Depuis Gruissan les entrainements et les sensations ont été bonnes, presque étonnamment. Donc même si le Black Mountain Trail n’était pas dans le planning initial, j’y vais plutôt en forme et en confiance, avec la petite envie de défendre mon titre de l’année dernière.
Il faut dire que l’organisation m’a fait l’honneur de me demander si je voulais défier ce challenge. J’ai trouvé cette approche intéressante, surtout qu’elle a été faite en toute sympathie et sans pression aucune, sans effet d’annonce … tout ce que j’aime … donc je l’accepte. Je sais bien avant le départ que le parcours a été rallongé (5km en plus), et rendu plus dur … et que les conditions météo sont moins clémentes. 4h27 l’année dernière … je me dis (naïvement) que je vais y passer environ 5h30 et que c’est un bon test finalement ou une bonne transition vers les distances de 70km et/ou les efforts au delà de 7h.
Finalement au départ le temps n’est pas si pire. Il ne pleut pas, le froid est supportable, le ciel est gris certes … mais l’organisation a pris le soin de nous avertir qu’au sommet (le pic de Nore à pourtant seulement 1201m d’altitude) ce n’était pas la même histoire et que les conditions météo allaient probablement se dégrader. Moi et la montagne (même aussi basse), on est pas encore super ami, donc je ne prends aucun risque.
Corsaire et chaussette montante en bas, et maillot thermique, coupe-vent manche courte et manchons de bras en haut … avec en supplément gratuit imper et pantalon de pluie dans le sac à dos. A 200g l’unité je ne prends pas trop de handicap, même si le plus dur est d’arriver à tout faire rentrer avec le reste du package.
La course
Il est 8h et c’est parti, d’entrée les changements sont là. Finie la ballade coté Saint Amans Valtoret, on reste dans le versant de Saint Amans Soult … et hormis les 500 premiers mètres de bitume pour étirer la foule (on est 250 environ), on est direct dans la forêt. Et dès la première grosse montée de 300m de D+ je me fais la malle. Je suis bien, mais j’ai déjà chaud. Et hop on fait descendre les manchons de bras et les chaussettes. On redescend à nouveau vers le village, et un bénévole m’y signale qu’il faut suivre le chemin jusqu’à rejoindre la croix. OK … sauf qu’à un moment donné, je croise une intersection et pas de rubalise, pas de flèche. Et moi la croix ça ne me dit rien. Je ne suis pas du coin. Bon je m’arrête, en profite pour refaire mon lacet défait, attend 20s et voici un groupe de 4 qui arrive avec un gars du coin apparemment dans le lot … lui la croix ça lui parle. Bref on y va en paquet de 5. La croix et de nouveau de la rubalise … et direction la 2ème montée où je reprends le large … définitivement, ou presque.
Finalement le balisage est fourni, il y a de la rubalise tous les 50 mètres ou presque. Un travail de fourmis ! Bon, parfois il y a de la rubalise dans plusieurs directions mais une pancarte permet de voir la voie à suivre ou alors il y a une rubalise en travers qui signale qu’on ne doit pas la traverser. Bref il faut être lucide pour tout analyser ouil faut avoir l’œil bien ouvert parfois … mais, comment dire, c’est quand même bien fait. Mais tout roule pour moi. Je m’arrête 2 secondes pour analyser lorsque j’ai une hésitation et ça le fait. Je kiffe le parcours, c’est rude mais trop beau, sauvage et technique. Des cascades, des ruisseaux, des singles. Par contre ce n’est pas de la vraie montagne avec des panoramas à perte de vue. On est souvent dans la foret et on devine les vallées environnantes. L’avantage est quand est plutôt protégé du vent et des intempéries. De la boue, des passages ou à des feuilles jusqu’au genou. Le top est que le sol est hyper souple, ça ne sollicite pas trop négativement les articulations. Du très technique mais peu de choc. Pourtant ça monte raide et ça descend fort. Les pourcentages au delà des 25% sont légion et semble parfois durer une éternité.
Le tracé a vraiment évolué depuis l’année dernière. Perso j’avais bien aimé la 1ère édition mais là faut reconnaitre la belle évolution. Bref je suis sur mon petit nuage … au km20 on me signale que j’avais déjà 4min d’avance au km10. Tout roule. J’adore cette ambiance ancestrale. Parfois une saupoudrée de flocon rajoute de la magie au décor. Je m’aperçois aussi que j’ai encore une fois ma musique à disposition autour du coup, mais que je n’ai pas envie de mettre dans les oreilles. Je profite pleinement du bruissement des feuilles au gré du vent, et de l’eau qui tombe des cascades, mais aussi de mes « floc-floc » dans les passages bien boueux !
