Après 6 participations pour Manu, 3 me concernant, la question s’était bien posée au moment d’élaborer notre planning de courses 2016 : Eco-Trail de Paris … on y retourne cette année, ou pas ?
On hésite bien quelques jours, mais on finit quand même par tomber d’accord, sans avoir à jouer à pile ou face. Allez, banco, on repart pour un tour, avec un objectif 80km le 19 mars 2016 !
Une préparation sans accroc, avec plusieurs « courses plaisir » improvisées en début d’année (le Trail du Mont Olympe, le Trail des Sangliers, ou encore le Trail des Ruthènes), et le Gruissan Phoebus Trail, coché parmi les objectifs de saison. Aucune blessure à déclarer, les ampoules aux pieds n’ont pas fait réapparition depuis la Saintélyon … Bref, de quoi se faire plaisir sur cette prochaine balade parisienne de 80km, sans craindre de compromettre la suite de la saison. À l’approche de l’objectif, malgré les derniers déplacements professionnels bien fatigants et quelques doutes sur l’état de forme général, l’envie est bien là. Dans tous les cas, on fera au mieux avec les jambes du jour !
Cette année encore, du beau monde annoncé au départ. Denise Zimmermann, que je ne connais pas, mais dont j’ai beaucoup entendu parler, notamment suite à ses très belles perfs sur plusieurs ultras. Laureline Gaussens, qui avait terminé 2ème sur la Saintélyon devant moi en 2013, Isabelle Jaussaud, 3ème de la Saintélyon 2015, Marion Delage qui m’avait également devancée d’une place à la Saintélyon en terminant 4ème, Sylvie Hascoet, très bonne marathonienne (3h), elle était arrivée 20′ devant moi aux Templiers l’an dernier, ou encore des étrangères, comme Margrethe Logavlen, 2ème de l’Éco-Trail de Paris 2013. Pas la peine de se mettre la pression pour autant. Je ne me fixe pas d’objectif de place mais me fixe l’objectif de faire un chrono aussi bon que l’an dernier. M’approcher des 7h serait top, dans le sens où le parcours est annoncé plus long qu’en 2015 (79,2km pour plus de 1500m de dénivelé positif). Mieux encore, le but samedi, ça sera d’arriver avant la nuit (clin d’oeil pour mon frère Thomas, qui comprendra ! ;))
Nous prenons le train pour Paris vendredi après-midi, après avoir laissé la maison à papy et mamy (les parents de Manu), qui garderont les enfants et nous rejoindront le lendemain. Difficile de quitter un sud doux et ensoleillé pour une capitale grise et fraiche … Mais avec une grosse doudoune et une capuche sur la tête, ça passe ! ;)) Après une petite heure de RER, nous voici dans le quartier de Saint Quentin, où Laurent Ardito, manager du team Asics Trail, nous récupère pour aller dîner. Arnaud Perrignon complète notre table de ce soir, il prendra le départ du 80km également demain. Un bon repas dans une ambiance détendue et conviviale, une bonne nuit par là dessus et demain sera un autre jour …! 🙂
Réveil 8h30 (bon en fait j’étais réveillée depuis 6h15, mais en ayant éteint à 23h15, ça fait une nuit plus que correcte de 7h. Et pour une fois, j’ai dormi à poings fermés, assez rare pour la signaler !). Quel bonheur de ne pas avoir à sortir du lit alors qu’il fait encore nuit dehors ! Petit déjeuner sans faire de calcul, avec les produits que nous propose le buffet de l’hôtel : jambon blanc, pain blanc, banane, fromage blanc, céréales, café. Simple, mais efficace, et c’est l’estomac bien rempli que nous retournons dans la chambre, terminer de préparer nos affaires. Aujourd’hui, c’est Arnold qui a été missionné de me faire l’assistance aux ravitaillements. Énorme merci à lui ! Il nous a retrouvé à l’hôtel, j’en profite pour faire le point avec lui sur le sujet. J’ai tout bien noté et préparé les choses, mais c’est toujours mieux quand les choses sont dites et expliquées. 11h15, on prend doucement la route vers la base de loisirs de Saint Quentin en Yvelines, lieu du départ de la course.
