Nous voici rendus fin octobre pour un des objectifs qui me faisait saliver depuis longtemps bien que je connaisse bien la course : les Templiers.
La volonté de relancer l’épreuve à un niveau supplémentaire en proposant un match international et en invitant donc quelques uns des meilleurs coureurs du monde fait que j’avoue avoir une excitation particulière à disputer mes chances chaque année qui se profile, sur cette épreuve. Évidemment, il devient encore plus dur de se classer devant et cela va de plus en plus en plus vite par voie de conséquence, mais moi, c’est ce que j’aime !
Si je rajoute à cela que Sissi partage cette année la grande course avec moi, que j’ai une envie décuplée en raison de mon Championnat de France avorté (virus) de bien faire, cela fait déjà de belles raisons d’être motivé ! Mais cette année, nous avons en plus la chance de défendre les couleurs de la France avec Sissi dans le match « France against the world ». Un honneur partagé qui met un grain de piment supplémentaire dans le week end et tout est fait pour se dépouiller ! 🙂
Nous arrivons l’avant-veille et sommes invités par l’organisation, ce qui nous permet d’être assez serein deux jours avant la course. Le temps de profiter de la tribu Asics, de faire quelques photos et un peu les fous ensemble et il est déjà presque temps de passer aux choses sérieuses : briefing d’avant course, mise du dossard « bleu blanc rouge », conférence de presse, bref, on se met un petit coup de pression qui permet de se remettre dedans dès le samedi. Mais le fait de partager cette pression avec Sissi, c’est vraiment top !
Dimanche matin, le réveil pique un peu comme d’habitude : réveil à 3h00, forcément, c’est pas la fête au réveil ! D’autant qu’on a mal dormi tous les deux, mais le café et le stress de la course qui monte dès qu’on est levés suffit très largement à nous réveiller ! Repas léger d’avant course car 2h seulement avant la course : pain, jambon, café, céréales et un jus de fruit et en avant Guiguamp ! Dès la fin du petit déjeuner, je pars faire quelques foulées pour voir si les jambes répondent bien. Verdict : un peu engourdi, peux mieux faire, mais on verra ça à l’échauffement maintenant ! On s’habille tranquillement, ajuste les porte-bidons, vérifie tout ce qu’on a déjà vérifié quinze fois et c’est l’heure de la première phase de l’échauffement improvisée devant le bungalow. Quelques pas de footings, lignes droites de plus en plus rapides sur une dizaine de minutes suffisent à bien dégourdir les jambes et à se rendre compte que la journée ne sera pas froide. On opte donc pour une tenue légère, c’est top !
Direction la ligne de départ où la pression monte gentiment. La revue des favoris est impressionnante et il me tarde de partir pour voir comment les jambes vont répondre ! Après quelques dernières lignes droites et un bisou à ma Sissi, mon vœu est exaucé ! Nous nous élançons sur la musique d’Era et un discours émouvant de Gilles Bertrand en pensant à Christophe Rochotte, disparu cette année qui était une figure emblématique de la famille du trail et de l’Ultra. Le rythme est rapide dans les premiers mètres comme d’habitude, mais très vite l’allure se stabilise autour de 15/16 km/h ce qui fait que nous arrivons un gros peloton au pied de Carbassas, pied de la première difficulté. Je décide alors de prendre l’allure à mon compte dès que la pente s’élève afin d’étirer un peu ce gros groupe et de rester bien placé. A ma surprise, ça ne relaie pas et je continue donc mon effort lorsque la rampe s’accentue franchement.
Nico Martin vient me prêter main forte et semble facile. Nous imprimons ce train quelques minutes et je sens que ça casse derrière. Il passe devant et accélère encore, ce qui étire le groupe déjà formé. Je reconnais Miguel Heras et Tofel Castaner mais ne vois pas d’américains aux avant-postes. Nous basculons donc un petit groupe avec tout le team France, Arnaud Perrignon, Lambert Santelli (tous deux du team Asics) et les espagnols. Bref, c’est une bonne opération ! Tous ceux que je voulais autour sont là ! L’allure ralentit quelques kilomètres et c’est le moment de discuter un peu et de voir les forces en présence. Cela revient un peu de derrière, ce qui m’embête un peu et je vois bien que ça contrarie aussi les gars du team France. Je décide donc de prendre quelques relais assez appuyés pour garder une bonne allure et éviter un retour trop précoce de l’arrière. Nico me relaie, puis Benoît, puis Sylvain. Bref, on fait le boulot d’équipe sans se dire mot. On connaît tous assez bien la course et ces choses là sont assez intuitives.