Au km25 je me retrouve nez à nez avec une pancarte qui m’envoie dans la direction opposée au balisage … et après une brève réflexion, je file dans cette direction. Plus de balisage mais je me dis que c’est peut-être une section comme la toute première, puisque jusque-là cette approche avait bien marché. Au bout de 700 mètres et devant une intersection à 4 possibilités, alors que les sentiers sont ici bien enneigés désormais, je me dis que la meilleure et seule solution semble être la marche arrière. 1,4km A/R dans les dents ça fait mal … surtout quand tu avances à une honorable moyenne de 6min au kilo. Mon premier réflexe est d’être furieux contre l’orga, de pester intérieurement. Et oui, je suis bien français ! En fait,au retour, je me rends compte qu’à cet endroit il y a pas mal de vent et que cette pancarte a dû pivoter. Je la remets à sa place et file.
« Franchement, c’est la dèche ». « C’est bien la première fois que je me fais avoir comme ça ». Petit à petit j’essaye de calmer mon énervement, car personne n’y est pour quelque chose. C’est la loi des courses nature et du trail. Tout peut arriver ! Mais le prochain bénévole croisé me confirme que je suis bien enfin sur le bon chemin et toujours premier. Bon c’est toujours ça ! Par contre inconsciemment je veux rattraper le temps perdu donc mon rythme est un peu plus soutenu et surtout finie la décontraction insouciante, limite insolente, du début. Et du coup à 2 reprises je refais du hors-pistes … car attiré par les larges pistes forestières (qui étaient la marque de fabrique de l’édition d’avant) j’occulte à 2 reprises une porte matérialisée par 2 rubalises rapprochées indiquant un virage à 90 degrés droit dans la pente ! 2 fois 500m environ dans les dents. Le bilan n’est pas terrible. « Quand on est con, on est con !». Surtout qu’à la dernière erreur Pascal est finalement désormais 100 mètres derrière. On se connait et on se respecte franchement … et on fait partie tout deux de la tribu i-run.fr …mais je suis tellement énervé par cette multitude d’erreurs que mon réflexe du moment est de vouloir retrouver mon rythme, voir même d’en remettre une couche. Au ravito du km30 (environ), j’en repars après avoir fait le plein alors que Pascal y arrive. 1 blague, 1 clin d’œil à la volée à Pascal et je repars. Mais je suis toujours un peu « négatif » dans mon approche, vexé par la situation et pas mal par moi-même. J’ai tellement envie de me remettre dans ma bulle, mais c’est trop tard, elle est percée désormais.
Et au km37 alors que je viens de rejoindre les participants du 17km, faisant leur fameux KV (dont le nom sera toujours un peu usurpé pour les spécialistes de la discipline), je me vautre en beauté en voulant me faufiler entre eux. Une chute plutôt moche, où je m’étale de tout mon long. Respiration coupée, genou gonflé. « Ah oui là, je suis un peu sonné ». Je cogite sur mon état. Et dire que je n’étais pas tombé une seule fois avant avec dans des pires difficultés. Désormais je dois laisser passer ceux du 17km car je n’arrive même pas à les accrocher et courir dans le faux plat est douloureux au niveau du genou. Baisse phénoménale de la température de mon corps. Ma bulle n’est plus percée, elle a éclaté !!! Pascal revient sur moi à 300mètres du prochain ravito. Il me demande si je veux que l’on fasse un petit bout de trace ensemble mais dans la tête je n’y suis plus et physiquement cela me semble désormais insurmontable.Et je trouve que je ne mérite vraiment pas cette petite attention à la vue des derniers kilomètres. Je lui dis qu’il va m’être difficile de repartir du prochain ravito et qu’il vaut mieux qu’il file.
Personnellement, je reste surtout sidéré par cet enchainement qui vient de me faire prendre un virage à 180 degrés dans ma détermination. Sur le moment j’ai un sentiment de honte.Comment peut-on être devant ou au premier plan et jeter l’éponge si facilement ? Alors que je sais pertinemment que tant de personnes derrière moi vont finir, avec moins d’aisance, mais un plus gros mental et donc une meilleure gestion. J’ai beau me mettre quelques coups de pieds aux fesses virtuels, rien n’y fait. Un abandon est à la fois facile à faire mais si rude à accepter. Bon j’ai conscience que c’est avant une histoire de transition difficile à surmonter. Bref !