Je retrouve ma petite famille déjà sur place. Partis tôt du Mans ce matin, ils font l’aller-retour dans la journée exprès pour venir nous supporter. Ils nous gâtent et nous font là, un chouette cadeau ! Rapide échauffement avec les gars, on se questionne sur la tenue du jour à adopter. Il fait bien frais (4,5 degrés), le soleil ne semble pas vouloir se montrer aujourd’hui … Par précaution, je préfère enfiler un manches longues thermiques sous mon tee-shirt, je garde les manchettes pour être protégée aux mains, je protège les mollets avec les manchons de compression Sigvaris, et, sur les conseils de notre cher manager, je mets un buff. L’énergie s’échappe par la tête, donc on va essayer d’en garder un maximum jusqu’à ce soir hein ! 😉 Honnêtement, je n’aime pas courir avec ce truc sur la tête (et pis j’arrive jamais à l’enfiler correctement, hein Arnold ;)), mais je me dis que je pourrais toujours le quitter au premier ravito si jamais … Grand débat également avec les gars sur le choix de chaussures. Pour ma part, je reste sur mon premier choix : les Asics Fuji Light. Légères, dynamiques, elles ont déjà très bien passé Gruissan et les Ruthènes, je leur fais confiance ! La seule chose qui me gêne un peu, c’est que je sors une paire neuve de la boîte … sans l’avoir portée une seule fois. Quelques foulées avec suffisent de me convaincre définitivement.
12h05, il est largement temps de s’avancer vers le départ ! Cette année encore, j’opte pour une ceinture porte-bidon plutôt qu’un Camel. J’ai réussi à caser tout le matériel obligatoire en plus des 1,5 litres de contenance : un bidon de 650ml dans le dos, une flasque de 500lm vide dans la poche à l’arrière et une flasque de 350ml pleine dans la poche devant. Ça devrait me permettre d’être autonome entre les points d’assistance. Plus de 2 100 coureurs patientent sagement derrière l’arche de départ. Ça fait du monde !! Le speaker tente de réchauffer l’ambiance au micro. On se place aux côtés de tous ces participants, derrière la ligne, prêts à s’élancer pour la balade tant attendue. Il reste 5 minutes avant le go, le temps de faire les « bisous, ça va bien ? » aux différents copains que l’on retrouve ici. J’en profite pour papoter avec Marion Delage, que je ne connais pas beaucoup. On s’était juste croisées au podium de la Saintélyon. Qu’est ce qu’elle est grande !!!! Je me sens minuscule à ses côtés … On a hâte de s’élancer maintenant. Ça tombe bien, il est 12h15, le compte à rebours est parti et le GO est enfin donné !
Saint Quentin en Yvelines, 12h15, le départ
Chrono en route, nous voilà partis pour courir jusqu’à ce soir ! Le début de course est toujours aussi « casse-chevilles » avec un sol complètement instable, rempli de trous piégeux ! Vigilance exigée, ça serait dommage de commencer par une entorse … On part ensemble avec Marion, son allure est rapide mais ça me convient bien pour le moment. Rapidement, se forme un groupe de gars avec nous, je reconnais Laurent Desmet que je retrouve souvent sur les courses. L’an dernier, il avait terminé juste quelques places derrière moi. On discute un peu, ça taquine dans le peloton, bonne ambiance ! Dit comme ça, on pourrait croire qu’on se baladait, mais pas du tout en fait !! À chaque fois que je jette un œil à ma montre, je constate un rythme au dessus de ce que j’avais planifié : 4’05, 3’55, 4’10, 4’00 … au bout de 25/30 minutes, je commence à me poser des questions et je me confie à Marion : « Hé Marion, on va pas un peu vite là ? » Elle est d’accord : « si si, je suis au taquet là ! » Bon ok, on est dans le même état, mais personne ne veut ralentir. En même temps, on arrive à rigoler, à parler, les jambes vont bien, le souffle aussi … Mais quand même, on ne court pas 20 ou 30km aujourd’hui, il va falloir tenir les 80km. Ça me fait un peu cogiter !
