Yosi Goasdoué est apparu au grand jour en rapportant le championnat de France du semi-marathon le 4 Octobre dernier à Fort-de-France. Ce dimanche, il s’alignera sur le semi de Poitiers à la recherche d’un nouveau record. En attendant, on vous invite à en savoir plus sur ce coureur atypique !
u-Run : Bonjour Yosi ! Le monde du running t’a découvert le 4 Octobre dernier lorsque tu es devenu champion de France de semi-marathon à Fort-de-France. Peux-tu nous résumer ton parcours personnel et sportif jusqu’à ce titre national ?
Je pratique de l’athlétisme depuis mes 13-14 ans, j’ai commencé comme beaucoup par l’UNSS …. puis rapidement j’ai été dirigé vers un Club d’Athlétisme celui de l’ACC à La Chapelle sur Erdre. J’ai tout de suite eu de l’appétence pour les longues distances, et c’est en 2007 que je sors un peu du lot en réalisant moins de 9′ sur 3000m et me classant finaliste des Championnats de France Cadets. J’ai ensuite confirmé en Junior en accédant à l’équipe de France sur 5000m au Championnat d’Europe de cette catégorie. Du côté personnel, à ces premiers résultats sportifs s’est suivi un questionnement plus profond sur mon identité : d’où je viens ? Qui suis-je ?
Né en Éthiopie, adopté par une famille française à l’âge de deux ans, je n’étais jamais revenu sur la terre de ma naissance. En plein tâtonnement au cours de mes études en économie à la faculté, j’en ai profité pour revenir seul à Addis-Abeba. Ce voyage m’a permis de me ressourcer et à la vue de ces éthiopiens qui s’entrainent d’arrache pieds pour sortir de leur difficultés économiques, de me motiver pour me consacrer plus sérieusement à la course à pied. Suite à ce retour j’ai (re) pris mes valises pour passer l’Atlantique afin d’étudier et courir grâce à une bourse athlétique qui m’a offert l’opportunité de rejoindre les universités étasuniennes. Durant ces 3 années, j’ai pu valider un Bachelor en Relations Internationales tout en performant athlétiquement puisque j’ai réalisé 29’40 au 10000 m.
Le retour en France fut néanmoins un peu compliqué, je me suis de suite dirigé vers le Nord de la France à Lille, où j’avais cru pouvoir au sein d’un des groupes de demi-fond les plus performants de France faire valoir mes qualités de pistards … mais je n’ai pas su m’y retrouver et ai échoué à améliorer mes records. C’est seulement un an et demi plus tard, sous la houlette d’Olivier Gaillard à Vincennes et au sein du Club de Free Run-A3T de Tours, dirigé par l’ancien international François Barreau, que j’ai pu retrouver le chemin de la progression. J’aime à le répéter mais rien n’est linéaire en athlétisme …. « L’obstination est le chemin de la réussite » [Charlie Chaplin]
u-Run : penses-tu que tes origines éthiopiennes sont à la base de ton talent et te donnent des facilités par rapport aux autres ?
La réponse est bien sûr nuancée. Oui, ma morphologie héritée de mes aïeux m’offre une aptitude assez naturelle pour la pratique de la course à pied, c’est sur cette qualité intrinsèque qu’adolescent je gagnais le cross du Collège alors que je ne m’entrainais pas. Mais c’est surtout grâce au travail accumulé sur ce corps : aux séances d’entraînements répétées que j’ai acquis les compétences pour essayer de m’approcher de mes limites physiologiques.
Si je puis me permettre une comparaison un peu prosaïque .. si on ne met pas d’essence dans une voiture à gros moteur, elle n’avancera jamais plus qu’une petite deux chevaux qui a fait son plein d’énergie ! Il est erroné de croire que seule la qualité intrinsèque fait la différence : c’est l’effort à la tâche qui révèle les qualités de chacun !
u-Run : pour revenir à ton sacre de l’année dernière, t’attendais-tu à gagner et quels sentiments as-tu éprouvé pendant et après l’arrivée ?
Au vue de la liste des engagés je faisais partie des oustiders. Je visais le podium mais non, je n’avais pas la prétention de gagner tellement le semi-marathon était (et est encore un peu) nouveau pour moi. C’était seulement ma seconde tentative sur la distance puisque j’avais couru mon premier semi-marathon à Lille un mois plus tôt avec un baptême du feu en 1h05’54. Par contre, j’avais tout mis en place pour réussir ce championnat de France si atypique (en Martinique sous une chaleur accablante, une humidité très élevée et un parcours vallonné) – en m’acclimatant les 15 jours précédant en Guadeloupe.
