Benjamin Achard faisait partie des heureux gagnants du jeu concours i-Run 6000D La Plagne. En préparation pour la CCC, il a orienté la suite de sa préparation pour arriver en meilleure forme possible ce vendredi 28 août 2015.
C’est avec émotions qu’il franchit cette ligne d’arrivée à Chamonix, avec Aline, sa compagne, après ce périple de 101km … Le récit de leur aventure partagée ici.
« Chez nous, le trail se vit à 2, soit ensemble sur les chemins, soit un qui court, un qui assiste. Nous vous proposons donc un compte rendu à 4 mains, Benjamin sur les sentiers, Aline en voiture.
C comme Chance
Avant les 3C de Courmayeur Champex Chamonix il faudrait ajouter un C comme Chance.
Premier coup de chance. Après une OCC finie à la 45 e place l’année dernière, j’avais coché cette CCC tout en pensant que le tirage au sort me forcerait à attendre 2016. Surprise en janvier, je suis sélectionné pour prendre le départ de Courmayeur en août prochain.
Mais j’ai beaucoup douté. Sciatique en avril et mai, syndrome de l’essaie glace après une maxi race de maxi galère. A mi-juillet, je n’étais absolument pas prêt à affronter ces 100km.
Second coup de chance : grâce à i-Run, je suis tiré au sort pour participer à un stage à La Plagne, en présence de Sylvaine Cussot, Manu Gault et le Team Asics. Ca a littéralement relancé ma saison : les conseils donnés m’ont permis de finir la 6000D sans aucun entrainement, même si j’ai eu beaucoup de courbatures. Remotivé, ma préparation qui a suivi a été brève (reconnaissance du parcours et week-end choc sous une pluie diluvienne à J – 10 seulement), mais j’ai pu être au départ de Courmayeur ce vendredi 29 !
C comme Courmayeur.
Après une très bonne nuit sur place, le démarrage a été tardif : j’arrive à la porte d’entrée d’un sas complet, où je dois attendre 20 minutes pour réussir à me glisser tout au fond. Heureusement, j’ai pu croiser Manu Gault qui me donne de précieux conseils (ne pas paniquer avant Ferret notamment). Et apercevoir Michel Sorine, organisateur de courses qui a eu un grave accident de vélo il y a un an ; le revoir ici, arborant un large sourire pour ce départ, donne beaucoup d’énergie.
C comme C’est la galère
Le départ donné, j’essaye de doubler avant de m’apercevoir, dans les premières pentes, que je ne suis pas si bien. Je sens immédiatement deux contractures aux psoas qui me gênent depuis une semaine. Le cardio monte un peu vite aussi. Et de toutes façons, dans les chemins, c’est à la queue leu leu, donc impossible de choisir son allure. Dans cette pagaille, je me décide tardivement à doubler, affolant le cardio, sur la fin. J’arrive à la Tête de la Tronche en 1h57, soit un peu plus tard que prévu. Je me dis que je vais enfin pouvoir profiter, mais rapidement ma cheville gauche part dans la descente vers Bertone… assez violemment et ça me fait mal. Je continue difficilement à courir, vraiment sceptique pour la suite. Aline va s’en apercevoir à ma tête.
Aline : « La route est fermée donc après quelques demi-tours, m’engage dans un chemin vaguement praticable qui me mènera à bon port. Ne jamais faire l’assistance avec une voiture trop basse ou trop neuve ;). Je pars donc pour mes 700m de D+ fraîche, joyeuse, mais sans eau… Bah oui, j’ai pensé à tout le ravito de Benjamin, mais moi je suis à sec… Ca me motive pour aller vite et rejoindre le refuge avant qu’il ne fasse trop chaud, et avant les premiers de la course, j’ai gagné !
Les 4 premiers passent en trombe, sans un coup d’œil pour le ravit ; les groupes sont denses, et nous ne sommes qu’au début. Je ne lâche pas mon téléphone, visiblement Benjamin a du passer à la tête de la Tronche sans être bipé, ou alors c’est la galère pour lui, pourtant si je le localise… qu’est ce qu’on peut se poser comme question sur le bord de la route !