On réfléchira plus tard. Pour le moment, pas de difficulté particulière côté parcours. C’est propre au sol, relativement plat, on envoie ! J’ai hâte d’entrer dans les premiers singles un peu plus vallonnés, histoire de varier un peu la foulée et de rendre un peu plus ludique cette évolution. Et puis ça permettra de faire ralentir un peu les allures naturellement, parce qu’à ce train là, j’ai peur qu’on craque avant l’arrivée. Je ne sais pas trop comment Marion veut s’organiser, mais au bout d’1h10-1h15 de course, je finis par me décider à ralentir un poil la cadence. On va exploser à mi-course sinon et je sens que j’ai besoin de faire MA course et non pas de me caler sur des allures qui ne sont pas les miennes. Tant pis, je lâche le groupe de gars avec qui Marion évoluait et je poursuis ma route, seule. 4’20/4’30, c’est plus raisonnable et je n’ai pas l’impression de m’endormir non plus !! Ma musique me manque cruellement … mais avec ces récentes rumeurs d’interdiction de courir en musique, j’ai préféré ne pas prendre le risque. Pas envie de lancer des polémiques aujourd’hui ! Je m’en passerais. Du coup, je chantonne dans ma tête. C’est bête, mais j’ai l’impression que ça m’envoie des ondes positives.
On entame enfin les parties vallonnées, yes !! Pas de grandes ascensions bien sûr, mais quelques petites grimpettes qui cassent bien le rythme et fatiguent les organismes (quand même 250mD+ entre le départ et Buc). Je m’attache à bien boire régulièrement, et j’ai déjà avalé une barre. J’essaye de regarder au loin si je vois Marion, mais elle a complètement disparu de mon champ de vision maintenant ! Pas grave, je la retrouverais peut être plus tard. Je reconnais l’approche du premier ravitaillement à l’école de Buc. 2 minutes d’avance sur mon temps de l’an dernier, alors qu’on était allés très vite aussi … 1h40 de course, km 23,1. 13,76km/h pour ce début de course (d’après le tableau des passages), c’est trop rapide. Arnold m’attend, il est avec Laurent. Papa est là aussi, avec Lætitia, mes frères, Boris et Théo, et ma sœur, Anna. ils m’encouragent : « allez Sissi, t’es 2ème à 1’30 de la première ! » Je prends le temps de changer mon bidon, de prendre le nécessaire pour tenir en autonomie jusqu’à Chaville, km55, prochaine zone d’assistance autorisée. 3 barres, une flasque pleine, un sachet de poudre Isostar pour faire le plein au 40ème. Je prends des nouvelles de mon Manu : « ça va ! il est dans le groupe de tête, avec 4 autres coureurs, il est bien ! » Cool ! Allez, il faut repartir au plus vite, pas besoin de perdre plus de temps ici.