Donc au ravito, vu mon rythme, mes pieds en glaçon, et mon genou ensanglanté qui a un peu gonflé, je préfère ne prendre aucun risque. La saison est encore longue me dis-je aussi. J’ai 4h45 à ma montre, 39km (au lieu des 37km), et 3000m de D+ … bref une belle sortie tout de même … et donc il me reste entre 16 et 18km, soit pas loin de 2 bonnes heures de course … j’avoue que je n’avais pas prévu une telle virée ! Bref j’essaye de me rassurer encore un peu d’avoir pris la meilleure décision. Cerise sur le gâteau, il y avait déjà des concurrents du 55km qui étaient passés avant nous (sans nous avoir doublés). Cela m’est un peu égal désormais mais j’ai juste une pensée pour Pascal et même ceux qui ont raccourci (de manière involontaire car je ne conçois pas que cela puisse être autrement) et qui vont désormais gérer cette donnée avec le vent et le froid annoncés en haut. Bref je le leur laisse volontiers, mais quel mérite. Donc un grand bravo à Pascal, mais aussi tous les finishers ! Un gros respect !
De mon côté, je découvre alors les joies d’un énorme ravito : saucisse grillée, fromage, boudin, chocolat, fruit, pâté, pain à volonté, vin chaud. Cela tombe bien, j’ai la dalle comme jamais. Il est alors 13h à ma montre donc c’est le bon moment pour passer à table. Et je ne vais pas me priver …avec le calva en supplément gratuit proposé allégrement. Je vais camper dans la cabane de chasseur juste à côté où il y a en plus un bon feu de cheminée. Malgré cela j’apprécie d’avoir avec moi mon imper et mon pantalon de pluie. Même si niveau pied, je ne ressens plus rien depuis un moment.
Les bénévoles sont super sympa et d’ailleurs Philippe, l’organisateur est là. Toujours aussi cool et sympathique mais inquiet pour les concurrents qui n’ont peut-être pas pris l’équipement recommandé (et stipulé dans le règlement) avec eux. On discute à ce sujet. On a tout de même affaire à des gens majeurs et vaccinés, avec un règlement qu’il est toujours délicat à imposer mais qu’il va de leur propre intérêt (et ceux des autres concurrents et organisateurs) de respecter. Puis je lui raconte sommairement mes mésaventures mais je lui parle avec bonheur de son parcours superbe, des évolutions qui étaient géniales mais franchement difficiles. C’est ce que je veux retenir. Un vrai trail, même si perso, une ou deux pistes en plus ne m’aurait pas dérangé. Je lui raconte aussi les émotions que cela m’a procurées,et il me confirme les conditions météo assez rudes en haut, mais que je ne verrais jamais. Oui c’était une vraie édition de guerriers, de ceux qui savent se relever. Ce n’était pas mon cas, aujourd’hui tout du moins !
Le village départ est juste en bas, à 4km à vol d’oiseau. Il me ne reste qu’à y descendre après cette pause de 45 minutes. Euh, finalement je n’en suis pas capable, même en version randonnée. Un bénévole fait justement le trajet et je saute sur l’occasion. Et bien, en voiture, il y a le triple de distance et le trajet va durer 20 grosses minutes. C’est long mais ça me permet encore de discuter avec des gens de l’organisation d’une gentillesse exceptionnelle avec une vraie envie de partager et de parler de leur petit coin de paradis, qui a failli virer à l’enfer pour moi. Je suis donc aussi content d’avoir enfin retrouvé le point de départ.
Bilan
Parcours top, ambiance énorme. Je vais retenir mes super sensations pour cette première expédition en milieu « montagneux ». J’étais bien dans les montées alors que je n’ai pas fait un seul entrainement en montagne …. donc mon entrainement « à ma sauce » à payer.
Par contre, il va vraiment falloir que j’analyse et canalise plus rapidement mes travers lorsque je suis contrarié. C’est pour moi, le facteur qui a fait que je n’ai pas su aller plus loin dans l’aventure. La bonne nouvelle c’est qu’une fois un petit caillou enlevé dans mon genou, pratiquement aucune séquelle, et j’ai surtout récupéré des sensations au niveau des orteils une fois la douche effectuée.
Fin de cette aventure exceptionnelle, même si j’aurais aimé une finalité plus respectable ! La suite au prochain numéro (forcément), qui sera une alternance de sorties bitume et de trails pour le mois à venir !