Je vois passer Sissi qui n’a pas l’air d’être à la fête, mais je sais qu’elle a toujours du mal en début de course, je l’encourage comme je peux, sans avoir le droit d’aider. Benjamin passe quelques minutes plus tard et me signale qu’il s’est tordu la cheville. Evidemment, il a une chevillère dans son sac (en plus du kg de matériel obligatoire), mais pour l’autre pied ! Lui non plus n’a pas l’air très bien, pourtant il part fort normalement. Nous repartons donc chacun de notre côté, et je me met à surveiller de très prêt ses temps de passage. Il se tient à ce qu’il a prévu, à quelques minutes prêt ce qui me rassure un peu. Et puis mon équipe de supporters à distance (mon père et sa mère) se met en action pour nous soutenir ! Direction La Fouly pour moi et une pause repas bien utile.
Au delà des petits bobos, je ne suis pas bien sur ces 3 – 4 premières heures de course. Mal aux jambes, et, surtout, le mental qui pioche. Entre Bertone et Bonatti, je cherche à regarder les Grandes Jorasses pour me rebooster. D’habitude ça marche mais là rien. J’en viens à me demander ce que je fais là. Du coup je me colle derrière un groupe, en me disant qu’à ce compte là je n’ai qu’à abandonner à Arnuva, ou, pour ne pas trop décevoir Aline qui a déjà retraversé le tunnel, à La Fouly. Petit à petit, le groupe devant moi se délite. Certains s’arrêtent à Bonatti. Pas moi. D’autres marchent désormais, je double en continuant à courir sur ces portions roulantes. Beaucoup paraissent cuits alors que moi, j’ai l’impression de ne rien avoir dépensé. Je me dis que ça ne va pas si mal.
J’arrive donc à Arnuva, mais je pioche dans le ravitaillement niveau coordination (remplir la poche à eau, préparer ma boisson énergétique dans les flasques, manger un peu) perdant beaucoup de temps.
C comme C’est (enfin) parti
Grand Col ferret : un grand bol d’air frais. Le vent souffle, j’avance tranquillement et pourtant je double du monde – au dessus de 2000m j’ai l’impression de voler, sans doute parce que je fais beaucoup de vélo et de montagne au dessus de ces altitudes. Je jette un coup d’œil aux montagnes : le mont dolent, l’aiguille de Triolet, les grandes Jorasses, la Noire de Peuterey. Elles sont magnifiques. Je respire un grand coup, toutes les douleurs que j’avais ressenties jusqu’à présent s’évaporent. Voilà, la course peut commencer !
Seule ombre au tableau : je rattrape Sylvaine et après m’être dit qu’on pourrait courir un petit bout ensemble, je constate qu’elle n’est pas très bien. Ses ampoules lui font mal, elle est tombée et songe à arrêter à La Fouly. J’essaye de trouver quelques mots d’encouragement mais c’est visiblement trop dur pour elle. Elle me dit que je suis sur les temps de 16h, ce que je n’espérais plus vu mon début de course calamiteux.
Au sommet du col ferret, je range les bâtons et je cours sur le faux plat de la fin pour relancer et doubler pas mal de concurrents. Pas d’arrêt pour moi au sommet je pars pour la descente… à fond les ballons ! Mis à part une cheville tordue au début de la descente, je suis très à l’aise. Je m’éclate même. Un supporter m’annonce « 165e » ce que je n’aurais pas cru. Un long single suit, je ne l’avais pas reconnu mais je l’encaisse bien, sauf à la toute fin ou j’arrive à court d’eau et un peu en hypoglycémie. Heureusement La Fouly est à 10 minutes et je vais y retrouver Aline.
