Je m’adresse à vous car ce footing, vous pouvez tous le faire. Un jour, si vous avez l’occasion de revenir faire un footing là où vous avez vécu votre enfance, je vous garantis que bien des choses peuvent remonter à la surface …
D’abord, vous retrouvez cette petite ville que vous n’avez pas vu depuis 7 ou 8 ans. Il y a toujours ce bistrot sur la place du village, mais cette dernière s’est modernisée tout autour. Les façades sont rénovées, le marquage au sol est plus lisible, de nouveaux commerces ont ouvert. Mais les rues n’ont pas bougé et bizarrement vous reprenez instinctivement celles que vous aviez l’habitude de prendre pour rejoindre vos parcours favoris. Vous passez avec le coeur serré devant la maison où vous habitiez: qui habite là désormais ? Comment ont-ils pris possession de la cour, des murs … est-ce que le bouleau est toujours là ? Des questions sans réponses … Peut-être est-ce mieux ainsi, peut-être qu’il faut garder intactes les images de votre enfance …
Le début de la sortie se déroule avec une certaine émotion, ce qui a l’avantage de vous connecter avec vous même. Les foulées sont faciles, les trajectoires les mêmes qu’avant : vous prenez le même trottoir, vous traversez au même endroit et vous coupez par le terrain de foot le long de la barrière. Vous commencez à emprunter les chemins de campagne et là vous vous souvenez avec précision où se situait le 1er kilomètre de vos sorties : à côté du poteau ! Il n’y avait pas encore de GPS pour mesurer donc on partait reconnaître nos tracés à vélo et on se fiait au compteur. Mais c’est drôle de réaliser à quel point la course vous connecte à ce qui vous entoure. Et dire qu’on nous reproche de ne pas profiter de nos sorties en montagne quand on court sur les sentiers ! Il serait curieux de voir qui a le plus de détails en tête en reparlant de tout ça.
Les arbres défilent sur les chemins, ils sont encore là. Désormais, le GPS vous dit à quelle allure vous courez. Vous remarquez que la vitesse est étonnamment haute alors que vous êtes facile et fluide. Pourquoi ?… Peu importe, il faut profiter ! C’est fou comme ça passe vite ces tours dans la campagne, alors que vous voyiez ça d’une autre manière à vos débuts. » Je pars faire le grand tour ! » disait-on avant de partir de la maison. C’est bien que la notion de l’espace était différente. Oh et puis maintenant, vous êtes habitués à faire des « longues » distances…
Le retour est tout à fait particulier car vous l’avez vécu des dizaines de fois et comme c’est souvent le moment où l’on souffre le plus, il est aussi marqué dans la mémoire des sensations. Toujours ces détails qui reviennent : ce grand nid de poule qui se transforme en flaque par mauvais temps, ce passage plein de graviers qui vous ralentit, l’herbe sur le côté après le virage … Allez, c’est la fin, vous allongez pour rentrer vite, comme quand vous vouliez battre votre temps sur ce tour. Comme c’est un moment spécial, les sensations sont présentes et la vitesse s’en ressent. Belle allure, beau placement, comme pour rendre hommage à ces lieux qui ont été ceux de vos premières foulées. La montre confirme que la forme était bonne, super. Pourtant, vous en avez passé des moments à en baver ici. Voilà, c’est fini, c’était un beau moment de course sur vos propres traces. Elles ne sont pas effacées de votre mémoire.
Ce « vous », ça a été moi. Mais vous pouvez le vivre et le courir. Ce lieu, retournez-y, remplissez bien vos poumons et gardez les yeux bien ouverts. Chaque moment de vie vaut la peine d’être couru !
Mathieu BERTOS