Buc, km 23,1, 1h40 de course
Je sais qu’on va entamer la partie le plus difficile ici. La transition entre cette première partie très roulante et celle qui arrive, alternée de montées/descentes, n’est vraiment pas simple. Et c’est souvent ici que je rencontre un coup de mou. J’appréhende un peu, mais cette année, je suis agréablement surprise de garder des sensations si bonnes encore à ce moment là ! Pourvu que ça dure. Je croise Benoît Holzerny, manager du team Mizuno, il m’encourage, merci ! Je lui lance : « je l’ai laissée partir, ça partait trop vite avec Marion ! » Je ne sais pas si j’ai eu raison ou tort, mais j’ai fait confiance à mes sensations. Pour le moment, je ne regrette pas, je me régale ! Il manque du son dans mes oreilles pour que tout soit parfait, mais du coup, je profite encore plus des encouragements des spectateurs. Merci à eux !! J’ai lâché un peu le chrono pour me concentrer sur ma foulée, mon souffle, le parcours. Point trop de sourires à Paris, j’essaye la méthode concentration ! ;)) Ça commence à marcher dans les côtes, je remonte le classement en doublant quelques gars ici (j’en aurais doublé 12 entre le 23ème et le 45ème kilomètre). Ça motive ! Je retrouve papa un peu plus loin, il me donne les écarts derrière : « t’es assez tranquille, la 3ème est à 6 minutes derrière toi ! » Ok, on va quand même essayer de ne pas trop s’endormir …
Je prends vraiment énormément de plaisir ici et les kilomètres défilent à une vitesse incroyable. Je visualise l’endroit où j’ai fait mon vol plané en 2014, qui m’a coûté un pouce fracturé, des points de suture au menton et une fin de course à l’hôpital … Réflexe débile : je ralentis et cours en levant bien les genoux ! En même temps, je me fais la remarque : « m’étonne pas que je me sois cassée la figure ici, c’est quand même le gros bazar avec toutes ces racines qui dépassent et ces troncs d’arbre à enjamber ! Un gars sur le côté m’encourage et me taquine : »attention Sissi, c’est pas ici qu’il faut tomber cette année ! » ahah, bien vu Lulu ! Mais t’inquiètes, je fais attention. Passage délicat derrière, je rallonge la foulée. Les voyants sont toujours au vert, je profite ! On m’annonce la première « pas très loin ! » La route est encore longue. L’an dernier, je me souviens avoir passé le marathon en 3h30, cette année, il est passé en 3h23. J’ai donc encore quelques minutes d’avance sur mon plan de route, mais les sensations étant vraiment bonnes, je ne panique pas. Après la traversée de la forêt de Meudon, qui nous offre quelques belles petites grimpettes, j’atteins le second ravitaillement, à l’observatoire : km 45,5, environ 3h45 de course. Et bien voilà ma Sissi, on a déjà fait plus de la moitié du chemin et tu ne t’en es même pas rendu compte !
Observatoire de Meudon, km45,5, 3h47 de course.
Pas d’assistance ici, on se débrouille. Je commence à sortir mon matériel obligatoire en pensant me faire contrôler comme tous les ans ici, mais les bénévoles me tendent juste une balise GPS : « il faut que tu emportes ça avec toi. » Ah non !! J’ai plus de place dans ma ceinture là, ça va pas être possible ! Pas le choix, je la glisse tant bien que mal dans la poche devant en sortant une barre que je garde dans la main (et qui finis dans ma bouche pour m’en débarrasser !), et je me jette sur la table pour remplir mon bidon. J’en profite pour demander les écarts devant. « ohlala, elle est loin la première !!! Au moins 15 minutes !! » Comment ? C’est dingue, elle a dû envoyer grave pour creuser autant, parce que franchement, j’ai pas traîné en route … J’avoue, sur le moment, ça me décourage un peu et je n’ai plus espoir de revenir. Je me dis que si je garde ma 2ème place, ça sera déjà super chouette ! Je redemande quand même : « vous êtes sûrs ? 15 minutes ? » Oui oui … (ouais en fait, ils m’ont bien tous baratinée. Elle n’était qu’à 5 minutes à peine. Mais ça, je ne l’ai su qu’en allant sur Livetrail après la course !). Du coup, je prends mon temps au ravitaillement, en me disant que c’était sûrement déjà plié pour elle.
