Bon les Templiers, c’était un peu l’objectif de fin de saison et ceci à double titre, puisque j’avais envie d’y faire une course pleine et surtout de le finir … dans l’optique de clore la trilogie de la revanche des abandons de 2014 avec le Gruissan Phoebus Trail, Luchon Aneto Trail et donc la grande course des Templiers).
Jusqu’à début octobre j’avais réussi à suivre presque à la lettre le plan d’entrainement que je m’étais établi (des semaines chargées avec de la vitesse, une ou deux belles séances en montagne) Bref tout semblait en place. Malheureusement début octobre alors que les séances clefs et mon weekend commando en dénivelé était bien casé, une gêne à l’aine est apparue sans véritable raison. Tout tombe à l’eau. Si proche du but … pffff. Impossible de faire un footing sans être embêté et aucune séance de fractionné (sur plat et encore moins en côte) réalisable. Finalement je vais réussir à caser 300m de D+ en 3 semaines (au lieu des 5000 prévus) … et en mode marche s’il vous plait et donc avec un kilométrage quasi ridicule ! Et dire que j’avais posé des RTT pour l’occasion. Râlant mais ce n’est pas la mort non plus.
Malgré ce coup du sort, j’essaye donc de relativiser sans sombrer dans la déprime. J’essaye d’en parler le moins possible pour ne pas y penser tout simplement, en espérant aussi que ça passe aussi rapidement que cela est venu. Peine perdue ! Du coup j’annule aussi le weekend familial qui était prévu … car je sens que je n’aurais vraiment pas besoin d’assistance, que je ne vais pas pouvoir jouer le classement que j’espérais … et surtout que je risque (au mieux) d’y passer beaucoup de temps. Bref pas envie de leur faire subir ma déchéance et d’être tenté par un abandon facile sous prétexte de leur éviter une attente interminable.
J’arrive donc seul le samedi après-midi à Millau. Je passe au salon que je traverse d’une traite pour prendre mon dossard puis récupérer la dotation coureur. Là belle surprise, on a droit à un magnifique coupe vent (de bonne facture et surtout assez design … que je porterais assurément de temps en temps… ), un buff et des manchettes, le tout estampillé Templiers. Ça le fait … et aussi une boite de pâté en bonus ! (Le monsieur dit qu’il ne voit pas le rapport !). Quelques bonjours ici ou là, je regarde quelques arrivées des courses de l’aprèm et je file à l’hôtel. Jusqu’au matin même l’incertitude à prendre le départ demeure … mais après un bon petit déj (un peu tardif) et un bon bain, je mets les voiles en tenue de combat. De toute façon l’envie était vraiment trop forte avec un dossard qui ne demandait qu’à prendre l’air. C’est donc avec 300m de D+ dans les jambes sur les 3 dernières semaines précédant les Templiers et surtout avec l’incertitude de pouvoir courir que je prends le départ. Quand on est c… ! Bref je ne fais pas le malin mais je crois encore au miracle et puis l’entrainement du reste de la saison a été bon donc on ne sait jamais.
Toujours aussi grandiose ce départ avec un spectacle son et lumière digne des plus grands concerts. Y’a pas à dire, on sait y faire dans le coin. Finalement ça ne part très vite … en tout cas moins que l’année dernière, entre 15 et 16km/h malgré la présence des teams du 4 coin du monde (Américains, japonais, sud africains, et j’en passe). L’euphorie du départ aidant, ma gêne est supportable et cerise sur le gâteau je ne suis pas largué sur cette première portion bitumée qui, après 3km, monte petit à petit.
Puis après 5km vient le premier mur, il est vraiment raide sur certaine section. Je laisse un peu partir. Je sais qu’il est trop tôt pour envoyer surtout qu’après vient une longue portion roulante et que je ne sais pas si j’en serais capable. Mes sensations ne sont pas terribles mais je suis heureux de pouvoir courir presque sans encombre. Au bout de 10km, alors que je rate un virage, je suis à 2 doigts de me vautrer. Je me rattrape au dernier moment avec la main et je me tords le petit doigt. Cette anecdote va m’être presque bénéfice puisque en focalisant sur mon doigt qui a doublé de volume, j’oublie enfin ma gêne et ma foulée est enfin plus fluide. En fait en allongeant ma foulée, la gêne est moindre. Alors je m’exécute, on verra bien où ça me mène. Bon forcément j’ai compensé mon problème de droite sur le coté gauche et au bout de 15km de course j’ai déjà la cuisse gauche qui se raidit. La crampe n’est pas loin. Finalement avec 2 gels antioxydants bien placés, j’arrive à prévenir ce risque là … et je remonte petit à petit.
