Boston Marathon 2016 : notre coach et athlète du team i-Run, Jérôme Sordello, revient sur sa course et son nouveau record personnel sur la distance !
« 4 h 45 du matin, telle est l’heure de réveil que mon compagnon de chambrée Guillaume Danielo alias « Londs Runner » et moi-même avons défini pour débuter cette matinée marathon. Grâce au décalage horaire favorable, même pas eu de besoin du réveil ! Le départ ayant lieu à 10 h, il est encore trop tôt pour le petit-déjeuner, je me contenterai d’un grand café et d’un peu d’eau avant le passage obligatoire dans la salle de bain (douche et toilettes ).
A 5 h 30, nous voilà déjà parti direction le métro afin de rejoindre Park Street où nous avons rendez-vous avec Florent, alias « Euclès Runner », et le départ des bus vers Hopkinton, village de 15 000 âmes d’où démarre le tracé mythique du marathon de Boston. Une double file de bus d’écoliers est chargée d’amener les coureurs avec des horaires bien précis en fonction des vagues de départ ; pour nous il s’agit de la 1ère vague qui part avec les élites hommes.
La route est assez longue puisque ceux sont bien 42,195 km qui séparent Hopkinpton de Boylston Street à Boston. Je profite du trajet pour avaler mon petit-déjeuner, à savoir une belle part de brioche, contrairement à mes deux camarades qui ont opté pour le classique gâteau sportif. Une fois sur place, nous voilà accueillis au village de départ, deux énormes prés mis à disposition pour l’occasion avec tous les services nécessaires aux athlètes : toilettes, grande tente, café, eau, boissons et produits énergétiques. Allongés dans l’herbe, nous profitons du soleil qui sera de la partie et de la chaleur déjà bien présente. Je rebois un café et complète mon petit-déjeuner par une mini-barre énergétique. Une heure avant le départ, nous sommes sommés de rejoindre l’aire de départ distante d’1 km. Sur le chemin, je retrouve François, un coureur messin avec qui j’avais eu l’occasion de partager le premier stage organisé par Bob Tahri au Kenya. Nous échangeons quelques mots sur l’objectif du jour, à savoir une allure de course de 3 min 55 sec au kilo, et sur la stratégie mise en place.
Une fois aux abords de la ligne de départ, j’entame un petit échauffement avec Guillaume et Florent que nous écourtons volontairement à cause de la chaleur. Nous nous séparons ensuite car, bien qu’étant dans la même vague, ils ont accès au sas 1 tandis que je dois me diriger vers le sas 2, juste derrière. J’y finaliserai mon échauffement par quelques étirements activo-dynamiques. Le soleil commence vraiment à taper et je sens que le coup de chaud n’est vraiment pas loin. Ayant jeté ma bouteille d’eau, je quémande un peu d’eau par-ci, un peu de Gatorade par-là afin de maintenir une bonne hydratation et d’éviter la surchauffe. Je pense que ces gestes ont été essentiels pour le bon déroulement de ma course. Je veillerai à suivre la même conduite tout au long du parcours à m’hydratant et m’aspergeant à tous les ravitos situés chaque 3 km. Côté énergétique, j’avais repéré et programmé l’ingestion de deux mini-barres énergétiques dans les deux principales descentes du parcours ; je m’y suis tenu également.
Le profil du début de parcours est descendant et donc piégeux. L’allure doit être rapide mais il ne faut pas pour autant s’enflammer. Je m’étais donné comme consigne de couvrir le 1er kilo en 3 min 40 sec, ce sera finalement 3 min 38 sec ; je suis donc dans les clous ! 2ème kilo un peu vallonné en 3 min 50 sec avant de repartir sur un profil descendant et donc une allure plus élevée : 3ème km en 3 min 44 sec, 4ème km en 3 min 46 sec et 5ème en 3 min 36 sec (les 5 premiers km étant couverts en 18 min 43 sec). Les 5 km suivants sont toujours plus rapides que mon allure objectif puisque j’oscille entre 3 min 44 sec et 3 min 52 sec mais je me sens très bien et ai du mal à me contenir ; cela semble me demander plus d’effort.