Finalement c’est Patrick qui prendra les devants à l’amorce de la descente vers Peyreleau. Il ne la quittera plu d’ailleurs tant le sentier est serré et virevoltant. Il est bien difficile de doubler dans ces lacets piégeux. Tellement piégeux d’ailleurs que je me retrouve face contre terre le temps d’un moment d’inattention. Une racine a eu raison de mes réflexes et je dois concéder quelques mètres que je ne retrouverai pas avant le ravito de Peyreleau que nous prenons comme d’habitude à toute allure… Je tergiverse à prendre ma ceinture double et à l’attacher ce qui me fait encore perdre quelques secondes supplémentaires… A ce moment, c’est pas le moment ! Heureusement les jambes sont là et je recolle vite au groupe mais je me retrouve au pied de la montée en single en dernière position. Très mauvaise opération. Je ne peux doubler et dois attendre un peu avant de passer Jonas (Buud le suédois), puis Nico (Bouvier Gaz), et ainsi de suite… J’ai Miguel Heras en visu, ce qui me rassure un peu et Arnaud et Lambert sont aussi là. Mais je reste bloqué derrière un espagnol (futur 6ème) un bon moment , ce qui me fait perdre la tête de course de vue.
En haut de la bosse, je remets un coup de gaz et double Patrick (bringer ), pas au mieux. Martin Reyt, Arnaud et moi imprimons le train pour revenir mais le groupe de devant imprime également une bonne allure, ce qui fait que les écarts stagnent. Jonas reste en retrait. Plus pour très longtemps…
Nous arrivons très vite à saint André de Vezines et les écarts sont encore maigres. Rien n’est perdu, loin de là ! Ravito express avec Laurent et Kty, comme d’hab’ et c’est reparti ! Même si l’allure est vive, les jambes tournent très bien et je me sens encore très frais. Tant mieux parce qu’il reste du boulot ! C’est Arnaud qui prend l’allure à son compte dans le long faux plat qui descend après Saint André et dans la petite bosse qui suit. Jonas décide ensuite d’accélérer très franchement dès le sommet. Peut-être sent il que la course est en train de se jouer… Je lui emboîte le pas quelques kilomètres mais dans la descente qui mène à la Roque, il me prend quelques secondes en prenant tous les risques (que je ne prendrai pas!).
Nous arrivons au point d’eau de la Roque avec Arnaud et un espagnol, juste derrière Jonas. Je remplis un bidon en grand buveur que je suis et repars derrière Arnaud et l’espagnol qui m’ont passé. Arnaud mène dans la bosse mais je sens que notre allure baisse. D’ailleurs Alex Nichols ( l’américain) nous dépose littéralement en haut de la difficulté avant de rejoindre Pierrefiche. Je m’étais dit de rester sage jusqu’à Pierre fiche, je reste sage et le laisse partir… Ravito de Pierrefiche… Express ! Et cette fois ci, c’est parti. Pour moi, c’est une autre course qui commence. Nous avons reconnu cette portion en partie avec Sissi et je sais qu’elle est très longue et délicate à négocier. Donc il ne s’agit pas de jeter toutes ses forces mais d’accélérer l’allure assez franchement pour ne pas avoir de regrets au pied des deux dernières terribles bosses de l’épreuve. A ce petit jeu, je suis complice avec l’espagnol qui a l’air d’avoir la même envie que moi !
Je double rapidement Lambert, qui a fait un super début de course puis quelques kilomètres plus loin Sylvain qui n’a pas l’air au mieux. Le début de course rapide semble avoir laissé des traces. L’espagnol me relaie assez correctement jusqu’à la première descente où il accélère comme une fusée. Je prends des risques également mais bien plus mesurées ce qui me vaut de le perdre de vue pour le reste de la course. Je continue ma progression à bonne allure en veillant à ne pas me mettre en surchauffe notamment dans les descentes. Peur de la crampe et de la déshydratation, moi qui boit beaucoup. Je gère donc en allant au plus vite (équilibre pas facile !!!). Cette portion est dure mais magnifique. Vraiment exigeante mais je me régale… Jusqu’à la crampe que je redoutais. Je ne vois pas le ravito de Massebiau arriver et m’arrête dans un ruisseau providentiel pour remplir. J’avale ce bidon cul sec et repars vers Massebiau qui n’est plus très loin après ce long cheminement en montées et redescentes interminables où il faut user de braquet si possible.