Sauf que quelques foulées plus loin, ça recommence : « allez Sissi, Marion n’est pas très loin ! » J’ose demander : « mais c’est quoi pas loin ? » 4/5 minutes, pas plus ! Bon bon bon, ça change la donne quand même. Effectivement, ces chiffres me sont confirmés plus loin par Antoine, qui fait le suivi live pour Endurance Mag : « non, non, elle n’est pas à 15′, j’ai même pas terminé d’écrire mon tweet !! » Y’a même un autre gars qui ajoute : « et elle, elle marchait dans cette côte ! » Allez, je rebranche donc le cerveau en mode « ne rien lâcher » et je me fixe un seul objectif : « la rattraper ! ». Je donne tout ce que j’ai. Le prochain ravitaillement se trouve dans 11km et 270mD+, je l’atteins en 57 minutes. Tout va toujours merveilleusement bien, mais j’ai très très très envie de faire pipi !! Il va falloir que je m’arrête, mais en même temps, je n’ai pas envie de perdre le retard que j’ai peut être réussi à rattraper … Je décide donc d’attendre d’avoir les écarts pour prendre une décision. Si Marion est à plus de 5 minutes, je m’arrête faire pipi, sinon, pas question de m’arrêter. Juste avant l’entrée dans la zone d’assistance, je retrouve ma famille : mes frères, ma sœur (trop mimi, elle me dit : « Sissi regarde, on a écrit ton nom au sol ! »), papa et Lætitia. Ils sont à fond et m’annoncent la bonne nouvelle : « Sissi c’est énorme !! T’as repris 3 minutes sur la tête de course, tu n’es plus qu’à 2’30 de Marion !! » Papa en a les larmes aux yeux, il me donne des frissons tellement il est ému. Ça me donne clairement de l’énergie.
Chaville, km56,5, 4h43 de course
Arrivée dans la zone, Arnold m’attend, en place, prêt ! Il assure trop !! Il me confirme que Marion vient de repartir et me donne des nouvelles de Manu qui semble avoir rencontrer quelques difficultés. Mince, le pauvre. Allez j’y crois pour lui, il finit toujours bien sur cette course. Lætitia me rassure en me disant qu’il est reparti du ravitaillement pas loin des deux premiers. Ça va le faire ! Pour ma part, je fais vite et reprends ma route, motivée et regonflée à bloc !! À peine de temps de cogiter sur une éventuelle stratégie d’allure à adopter, j’aperçois Marion juste devant moi, elle marche dans la cote et ne semble pas au mieux de sa forme. Je ne me précipite pas pour la recoller, et reste derrière en gérant mon effort. Lorsque j’arrive à son niveau, je lui demande comment elle va, et elle sursaute !! Oups désolée Marion, je croyais que tu m’avais entendu. « Ça va, mais je commence à accuser le coup là ! » Allez allez, on poursuit un peu ensemble, on se motive mutuellement. Le parcours n’est pas simple ici, ça commence à être dur pour tout le monde. Musculairement et énergétiquement. Normal ! On marche dans les escaliers très pentus qui traversent la ville. Mais une fois au sommet, je prends les devants en lui proposant de s’y remettre vraiment : « allez, on y retourne ? Il reste 20km, moins de 2h de course ! » Je reprends un rythme de course, mais Marion n’accroche pas. Me voilà donc en tête …
Je ne réalise pas de suite le tournure que viennent de prendre les choses. Je ne sais pas trop si Marion accroche ou pas, j’ai l’impression que oui … quelqu’un me suit. Mais lorsque je me retourne pour prendre la température quelques minutes plus tard, il y a bien quelqu’un à mes talons, mais c’est un homme ! Plus de Marion, elle a disparu de mon champ de vision. Et là, je commence à réaliser vraiment … je suis en tête de l’Eco-Trail de Paris, à 20km de l’arrivée. Je n’ai pas le droit de flancher maintenant, il faut foncer le plus vite possible sans s’arrêter, sans réfléchir, jusqu’à cette Tour Eiffel ! Les jambes commencent à être fatiguées, mais le moral est gonflé à bloc, je suis sur-motivée et les allures sont toujours très bonnes, je garde confiance, sans m’emballer non plus. Rien n’est gagné avant de franchir la ligne d’arrivée, une hypo peut vite arriver et je n’ai pas eu les écarts de la 3ème et 4ème derrière. Donc prudence, le plus dur arrive, 2h de course, ça peut parfois être très long.
