Annecy et son tour du lac en passant par les sommets, ça donne une très belle course qui s’appelle la Maxi-Race ! Une sacrée découverte l’an dernier à l’occasion de ces championnats du Monde de Trail, auxquels j’avais eu la chance de participer. Malheureusement blessée, je n’avais pas pu savourer l’épreuve à la hauteur de sa valeur.
Il y avait, d’une part, la frustration de pas avoir pu honorer le maillot tricolore comme je l’aurais souhaité, et d’autre part, la déception de ne pas avoir pris de plaisir sur un parcours qui possède toutes les qualités pour faire rêver n’importe quel traileur passionné ! On ne reste pas sur un échec. Il fallait que j’y retourne ! Pour vivre la course à fond et la terminer sur mes deux jambes.
Élément de motivation supplémentaire pour retourner se brûler les cuisses à Annecy, et pas des moindres, la course sera support de la sélection pour les prochains mondiaux de Trail qui se dérouleront au Portugal fin octobre. Même si les places sont chères et les intéressées nombreuses, ça se tente. D’après les modalités annoncées, les deux premières de la Maxi-Race sont sélectionnées en Équipe de France. Autrement dit, faut pas s’rater quoi !! ;)) Et puis, avec le plateau annoncé, je sais que mes chances sont minimes, mais ça va aider à se dépasser et à tout donner ! Et se confronter aux meilleures françaises, c’est toujours enrichissant. C’est donc avec beaucoup d’entrain que nous préparons cette prochaine échéance avec Manu, après l’Éco-Trail de Paris.
La préparation se passe bien, avec notamment une semaine de reconnaissance sur les lieux de la course. Le parcours est enregistré, et le boulot a été fait ! Entre ces deux gros objectifs (Eco-Trail et MaxiRace), le Trail de la Drôme et le Trail des Forts de Besançon, pour refaire du rythme et surtout, sortir de nos sentiers et profiter d’autres décors ! Deux belles épreuves qui nous ont régalés et derrière lesquelles nous avons bien pris le temps de récupérer. La dernière semaine avant le jour J, pas de bol, Clémentine, la fille est Manu, est malade. Les dernières nuits ne sont donc pas des plus reposantes, mais nous avons tout de même hâte de venir en découdre sur ces beaux sentiers haut-savoyards. La météo n’est pas si pire que prévue, on devrait avoir les conditions rêvées pour s’éclater samedi matin !
Le cauchemar du réveil à 1h du mat !
85km et 5200m de dénivelé positif. Un sacré chantier en perspective ! J’avais mis 11h43 pour le terminer l’année dernière. Avec les deux chevilles opérationnelles, j’espère secrètement accrocher un chrono entre 11h et 11h30. Mais ça, c’est dans l’optique où tout se passe bien. Et sur ces longues courses d’ultra, il y a toujours une grande part d’inconnue ! Nous prenons la route d’Annecy la veille, vendredi 27 mai dans l’après-midi, pour arriver en soirée, juste pour le dîner en compagnie d’Arnaud Perrignon et Adeline, sa chérie. Un p’ti Buffalo Grill en périphérie, simple, mais efficace ! Un bon moment partagé qui permet de faire les pronostics avec Arnaud pour demain ;))) Malheureusement, ce n’est pas ce soir qu’on pourra trainer à table, le réveil est programmé pour 1h10 du matin demain … euh, enfin tout à l’heure ! Cette nuit quoi ! L’horreur, le réveil en pleine nuit ….
Autant dire que quand tu sais que tu n’as que 3/4h de sommeil avant une course de 11/12h, ce n’est pas simple de t’endormir … On tourne, et retourne, on s’énerve, on voit les heures passer et quand le réveil sonne, on prend conscience qu’on n’a pas dormi !! On tente quand même d’avaler quelque chose au saut du lit avec Manu, on se donne des claques pour se réveiller, une tape aux fesses et c’est le moment d’aller sur la ligne de départ, il est 2h40. Heureusement, il fait doux et le ciel n’est pas menaçant ! Je n’ose même pas imaginer s’il avait fallu prendre le départ, après une nuit blanche, à 3h30, sous des trombes d’eau ! Le cauchemar ! C’est sans grelotter que nous nous rendons en short/débardeur sur la plage d’Albigny pour le départ, quelle chance avec la météo ! Une fois n’est pas coutume, nous adoptons le package du vrai traileur : on oublie le porte-bidons Camelbak fétiche, et on enfile le sac d’hydratation Circuit. Manu décide même d’embarquer les bâtons LEKI. Pour ma part, c’est encore trop tôt, je ne me sens pas encore assez habile avec ce genre d’outil … je ferais sans ! Je serais probablement désavantagée par rapport aux autres, mais ce n’est pas comme si je ne le savais pas … !
