Le 40ème marathon de Paris était mon objectif printanier n°1 (et mon objectif 2016 n°1 d’ailleurs).
Après 3 participations consécutives au marathon d’ANNECY (voir sur u-Run : CR Annecy 2013, Annecy 2014 et Annecy 2015), je souhaitais changer de cadre et participer à ce très beau marathon, que j’ai coutume de suivre sur France télévision tous les ans.
Comme à mon habitude, j’ai essayé de le préparer avec sérieux et application. (Voir prépa PARIS 2016). J’ai eu la chance de ne pas tomber malade, de ne pas me blesser et d’avoir réussi des courses de préparation et un semi test rassurants (voir CR semi de Bourg en Bresse 2016).
Sur la semaine d’approche, j’ai bien pris garde de ne pas tomber malade : La France entière est en plein pic épidémique de grippe, avec une quantité énorme de souches virales. Dans chacune de mes 14 classes, il y avait des élèves malades, mais présents… Cela a été une source de stress. Tout comme la météo, fluctuante et assez agitée les jours précédents (à J-5/6, plusieurs départements sont en vigilance orange fortes pluies et vents violents sur la façade Ouest de la France).
Olivier Gaillard, ami de longue date (qui était d’ailleurs venu m’accompagner lors de mon « dépucelage du marathon » à Annecy en 2013), passionné d’athlétisme, entraineur de qualité et bon coureur, m’a gentiment proposé l’hébergement. Il est venu me chercher en Gare de Lyon, avant une visite du salon du running et une bonne pasta dans le resto italien d’en face. Quel plaisir de discuter athlé avec un gars comme lui ! Mon week end ne pouvait pas mieux commencer. Ensuite, il s’était organisé pour louer une autolib’ électrique pour faire une reconnaissance du parcours du marathon : 1h45’ de plaisir ! Entre visite de Paris, analyse du parcours, discussions sérieuses, mais aussi la bonne vieille déconne qui nous est si chère ! Je n’ai pas vu le temps passer ! En parlant de mon récent record en 1h13’03 au semi, nous en venons à plaisanter gentiment sur les 2h12’00 de Benjamin Malaty en 2013, 2h14’00 de Yohan Durand en 2015, ou encore les 2h36’01 de Benoit Gandelot en 2013. En nous disant : « c’est quand même pas de bol de passer si près d’une barre chronométrique à casser »…
La 2ème moitié d’après-midi est plus orientée sur le repos et les derniers préparatifs. Extinction des feux vers 22h15 après une journée agréable et mémorable. Nuit d’avant marathon ordinaire : sommeil médiocre et épisodique. Le lendemain, réveil à 5h45’, petit déj’, dernières finitions (genre « sparadraps protège tétons »… ) et concentration. 15 semaines que je prépare ce jour, et des mois que je l’attends. J’espère que ça se passera bien. Même si ce n’est pas le premier : un marathon, ça fout les boules !
Une fois dehors, il fait doux (12°C environ), soleil, mais sol mouillé par la pluie de la nuit. Vent de Sud faible à modéré. Sur place, échauffement moyen (15’ à 11 km/h) : pas facile avec tout ce monde d’une part, et pas facile également de rester concentré sur le côté performance, il y a tant de belles choses à voir ! Une petite photo devant l’Arc de Triomphe tant que je suis encore présentable. Olivier a des responsabilités et encadre des groupes de coureurs, il doit partir et me glisse avant quelques conseils : « A la fois savoure ces moments, mais ne reste pas uniquement spectateur. Si je peux, je te retrouve au km 35 pour courir à tes côté un moment. Donne ton max. »
J’ai la chance d’avoir obtenu un dossard Élite, je peux admirer les meilleurs français : Benjamin MALATY qui va tenter de réaliser les minima pour les JO 2016 (2h11’), Timothée BOMMIER capable de 2h14/2h15’, Adrien Guiomar, capable de maintenir 18 km/h et récemment crédité de 1h06’42 au semi-marathon de Paris, etc… et approcher de près l’armada Kenyane, impressionnante. Le dispositif d’organisation est tout aussi impressionnant : des motos, un hélicoptère, des speakers, des officiels, la télévision, un public dense, des forces de l’ordre sur le qui-vive, un contrôle rigoureux des dossards, un protocole bien huilé et un timing helvétique. Magistral ! En regardant devant, par-dessus une épaule de Malaty (pas simple du haut de mon petit 1.72 m ! ) j’admire le cadre : les champs, la Concorde… et cette lumière : indescriptible ! J’en ai presque oublié de remettre à zéro ma Garmin 310 XT. Je me remobilise, pense aux derniers mots d’Olivier et prend position : départ imminent.
