Si le dopage en athlétisme est un sujet autant traité par les médias en ce moment, c’est bien qu’il y a une lutte et qu’elle s’intensifie, ce dont on peut quelque part se féliciter.
On aimerait voir autant d’acharnement dans des sports connus et planétaires, mais l’enjeu financier étant extrêmement pesant, c’est quelque chose qui semble bien plus compliqué.
Les scandales de dopage au Kenya ont été mis en lumière par une équipe de la chaîne allemande ARD. Depuis 3 ans, 35 athlètes kenyans ont été contrôlés positifs (dont Ritah Jeptoo, triple vainqueur du marathon de Boston). La pauvreté et la perspective de s’en sortir socialement ont poussé pas mal d’athlètes à se rapprocher de personnes mal intentionnées. Peter Kibet, un journaliste spécialisé dans le dopage disait « sur 6 coureurs, un ou deux se dopent … je pourrais même vous dire lesquels à leur façon de courir ! ». Le coach Brother Colm avoue que l’encadrement des jeunes n’est pas assez conséquent, et que beaucoup sont alors vulnérables. Mais la lutte contre le dopage est compliqué par le peu de moyens en place.
Récemment, l’AMA (l’Agence Mondiale Antidopage) a haussé le ton avec le Kenya, qui tarde à s’organiser contre le problème du dopage. La sanction pourrait être lourde : 4 ans de suspension de toute compétition internationale. Les institutions et le gouvernement vont bientôt se rencontrer pour mettre quelque chose en place.
En Russie, autre nation forte de l’athlétisme, l’AMA fait aussi menace de sanctions sévères. Il semblerait que le dopage ait pris une ampleur nationale. La participation des athlètes russes aux Jeux de Rio en 2016 ne sera possible qu’au prix d’une remise en ordre rapide et crédible de leur fédération. Elle recommande entre autres la suspension à vie de 5 athlètes, notamment la coureuse de 800 Savinova. Les scandales de corruption qui touchent Lamine Diack, président de l’IAAF jusqu’à août 2015, pourraient en outre concerner le dossier russe, où il aurait touché de l’argent pour couvrir les cas de dopage. Près de 1500 échantillons auraient même été détruits. Des contrôleurs auraient été victimes d’intimidation.
Lequipe 21 a diffusé un reportage sur le dopage, qui peut être aussi une pratique individuelle. Le cas de Quention Bigot (lanceur de marteau) a été abordé, il y parlait notamment de la facilité de se procurer des produits par simple recherche sur internet. Florent Lacasse, ex champion de 800m, explique le dégoût un jour d’avoir été devancé par un coureur dont la progression avait été fulgurante, ce qui l’avait décidé à tenter le diable. Stéphane Desaulty, ex champion de 3000m steeple, avouait l’aisance et les sensations que lui avait procuré le dopage. On parle à travers les interviews de la dépendance qui peut s’installer, voir de l’habitude, d’un geste naturel. Dépendance qui, une fois stoppée, peut être remplacée par une autre dépendance tel l’alcool. Le corps bien sûr est touché, mais l’impact est aussi social et il faut savoir rebondir.
Le thème du dopage est vaste et au cœur de l’actualité. La lutte s’intensifie, mais elle n’est pas simple. Un contrôle anti-dopage coûte dans la globalité plus de 600€, et les personnes habilitées à le faire ne sont pas légion. La prévention est aussi un moyen, et les témoignages de ces sportifs très importants.
Mathieu BERTOS
Photo: Franck Fife (AFP)