Nous retrouvons Arnaud Perrignon, qui prend le départ aussi. C’est Laurent Ardito qui me fera l’assistance. Son fils, Julien, s’occupera d’Arnaud et de Manu. Après quelques rapides foulées d’échauffement, à 3h15, nous entrons dans le sas. Mon papa est arrivé la veille avec mon frère Boris et ma sœur Anna, ils sont déjà en place pour nous encourager au premier point de contrôle là haut, au Semnoz ! Hâte de les voir. En attendant, on se souhaite bonne course avec les autres coureur(euse)s, et dès la fin des quelques mots du speaker pour nous donner les dernières consignes, c’est parti !! Nous sommes donc 1 600 coureurs annoncés sur cette MaxiRace solo ! Ça fait quand même quelques acharné(e)s à s’élancer pour une balade un peu folle en pleine nuit ! Ça fait d’ailleurs réagir quelques oiseaux nocturnes, qui sortent probablement des bars ou boites de nuit et nous lancent, complètement ivres : « mais franchement, ça vous donne quoi de faire ça ? » Bon, ok, mais c’est pas maintenant qu’il faut qu’on se pose la question en même temps !! Laissez-nous tranquille les gars ! Trop tard, maintenant, il faut foncer, on est partis ! J’entends quand même un coureur lui répondre : « chacun son truc ! Toi, tu bois, nous on court ! » Voilà, une bonne réponse ! :)))
Départ et ascension au Semnoz : il faut gérer !
Le début de course est roulant, donc très rapide ! La nuit n’aidant pas je pense, on ne se rend pas trop compte des allures. Je préfère ne pas regarder la montre et rester concentrée sur ma foulée. J’ai attrapé le train du groupe de filles : Aurélia Truel, Lucie Jamsin, Sophie Gagnon, Corail Bugnard, Manikala Rai, ou encore Christine Denis-Billet. Je sais que d’autres sont parties devant, comme Andrea Huser, Landie Greyling, ou Jocelyne Pauly notamment. Je me sens plutôt bien sur ces allures de départ et ça me conforte sur mes sensations du jour. 2,5km de plat pour la mise en jambes, puis nous quittons le bord du lac pour s’engouffrer vers les sentiers qui mènent au premier sommet : le Semnoz ! L’ascension démarre. Je la connais, je sais qu’il faut la gérer. Ne pas s’emballer, au risque de le payer plus tard. Je laisse donc partir le groupe de filles, et seules Manikala et Corail restent dans mon champ de vision un petit moment. Mais le nez aux sentiers, à la lueur de ma frontale, je finis par les oublier et je me dis que ce n’est pas plus mal : »ne te préoccupe pas des autres et fais ta course Sissi ! »
Le début de l’ascension se passe plutôt bien, je garde un rythme de course à petites foulées, la pente reste raisonnable et permet de courir doucement. La plupart des coureurs ont déjà sorti les bâtons, ça me fait un peu halluciner, mais c’est qu’ils se débrouillent bien avec (ça me rend un peu jalouse en fait !! ;)))) ! Je reconnais le passage sur la route, où ma famille était positionnée l’an dernier, avec une super banderole « allez Sissi, t’es notre championne ! » Je me remémore ce bon moment, c’est toujours bon de s’envoyer des ondes positives ! Le 8ème kilomètre est passé, déjà 500mD+, 52’30 minutes de course. Je transpire de plus en plus et je commence à respirer fort. On a quitté le sentier bien propre pour quelques cailloux et racines, le pente oblige à passer en mode marche de temps en temps. Quelques signaux pas super rassurants, mais je ne m’inquiète pas plus que ça, je suis habituée à ces débuts de course aux sensations pourries ! En général, ça passe. Du coup, je m’accroche, en essayant de ne pas cogiter.