Aline : « J’arrive avec 45 minutes d’avance sur l’horaire prévu, ce qui me laisse le temps de déjeuner en compagnie de Manu Gault, qui a l’air bien impatient de retrouver Sylvaine. Je récupère Benjamin quelques mètres avant le ravito pour l’encourager et faire un premier point. Il a l’air bien mieux qu’à Bertone, ça fait du bien. Je lui dit que s’il accélère sur la partie un peu plate il peut se rapprocher des 15h. Mais je vois qu’il passe beaucoup trop de temps au ravito, malgré mes grands signes pour qu’il ne ralentisse pas trop.
Je fais un aller-retour express à la voiture pour proposer des pansements à Sylvaine, mais ce sera peine perdue, ses ampoules sont bien trop étendues. C’est dur de la voir abandonner, je décide d’aller courir un peu avec Benjamin vers Praz de Fort pour me relancer aussi. »
Les encouragements d’Aline et le fait de taper dans la main de Manu … ça motive ! Même si j’ai traîné, je repars de La Fouly super bien, motivé pour la portion relativement roulante qui suit. Tout va à merveille pendant une heure, mais c’est là que les choses se corsent, pour un petit détail : la barre que j’avais prévu ne passe pas, et je tergiverse trop longtemps avant de me décider à manger autre chose. Du coup je m’installe dans un début d’hypoglycémie. Sans compter une poche à eau mal remplie, qui est vide en bas de la montée vers Champex (heureusement je rencontre une fontaine à mi-montée). Je parviens tout de même à gérer en limitant les dégâts. Je pensais pouvoir y arriver en 8h, je met finalement 23 minutes de plus. C’est parti pour la première grosse pause avec Aline.
C comme Champex
Aline : « Après un créneau dans un mouchoir de poche (rangez vos voitures neuves on a dit), et un accueil ultra chaleureux de la médecin du ravito, j’étale tout mon matos et commence à attendre. Qu’on est bien sur l’UTMB avec des bancs, des tables… et pas une barrière qui nous sépare du coureur. Mais Champex sent l’abandon pour beaucoup de coureurs, il me tarde que le mien arrive.
Il arrive avec 23 min de retard sur l’horaire prévu. Il se change entièrement (bon sauf le caleçon et les manchons), c’est déjà long, il faut le badigeonner de crème, enfiler les chaussures sans oublier les semelles… Puis la soupe, la poche à eau, les flasques… Encore de la soupe… Des barres… C’est trop long… De l’arnica, du spray à la menthe qui rafraichit les mollets… Allez un coup de lingette, un bisou et Zou! 27 min dans Champex… J’ai beau trafiquer nos chiffres dans tous les sens, et me mentir à moi même, c’est foutu pour les 15h. Au passage je manque d’oublier dans le ravito les chaussures qu’il vient de quitter ! »
Je repars super rapidement, histoire de chauffer mes nouvelles chaussures (des Saucony Peregrine). Elles tiennent moins la cheville, mais j’adore leur dynamisme. J’arrive en bas de la montée de Bovines plutôt confiant, l’enchainement de faux-plats qui précédait s’est bien passé. Je parviens plus ou moins à courir dans la première partie de la montée, qui est roulante, et je me retrouve au milieu d’un groupe de 5 ou 6 coureurs. Problème : les flasques remplies à Champex n’ont pas de goût, comme si c’était de l’eau. Je dois m’arrêter pour vider dedans un sachet de poudre dedans, et laisser partir ceux que j’avais rattrapé.
La montée de Bovines puis la descente qui a suivi sont crépusculaires. Au sens propre, le soleil est désormais caché loin derrière la montagne. Au sens figuré, mes capacités physiques descendent lentement. En plus, une « pause technique » me fait comprendre que je suis déshydraté. Pris de nausées, de pertes d’équilibres dans la descente, je dois m’arrêter à La Giète pour boire, remplir mes flasques en faisant ma boisson énergétique. Je traine jusqu’à Trient. 20 types m’ont doublé, et soudain plus rien. Je comprends que je vais monter Catogne dans la nuit, ce qui n’était pas prévu. Alors pour la deuxième fois de cette course je me dis que je vais abandonner. Qu’il ne sert a rien de continuer dans cet état, à cette vitesse, pour terminer à point d’heure a une place qui me décevra.
