Il fait encore nuit quand, vers 7h30 sur la pointe Nord de l’île d’Arz, le premier swimrun d’envergure en France démarre. Ce Troll Enez Morbihan voit une centaine de binômes s’affronter sur 42 km de course à pied et 6km de natation. Le terrain de jeu morbihannais collant, a priori, parfaitement à l’esprit Ö TILL Ö (littéralement d’îles en îles en suédois).
Cette discipline en plein boom (swimrun) est déjà bien démocratisée en Suède et plus généralement dans les pays nordiques. L’engouement sur les inscriptions démontre, si besoin en était, la demande croissante côté français pour ce type d’effort particulier. Après une course ô combien frustrante, au mois de juillet dernier, avec mon acolyte Johan du côté de la vallée d’Engadin (Engadin swimrun), nous venons sur cette course avec un esprit revanchard et toujours (forcément) avec beaucoup d’ambitions. Même si Johan court le marathon d’Amsterdam 15 jours plus tard (objectif -2h35 !) et même si de mon côté, à M+1 de ma superbe perf’ sur l’Ironman de Vichy, j’ai un légitime coup de moins bien physio-psychologique c’est tout simplement la gagne qui nous intéresse.
« On part à ± 4’30/km, hein Yo ??? » Tu parles ! Il a suffi qu’une équipe parte au taquet pour que notre duo -team N°90- leur emboîte le pas. Résultat, un bon kilomètre à ± 3’45/km. Aaaah … nous sommes décidément incorrigibles ! Ensuite ça se stabilise autour de 15 à l’heure sur ce premier tronçon pédestre long de 6,5km. Résultat, comme à l’Engadin, nous sommes les premiers à goûter à l’eau fraîche du golfe. Nous ne voyons pas bien l’oriflamme quelques 750m plus loin mais un kayak est là pour nous guider donc pas de problème !
Si à pied Yo est plus costaud (là versus Engadin il me le démontre bien ;)), dans l’eau, conformément à ses craintes, il est un ton en dessous. Du coup, dès la 2ème session natation, nous décidons d’utiliser la corde que nous avions emmenée dans nos poches. La découverte du tractage aquatique de mon Johan est une belle révélation : -Un – la corde se ressent à peine et ai l’impression de nager à un rythme soutenu et souhaité et –Deux- et bien nous avançons plus rapidement et de mon côté m’empêche un refroidissement accéléré. En sortant de cette seconde natation, avec quelques mètres d’avance sur 2 autres duos et avant d’attaquer la plus longue portion de course à pied (14km), nous prenons le temps, après 1h10 d’effort, de bien nous ravitailler et ôter le haut de notre combinaison néoprène.
A priori nous sommes les seuls sur le devant de la course à faire cela et c’est vraiment étonnant. Bref, chacun sa stratégie, en tous cas pour Yo et moi c’est carrément mieux. Ainsi, après une plus longue transition que les autres, nous reprenons la tête de course sur le début de ce long segment. Ça court vite d’ailleurs, c’est hyper grisant d’évoluer dans ce cadre magnifique, d’ouvrir la route sur ces singles tortueux …. Malheureusement, avant même les 2h de course, et sans qu’il n’y ait eu la moindre alerte préalable mon mollet gauche se contracte plus qu’il ne faut ! Et BIM : reprends-toi en pleine tronche les souvenirs de l’Engadin. Après un arrêt d’une fraction de secondes afin de remettre en place mes manchons aux mollets consigne est donnée à Johan de reprendre en ton en dessous. Finalement ce mollet n’ira pas s’hyper contracter au point de m’empêcher de courir. Seulement il me fera boitiller tout le reste de la course, me fera de belles frayeurs parfois sur quelques appuis sans doute inhabituels.
C’est donc avec un air largement moins joyeux que nous parvenons tout de même au bout de ces 14km, toujours en tête. Maintenant nous attends un enchainement de 4 sections natation d’un total de 3200m entrecoupées par 3 minuscules, mais scabreuses, sections course à pied (total 900m). Le vent s’est levé et à cet endroit du golfe du Morbihan des creux importants se forment. Si on y ajoute un courant parfois contraire et/ou déviant on peut dire que c’est tout sauf une partie de plaisir à ce moment là ! Et ce d’autant plus, qu’alors que nous étions au coude à coude avec un autre duo (Team 39 – futur vainqueur) et sur lequel –chose nouvelle– nous reprenions du terrain dans l’eau, ce saligaud de mousqueton me liant à mon Yo décide de nous abandonner !