Vers 12/13ème kilomètre peut être, je me fais doubler par Caroline Benoît et Marie Dohin. Elles évoluent ensemble dans la même foulée. J’hésite à accrocher le wagon, mais vu mon état de forme qui continue d’aller dans le mauvais sens, je préfère les laisser partir. Les jambes légères du départ sont devenues super lourdes et j’ai du mal à les lever pour grimper. Cerise sur le gâteau, je commence à avoir mal au ventre et à avoir la nausée. Allons bon, pas ça ! Les coureurs en relais, partis 15′ après nous par un autre sentier, commencent à nous doubler un à un, à partir du moment où les parcours se rejoignent. Ça défile ! Marion Delage, en course pour le relais à 4, m’encourage, on échange quelques mots, Allez Marion ! Kilomètre 16, les 2h de course sont passées, le jour commence à se lever. On a grimper plus de 1000mD+, le sommet n’est plus trop loin maintenant. Mais il reste encore 300D+ et 2 kilomètres, je comprends donc que je mettrais plus de temps que l’an dernier, et ça m’agace ! Un coucou à Rémi Blomme qui m’a doublé aussi, sur le relais à 2. Mais cette fois, je reste à ses talons et cela, jusqu’au sommet.
Toujours aussi magique cette arrivée là haut, quel panorama !!! Le sentier est orné de bougies, c’est la classe ! Les encouragements sont nombreux, ça redonne le sourire et la motivation ! Je pointe en 2h25, soit, 7 minutes de plus que l’an dernier, alors que mes chevilles ne me font pas souffrir… Bon j’essaye de me rassurer en me disant que j’aurais le temps de me rattraper sur la suite du parcours. Julien et Laurent m’attendent pour l’assistance, c’est rapide, nickel ! Dans le début de la descente qui suit, j’aperçois Papa, Boris et Anna, en grande forme ! Génial ! Quel bonheur de les voir ici. Papa est déjà tout ému, ça promet ! Je leur envoie un bisou en Wifi (comme dit Benji ;)), et je m’élance vers cette première descente. J’ai demandé des nouvelles de Manu : « ça va ! »
Les retrouvailles avec Manu
Je repars donc bien chargée en ravitaillements ! C’est lourd ! Mon mal de ventre n’a pas disparu et les descentes n’arrangent pas les choses … Ah ce fichu départ à 3h30 du mat !! Au fur et à mesure que j’avance dans le D-, ça empire. Y’a pas à tortiller, va falloir que je fasse une pause technique quelque part ! Et là, je passe 20/30′ à courir crispée, sur les freins, en ne pensant qu’à trouver un coin pour m’arrêter (pas si simple de s’isoler parfois sur ces sentiers en single étroits). Forcément, j’en perds mes compagnons de route qui ont pris le large pendant ce temps là (Rémi en fait partie), mais je les retrouverais plus tard. Cette portion est agréable, en sous-bois, il fait bon, mais pas trop chaud, c’est parfait, mais il ne faut pas oublier de boire. J’étais 14ème féminine au Semnoz, je viens d’en doubler une, que je ne connais pas.
On arrive vite à Saint Eustache, je prends le temps de remplir à la rampe d’eau. km28, 3h20 de course déjà. Il est 7h mais j’ai l’impression qu’il est midi ! Laurent et Julien nous là, ils me boostent en m’annonçant des écarts très serrés. Les spectateurs sont courageux, ils sont nombreux ! Merci !! Côté forme, j’ai l’impression que ça va mieux, mais je sais que la route est longue et que ça ne sert à rien de s’emballer trop tôt, d’autant qu’on se dirige tout droit vers le fameux mur de la Cochette. On prend environ 700mD+ en 5km. Miam !! J’alterne marche/course et je double pas mal de monde ici, ça fait du bien au moral. Effectivement, j’aurais doublé 30 coureurs en moins de 10km. Mais aucune fille !! Cette fois, j’ai laissé Rémi derrière moi. Il avait l’air de peiné dans le mur. J’espère que sa cheville va bien. La redescente vers le lieu dit « Les Maisons » est raide et technique, je ne suis vraiment pas fan ! Mais je ne m’énerve pas et prends mon temps. Ça glisse vachement, c’est dangereux. Ma cheville se retourne d’ailleurs plusieurs fois, mais revient à la normale à chaque fois. Et hop, je dois me refaire un arrêt technique, j’ai ce ventre qui continue de me faire des misères … Et le groupe de gars que j’avais doublé me repasse devant, grrrrr !!
