Le podologue de u-run, Philippe Prido, nous a contacté pour savoir ce que nous pensions du minimalisme et savoir pourquoi cette façon de courir était rarement évoquée sur u-run. Nous lui avons répondu que nous avions notre avis personnel qui n’engageait ni la rédaction de u-run, ni i-run et qu’il ne fallait pas mélanger les casquettes : il y a d’un côté l’avis et les connaissances de chaque rédacteur au sujet du minimalisme et de l’autre, la voix officielle du blog et de la boutique en ligne, qui n’est ni pour, ni contre.
Le podologue de u-run, Philippe Prido, l’a très bien compris et c’est bien en sa qualité d’expert qu’il nous a proposé son analyse que nous publions telle quelle.
Pour résumer la pensée de Phlippe Prido voilà ce que nous pouvons dire sur le minimalisme :
Il est vrai que l’homme, depuis des milliers d’années s’est déplacé sans chaussures et que le pied est un ensemble aux fonctions multiples et complexes et il est indéniable que le port de la chaussure dissipe un grand nombre d’informations. Néanmoins, notre environnement a changé depuis ces milliers d’années, l’environnement est devenu hostile à la pratique du barefoot, notre épiderme est devenu lisse et fragile.
La pratique du barefoot peut convenir aux personnes ayant une marche « normale » et aux runners soucieux d’améliorer leur foulée par des exercices complémentaires, à plat, sur distances modérées, et en compétition.
Enfin, il est indéniable que depuis que cette nouvelle façon de courir a vu le jour les marques présentent de plus en plus de modèles innovants et que chacun peut y trouver son compte. Nous vous présenterons demain les différents modèles « minimalistes friendly » en vente sur i-run.
Maintenant, pour en savoir plus, nous vous laissons lire le dossier de Philippe Prido.
Le Minimalisme mode ou nouvelle orientation pour la conception de chaussures ?
Le mouvement minimaliste qui s’est développé aux Etats-Unis depuis plusieurs années semble vouloir s’implanter en France depuis 2 ans. Aux vues des forums se déchainant sur le net avec des réactions très tranchées des antis et ultras je pense qu’un peu de mesure et de recul s’imposent pour essayer de se faire une idée objective
Podologue et runner depuis des années je vais essayer d’apporter quelques réponses objectives pour que chacun puisse faire son choix
Tout d abord il faut revenir aux considérations anatomiques et biomécaniques de base
Le pied a un rôle fondamental de support, d’amortissement et d’aptitude à nous renseigner sur le monde extérieur.
La complexité anatomique de 26 os soit, pour les deux pieds, le quart de ceux composant l’ensemble du squelette – 16 articulations, 107 ligaments qui tiennent ces dernières et 20 muscles qui permettent au cerveau de commander leurs mouvements. De plus, sa plante est, avec le bout des doigts, la région du corps la plus riche en terminaisons nerveuses. Enfin, le pied est, avec les aisselles et la paume des mains, la zone contenant le plus de glandes sudoripares(permettant la régulation thermique par la transpiration).
Il supporte tout le poids du corps sur sept points d’appui : le talon qui porte deux tiers du poids total lors de la marche, le métatarse et la pulpe des cinq orteils. Au cours de la marche, le pied s’allonge en moyenne de 6,6 mm.
Devant un exemple architectural de cet ampleur, il faut connaitre ses pieds pour éviter des erreurs qui pourraient les affecter durablement et de manière irréversible. C’est pourquoi je me suis permis d’intervenir sur le sujet sachant que la polémique est rude.
Tout d’abord il faut savoir et personne n’en doute que depuis des milliers d’années l’homme s’est déplacé sans chaussures, l’adaptation anatomique lui a permis de se mouvoir ainsi. Il existe au niveau et du pied et (aussi de la main) des capteurs sensoriels qui nous permettent de pouvoir ressentir le chaud, le froid, et qui nous renseignent sur la nature du terrain, sa pente. On pourrait penser que la chaussure actuelle inhibe ces capteurs et il vrai que l’interface créée par la chaussure dissipe un certain nombre d’informations.
Dans le même sens de raisonnement, il faut savoir que l’onde choc créée par l’impact du talon au sol permet de renforcer la trame osseuse et par ce biais fortifie les os des membres inférieurs. Une absence d’appuis crée une déminéralisation osseuse qui est constatée dans les vols orbitaux de longue durée.