Le tracé a évolué depuis l’année dernière avec plus de singles et de relances. Une belle section a d’ailleurs été ouverte avant d’arriver à Peyreleau. C’est top, mais j’ai aussi l’impression que l’on fait plus de bornes. Toujours autant de monde sur ce ravito. De quoi s’y perdre un peu. Ce sera d’ailleurs mon seul bémol niveau organisation, car sur les ravitos autant ceux des teams sont bien faits et bien annoncés et en bordure de parcours, autant ceux des « pouilleux » comme moi sont un peu en retrait ou pas forcément clairs. Du coup sur 2 ravitos j’ai du faire des allers-retours pour trouver mon bonheur … par contre quel choix !!! De quoi vous faire saliver à chaque passage !
Petit à petit le soleil se lève pour entamer la deuxième grosse ascension du jour qui est moins raide mais plus irrégulière et plus technique.
Le ciel est encore voilé mais le temps est idéal pour courir. Au km30 environ je reviens quasiment sur un groupe de 8 personnes dont un paquet de favoris qui jouent assurément le classement général mais semblent un peu dans une course d’attente. Finalement je pousse l’aberration du jour jusqu’à me retrouver 14ème au km45 au village La Roque Sainte Marguerite, alors que je n’ai pas de sensations (entendez là ni bonne, ni mauvaise) car vraiment sans repère. Pourtant sur cette première partie de course j’ai eu l’impression de moins puisé que l’année dernière et pourtant de me retrouver mieux placé … sentiment bizarre ! Mais vient l’heure du « Money Time » puisque s’annoncent moins de zones roulantes. Je sens que mes limites du jour ne sont pas loin car les voyants commencent à clignoter jaune-orangé un peu partout.
Alex Nichols (qui était juste derrière moi) file dans la bosse qui suit. Il me laisse sur place. Et il ne sera pas le seul … de toute façon je commence à réduire l’allure car je veux à tout prix rallier l’arrivée. Et l’année dernière en 3km à peine j’étais passé du stade « ça peut encore aller » à « bon pour la casse ». Pas question de refaire la même ! J’en profite du coup pour mieux apprécier le décor et puis c’est la partie que je ne connais pas (d’autant plus que je ne fais jamais de reco). Bref je découvre à 100%. En fait j’en prends plein les yeux ! Que du bonheur qui me fait relativiser mon état de fraicheur et de forme. Les causses ont revêtu un manteau automnal sublime qui leur va à ravir. Du vert, du jaune, du orange et tant de variantes ! Le contraste avec la couleur blanche et grise de la roche est sublime.
Malgré mon rythme qui est de plus en plus proche de la randonnée, je reste étonnamment longtemps dans le top 25 … mais mon classement n’est plus ma priorité. Je veux franchir la ligne d’arrivée coute que coute pour finir ma saison en ayant rempli mon objectif principal … je fais donc tout pour avoir mon cadeau finisher ! J’ai une grosse période à vide ou je marche le plus clair de mon temps. Ça me semble durer une éternité. Et finalement c’est lorsque la première féminine me double que je me re-décide à faire le forcing … ou plutôt faire un peu de footing. Pas pour la doubler mais par curiosité, pour voir comment ça court. En fait j’assiste sans le savoir au tirage de bourre entre les 2 premières: la suissesse Jasmin Nunige et l’anglaise Ellie Greenwood pour ne pas les citer. La passation de pouvoir n’est d’ailleurs pas loin. Et j’ai du mal à les suivre mais cela a le don de relancer un peu la machine. Je positive en me disant que du coup ma galère va peut-être durer moins longtemps. Entre temps un soleil généreux a fait son apparition rendant les panoramas encore plus beaux. Et ici les panoramas c’est vraiment pas ce qu’il manque ! Toujours autant de singles et de changement de rythme et des endroits magiques et sauvages. Je me sens privilégié.