En repartant un peu plus loin, je raccroche une féminine, c’est Jocelyne Pauly (elle avait fait 2è à Gruissan). Je prends des nouvelles, elle semble en détresse, en mode escargot. Elle me dit avoir mal, je crois que la course va devoir s’arrêter pour elle malheureusement … Une mauvaise pose de pied ici ne pardonne pas ! J’arrive donc 12ème au prochain point d’eau « Les maisons ». Stupéfaction en arrivant à la rampe : MANU !! Oh non !! Pas ça !! Que s’est il passé ? J’espère qu’il ne s’est pas blessé ! Je ne comprends pas, tout le monde me disait qu’il était bien ! Sa course s’arrête là aussi, c’est un jour sans pour lui. Il propose de poursuivre un bout de chemin en ma compagnie : cool !! J’ai pris ici un peu de réconfort auprès de ma famille aussi, ils me supportent tant qu’ils peuvent, au top ! Manu se met derrière moi et me laisse faire le rythme, on se raconte le début de course et rapidement, on se reconcentre. Cette portion en sous-bois est extra ! Difficile et usant, ça monte, ça descend, mais c’est typiquement le profil qui nous régale avec Manu. Il m’encourage, me soutient, c’est bon de faire un bout de chemin ensemble, mais comme je suis déçue pour lui … Les 2/3 kilomètres de plat/bitume qui nous mène à la salle des fêtes de Doussard ne sont pas simples. Je sens que je pioche plus que d’habitude … C’est pas bon !
Difficile ascension vers le point culminant
Merci aux nombreux encouragements à Doussard !!! Que ça fait du bien ! Nous avons passé la mi-course, 44km, 5h40. Mais un gros morceau nous attend derrière. Je prends le temps de bien me ravitailler, et nous reprenons la route, avec Manu, vers la Forclaz.
En sortant de la salle, je croise Lucie Jamsin, en larmes. Mince, c’est terminé aussi pour elle … Elle savait que ça serait compliqué avec sa blessure, mais j’imagine ça déception alors qu’elle était dans le groupe devant. Je lui fais un signe amical et repars. Ça veut donc dire que je suis 11ème. Je pense que je suis la seule des 11 devant à courir sans bâtons … Un choix que je vais peut être regretter ? En tout cas, Manu sort les siens en démarrant dans le single de la Forclaz. Je me force à reprendre un rythme de course à petites foulées. Mais c’est dur !! Je pioche, je pioche, Manu le sent, il me propose de réduire l’allure : »hey Sissi, y’a pas honte à marcher un peu pour faire descendre le cœur ! » Il a raison, allez, j’alterne marche/course et me force à boire et manger régulièrement. La pluie s’invite, mais ces quelques gouttes sont plutôt rafraîchissantes qu’inquiétantes finalement. On aura mis 55 minutes pour grimper ces 5km et presque 700mD+. Au col de la Forclaz, Laurent, Julien, papa, Boris, Anna … tout le monde est là, super ambiance ! Encore une fois, ils assurent ! Papa a dû voir dans mes yeux que ça n’allait pas fort …
50ème kilomètre et je suis passée 10ème féminine puisque Christine Denis-Billet jettera l’éponge, à son tour, ici. Et moi, je vais maintenant devoir faire route seule, Manu décide d’en rester là pour aujourd’hui. Je l’embrasse et lui promets de ne rien lâcher. « J’irais au bout, et je serais prudente, je te le promets ». L’ascension vers le chalet de l’Aulp se fait en plusieurs étapes, avec quelques portions de relances. J’espérais un regain de forme à partir de là, mais rien ne se passe comme d’habitude. Je me sens de plus en plus fatiguée. Les jambes ne vont pas mal, mais le corps est lourd, je manque clairement d’énergie. Je ne retrouve pas mon peps habituel des fins de course et ça commence à entamer gravement mon moral. Au point d’eau suivant, je m’arrête pour remettre de la poudre sucrée dans mes flasques. Je perds du temps mais c’est important, la fin de l’ascension est dure, il commence à faire chaud, et ce n’est pas le moment de faire une hypo.