Au niveau objectif, ma préparation, mes courses d’approche et mes records actuels, me permettent d’envisager un chrono aux alentours des 2h35’/2h36’. Mon allure cible, ou plus précisément, mon intensité cible sera proche de 3’40 au km, et je vais m’atteler à la maintenir tout en respectant mes sensations et en pensants aux détails. Laurent Marquis avec qui j’avais partagé un bon bout de route sur un marathon d’Annecy part également sur 2h36’, il vient de réaliser 1h13’ au semi.
Pan : C’est parti. Immédiatement, je me cale sur l’intensité cible. Les premiers hectomètres sont en légère descente, les pavés sont humides et luisants, difficile d’ouvrir les yeux ! Je comprends mieux que certains se soient équipés de lunettes de soleil ! Au km 1 : 3’33, je suis sur mon intensité cible. Le groupe Elite femmes est quelques secondes devant, mais pas pour longtemps. Benjamin Papillon, un ami, est dans ce groupe. Elles prennent un départ plus prudent que les Elites hommes. Sur les premiers kilomètres, de petites grappes de coureurs me remontent doucement. Philippe Rémond me remonte vers le km 2, il a une tenue vestimentaire « inhabituelle », et va avoir chaud avec. Je pourrais suivre, mais je laisse filer, car je me sens vraiment sur le rythme approprié. Mes temps de passage me confortent : 3’38/3’38/3’37/3’41. RE GU LIER.
Km 5 en 18’08. C’est rapide pour moi, mais je me sens vraiment sur l’intensité cible. Laurent Marquis me fait confiance et me suit comme mon ombre. Je prends une petite bouteille Vittel au ravitaillement. Sur beaucoup de marathons, les ravitaillements se font par gobelets : une catastrophe ! Un gobelet s’écrase à la saisie et perd une bonne partie de son contenu lors de son « transfert », une bouteille : non. C’est plus simple et les coureurs peuvent boire autant qu’ils le souhaitent sans devoir s’arrêter. Je maintiens mon rythme. Sur le bord du parcours, le public est dense et excité, il y a également des orchestres pleins d’énergie : sympa !
Les espaces formés entre les petites grappes de coureurs s’étirent, certains faiblissent déjà et vont vivre une suite de course laborieuse. Je consomme mon premier gel vers le km 8.5 et passe au km 10 en 36’37 (+ 18’29). Les jambes répondent bien, je suis toujours régulier au niveau de mon intensité d’effort, les kilos passent souvent entre 3’40 et 3’42. Laurent est toujours au contact. Vers le km 13, un bon petit groupe compact me déborde, avec une femme au chaud au milieu, une Australienne nommée Sarah. Ce groupe est 3/4’’ au kilomètre plus rapide, je ne cherche même pas à suivre. Je suis en fait seul (sans personne devant moi pour mener, pour être plus précis) depuis le km 1. Mais je ne suis pas pénalisé par le vent et j’ai le choix de mes trajectoires et de mon rythme. Km 15 en 54’59 (+ 18’22). (Pas évident d’ailleurs ce km 15). J’aperçois JC Savignoni qui m’encourage. J’attrape une bouteille, mais ne la consomme pas tout de suite : je vois un petit faux plat descendant plus loin, et j’avais prévu de passer mon gel 2 avant l’heure de course. Je profite de cette portion favorable pour le consommer afin de ne pas générer d’inconfort respiratoire. Certains me copient, mais 400 m plus loin, au km 16, en pleine bosse (que j’ai pris soin d’amortir : 3’48 sur ce kilo)… Laurent est toujours au contact.
