Quelques courses et quelques concours lors des championnats du monde en salle à Portland ont suffi à me faire prendre conscience que ce sport est un vrai régal, toujours savoureux pour les amoureux du geste et du sport.
Il n’y a pas que cette envie de repousser les limites du chrono ou des distances que parcourent hommes, femmes ou engins. Il y a cette envie de tendre vers un geste le plus parfait possible pour réaliser la performance. Cet effort que l’athlète produit pour atteindre un but, celui qu’il s’est fixé lui-même ou que la compétition fixe par opposition des uns et des autres.
Car la performance, ce n’est pas juste un chiffre. Cela peut être une place. Un effort dans l’espace. La répétition dans le temps, au fil des années. Quel que soit le niveau atteint par les uns et les autres ou les uns contre les autres, ce sport sera toujours beau ! Que l’on court 9″50 au 100m ou 9″90 au haut niveau, ou bien même 12″50, il y aura toujours cette succession de gestes, cette mise en tension que l’athlète opère pour produire un mouvement qui l’amènera ou non à la victoire. C’est à la fois une répétition des gammes acquises par des heures d’entraînement, mais aussi une adaptation permanente aux conditions de la compétition.
Il faut être à la fois fort et avoir l’intelligence d’action. Mobiliser ses connaissances et les traduire en geste. La tête est aussi importante que les jambes. La tactique entre en compte et le niveau atteint par l’exercice du geste ne suffit pas. Il faut tout mettre en œuvre, aussi bien mentalement que physiquement. Il faut s’engager totalement, corps et âme. Quel spectacle visuel ! Tous ces corps différents, puissants, fins, souples, toniques, développés, élancés… On trouve ça beau, on trouve ça…trop. C’est la nature. Le corps est un outil que l’on travaille pour s’élever au dessus de la « normalité ». Les sauteurs pour s’élever viennent enrouler la barre, la caresser. Les perchistes doivent jouer les équilibristes à 6m du sol. Les sauteurs en longueur doivent s’arracher du sol en le repoussant et en s’étirant pour atterrir le plus loin possible.
Le coureur de 1500m doit à la fois s’économiser, s’engager, calquer sa foulée dans celle de l’autre, et pousser ce corps à ses limites pour tenter sa chance dans le rush final. Les foulées sont légères, puissantes. Le pied ne reste que quelques dixièmes au sol. Les bras donnent du rythme et rentrent dans l’harmonie de la meilleure gestuelle possible.
L’athlétisme, c’est un millier de choses. Une succession de gestes calculés et de réactions instinctives. Un effort maîtrisé mais qui tend vers l’animalité, par sa nature et sa violence. Évidemment, on souhaite la vérité de la performance sans artifices. Il n’y a pas besoin de ça pour se régaler. Juste la vérité des heures d’entraînements et de l’instant, du talent et de la volonté.
Mathieu BERTOS
Photo : IAAF