Ça y’est, j’appartiens enfin à cette belle famille des SUB3. Je sais combien on est à la recherche du moindre récit, du petit conseil technique … quand on veut passer sous la barre des 3 et j’ai moi-même passé des soirées entières à éplucher les forums et les récits. C’est donc tout naturellement que j’ajoute ma pierre à l’édifice !
Bonne lecture !
Pourquoi viser ce chrono ? Mon premier marathon fut celui de Toulouse en 2014 sur un coup de tête. Inscrit 3 semaines avant le départ sans objectif particulier j’avais fini la course en 3h50’55 » sans difficulté. Je me fixais donc un nouveau marathon (celui de Paris) 6 mois plus tard en ayant 3h30 pour objectif à raison de 3 sorties/semaine. Me sentant bien dès le début, j’avais pris le risque de courir un peu plus vite ce qui m’avait permis de finir dans un joli 3h16’11 ».
A l’arrivée, certes fatigué, je sentais que je pouvais encore m’améliorer et commençais à rêver d’un moins de 3h pour Toulouse 2015. N’ayant pas les connaissances techniques suffisantes, je me suis tourné vers un moniteur de sport ancien marathonien qui a accepté de me coacher pour « au moins améliorer le précédent record personnel, on verra en fonction des semis combien viser ». Commencent alors 5-6 mois d’entraînements variés qui m’amènent au marathon de Toulouse 2015 dont voici mon récit. Pour information, mes records personnels sont 38’29 sur 10km et 1h23’43 sur semi-marathon.
Couché vers 22h45, pas trop de souci pour m’endormir puis réveil le lendemain matin vers 5h45 (jour de changement d’horaire H+1). Réveil sans fatigue, je sors me promener une dizaine de minutes pour sentir l’air du jour, la température etc. Il y a encore des jeunes qui rentrent de soirée. La météo a vu juste, les températures seront entre 12 et 20 degrés le long du marathon. Après un mois de juillet et des entraînements dans des conditions caniculaires, je suis très rassuré. Je rentre après avoir vérifié la présence de vélibs pour me rendre au départ. Je prends mon petit déjeuner ; très peu d’appétit je mange péniblement un quart de Gatosport avec un thé au citron. Je suis un peu écœuré du sucre. Puis je note mes temps de passage : sur mon bras et sur mon dossard pour être sûr de ne rien louper. Le sac que je laisserai à Madame est prêt, il contient ma ceinture FlipBelt, les gels que j’ai prévu d’emporter (2 Energix, 2 Antioxydants et un coup de fouet), le stylo indélébile pour réécrire les temps de passage sur place si besoin, une montre chrono toute simple que Madame topera au départ et sera prête à me faire passer si ma montre GPS venait à s’éteindre (du vécu pour Caro, une amie coureuse), deux bouteilles de mélange Isostar puis des effets de rechange.
Le temps passe lentement avec le stress, on décide de partir un peu plus tôt. 15min de vélo plus tard on est sur place, j’attaque ma boisson d’attente. Je rejoins les rangées de coureurs qui profitent des ruelles autour pour ne pas attendre une heure devant les toilettes préfabriquées : il s’agit de ne pas partir la vessie pleine pour éviter de mauvaises toxines dans les jambes. Quelques photos sur fond d’arche de départ et je me positionne dans le SAS. Le départ des handisports est lancé, plus que 5 minutes. Puis vient l’enregistrement classique qui fait penser à une bande –annonce de film : « courage, détermination, don de soi… » prononcé avec une voix bien grave et virile.
Et PAN !! Le départ est donné, je suis assez bien positionné pas loin derrière le SAS préférentiel, je pars un peu moins de 10 secondes avant le départ officiel. Je lance volontairement ma montre en marche quelques secondes avant de passer sous l’arche pour éviter le 3h00’01’’ fatal. Ce petit mensonge artificiel de mon chronomètre déclenché en avance absorbera un éventuel léger retard. Le premier km est un peu pénible : il y a du monde, il faut slalomer comme on peut pour ne pas prendre de retard dès le début. Je passe un peu en avance en 3’58’’ – mon coach m’a fixé un premier semi entre 1h27 et 1h28 soit une allure entre 4’07 et 4’10, le deuxième aux sensations. L’avance s’équilibrera sur les 5 premiers kms. Au 3ème kilomètre, juste avant le grand rond, la famille est déjà là pour les premiers encouragements. Les sensations sont bof, je pensais que ce serait plus facile que ça de tenir les 4’07 mais je me raisonne : ce n’est que 10 secondes de moins par kilomètre que mon meilleur semi, bien sûr que ça n’allait pas être une partie de plaisir.