Je me concentre sur mes sensations, ma foulée, mes appuis … Je continue de bien m’alimenter régulièrement, sans me laisser emporter par une euphorie qui pourrait nuire à cette fin de course. Je double quelques coureurs plus en difficulté que moi. Antoine Allongue en fait partie, il marche, mais m’encourage chaleureusement, merci à lui !! Ensuite je reprends Patrice Marmet, il marche aussi, il me dit qu’il est mort. Allez Patrice ! J’aurais repris 9 coureurs sur ces 14km qui séparent Chaville de Saint Cloud. Les allures sont régulières, j’évolue en moyenne à 12km/h et arrive à ce dernier ravitaillement, confiante. Je ne le savais pas, mais je passe ce point de contrôle avec 6 minutes d’avance sur la 2ème, Marion.
Domaine de Saint Cloud, km 69,6, 5h49 de course
Lorsque je passe ici, je sais que, logiquement, les trois premiers hommes sont arrivés. Il me tarde de savoir ce que ça a donné pour Manu. En arrivant au point d’assistance, je retrouve Arnold, Benoît est là aussi, ainsi que Rémi, qui fait des photos. Je prends une barre, un bidon rempli, un gel actifood (mais je regrette plus tard de m’être chargée autant pour terminer). Je demande : « il est arrivé Manu ? » « Manu termine 3ème ! » C’est très bien de terminer sur le podium, mais je sais qu’il va être déçu … il me racontera ça tout à l’heure. En attendant, j’ai plus qu’à assurer sur cette fin de course pour le rendre fier ! Je pense à lui, ça me donne de l’énergie ! Allez, allez, dernière ligne droite maintenant, et pas la plus facile.
Psychologiquement, cette fin de course est vraiment difficile. Quelques virages et sentiers pour descendre sur les quais de Seine et nous voilà en plein milieu de la « jungle » parisienne ! Les voitures, les klaxons, les piétons qui nous prennent pour des fous sans savoir ce que l’on fait là, et ces grandes lignes droites sur bitume … Mais c’est aussi ce qui fait la particularité de cette épreuve et courir dans les rues parisiennes, ça a son charme aussi ! On se retrouve avec deux autres coureurs, dont Damien, à décompter les kilomètres au fur et à mesure de notre évolution. Mon envie de pipi n’est pas passé, et ça devient vraiment urgent. Mais bon, maintenant, c’est compliqué de trouver un petit coin. Et puis en plus, s’il y a contrôle anti-dopage à l’arrivée, je n’aurais pas besoin de boire 1l d’eau pour faire remplir le bocal ! Je ferais avec jusque là haut. Le parcours a été légèrement modifié par rapport à l’an dernier, avec une difficulté supplémentaire ajouté : une petite pente en plus ! À ce moment là de la course, je peux vous assurer qu’on la sent passer !
73km. Allez les gars, ça commence à sentir la fin. On lâche rien ! Je regarde au loin en espérant apercevoir la Tour Eiffel, mais non, toujours rien. Traversée de rues, bords de péniches, … J’essaye de « profiter » de ce décor parisien, en me disant qu’on vit quelque chose d’unique. Et puis mince alors Sissi, n’oublie pas que tu es en tête aussi !!! L’arrivée est proche et lorsque j’aperçois enfin cette Dame de Fer, je peux commencer à y croire vraiment. Ça n’avance pas bien vite, et les encouragements de ma famille sur les quais de Seine me font un bien fou ! Ils n’avaient pas eu d’infos depuis Chaville et ne savaient donc pas que j’étais passée en tête de la course. Du coup, ils sont euphoriques à mon passage et m’encouragent avec beaucoup d’émotions. Les spectateurs se font de plus en plus nombreux, ça motive ! J’entends et aperçois une fille crier au loin « allez Sissi !!! » Elle saute partout ! Quel enthousiasme ! Aaaaah mais c’est ma Caro !! Avec Maman et Fred ! Génial de les voir ici ! Haaan ça me colle les frissons ! Merci, merci ! Cette fois, c’est bien la fin, je grimpe les quelques marches qui m’emmènent aux pieds de cette monstrueuse Tour (un coucou à Thierry au passage !), je savoure cette superbe ambiance ici, avec le speaker qui annonce mon arrivée et les gens qui tendent la main en signe de félicitations, pour que je tape dedans.