Laurent Briere est là avec son bel appareil et mon père m’attend au premier virage. Il est tout ému, je lui fais signe de la main, ému aussi… J’arrive à Massebiau où une foule de dingue attend ! Ca crie de partout, ambiance géniale ! Le temps d’apercevoir ma mère et ma grand mère qui a fait 1000kms pour venir me voir, de remplir le bidon et je file; Il y a encore deux bosses à avaler et je suis sûr qu’il y a encore une ou deux places à grignoter. Je suis 8 ème, mais je ne veux pas me contenter de ça. Les jambes sont encore très bonnes et j’enclenche toutes mes forces dans la bagarre direction le Cade. Je cours au pied de la bosse et les encouragements et indications de Julien (Jorro ) me motivent à en mettre encore plus. J’appuie de toutes mes forces que ce soit en marchant ou en courant à petit trot. J’appuie j’appuie j’appuie…
En haut de la bosse on m’annonce Jonas (qui était à 7 min ) à deux ou trois minutes. Je fonds sur le Cade à toute allure, déboule, prends mon ravito le plus vite possible et repars en accélérant autant que je peux. Je relance relance et relance encore dans les faux pats montants et descendants avant d’attaquer la descente vers la puncho qui est très technique et dans laquelle je ne veux prendre aucun risque. Cette descente arrive vite et je mets en œuvre la stratégie « no risk ». Je préfère perdre quelques secondes que de me prendre une seconde chute qui pourrait être fatale pour l’issue de la course.
Je prends quand même suffisamment de vitesse pour me dire que je ne perds pas de temps à mon avis ! Dans le faux-plat en balcon qui suit je reprends un bon rythme et quelques hectomètres plus loin, j’aperçois Jonas deux lacets au-dessus qui est engagé dans la première partie de la montée de la Puncho. J’appuie autant que je peux dans la montée qui suit et cours dès que je peux afin de boucher l’écart au plus vite et de préférence dans la montée afin de ne pas laisser l’opportunité à Jonas de basculer avec moi (je connais ses qualités sur le plat et en descente). Au pied de la cheminée il est de plus en plus prêt et je le rejoins finalement à la jonction entre la cheminée et la dernière portion de la Puncho.
Je le double à ce moment là, lui demande si tout va bien quand même ou si il a besoin de quelque chose et repars aussi sec après une réponse négative (en suédois s’il vous plaît!). On se connaît bien, il me fait signe d’y aller. Je file donc… Enfin, je file façon de parler car la fin de l’ascension est toujours aussi costaud… Je crapahute comme je peux au milieu des encouragements de spectateurs perchés en haut de la Puncho comme des oiseaux sur un fil électrique. Ambiance géniale encore! (merci au passage, ceux là faisaient vraiment du bien!!). Suivent quelques escaliers que j’avale comme je peux puis le replat avant la descente ou je relance du mieux possible (décidément, ça fait beaucoup de relances !). La descente qui suit est assez rapide et j’alterne prise de risques mesurées et saveur des derniers hectomètres. Je connais les écarts derrière et je connais ceux devant ( environ 3′ de chaque), la course est jouée, je me contente donc de faire une descente « propre » comme je les aime (en gros, on envoie bien mais on sait qu’on ne va pas partir à la faute!!)
Arrive la ligne d’arrivée où Harry et Chauchau me rappellent que je suis le troisième du team « France » et valide ainsi notre victoire par équipe. Je suis content de cela. Content aussi de ma course de manière globale même si j’aurais aimé finir les Championnat de France un mois plus tôt, ce qui m’aurait probablement aidé à être dans une forme un peu meilleure (cette course devait me servir dans ma prépa car j’étais arrivé à l’automne avec beaucoup de fraîcheur). Disons qu’avec les jambes du jour, il était difficile de faire beaucoup mieux et que j’ai eu la chance bien vivre la course et de bien profiter de ma condition, ce qui n’est déjà pas si mal même si j’espérais mieux en début d’automne… Étant donné le monde qu’il y a devant et derrière, je ne peux avoir de regrets démesurés. Nous gagnons le match international avec le team France, ce qui est une belle récompense. Sissi terminera 14ème chez les filles et je suis très heureux de l’accueillir à l’arrivée pour sa première sur l’épreuve. Elle aura défendu son beefteack avec ferveur… Très fier d’elle !
Finalement, la journée se termine avec les podiums du match international, puis une bonne bière avec le staff et le team ASICS, qui ont été au top aujourd’hui. Malgré l’abandon d’Arnaud, qui a tout donné mais très déçu, Lambert fait une belle course également, il n’y a donc rien à regretter. Tout le monde a mouillé le maillot. Reste maintenant à bien se reposer et à repartir pour le dernier gros objectif de la saison: la SAINTELYON.
Ça commence par quelques heures de voiture pour rejoindre la montagne où nous partons nous régénérer 4 jours avec Sissi et où un gros caillou nous attend ! 😉
Emmanuel GAULT
>> Les résultats du trail des Templiers