Vers le 8ème, j’ai un petit groupe autour de moi depuis plusieurs centaines de mètres. On discute rapidement sur nos prévisions, tous visent moins de 3h, si possible autour de 2h57’. On discute et s’accorde sur une allure 4’07, ils trouvent ça raisonnable et je comprends que tout le monde veut se suivre. Mais à peine la discussion finie, le groupe se met à accélérer un peu inconsciemment. Je décide de les laisser partir ; la montre ne ment pas je suis toujours dans mes temps. 10ème kilomètre, je prends mon premier gel, l’énergie étant là, ce sera un antioxydant. On commence déjà à s’éloigner du centre de Toulouse, je sais que les kms de 10 à 30 seront longs car éloignés de Toulouse et sans famille pour remonter le moral. Un peu avant le 20ème, je reconnais la boucle d’1km où l’année précédente je pouvais déjà voir ceux qui la finissaient quand j’y entrais à peine. Cette année je n’aperçois personne, il y a du progrès.
Le semi-marathon arrive, déjà une bonne cinquantaine de mètres se sont ajoutés à la trajectoire idéale de la ligne bleue depuis le départ, je passe le semi en 1h27’22. J’y aperçois les meneurs d’allure 3h qui se tiennent prêts à prendre le relais de leurs homologues présents au départ qui devraient arriver dans moins de 3 minutes. Je leur lance un petit « vous, je vous interdis de me doubler » ça les fait rire. Le passage du semi est un moment assez rassurant : ce sera dur mais je me sens encore bien, les 3’ de marge sur mon RP me permettent de maintenir l’allure. C’est aussi un moment crucial pour le mental car ceux qui sont partis trop vite commencent à le payer et je double pour la première fois de la course quelques coureurs, dont certains que je reconnais du petit groupe du début.
Pour ma part, premier point de côté autour du 25ème km, assez léger mais que j’essaie de faire disparaître en pressant dessus et en tentant de gonfler au plus mes poumons pour détendre le ventre. Déjà mon allure moyenne de course commence à osciller en basculant parfois de 4’07 à 4’08 et inversement, je m’efforce de rester concentré et tourne la montre face au sol pour ne pas être incité à trop la regarder : le deuxième semi doit se jouer à la bataille. De toute manière mes temps de passage sont totalement effacés et ceux du dossard c’est encore pire. Je me fixe un objectif, rattraper des coureurs, un par un, grappiller, rester concentré. Les pieds se mettent à gonfler sacrément. Je comprends mieux ce que voulait dire mon coach quand il me parlait de ces fameux pieds qui gonflent avec l’effort. Cela ne m’était pas arrivé dans mes deux précédents marathons qui avaient certes étaient courus dans des allures plus confortables.
Entre les 26ème et 30ème on traverse de grandes plaines agricoles qui offrent une grande visibilité, c’est un moment très décourageant car on prend l’ampleur de la tâche. Mais je m’accroche, je sais que j’arriverai bientôt à Borderouge – au 32ème -, où Madame m’attend avec une bouteille d’Isostar. Du 30ème au 32ème, je pensais reconnaître des passages de l’année précédente mais je me trompe sans cesse et j’ai l’impression que ce fichu 32ème n’arrivera jamais. Enfin Borderouge, je cherche Madame du regard et je l’aperçois comme convenu quelques mètres en arrière. Elle est précisément au niveau du panneau 32ème . Elle m’expliquera que ça lui permettait d’avoir mon vrai temps au 32ème avec la montre chrono et de pouvoir l’envoyer à mon coach. Je saisis à la volée une bouteille d’Isostar dont je bois quelques gorgées rapides.
Et là, le vrai Marathon commence. Je regarde ma montre, il me reste 43’ pour courir les 10 derniers kms et finir en moins de 3h. Je m’accroche à cette idée et essaie de rattraper des coureurs mais je n’ai aucune relance. Le moment le plus difficile sera une côte de plusieurs dizaines de mètres au 35ème environ qui m’a donné un point de côté extrêmement douloureux une fois arrivé en haut. Plié en deux, grimaçant et les deux mains appuyées dessus j’ai tout fait pour le faire disparaître, craignant de devoir marcher pour le détendre, il s’est calmé beaucoup plus tard avec le ralentissement d’allure. La montre m’indique un 4’09’’ d’allure moyenne. Il faut rester concentré, il faut courir, il ne faut rien lâcher, rester concentré, plus que quelques kilomètres. En fait j’ai eu l’impression de courir mes 7-8 derniers kms dans le même état d’esprit que le dernier kilomètre d’un semi ou d’un 10km.
