au passage les coureurs attentionnés qui me voient en mauvaise posture. C’est l’esprit trail qu’ils disent ! Je dois alors éviter les extensions et sauter les grosses branches à pieds joints pour éviter les douleurs … Heureusement que les photographes ne traînaient pas dans le coin pour m’immortaliser à l’agonie ! La fin de mon relais sera de la même trempe, avec un tracé peu technique mais alternant petites montées et descentes où j’ai marché la majorité du temps. C’est quand que c’est fini ? C’est long !! À l’amorce de l’ultime descente, je me fais dépasser par un coureur solidaire, Louis, engagé sur la course solo : « Aller Rémi, c’est presque fini ! ». Mais c’était trop dur pour relancer la machine et suivre son tempo.
J’ai attendu les 3 kilomètres de bitume qui me séparaient de Doussard, synonyme d’arrivée, pour retrouver de timides petites foulées. Du béton, du plat, de la route ! Le rêve !! Enfin la délivrance de mon relais, après 5h56 d’aventure en demi-teinte. Un temps anecdotique. Je transmets le flambeau à ma camarade Corinne dont le copieux menu qui l’attendait avait de quoi faire trembler les gambettes ! Il est à peine 10h du matin et j’ai l’impression d’avoir passé toute la journée entière dans la montagne … C’était terminé pour moi. Et pendant que mon frère et ma mère me ramenaient à la maison pour un peu de repos, les coureurs fous continuaient leur route vers le Col de la Forclaz …
Matériel et nutrition, la bonne addition
Si il y a quelque chose de très positif à retenir, c’est bien le matériel utilisé, du sac d’hydratation à la tenue Compressport en passant par les chaussures ! Et dans le trail, on sait que c’est important. Le maillot Compressport et le cuissard aux couleurs de Mécénat Chirurgie Cardiaque offraient un vrai confort en course. Aucun frottement et une bonne respirabilité. Les nombreuses poches m’ont servi à y mettre un peu de ravitaillement. J’avais aussi les manchons R2 pour maintenir mes mollets meurtris. Les frontales, les Tikka RXP de chez Petzl utilisées et début de course, ont suffit pour cette portion, même si une plus grande puissance aurait été plus sécurisante. Côté chaussures, j’avais les Saucony ProGrid Peregrine 5, testées seulement une semaine auparavant. Elles ont parfaitement joué leur rôle sur tous les points, très stables et m’évitant de belles glissades. Il ne manquait plus que les bâtons, qui ont soulagé beaucoup de coureurs. Encore un autre paramètre à maîtriser !
Sur le dos, le Sac Nathan Vapor Air, déjà utilisé pour l’Éco-Trail de Paris, dont j’avais rempli la poche à eau avec 1,5 litre. Un sac au très bon maintien, qui se fait également vite oublier et que j’ai réapprovisionné sur les différents points d’eau. L’absence de flasque ne m’a pas pénalisé. Malgré mes crampes, j’ai réussi à bien m’hydrater (plus de 2 litres), même si j’ai eu l’impression d’être ballonné pendant toute la course. Car c’était l’autre inconnu : je n’avais encore jamais mangé sur une course ! J’ai réussi à m’alimenter régulièrement, surtout lors de mes nombreux arrêts après mi-parcours, plus par réflexe que par envie. Au menu, quelques abricots secs et des morceaux de barre VO2 STC Nutrition sont bien passés à la digestion. Cela n’aura pas suffit pour redonner du carburant !
Où est le plaisir ?
Difficile de détacher un sentiment manifeste après cette première expérience. Soulagé, d’abord d’en avoir terminé. Frustré et un peu déçu, ensuite, de la performance et de ma condition physique qui n’a pas tenu le coup. Réaliste, compte tenu de mon entraînement, à l’idée que ce scénario était plus que prévisible. Mes jambes ont réagi à la mesure de ma forme du jour : une pause de 15 jours, aucun dénivelé ni parcours en montagne et des footing longs qui se comptent sur les doigts d’une main.
Est-ce que le plaisir de dire « Je l’ai fait » au lendemain de la course prend le dessus sur l’instant présent de l’effort ? Je me souviens de ces centaines de coureurs aux ravitaillement de l’UTMB à bout de souffle, que j’observais en soupirant … « Tout ça pour ça ? ». On consulte pléthore d’articles sur le trail (Voir Grandtrail), et toujours revient cette énigme de l’effort masochiste, où la notion de plaisir englobe un tout et où la souffrance n’est qu’une étape de passage. J’ai pris du plaisir en début de parcours mais la suite s’est plutôt apparentée à un calvaire. J’ai souffert.
On se sent privé de ses moyens pour avancer et je n’ai pas eu de regain d’énergie. Je retiendrais le plaisir d’avoir évolué sur ce parcours que j’affectionne tant, la satisfaction d’en avoir terminé, le partage avec un groupe d’amis solidaires et soudés. Car c’est aussi en y participant que l’on mesure la valeur de l’effort. On cerne désormais les mètres de dénivelé, on associe des images aux récits des coureurs qui inondent nos réseaux sociaux et on prend conscience de ce que valent les performances stratosphériques des têtes d’affiche. Tout devient plus concret.
Je tenterais le coup à nouveau, mais avec une vraie préparation cette fois-ci, du dénivelé dans les jambes et plus d’expérience. Pour mieux profiter, prendre plus de plaisir et ne rien regretter. Cette notion d’effort longue durée me plait, cette discipline d’endurance par excellence où le temps ouvre de nouvelles perspectives, des paysages qui défilent, une gestion de l’effort, une belle histoire à vivre et raconter … Je peux prendre mon pied, c’est certain ! Alors, on recommence quand ?
Rémi BLOMME
> Tous les résultats : http://maxirace.livetrail.net
> En savoir plus sur Mécénat Chirurgie Cardiaque : http://www.mecenat-cardiaque.org
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