Donc a priori ces deux observations tenteraient de nous orienter sur le fait que courir dans des conditions les plus naturelles se révélerait un atout. Or il faut modérer l’optimisme car courir en barefoot se révèle peu adapté à notre environnement fait de morceaux de verre, gravillons et aux objets jonchant les sols de nos rues et pouvant se révéler traumatisant et dangereux par les plaies dermiques occasionnées.
Notre épiderme avec le temps s’est adapté au port de chaussures et la formation de cette kératose ou corne naturelle de protection s’est au fil du temps réduite pour laisser un épiderme très lisse et fragile. Seules subsistent des plaques de couches cornées aux endroits d’hyper appuis et dans ce cas elles deviennent pathogènes car elles témoignent d’appuis révélant des troubles statiques.
En ce qui concerne la nécessité de l’appui et de la contrainte mécanique de l’onde de choc, là encore nous devons mettre un bémol car si elle est bénéfique à dose modérée le martèlement perpétuel accentué par la vitesse de déplacement fait apparaitre des pathologies d’effort au niveau du pied lui-même mais aussi au niveau du dos qui encaisse à chaque pas une onde de choc répétitive et peu adaptée à notre morphologie. Car il faut bien voir que la réception du pied ne se fait pas sur le masse corporelle de la personne mais il faut multiplier cela par l accélération et en arrive à des forces de plusieurs dizaine de kilos par cm2 et ce à chaque pas pendant plusieurs heures dans le cas de courses longues
Le dernier point sur lequel j’insisterai est que si la marche est un mouvement acquît depuis l’enfance et donc le plus naturel qui soit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de personnes éprouvent des difficultés à avoir une marche « normale »et ce quel que soit l’âge. Des particularités morphologiques font que le pied peut être trop laxe et ou trop rigide ce qui amène des contraintes mécaniques s’adaptant très mal à une marche pied nus.
Petite parenthèse concernant la démarche à la course et dans la lignée du mouvement minimaliste : certains prônent une attaque du pas sur l’avant pied pour limiter l’impact du talon au sol. Ceci est pour moi aussi une aberration et ce pour deux raisons :
– la première est que le pied n’a pas la capacité morphologique pour encaisser de manière permanente de telles contraintes mécaniques
– la deuxième est que l’on ne peut maitriser sa foulée de manière constante car si on peut acquérir et améliorer un geste sportif comme faire un virage en ski ou un drive au golf on aura beaucoup de mal à changer une habitude acquise depuis la plus tendre enfance de manière naturelle et elle-même issue de notre sens inné du déplacement par réflexe conditionné.
J’ai pour l’ instant parlé du mouvement minimaliste et de la volonté de courir naturellement sans contraintes avec ses avantages et ses inconvénients; et pour résumer tout cela je dirai que le milieu le plus adapté à ces conditions et à la pratique de running se situe en bord de plage juste à l endroit où les vagues viennent mourir et où le sable est encore mou (encore faudra t il choisir un endroit sûr pour éviter tout objet contendant).
Je terminerai par le fait que ce courant minimaliste a permis aux concepteurs de chaussures de sport de trouver un concept à mi chemin entre le barefoot et la chaussure de running traditionnelle. Le gros avantage sera indiscutablement le poids qui par sa légèreté permet de pas sentir de véritable carcan et permet de garder une sensibilité plus fine du terrain. Le deuxième avantage et non des moindres est le côté très respirant qui permet de limiter les désagréments d’une sudation excessive.
L’interface entre le pied et le sol créée par cette chaussure permet de limiter l’impact des appuis et protège le pied.
Pour être complet sur le sujet je pense qu’il faut tout d’abord savoir si la démarche est adaptée; et la, une étude dynamique s’impose chez un podologue équipé de piste de marche et de course pour être sûr de profiter au maximum de ce type de chaussure.
Pour ma part je pense qu’il doit s agir d’un chaussage de complément qui peut s’utiliser dès que les conditions le permettent, c’est à dire : à plat, sur distances modérées, et en compétition.
Je laisse chacun se faire une idée et choisir la meilleure chaussure, la plus adaptée à sa morphologie, sa position de course, le choix du terrain. Ces vingt dernières années ont vu l’émergence de modèles de plus en plus aboutis sur le plan technique et je pense que les années futures nous donneront l’occasion encore d’innover pour rendre la pratique du running encore plus attractive.
Philippe PRIDO