Cette course représentait beaucoup pour moi, après quelques années de disettes athlétiques suite à des tergiversions et des blessures, j’avais à cœur de (re) faire mon entrer dans le monde de la course à pied. Pendant la course, j’avais mon cerveau accaparé par la stratégie de course – influée par mon Coach Olivier Gaillard- à opérer pour tenter de fausser compagnie à mes adversaires. Sur la ligne d’arrivée j’ai pensé à ce long chemin sinueux parcouru pour franchir cette dernière en première position. J’avais su saisir ma chance.
u-Run : en quoi cette victoire a changé le coureur que tu es ?
Elle a confirmé mon choix de mettre l’athlétisme comme priorité. Finissant les études en Juin 2015 (Master en Coopération/Diplomatie), j’avais à faire face à un choix cornélien : soit essayer de trouver un poste à temps plein dans mon secteur (ONG, Diplomatie..) où les places sont plus accessibles à l’étranger ou continuer à courir pour essayer d’atteindre le haut niveau. Ce titre de Champion de France a définitivement scellé une conviction : je veux tout faire pour vivre de ma passion athlétique et courir vers mes rêves sportifs …
u-Run : tu donnes l’image d’un coureur atypique. Peux-tu nous dire quelle est ta vision de ta pratique du running ?
Ouah … si c’est l’image que je dégage j’en suis ravi car c’est quelque chose qui me correspond je crois. Je ne sais pas pourquoi on me qualifie « d’atypique ». Peut-être par mon histoire d’abord né en Ethiopie, élevé en France, des études aux USA … Mais j’espère que ce n’est pas la seule raison.
Peut-être que cela vient du fait que, si j’aime courir et c’est indéniable, je ne suis pour autant pas un grand passionné de course à pied dans le sens où j’ai de grosses lacunes sur l’histoire de ce sport, je ne suis pas capable de citer beaucoup de grands coureurs/coureuses : la seule biographie d’athlète que je connais c’est celle de Zatopek car une belle plume contemporaine a narré sa vie dans l’ouvrage « Courir »(Jean Echenoz) …. Ma passion athlétique est souvent contrebalancée par ma passion du voyage. Voyager pour étudier, pour travailler mais aussi pour le plaisir, pour me cultiver, pour découvrir d’autres univers tout simplement. C’est intrinsèque à ma personne, à 25 ans j’ai déjà dû découvrir plus de 30 pays dans le monde … en pleine préparation parfois comme tout récemment en Chine : mon Coach en a parfois des nœuds au cerveau ! (mais il s’adapte merveilleusement, à croire qu’il y prend goût). Une autre de mes passions est la littérature. Je n’ai pas encore lu la Bible du Running (Mais je t’assure que je la mets dans ma liste de livres à lire pour le mois prochain !) mais un bon classique français de Balzac ou Flaubert m’accompagne souvent sur mes stages d’entraînement.
La pratique de la course à pied est d’abord pour moi un formidable moyen d’évasion, celle de ce monde parfois trop prosaïque à mon goût, mais c’est aussi le moyen de faire des rencontres riches, d’avoir des émotions collectives fortes (comme le titre de vice-champion de France de cross avec mes coéquipiers de Free Run-A3T) et surtout de dépasser ses limites. Une formule prêtée à l’Union Européenne scierait parfaitement à ma vision de la course à pied : » La Compétition qui stimule, la coopération qui renforce, et la solidarité qui unit » (triptyque inventé par Sieur Delors!)
u-Run : quelle est ton actualité sportive et tes prochains objectifs 2016 ?
Le but de l’année 2016, est clairement d’intégrer l’Equipe de France : c’est pour moi un rêve de gosse ! Alors du 10.000m au Cross en passant par le semi-marathon je vais bien réussir à y arriver ! Mais ce n’est pas seulement de mon ressort puisque la fédération impose aussi ses critères et ses exigences.
J’ai réalisé un bon hiver, avec une saison de cross qui m’a amenée à la place de 11ème français. S’en est suivi une 4ieme place au Championnat de France de 10000 avec un Record en 29’33 en deçà des minima pour la Coupe d’Europe de cette discipline. Hélas la Fédération Française n’a sélectionné que deux coureurs du TOP3 … Alors je me concentre actuellement sur le semi-marathon – celui de Poitiers ce dimanche pour aller chercher mon record si possible. Ensuite direction Langueux pour les championnats de France de 10kms et cela devrait être tout pour cette saison 2015 -2016 qui aura été longue depuis mon premier semi à Lille en septembre. Un peu plus tard je serai au départ des championnats de France de semi-marathon au mois d’octobre pour essayer de défendre mon titre acquis en 2015, même si la lutte sera probablement féroce !
u-Run : tu as laissé entendre une envie de monter sur marathon. C’est pour quand et quel chrono aimerais-tu réaliser ?