Obligé de se convaincre en permanence de continuer à courir, de mettre en balance tout l’entraînement, toute la rage que l’on a face au découragement, à l’épuisement et à la douleur. C’est une bataille permanente du corps et de l’esprit. Pour l’instant c’est l’esprit qui gagne, non sans y laisser quelques plumes car désormais je cours mes kilomètres entre 4’14 et 4’22’ A un moment je pense d’ailleurs que mes lunettes de soleil floutent ma vue. Je les enlève pour vérifier et réalise qu’elles n’y sont pour rien, je vois « bizarre »…
Ma famille m’attend au 38ème, je le sais et m’accroche à cette idée. Quand je les vois je suis épuisé, je vois ma soeur qui tente de se rapprocher de moi pour me donner de l’Isostar. Je craignais qu’elle ne me gêne me forçant à la contourner, donc je lui dis sans ménagement (c’est un euphémisme) que je n’en veux pas. Après course, c’est dur pour moi d’expliquer ce que l’on ressent à ce moment-là car la famille est particulièrement attentionnée et que ma sœur avait fait le déplacement depuis Paris. Mais ils se montrent compréhensifs, ils savent que ce n’était pas facile du tout (second euphémisme). Du 38ème au 40ème le moral revient un peu : ça va le faire. La course est toujours interminable et les kms semblent se rallonger mais… ça va le faire. Et heureusement car tout me dit d’arrêter.
Le 40ème semble ne jamais finir et après un kilomètre qui en paraît deux, j’aperçois enfin les panneaux du 41ème. C’est parti pour 1km de longue ligne droite légèrement descendante. Le public est très encourageant mais je suis à bout et mon chrono enregistrera d’ailleurs mon km le plus lent (4’30’’). Avant le virage du 42ème (que j’avais imaginé un peu plus tôt en confondant les bornes avec un panneau sens interdit) je croise une dernière fois ma famille. Je leur fais une petite private joke (distorsion espace-temps) pour me racheter de mon comportement au 38ème. Un coureur me double par la droite en gambadant, je ne supporte pas ça et pourtant je ne parviens pas à le rattraper je n’ai plus aucune énergie.
Le dernier virage et enfin j’aperçois l’arche. Je me lance pour le sprint final, je donne tout ce qu’il me reste, tout ce que j’ai (plus tard j’apprendrai que c’était un « petit » 15 km/h) et passe enfin la ligne les bras au ciel, épuisé. 2h56’26, mais à la rigueur je m’en fiche. C’est juste fini ! J’appartiens enfin à cette famille des moins de 3h. J’ai envie de pleurer de joie, de douleur, de soulagement mais je n’en ai même plus la force. Et là, je repense à tout ce que j’ai traversé pour ça. Je pensais que c’était l’entraînement qui resterait le souvenir le plus dur de cette préparation mais non, c’est bien cette course qui fut plus dure que les 1200km en 6 mois. Même les sorties de fractionnés interminables dans la chaleur de juillet sont d’une douceur incroyable comparées aux 10 derniers kms.
En parlant de douceur, après cette aventure au-delà du mur du marathon, je renoue enfin avec la quiétude. Les bénévoles sont bienveillants ; petite couverture de survie, médaille, bouteille d’eau, sucre… Tout le monde est aux petits soins pour renouer avec la réalité. Le contraste est très impressionnant. Puis j’aperçois la famille à travers la grille pour le débriefing à chaud. Ils me récupèrent blanc comme un linge, le visage recouvert de traces de sel, les muscles encore tétanisés. Je suis content de les voir, ça marque enfin la « vraie » fin de ce marathon. Je suis encore dans un état second quand je leur parle.
La transition se fera avec une séance d’une heure d’ostéopathe et une bonne entrecôte. Quelques photos souvenirs avec la famille pour graver ces moments. Et déjà après un bon repas, on passe du « plus jamais, jamais » au « ça pourrait être sympa d’en faire un en meneur d’allure »…
J’espère que ce récit vous a plu, bon courage aux futurs marathoniens souhaitant passer sous les 3 !
A bientôt sur les courses !
Gaspi
Crédit photos : Patrice Nin, toulouse-blog.fr
>> Pour plus d’informations sur la course : MARATHON DE TOULOUSE
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