La dernière verticale : Tour Eiffel
Et voilà, c’est le moment tant attendu par tous : la dernière ascension !! J’attrape le ticket obligatoire pour entamer la montée et je m’élance avec entrain vers ces fameux escaliers. Je profite, je réalise, je prends mon temps. Je suis émue et j’ai la gorge serrée. Les larmes me montent aux yeux et je vis ce petit moment magique, égoïstement, pour moi toute seule. Personne devant, personne derrière, le temps s’est arrêté et je sais que cette image, je la garderais longtemps dans ma mémoire. En bas, j’entends les encouragements des spectateurs, en haut, j’entends l’euphorie de l’arrivée. J’imagine Manu qui doit trépigner en m’attendant. Et moi, je suis au milieu, dans ma bulle d’émotions ! C’est pour vivre ce genre de moments forts que l’on aime autant se dépasser … Et aujourd’hui, j’en vis un, sacrément chouette.
Bon, il va quand même falloir que je la passe cette ligne ! 😉 Mains sur les cuisses, je grimpe. En marchant, tranquillement. Ça fait mal aux cuisses mais j’ai l’impression de ne plus sentir la douleur tellement c’est bon d’être là. Le plaisir dépasse la douleur. Encore un palier et j’y suis. le dernier virage, j’aperçois Laurent, on se regarde, on se sourit mutuellement, et je lui lâche un : « putain, c’est cooooooool !!! » Encore 3 marches et j’y suis, à quelques pas de cette ligne d’arrivée … Je vois des lumières, des gens, du bruit, le speaker au micro, …Ça va trop vite !! Je cherche Manu et je me souviens d’une discussion qu’on avait eu ensemble en rigolant : « Sissi, le jour où tu en gagneras une grosse, n’oublies pas de lever les bras ! » Alors voilà, j’attrape la banderole tendue devant moi, je souris à Manu et je lève les bras, pour faire honneur à cette victoire ! 6h49’59, 31ème place au scratch, et il fait encore jour dehors, j’ai rempli mon objectif haut la main, chouette ! 😉
Je savoure ces retrouvailles pleines d’émotions avec Manu et mes proches, je raconte au speaker, qui me tend le micro, le déroulement de la course, mes impressions … et je suis soulagée, parce que je vais ENFIN pouvoir aller enfin faire pipi … dans le bocal ! J’ai bien fait d’attendre, il ne devrait pas trop trainer en longueur ce contrôle anti-dopage ! ;)))
Un grand merci aux nombreux encouragements que j’ai pu recevoir, de près ou de loin, sur le parcours, avant, pendant, après … Merci aussi à Arnold et Laurent, qui ont assuré comme des chefs sur l’assistance, toute la journée; ma famille qui a fait le déplacement pour venir nous supporter; les bénévoles, qui ont dû se geler tout le WE sur le parcours, mais toujours avec le sourire et la bonne humeur; l’organisation, qui travaille dur des mois entiers pour nous offrir un évènement fabuleux; mon homme, qui me soutient au quotidien et sans qui je n’aurais peut être pas le courage de m’entraîner si dur et si sérieusement …! Bravo à toutes et à tous, et continuons à faire que le sport nous fasse encore plus aimer la vie !
Sylvaine CUSSOT
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