Bien entendu, c’est le but in fine. Le Marathon est la distance reine pour tout coureur de long. La citation de Zatopek »Si tu veux courir cours un kilomètre, si tu veux changer ta vie, cours un marathon » m’intrigue évidemment ! Avec mon Coach, nous souhaitons d’abord que je passe plusieurs paliers sur les distances plus courtes allant du 5000m au semi-marathon car si je ne le fais pas maintenant je ne le ferai pas après avoir enchainé des marathons qui assurément réduiront mes qualités de « vitesse ».
Puis aussi, la préparation d’un marathon est telle qu’il faut être aussi en capacité de structurer sa vie autour de cet objectif. Cela passe nécessairement par une stabilité financière et professionnelle qui permette de se dédier pleinement à l’entrainement. Pour ce qui est des chronos, il est un peu prématuré de se projeter mais il est vrai que de courir en moins de 2h15 à terme serait une grande réussite pour moi …
U-Run : une dernière question, tu viens de lancer ta page athlète et un site internet (Day Running) avec Dimitri Pasquereau. Peux-tu nous dire dans quels objectifs ?
Lancer ma page athlète a été pour moi un « effort » car je ne suis pas nécessairement toujours à l’aise avec l’aspect « social » des réseaux. Mais j’avoue que je me suis pris au jeu aussi, en essayant de favoriser l’originalité et l’interaction avec ceux qui me suivent. Si je l’ai fait, il ne faut pas se le cacher, c’est aussi pour me permettre d’avoir plus de visibilité … hélas mon titre de champion de France, ne m’a pas permis d’avoir d’équipementier ou d’aides extérieures autres que celles apportées par mon club (que je remercie).
La démarche de s’ouvrir davantage en créant une page athlète s’inscrit dans l’objectif de séduire des partenaires matériels et financiers afin qu’ils m’aident à pratiquer la course à pied de façon plus assidue et plus professionnelle, et pour que mes performances soient encore plus élevées. La dernière émission « Complément d’enquête » sur les athlètes partant à Rio a ouvert les yeux du grand public sur les difficultés et souvent la précarité dont peuvent être victimes les athlètes de haut niveau. Je n’en suis évidemment pas encore à ce haut-niveau là. Mais à 25 ans je me dis que c’est maintenant qu’il faut essayer des choses. Les soutiens arrivent souvent quand l’athlète est tout en haut de l’affiche, mais c’est quand il essaie d’y accéder qu’il a le plus besoin de soutiens. Je souhaite prendre les devants et promouvoir ma vision de l’athlétisme, ma pratique et mes performances pour attirer des soutiens solides et fidèles.
DAY Running, est le fruit d’une amitié née dans les labours du Cross-Country en terre ligérienne. Dimitri Pasquereau et moi nous sommes rencontrés et appréciés lors des compétitions mais aussi des stages d’entrainement lorsque nous n’étions alors que Cadets/juinior. De cette amitié et de cette passion commune nous avons créés notre propre entreprise (DAY) qui a pour but de lier nos raisons de vivre : la course à pied et le voyage. Nous avons tous deux cette année réussi à obtenir un titre de champion de France (sur 800m en salle pour Dimitri) et dans le désir de rendre notre pratique de l’athlétisme plus autonome financièrement, nous nous sommes lancés dans l’aventure DAY : « Dimitri And Yosi ». Ainsi par l’intermédiaire d’entraîneurs compétents d’athlétisme et grâce à notre expérience de ce sport nous entrainons et accompagnons les passionnées dans leur pratique de course de fond. Puis avec le support de l’agence de voyage Tourea Sport nous proposons des stages d’entrainements sur les lieux de courses mais aussi à l’étranger car pour nous c’est la meilleur façon de s’entrainer et de s’épanouir tout simplement.
Après l’été nous préparons des coureurs pour le Marathon de La Rochelle, avec des rassemblements potentiellement aux Sables d’Olonnes afin de les préparer au mieux à l’air de l’Océan. Si vous voulez vous DAYmarquer choisissez DAY, vous serez servis par deux passionnés ! => www.day-running.fr
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