Aparté « séances de côtes ou sortie vallonnées »
Trail est souvent synonyme de forts dénivelés voir sortie montagne pour beaucoup. Le Black Mountain Trail était un savant mélange des deux ! Mais on n’a pas tous la chance d’avoir la montagne à nos pieds directement. Pourtant en trail, les séances de D+ sont une donnée essentielle pour progresser. Mais, pour moi, la séance de côtes est un entrainement très intéressant pour progresser dans ce domaine là et facile à mettre en place par tous ou presque …
J’ai pourtant les Pyrénées à une heure de route (au plus court), mais j’avoue que le seul fait d’avoir à prendre la voiture pour y aller ne me stimule pas des masses systématiquement. Bruler de l’essence et du temps, pour profiter de la nature et des montagnes, cela me semble parfois contradictoire. Mais ce n’est pas une raison de se trouver des excuses non plus et pour ne jamais y aller. Mais sachez qu’il existe quelques alternatives.
Déjà un fractionné côtes, même si ce n’est pas alléchant sur le papier, est une très bonne séance pour progresser en montée. La répétition permet de bien travailler la foulée et d’avoir un repère à chaque passage. Il suffit alors de trouver une côte de 5 à 25% à répéter un certain nombre de fois, dont la montée dure entre 30s et 2min voir bien plus si affinité et le tour est joué. Je me suis fixé quelques repères histoire de ne pas être totalement déconnecté et lâché dans la nature. 6 répétitions est le minimum … 8 est une bonne moyenne … 10 est le top … et plus c’est du bonus. Et quand je veux faire 2 séries alors je revois à la baisse les repères avec entre 5 et 7 répétitions pour chaque série. Cela ne semble pas énorme mais je préfère être sûr d’atteindre mes objectifs que d’être déçu.
Niveau longueur de côtes, pas besoin d’avoir le Tourmalet à ses pieds. Même si niveau motivation et ambiance, ce serait le top. Une côte de 150 à 500m de longueur avec 20m ou plus de D+ est, à défaut d’avoir mieux, une bonne base. Il y a même quelques astuces pour aller plus loin, si vous n’avez que ça à vous mettre sous la dent rapidement. Commencez votre répétition (et donc le rythme soutenu) avant la cote et surtout essayer de le poursuivre une fois celle-ci finie. Vous verrez vite que musculairement la relance en haut de la bosse fait chauffer la machine et surtout les cuisses. Alternez aussi la façon de courir suivant les séances, parfois sur la pointe des pieds, parfois plus en marquant le déroulé global de la foulée. Vous verrez que musculairement vous travaillez différemment et que les muscles sollicités ne sont plus tout à fait les mêmes. Et surtout prenez l’habitude de faire 2 répétitions supplémentaires en fin de séance à allure souple et décontractée, juste pour aborder la côte différemment, faire des tests ou simplement pour faire un peu plus de D+ mais sans se mettre minable.
L’autre séance intéressante pour s’entrainer en vue d’une sortie gourmande en D+ est la séance longue vallonnée. Pour ces sorties-là, en campagne dirons, si vous ne pouvez faire mieux, une autre astuce consiste à se lester un peu. Partir avec le camel rempli d’eau au maximum (en général la capacité de la réserve est de 1,5l). Mais choisir de préférence un terrain souple ou gras, histoire que les articulations ou le dos ne prennent pas trop cher avec le surplus. Les pourcentages grimperont en flèche artificiellement, et vous moins facilement. « Entrainement difficile, guerre facile ». J’ai remarqué que les meilleurs traileurs ont ou avaient eu des carrières militaires donc ils ont eu peut-être l’habitude de se déplacer avec un gros sac à dos sur eux. Je vois les choses comme cela ! Bref c’est aussi l’occasion de partir se balader avec le maximum sur vous, afin d’assurer votre sécurité. Lors d’une compétition ou de séances sans sac, vous apprécierez mieux le fait de vous sentir léger et ceci sans avoir eu à faire de régime !
Personnellement, j’ai la chance d’avoir un sac avec en plus 2 emplacements pour bidons à l’avant … donc je peux partir avec 2,5kg d’eau sur le dos. Là c’est alors la sortir commando. L’avantage de l’eau est que si vous avez été trop présomptueux ou que vous êtes un peu fatigué, vous pouvez facilement l’enlever.
Voilà ce sont juste des petits conseils basés sur ma propre expérience et pas forcément très carrés et surtout pas suffisamment complets pour faire l’UTMB, le GRP ou la diagonale des fous. Mais à vous de voir si cela peut vous être un peu utile ou pas. Vous ne deviendrez pas le prochain Kilian Jornet avec cela, mais si ça peut vous donner l’occasion de progresser plus facilement ou de façon plus simple, alors c’est déjà un bon début !
Nicolas MIQUEL
> les photos du Black Mountain Trail sont en ligne ici !
Les résultats du Black Mountain Trail : 18km BMT 36km BMT 55km-BMT