A partir du km60, les montées et les descentes sont plus abruptes et surtout le revêtement est moins évident. La terre est poussiéreuse et très meuble voir gravillonneuse. Mes adizero boston vont d’ailleurs y passer, accrochées par une roche un peu fourbe. Bref la chaussure gauche est bien éventrée et du coup j’ai le pied qui ne tient plus à l’intérieur. En tous cas c’est ce type de surface qui rend le final si délicat. Je crois que j’atteins le comble de la lenteur dans cette descente. Il faut dire aussi que les descentes deviennent encore plus compliquées … et que j’avais en plus les quadris bien entamés depuis un moment. Autant jusqu’ici des running classiques pouvaient passer, autant sur ce final, une meilleure accroche aurait été la bienvenue. Et finalement c’est en montée que je limite presque la casse. Ce qui ne m’empêche pas de rétrograder inexorablement. Je vais bien profiter du dernier gros ravito de la ferme du Cade en tombant notamment dans le Roquefort … histoire de faire honneur aux produits locaux. Il faut dire que j’avais envie de salé depuis un moment. On prend le temps de blaguer entre concurrents. Ça fait du bien aussi. Un peu plus loin on replonge dans une descente vertigineuse que je fais majoritairement en marchant. Il fait beau et la vue depuis ces singles en balcon est énorme.
Le final de la dernière montée vers le Pouncho d’Agast est en fait de l’escalade avec une belle ambiance à l’approche du sommet. Ça fait chaud un cœur. La dernière descente vers l’arrivée va être difficile musculairement avec toujours ma chaussure qui va donc malheureusement finir à la poubelle … J’y laisse encore des places et d’ailleurs dans mon excès de galanterie du jour, je vais laisser passer la 3ème féminine Anne Lise Rousset … et me concernant je finis …. 43ème après 76,8km et donc pas loin de 3500m de D+. Je suis vraiment trop heureux d’avoir franchi cette ligne d’arrivée, et je n’ai aucun regret sur ma course. J’aurais juste aimé finir ma prépa mais ça ce sera pour une autre fois, c’est quasi certain. J’ai mal partout mais j’ai fait vraiment attention à ne pas me blesser donc tout va bien (hormis mon petit doigt de toutes les couleurs, et un ongle de pied en moins). Bonus du jour, j’ai encore des cadeaux en arrivant (on en finit jamais ici) avec une médaille de finisher, une plaque pour mon top 100 (bref des attrape-poussières 😉 ) mais aussi un haut manche longue qui a de la gueule (lui aussi je risque de le porter) … finalement il ne manquait plus que le short pour avoir une tenue complète ! Euh, et des chaussures c’est possible ?
Forcément une légère déception de n’avoir pas pu faire mon planning jusqu’à son terme histoire de me sentir bien armé le jour J, mais un vrai plaisir de parcourir ces superbes sentiers et une vraie fierté d’avoir franchi cette ligne malgré mes doutes et mes grosse difficultés de « fin » de course. Le contrat de ma saison est rempli en ayant été finisher des 3 courses qui m’avaient fait « défaut » l’année dernière. On va pouvoir passer à autre chose désormais. Déjà de la récup et un peu de repos ….puisqu’avec toutes les courbatures que j’ai désormais, ma gêne de ces dernières semaines est quasi silencieuse … mais aussi un peu de bière et de nutella pour refaire les niveaux (mes seuls points communs avec le stratosphérique vainqueur du jour, Benoit Cori). Je pense aussi que l’envie de revenir ici sera encore d’actualité dans les années à venir … mais cette saison m’a encore plus convaincu du fait que le format « 70km » est le format le plus long vers lequel je souhaite aller … sans être rebuté. Tout simplement car il correspond à la limite de mes facultés physiques, de mon équilibre de vie et de mon tempérament … et que c’est un vrai challenge car j’ai encore du pain sur la planche pour progresser et maitriser ce format. Mais quelque chose me dit qu’on va s’en contenter !
Nicolas MIQUEL
Crédit photo : Yann Illhardoy