Notre axe de parcours est désormais direction Nord-Ouest, la position du soleil est Sud Est à cette heure et la route est bien mouillée par secteurs (la pluie de la nuit), cela provoque une toujours forte réflexion des rayonnements solaires. Je sens que ça chauffe fort le dos (et le crane ) et ma sudation s’amplifie. Je continue mon effort, bien linéairement. Mes bons temps de passage sont motivants, tout se passe bien, mais il faut continuer à rester appliqué et concentré. Tout compte, les trajectoires, le choix des zones de bitume les plus favorables, se décaler d’un mètre sur le côté si cela permet d’évoluer à l’ombre d’une rangée d’arbres ou d’une série de bâtiments…
Toujours régulier dans l’intensité d’effort. RAS au niveau mécanique. J’avance. Une nouvelle portion favorable se dessine aux abords du km 20, j’en profite pour passer mon gel n°3, plus tôt que prévu. Je passe en 1h13’16 (+ 18’17) et peut prendre une bouteille dans la bosse juste après pour « faire passer le gel ». Laurent me passe un relai dans la bosse, trop appuyé, je cède 10/15 mètres, j’amortis. Je reviens linéairement un peu plus loin, après le virage à gauche qui mène au semi-marathon : 1h17’17 (c’est mon temps de passage le plus rapide en 7 marathons). Je reste derrière Laurent qui parait bien à ce moment-là. Je repasse devant au km 22.5, alors que des gars devant faiblissent. L’un d’entre eux abandonne même devant moi. Quelques appuis plus loin, pour reprendre une expression chère à Bernard Faure, je ressens le premier « muret », à l’endroit même où quelques gars devant fléchissent. Les jambes ont marqué sur ce passage, pour tout le monde. J’arrive à maintenir à peu près ma vitesse, mais cela me coute légèrement plus. Peu après, juste avant le ravitaillement, Laurent qui m’accompagnait cède. C’est mort pour son 2h36’. Il paraissait pourtant pas mal 2 km avant. Ça bascule vite parfois…
Au ravitaillement, en début de zone, je choppe une bouteille. 50 m après, par instinct, j’en choppe une 2ème. Je vais répéter cette opération sur chaque ravitaillement désormais. Je suis le seul de tous ceux que j’ai vu à avoir procédé de la sorte. Je les consomme en prenant le temps. Me voilà sur les quais, seul. Km 25 en 1h31’37 (+ 18’21). Cette grande linge droite, inondée de soleil et de public n’est pas simple. Il fait chaud, la sudation est non négligeable sur cette portion. Heureusement que je bois beaucoup. Je m’évade quelques secondes de ma concentration (sans baisser de régime) pour voir les bateaux, les ponts et bien sûr : La Seine ! C’est beau. Au km 26 (1h35’26), je m’engouffre dans un tunnel : idéal pour se détacher du paysage et se « remettre dedans ». A chaque fois au 26ème, je me dis : « si tout se passe idéalement, reste 1 h de course ». Je suis donc toujours sur les bases de mon record (2h35’37 à Metz, voir CR u-run). Mais ça va être dur.
Sur cette portion, les muscles continuent à charger gentiment. D’ailleurs, je ne cesse de me rapprocher, puis de passer des coureurs qui faiblissent pour certains, et qui explosent à 14 km/h pour d’autres. La dernière remontée au km 28 me casse les jambes, c’est la plus raide, je n’imaginais pas un truc comme ça. Elle représente pour moi un peu le 2ème étage du muret. 500 m après je consomme mon gel n°4 en prenant mon temps, car le ravito du km 30 approche. J’entends un gars me compter 81ème. Au Km 30 : 1h50’07 (+ 18’30) relativement régulier sur les allures, mais cela me coute de plus en plus pour la maintenir. Je suis, au niveau du ressenti, sur une grosse « intensité marathon+ ».
