Les réseaux sociaux s’enflamment très vite. Ce que l’on peut entendre quand quelqu’un donne son avis dans une discussion est pris sur les réseaux comme une fronde contre sa personne. Sortez, respirez ! Les gens ont le droit de donner leur avis, même s’il est différent du votre.
Il y a eu ces derniers temps des articles parus sur la pratique de l’ultra, vous savez ces trails aux distances et aux dénivelés importants. Ils indiquaient en somme que l’ultra pouvait accélérer l’usure physique car des efforts aussi longs et aussi durs pour l’organisme sont mauvais à moyen ou long terme. Même à court terme vu l’état physique de certains arrivants au bout de leur périple. Bref, tenter de comprendre pourquoi on pouvait s’infliger ça semble leur être compliqué, car la course à pied, c’est surtout du plaisir. Des efforts plus qu’exigeants, qu’une poignée des participants seulement termine. Un investissement financier conséquent, un investissement personnel et familial non négligeable, pour un résultat non garanti.
De l’autre côté, on se défend de pouvoir faire ce que bon nous semble, et que ce dépassement quoi que déraisonnable dépasse souvent la compréhension que l’on peut avoir de l’extérieur car l’aventure est tout d’abord personnelle. Un dépassement de soi pour se prouver des choses à soi-même, libérer ses tensions intérieures, chercher des images et des émotions à travers l’effort. C’est retrouver la liberté, hors du quotidien du travail, retrouver un lien primaire avec la nature car l’effort rappelle que nous sommes « juste » des humains.
Faut-il se ranger d’un côté ou de l’autre ? Chacun se fera son idée, mais d’un côté et de l’autre, il y a des choses à entendre. Entendre dans le sens de comprendre aussi. Il est certain que ce genre d’efforts, quelques fois répétés plusieurs fois dans l’année (voir même enchaînés à un mois d’intervalle) rabote le capital physique et santé. L’organisme régulièrement épuisé et un corps maintes fois abîmé (torsion, chocs, descentes, articulations…) rappelleront sûrement ceux qui abusent de tout cela. On peut remarquer des coureurs comme vieillis par leur pratique, cassés, et ce, au bout de 3 ou 4 ans. On pratique l’ultra depuis la nuit des temps mais on s’y met très rapidement et depuis peu de temps. Certains sont déjà arrêtés et dans l’incapacité de courir. Pour ceux qui tirent sur la corde, il n’y a pas encore assez de recul vu la jeunesse de l’activité. Attention à la santé, c’est un bien si précieux…
Mais les gens sont libres de se gérer comme ils le souhaitent, et quelques fois la liberté a un coût, et ce coût certaines personnes sont prêtes à se l’offrir. L’équipement pour s’offrir la liberté. Le temps, la distance et la difficulté pour se jauger, pour se mettre à l’épreuve. Se vider pour penser, avancer pour les autres, ceux qui vous attendent ou ceux qui vous regardent d’en haut. La nature est là en témoin, vous aide ou vous pèse sur les épaules. On choisit, on se trompe, on agit. On partage une aventure même si l’effort est bien personnel. On cherche la difficulté pour la vaincre. Si l’on perd, on aura essayé. Il faut savoir.
Le débat qui revient : est-ce de la course à pied ? Les défenseurs estiment que l’on n’est pas dans ce domaine là ou du moins qu’il ne faut pas le voir comme tel et ils ont sûrement raison. Les pauses, les moyennes horaires, le milieu, la philosophie, les notions de classement… Bien sûr, il y a des endroits où l’on court, et les premiers sont de véritables fusées et athlètes hors du commun.
Donc quand on aime la course à pied pour la simplicité de pratique (pas de matériel excessif, pas de distances démesurées) et la compétition, la progression personnelle, on n’est pas dans la même philosophie. Le hic, c’est que ces domaines ne sont pas des vases clos et que des gens qui pratiquent l’ultra aiment aussi vérifier leur vitesse, leur progression, doubler des coureurs, se classer etc… Il faut bien comprendre que dans ces pelotons tout le monde est représenté. Aussi bien celui qui vient s’égarer pour mieux se retrouver intérieurement, que celui qui veut remonter dans le classement. Les courses sont de plus en plus organisées, carrées, chères, proposant des services, et le monde du business est présent et l’ultra n’échappe pas aux conséquences.
Donc, où classer l’ultra quand le monde de la course à pied relaie tout ce qui gravite dans et autour de cette pratique ? Rien n’est figé. L’allongement des distances est la tendance, les nouvelles courses fleurissent partout au détriment de la culture classique du cross-piste-route. Est-ce une tendance qui évoluera ? Qu’en sera-t-il de la course à pied dans 10 ans ? Nous le verrons bien.
En tout les cas, chacun est libre, laissons une place pour tous, laissons les gens expérimenter ce qui leur fait envie. Gardons tout de même dans l’esprit de pouvoir dire que certaines choses sont mauvaises car on n’est pas forcément averti ou réaliste, mais le rêve a aussi sa place. Tout près, il y a le cauchemar. C’est la vie ! Sous la lumière ou dans l’ombre, on choisit sa façon d’évoluer.
Mathieu BERTOS
Photo : RunningMag (GRP)