Julien Jorro, athlète du team « Garmin Adventure », prend le départ de l’Ultra Pirineu le Week end dernier, avec l’objectif d’entrer dans le top 20. Réaliste mais ambitieux, puisque le plateau annoncé sur cette dernière manche de Coupe du Monde de skyrunning est international.
Pour rappel, le menu du jour : 110km et 6700m D+ sur le massif CADI-MOIXERO face à Font Romeu. Il nous raconte son périple ici.
« Le gros favoris, le phénomène catalan, Kilian JORNET (team SALOMON) a été au rendez-vous puisqu’il décroche la première place en 12h03. Suivent ensuite, Zaid Ait Malek (Team BUFF) (12h12’18 ») et Miguel Angel Heras (Team SALOMON) (12h20’33 »). Chez les filles c’est Emelie Forsberg (la compagne de Kilian) qui gagne en 13h39 juste devant la Népalaise MIRA RAI 13h45 et Nuria PICAS (14h13). A la suite d’autres grands noms du trail se sont cassés les dents sur ce parcours difficile mais malgré tout rapide. Sans les citer, une dizaine des meilleurs coureurs mondiaux étaient présents.
De mon côté, modestement inscrit, je rêvais avant le départ de décrocher un top 20. Il m’avait échappé à l’autre manche de Coupe du Monde que je disputais en mai aux Canaries (La transvulcania). J’avais envie de valider ma forme de cette année qui m’a permis quand même de remplir de belles lignes sur mon palmarès. Mais même un top 20 dans une course de ce niveau est plus prestigieuse que bon nombre de mes podiums.
C’est devant une foule monumentale que le départ a été donné à 7h en ce samedi matin à BAGA, petit village médiéval du nord de la Catalogne. Nous étions 1000 amassés sur la ligne de départ. Une fois le départ donné je me suis placé dans les 20 premiers pour avoir une place de choix au moment d’entamer les premières rampes de cette course à la sortie de la ville. Sans faire l’effort de trop, j’ai accroché le deuxième wagon. Il y a avec moi notamment l’espagnol qui a fait 2e de l’UTMB (Tour du Mont Blanc) Luis Alberto Hernando (Team Adidas).
La foule que l’on croise est en délire à son passage. Je profite donc de cet engouement. En haut du premier sommet des centaines de personnes amassées là nous font une haie d’honneur et nous HURLENT dessus pour nous encourager. J’ai des frissons c’est vraiment comme au Tour de France dans les cols. L’hélicoptère de l’organisation survole le sommet pour filmer le déroulement de la course. On est sur un GROS GROS évènement !
km40 : On entame le 2e tiers de course et il faut être frais. Trois grosses montées nous attendent. Au 40ekm, au premier gros ravitaillement, mon assistance est là pour que je ne perde pas de temps. En 1min30, j’ai rechargé mon sac, j’ai mangé et mis ma casquette et lunettes de soleil et je prends mes bâtons. Il est presque 11h30 et ça chauffe dehors. Je suis dans les 18-20e. Toujours bien. J’entame la remontée sur le massif. Au sommet il y a toujours autant de monde. En fait les gens sont partout et sont déchainés ! Vers 2500m au 60ekm je sens l’altitude peser sur mon corps. je gère, m’alimente régulièrement.
Dans une petite descente je me fais « déposer » par les trois filles (qui formeront le podium)… normal il s’agit des meilleures mondiales et en plus la particularité de l’ultra trail c’est que les niveaux homme femme sont presque lissés par la durée de l’effort. Les femmes ont quasiment les mêmes capacités de résistance et d’allure dans ce type d’épreuves à vitesse modérée.
KM74 : Une grosse descente plus tard et nous sommes à la 2e base de vie où mon assistance est là. Ce qui est dur avec cette course c’est qu’il faut descendre à fond pour ne pas se faire distancer alors qu’en général dans les ultra trail ça court moins vite…. Aujourd’hui « pas de cadeaux !!! » Là aussi comme en F1, je change de pneus (de chaussures et chaussettes), me ravitaille… bref tout en moins de 2min car les places sont chères. Je suis 21e mais derrière les gars ne sont pas du tout loin. Dernier tiers. C’est dur il est presque 16h30, ça chauffe et les kilomètres pèsent.
Entre le 80e et 85ekm je prends une belle « feuille »… un coup de moins bien lié à une hypoglycémie. Comme quoi on est jamais à l’abri. Je mange, continue mon avancée en restant tranquille. Je sais que la forme va revenir. Un gars me double, je suis 22e. km90 : Après un point de ravitaillement et une descente périlleuse dans un pierrier très raide, je sens que la forme revient. Il reste 20km et 1500m de dénivelé à avaler, c’est jouable. Je peux reprendre des coureurs pour rentrer dans mon top 20…
Je relance la machine, j’utilise mes bras avec les bâtons. je suis bien. Au km 92 j’en rattrape un. Je ne lui laisse aucune chance et le dépose en accélérant. Je serre les dents et il lâche prise. km96 juste avant la dernière grosse montée je reviens sur le 20e. Génial, je suis survolté. Nous sommes dans un ravito et je décide de jouer et de ne pas m’arrêter. Je le double et accélère dans une portion plutôt plate. Grosse montée dans des gorges magnifiques mais raides. Je fais le breack. Il ne revient pas. km100 c’est presque la fin, une petite descente, une petite montée et grosse descente sur l’arrivée. J’en remets une couche.
La nuit commence à tomber et j’allume ma frontale. Je vois au loin (mais à 2 ou 3 min pas plus) mon poursuivant. Je ne dois rien lâcher car il pourrait revenir. Je connais un peu cette portion pour avoir couru en Aout le Trail del Moixero qui m’avait servi de préparation mais aussi de séance de reconnaissance. Et ça me sert !! je connais les 10 derniers km! Je relance, je prends quelques risques dans la descente mais mes jambes répondent bien. J’arrive en haut du « coup de cul ». C’est presque fini. 7km à faire… La descente est raide mais pas technique. Je déroule à 16 à l’heure. Sur une portion de route je me permets de relancer à 17. Je sais que là quand même personne peut revenir à cette allure.
Derniers kilomètres : je rentre dans BAGA, la foule est amassée partout, il est 21h10 et il y a beaucoup mais beaucoup de monde ! Ils m’encouragent, c’est mon moment ! JE tape dans les mains, les gens la tendent. C’est magique ! J’arrive sur l’aire d’arrivée et c’est LA grosse émotion, je suis vidé mais heureux ! je suis 20e ! Mission accomplie, top 20 d’une manche de coupe du Monde. C’est symbolique mais tellement bon ! Je termine les 110km et 6700m D+ en 14h15. »
Merci Julien pour le partage, et bravo !
>> Pour les résultats complets : ULTRA PIRINEU 2015