Je commence à ressentir des premiers signes de fourmillements dans les bras, signe d’hypo à venir chez moi. Je consomme mon gel n° 5. Je me sens dans le dur, moins rapide, ça y est, on y est, le marathon, le vrai. On a beau faire de belles sorties longues, bien soignées, rigoureuses, il n’y a que sur un marathon que l’on emmène son corps dans de tels états. Je me ravitaille, même en essayant de boire « en amortissant » au niveau de l’allure, mon rythme respiratoire entre en résistance. Je pense furtivement à cet instant : « toute ta prépa, c’est pour bien négocier les difficultés à venir ». Au km 35 : 2h08’46 (+ 18’39, dont le 35ème en 3’51…). Olivier n’est pas là. Il n’a pas pu se libérer à temps. Tant mieux d’un côté, il ne me verra pas « vrai vilain », à essayer de rallier l’arrivée comme un sexagénaire. Ma foulée se dégrade. Je recolle plus loin sur Philippe Rémond et un autre gars, ils ne peuvent pas suivre. Au km 36, j’entends Olivier : « Allez Séb, c’est super ! Le RP ! Accroche ! ». Il court sur le côté à 2 mètres de moi. Suis content. Il me stimule. Au km 36, une zone de pavés accentue la charge musculaire, mais je remarque que le trottoir est large de 20 cm sur la gauche, j’ai juste la place pour y poser mes pieds, car le reste est occupé par les spectateurs. J’indique à Olivier qu’il n’y a plus rien dans le réservoir en faisant un petit geste de cisaillement avec mes mains. Il trouve les mots, sans trop en faire, sans me saturer en encouragements, il multiplie les petites choses qui rassurent : « Pense à toute ta prépa. » « C’est le jour, c’est le marathon de Paris !» « Allez, 0 regrets à la fin. » « 3’48, Ça tient, allez ! ». « Tu creuses sur derrière et tu reviens sur ceux de devant »… « 3’49, allez ! Allez !! ».
Ça fait du bien d’entendre ça, mais je sens bien que je suis collé, je continue à taper les km sur la montre, automatiquement, mais je ne regarde pas les temps, j’ai l’impression d’un pénible 14 km/h. Que les kilomètres sont longs ! Je passe mon gel 6 au 38ème. Je vois que le RP m’échappe, je sens que le 2h35’qlq chose part comme une mèche de pétard, mais je suis impuissant. Km 41 : 3’54, mon plus lent du marathon… Je consomme mon dernier gel. Je jette ce qu’il reste d’énergie… mentale en voyant les portiques verts, le chrono défile, ma foulée est vilaine, je commence à voir les étoiles, je suis vide. Dans les derniers hectomètres, toute l’eau absorbée à complétement perturbé les organes digestifs. Il était temps d’arriver… Je passe le portique lorsque les 2h36’00 apparaissent. Je m’étale sur le tapis vert. La première fois en 7 marathons que je m’étale comme ça. Dépouillé mais content. Pas de regrets. Je suis en détresse physique, mais je ressens aussi une forme « d’apaisement ». J’avais à cœur de bien faire et de valider ma prépa. C’est mon 2ème meilleur marathon, à 24’’ de mon record. Je termine au final 63ème/43520 partants. Olivier m’a aidé à me dépasser sur les moments les plus violents de ce marathon, je le remercie infiniment.
Par tranches de 5000 m cela donne : 18’08 + 18’29 + 18’22 + 18’17 + 18’21 + 18’30 + 18’39 + 18’56 + 8’18 (2.2 km). Une intensité d’effort croissante, pour « maintenir » les allures, avec 3 paliers nets : km 23, km 28 et km 34. Je repense aussi aux chronos de Malaty, Durand et Gandelot, qui n’ont pas pu aller gratter la petite seconde qui va bien. Quand il n’y a plus rien, il n’y a plus rien !
Ce fut un marathon difficile quand on regarde les résultats en général, beaucoup de bons coureurs terminent loin de leur objectif initial. Romain Carette, Jérôme Bellanca… Il fût difficile à tous les étages de la course, pour l’élite (ça faisait 8 ans que ce marathon ne s’était pas gagné en 2h07’. Ces dernières années, le vainqueur l’emportait en 2h05/2h06’. Chez les femmes, 9 ans que la meilleure n’avait pas été sur 2h26’) comme pour les moins rapides : les services de secours n’ont pas chômés dans l’aire d’arrivée. Ils étaient très vigilants et soucieux d’apporter une aide ajustée aux personnes qui en avaient réellement besoin. Les commentateurs TV parlaient de conditions météorologiques idéales, mais il y avait bien 8°C de trop pour qu’elles le soient vraiment. Ce fût néanmoins une bien belle aventure. Cela faisait des années que je visionnais cette épreuve à la télé, elle est désormais vécue de l’intérieur. Je reviendrais à Paris avec plaisir, peut-être dès 2017.
Le cadre est très beau, l’organisation est bien pensée, les bénévoles aux ravitaillements sont efficaces et encouragent énergiquement et le fait de partager ce week end avec Olivier et sa compagne ajoute, pour moi, une énorme plus-value à ce très beau week end et ce beau moment de sport. Merci à tous pour vos messages post marathon.
Séb Larue. Ambassadeur i-Run.
>> Les résultats du Marathon de Paris 2016