Lorsque la visibilité est bien dégagée, je lève la tête en espérant voir une féminine. J’aperçois Marie au dessus, avec ses bâtons ! Elle est loin, je l’imagine à 6/7 minutes peut être ? Mais avec le dénivelé, les minutes défilent vite ! Je m’aide des cuisses pour avancer, j’appuie, j’appuie, mais que je me traine ! C’est horrible cette sensation d’être au ralenti et de ne pas avoir la force d’aller plus vite … Mais j’ai toujours espoir d’un revirement de situation. Le corps est parfois surprenant !! Il faut que je continue de m’accrocher ! L’ascension vers le Pas de l’Aulp est rude ! Le sentier est glissant, on traverse même quelques petites névés, il fait chaud, et ça me paraît interminable. Plus de 300mD+ en moins de 2km. Un gars s’est arrêté sur le bord du sentier, il est assis, il vomit sans s’arrêter ! Aie aie aie !! Le pauvre ! Les derniers mètres sont terribles, courbée en deux, un pas après l’autre, j’essaye de ne penser à rien d’autre que : avancer ! 8h08 de course, enfin, le sommet !! Non sans souffrances, mais on y est ! Reste à encaisser la terrible descente qui suit …
L’infernale descente jusqu’à Menthon
J’ai repris presque 30 coureurs dans le classement depuis Doussard mais je n’ai toujours aucune féminine en vue. Je sais que j’ai perdu énormément de temps sur cette portion, sans bâtons et avec une énergie aussi à plat … Mais allez, il faut aller de l’avant et positiver ! J’embraye dans la descente, cette terrible descente ! Les signaleurs au sommet nous ont prévenu : 11km de descente, dont 6km avant le prochain point d’eau. En effet, la première partie est horrible, on perd 1000mD- en 5 kilomètres. Les cuisses, ça va, mais les genoux, bonjour les dégâts ! J’ai des douleurs de plus en plus fortes qui commencent à se manifester depuis La Forclaz et qui s’intensifient à cause de cette infernale descente. Au sol, c’est piégeux, des cailloux en veux-tu, en voilà, qui chauffent les dessous de pieds ! Bref, le bonheur ! ;)) Mais, on le savait, on a signé pour ça ! Le prochain point d’eau est situé à Villard-Dessus, au kilomètre 63. Je l’atteins 37 minute plus loin, contente de refaire le plein d’eau et d’y ajouter un peu de sucre dedans (j’avais gardé de la poudre Isostar au cas où, j’ai bien fait !). Les spectateurs m’encouragent et me préviennent qu’une féminine est passée peu de temps avant moi (y’en a qui rétorque quand même : oula, ça fait un moment quand même !!). Ok, attendons à Menthon pour avoir plus de précisions alors.
Le parcours repart en alternances de montées/descentes jusqu’à Menthon, j’essaye de garder un rythme de course, malgré le manque d’énergie. C’est pas ici qu’il faut perdre du temps, j’en perdrais bien assez dans la dernière ascension. Lâche rien Sissi, lâche rien ! J’adore cette portion qui permet vraiment de bien relancer, mais je ne le savoure pas comme je le devrais … L’arrivée sur la route, puis au village, annonce l’approche du ravitaillement, et j’entends l’agitation des assistances, nous y voilà ! Toute la tribu m’attend à l’entrée de la zone, que d’honneur ! Laurent me met en coup de froid sur les jambes, ça fait un bien fou. Manu m’annonce la prochaine féminine 10/12′ devant (en fait, j’apprends après l’arrivée que Corail n’était qu’à 6 minutes), ça me fout un coup au moral et je me sors de la tête, l’idée de pouvoir remonter le classement. Je les préviens : »je ne suis pas bien, je vais déjà essayer de terminer et de conserver ce top 10, mais je n’ai pas la force d’aller chercher devant là …C’est vraiment dur là ! » Papa est ému, il a la gorge noué comme souvent dans ces moments là, je lui envoie un bisou de réconfort ! Boris et Anna sont à bloc sur le côté, des amours !! Pour eux, j’ai hâte de la franchir cette ligne.
Une fin de course qui ressemble à un véritable chemin de croix !
Je repars sur les mêmes chronos que l’an dernier, à 1 ou 2 minutes près. Alors que j’étais sensée gagner pas mal de temps avec deux chevilles en état … je me souviens avoir beaucoup couru sur cette portion qui mène à la dernière grosse grimpette, mais aujourd’hui, impossible ! Panne sèche ! Je n’avance pas, je n’y arrive pas. C’est un vrai calvaire. Je me force à manger, en me disant que je suis peut être en manque de calories, mais rien n’y fait. Ce n’est pas une hypo, mais c’est une fatigue générale, qui n’est pas dans mes habitudes à ce moment là de la course. Mais je n’ai pas d’autres solutions que de composer avec. Alors j’essaye d’alterner marche/course et de penser à des choses positives. Je repense à notre semaine de reco avec Manu. On s’était régalés ici ! C’est très très long … Je suis seule depuis pas mal de temps déjà, et je me dis que je vais me faire rattraper si je ne me mets pas des claques !