Évidemment nous sommes au premier tiers de la plus longue natation (1500m) et les conditions sont difficiles. C’est là que j’ai pu constater à quel point le tractage était important et efficace. La team 39 se fait la malle, Yo dérive à tribord et moi j’m’énerve (tiens ça faisait longtemps !!) car j’ai froid, le mollet gauche est en vrac et les ischios crampent en allant ramener Yo dans le droit chemin. Bref … c’est la loose, c’est l’horreur !!! Pour ne rien arranger, comme dit plus haut, les courtes portions de course à pied sont si accidentées qu’il n’est même pas possible de courir. Rochers glissants et/ou coupants, sable, pieds dans l’eau à hauteur de cheville. Là pour le coup nous nous serions crus sans souci sur une portion du célèbre Ö TILL Ö.
Avant la dernière portion de natation (1000m) de ce difficile enchainement nous avons en point de mire le duo de tête. Ils doivent avoir 2-3’ d’avance. Yo bidouille la corde et arrive à nous attacher l’un à l’autre. Et enfin nous pouvons à nouveau nager correctement ! Derrière c’est 3,5km de CAP où ce n’est toujours pas évident de courir par moment. Tous les 2 nous avons froid ; nous ne sentons plus nos pieds. Tout en restant vigilant sur le mollet et sans trop forcer, j’en reste pas moins un compétiteur, nous scrutons quand même devant nous mais point de Team39 à l’horizon ! C’est après une nouvelle natation à travers les plaisanciers, et en arrivant sur la presqu’île de Conleau, où les spectateurs sont bien nombreux, que l’on nous annonce les leaders à 7’ ! Alors là nous sommes sur le C** !! Devant cette incrédulité on nous dit alors « euuuh … 5’ peut-être ??? » ;))
Bref, de toute façon le juge de paix arrive maintenant ! Un peu moins de 10km roulant, en passant dans le centre de Vannes, c’est à quitte ou double pour le mollet ! Je suis déçu mais déçu vous ne pouvez pas savoir à ce moment là. La veille je nous imaginais bien sur cette portion avec Yo, au pire à la bagarre, au mieux en tête de ce swimrun fiers et frais comme des gardons ou presque. C’est aussi que ma femme et mon p’tit garçon doivent être là, quelque part dans Vannes, pour nous encourager. Et moi je vais montrer une image d’un gars traînant la patte, d’un boulet pour Yo ;((
J’essaye bien de mettre un peu plus de rythme mais le mollet ne veut décidément pas. En plus musculairement, d’une manière plus globale, ce n’est évidemment pas le top donc c’est difficile à tout point de vue. Et puis alors quand je m’aperçois que nous sommes en avance sur les temps de passage estimés et que ma femme ne sera certainement pas présente c’est un gros coup au moral. Et là, c’est toute la beauté d’une course en duo, c’est aussi pour ça que j’aime le swimrun, Johan trouve les mots pour me booster, il me porte psychologiquement. Je n’irais pas jusqu’à dire que seul j’aurais abandonné mais j’aurais sans aucun doute lâché un peu plus et trouver tout cela encore bien plus difficile que ce ne l’était déjà !
Là ce qui m’importe c’est de me battre, tant que ce foutu mollet voudra bien, pour cette 2ème place. Et ce n’est pas gagné car, au gré du parcours urbain, nous avons pu constater que nos poursuivants étaient peut-être à 5-6’ derrière. Confiant Yo, à moins que ce ne soit encore une façon de me booster, je le suis beaucoup moins car je sens que j’avance de moins en moins vite. Une dernière natation, la plus fraîche à mon goût (16°C), de 900m qui à la rigueur me fait du bien aussi bien physiquement que mentalement et c’est enfin le dernier tronçon de course à pied. La famille est là, enfin, à moins d’un km du but afin de finir plus sereinement.
Pas d’explosion, juste ravi d’en avoir terminé à une honorable seconde place (4h55). Ceci dit c’est largement la déception qui prédomine. A froid le sentiment n’a pas bougé d’une once même si j’essaie de positiver avec notamment la satisfaction de ne pas m’être blessé gravement. C’est juste une grosse contracture et en une bonne dizaine de jours c’est réglé ;).
Là aussi si besoin en était nous avons encore la preuve avec Johan que nous sommes accrocs à cette discipline. Même si je n’ai pas connu les débuts du triathlon j’ai l’impression de retrouver l’esprit qu’il pouvait (peut-être ???) y avoir dans les années 80-90. Des pionniers de la discipline où tout est à faire ou presque en terme de matériel, gestion et préparation. J’avais du mal à trouver le pourquoi du comment de cet attrait pour le swimrun mais nul doute qu’il est à chercher de ce côté-là.
Christophe NOCLAIN-athlète i-Run.fr
Résultats : Troll Enez Morbihan
Photos : organisatin
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