Au km 8, je rejoins Guillaume parti 25 secondes avant moi. Il sent déjà que ses jambes ne sont pas dans un bon jour. Nous décidons de parcourir quelques km ensemble en contrôlant (passage au 10ème km en 38 min et des poussières et au 15ème km en 57 min 27 sec) ; les 10 km suivants alternent plats et faux-plats montants comme descendants. Guillaume se laisse décrocher ; seul, je rentre alors encore plus dans ma course, focalisé sur l’objectif et sur la stratégie de course qui consistent à maintenir une allure soutenue (passage au semi en 1 h 21 min 05 sec) tout en gardant un peu de réserve pour les 8 km accidentés entre le 26ème km et le 34ème km. Je vous avoue que les collégiennes du Wellesley College situées sur le bord de la route peu avant le semi et qui vous tendent des pancartes sur lesquelles elles vous incitent à les embrasser ont bien failli me faire sortir de la trajectoire et de ma bulle mais certains y sont tombés avant moi (ouf !).
Mentalement, j’ai découpé mon marathon en 3 parties : 26 km soutenus en contrôlant l’allure et tout en tenant compte des sensations, 8 km intenses avec allure soutenue (quitte à me mettre dans le rouge) dans les montées et relance dans les descentes, et enfin 8 km à bloc avec le carburant qui reste dans le réservoir. Désormais, avec 21 marathons à mon actif, je suis persuadé qu’il ne faille pas trop attendre pour tout donner en fin de course. J’estime qu’il faille plutôt lâcher les chevaux dès le 30ème voire le 28ème.
Sur le papier, cela m’a semblé être la stratégie idéale et je ne vous cache pas qu’il a fallu puiser physiquement et dans la tête pour s’y tenir, notamment sur la dernière bosse du parcours, surnommée à juste titre le HeartBreak Hill, qui pour l’occasion nous réservait également un bon vent de face. Mais peu importe, j’y étais préparé et je savais que derrière ne m’attendaient plus que 8 km ; et que sont 8 km quand on en a déjà parcouru 34 ? Rien, une peau de chagrin, pour moi j’étais déjà arrivé, j’avais déjà rejoint la ligne d’arrivée, c’était gagné. Et comme ça l’a été dans ma tête, ça l’a été avec les jambes et avec beaucoup de cœur à l’ouvrage. Focalisé, je l’étais aussi sur les incitations du public, je prenais tout ce qui était positif et me le répétait comme un Mantra : « Keep your pace », « You’re looking good ».
A un mile du but, je retrouve également Florent, beaucoup plus rapide que Guillaume et moi, mais dont le rythme a flanché à partir du 25ème. Un dernier effort avec un enchaînement descente-montée sous un pont, un virage à droite puis à gauche, et l’arche d’arrivée se présente au loin. Je relance encore le rythme et profite des 300 derniers mètres pour regarder les spectateurs, écouter leurs encouragements et les saluer même. Je passe la finish line heureux, les deux poings rageurs levés, avec un nouveau record perso à la clé (2 h 43 min 09 sec contre 2 h 47 min 35 sec à Helsinki en Août dernier). Pour la peine, je ferai même coudre mon temps sur la veste officielle en guise de plaisir et souvenir personnels de ce chrono réalisé, de ce public incroyable et omniprésent, de ces profil et parcours historiques ; même si ce dernier ne comporte pas beaucoup de charme.
Et encore merci à mon ami Guillaume de m’avoir proposé de l’accompagner sur cette 3ème étape de sa quête aux 6 Majors. Pour la petite histoire, dans une journée sans, il a quand même assuré le sub 3 h comme sur ses 2 premiers Majors (2 h 44 min 59 à Berlin et 2 h 48 min à Londres ! Congrats my friend ! »