Ces 15 derniers kilomètres sont vraiment difficiles, on doit faire face à quelques murs, ça grimpe sévère, les mollets brulent ! Sortie du sentier, on prend une courte portion de bitume avant de retrouver un autre single qui nous mène au pied de la dernière bosse, le Mont Baron. C’est super boueux ici et je prends une gamelle spectaculaire qui fait que je me retrouve affalée dans la boue jusqu’à en avoir dans les yeux. Un bénévole juste au dessus s’assure que tout va bien et tente de me remonter le moral : « allez, plus de 1km400 de montée et 250mD+, puis c’est la dernière descente vers l’arrivée ! » Merci merci, ça va aller, on tient le bon bout ! ça glisse sous les pieds, c’est encore plus difficile d’avancer mais je finis par enfin en voir le bout, de ce fichu sommet ! Magnifique vue ici, on surplombe le lac, quel panorama !!! Quelques rochers à enjamber, des cordes pour nous aider et soulager les cuissots, et quelques mètres plus haut, c’est la délivrance ! Le Mont Baron ! J’y ai retrouvé Goran qui fait des photos, il me taquine gentiment ! ;))) Corail n’est qu’à 1’30 devant, c’est qu’elle ne doit pas en grande forme non plus pour que j’ai réussi à lui prendre du temps aux allures où j’avançais ! 9è ou 10è, ça ne change plus grand chose maintenant et je me dis que si je la rattrape, je lui proposerais qu’on termine ensemble. Je ne vais quand même pas lui faire le coup à 3/4 kilomètres de l’arrivée.
Je pointe à 11h10 de course, contre 11h l’an dernier. La misère … Je devrais rentrer en moins de 12h, mais j’avais franchement dans l’espoir de faire mieux. Pour le moment je n’y pense pas trop, je me concentre sur mes appuis, cette dernière descente est archi technique, très raide, et vraiment dangereuse ! Comme c’est humide, c’est glissant, et encore plus risqué. Je me tiens au branches des arbres pour ne pas tomber et je reste super vigilante. Je me fais pitié : mais quelle trouillarde ! C’est vraiment pas mon point fort les descentes techniques ! Ça ne va pas bien vite, mon genou me fait encore bien souffrir, mais j’essaye d’allonger la foulée quand le sentier est plus propre. J’avance tellement les yeux au sol, que lorsque je me réveille et lève la tête, je ne vois plus de balisage. Oh oh, j’ai dû faire une bêtise. Allez, il faut remonter cette pente bien raide, en effet, je me suis trompée, je vois le balisage en haut, qui tournait à gauche alors que je suis partie à droite. Mais non !! Manque plus qu’une féminine me passe devant ici et que je passe à côté du top 10 ! De nouveau sur le bon chemin, je ne lâche plus le balisage des yeux. C’est long, c’est long ! Certaines personnes qui nous encouragent nous annoncent plus que 2km, d’autres 4, puis plus loin, de nouveau 2 … Bref, il faut mieux descendre sans réfléchir !
Le bout du tunnel apparaît enfin et nous voilà revenus au point de départ, au niveau du lac. Quelle boucle ! Quel périple ! Reste à traverser la route et à dérouler sur le ponton jusqu’à la ligne d’arrivée. Un dernier kilomètre de souffrance, ensoleillé par ces nombreux encouragements. Merci, merci, quelle ambiance ! Les gens se dorent la pilule en maillot de bain, se baignent dans le lac, profitent d’un samedi ensoleillé, la vie normale quoi, et nous, on a l’impression d’être des fous, des marginaux qui reviennent d’un long combat. Le contraste !
Dernier kilo, puis, dernier virage, la ligne d’arrivée se trouve au bout de cette dernière ligne droite. Je cherche Manu, j’ai hâte de le retrouver. J’aperçois Papa, tout près de la ligne, il m’attends, me regarde, le visage rouge des coups de soleil de la journée, avec ses yeux humides pleins d’émotions. Je m’arrête l’embrasser avant de franchir la ligne d’arrivée « merci Papa ! » J’en termine donc en 11h56. 10ème féminine et 57ème au scratch. Forcément déçue du déroulement de la course et des sensations du jour … je mets 13′ de plus que l’an dernier alors que j’espérais en mettre 30 de moins. J’aurais aimé prendre plus de plaisir aussi. Mais, c’est le sport ! Ce n’est QUE du sport ! Et j’ai fait le maximum avec la forme du jour et j’ai terminé comme j’ai pu ! Reste à tenter d’analyser tout ça pour en retirer des leçons et faire de cette nouvelle expérience, une force.
Sylvaine CUSSOT
>> Les résultats de la MaxiRace 2016