Pourtant, lorsque j’arrive à Trient, un concurrent qui repart me tape dans la main. C’est rien, mais ça me redonne de l’énergie, beaucoup. Je me dit que je vais peut être pouvoir repartir après avoir vu Aline.
C comme Continuer
Aline : « Les temps de passage annoncés par Live Trail s’allongent et s’éloignent de plus en plus de ce qu’on avait prévu. Je sais qu’il est mal. Je prends quand même le temps de manger et de me payer une petite bière (faut pas se laisser abattre !) Je regarde passer les coureurs avec Dawa Sherpa qui attend Manikala Rai la népalaise. Je vois la nuit qui tombe au fond de cette cuvette de Trient et je me dit que ça va être long…
Benjamin arrive quand même en courant, mais visiblement il n’a plus de jus. Il m’explique son problème de boisson dans Bovines, je ne comprend pas, c’est moi qui ai fait la boisson. Je pense aussi rapidement à la déshydratation, non pas en quantité d’eau mais en nutriments. Nous alternons donc coca, et Saint Yorre. Il me signale des ampoules, qui n’en sont qu’au premier stade, je lui colle un pansement hydrocolloïde quand nous entendons le cri que provoque le retrait de la chaussette de notre voisin, à qui il manque visiblement une partie de la peau du talon. Benjamin s’allonge, il a sommeil, je sens qu’il veut arrêter, mais sans blessure ce n’est pas ce que nous avons prévu. Nous voyons que le voisin va finalement repartir. Après un peu d’arnica, café, lingette, bisous, Benjamin s’accroche et repars.
Je lui ordonne de remettre en route le Blutooth pour pouvoir lire mes sms sur sa montre, et un spectateur lui rappelle qu’il faut toujours écouter sa femme, je le quitte donc sur un sourire qui nous fait du bien à tous les deux. »
Requinqué par des mains expertes à Trient, je me jette dans une montée que j’avais eu du mal à négocier à la Reco, mais finalement plus agréable la nuit. J’attends longtemps avant d’allumer la frontale, histoire de profiter de la pleine lune, des étoiles, des petits animaux qui traversent. Je me requinque en buvant beaucoup aussi. Alors que je la redoutais dans Bovines, la nuit me donne une énergie folle, moi le coureur de la SainteLyon, du LUT By Night.
La descente de Catogne vers Vallorcine se passe super bien, j’y vais détendu, ni à fond car il faut rester prudent, ni sur la retenue parce que ça fait encore plus mal. Le fait d’être de retour en France me donne aussi un bon coup de boost. Juste avant d’arriver au ravitaillement, beaucoup de supporters sont là. Clou du spectacle, trois ou quatre gamins se mettent à courir avec moi. Ca met une telle énergie que lorsque je rentre dans le ravito, Aline s’écrie : « oulah ! T’as un regard de guerrier ».
Aline : « Live Trail m’annonce un premier passage à Vallorcine à 23h, ça me semble tard mais je me dit que ça me permettra de dormir un peu. Que nenni ! Benjamin recolle à son allure et passera donc à Vallorcine à 22h35. J’attends un peu avec le papa du voisin de Trient, il a l’air plus inquiet que moi, c’est sa première assistance. Moi, tant que je n’attends pas plus de 30min je ne m’inquiète pas. Là je suis super sereine. J’ai fait des milliers de comptes et je table sur une arrivée de Benjamin entre 1h30 et 2h30, je sais que sa mère arrive, mais pas lui.
Benjamin entre surexcité dans le ravito, réclame son t-shirt fétiche, bois 3 cafés (qu’il regrettera cette nuit), 2 soupes, lingette, bisous, et on y retourne ! Ah non ! Attends ! Tiens c’est pour toi lui dis-je en tendant mon téléphone avec sa mère au bout. Là je pense que tout le ravito est au courant qu’elle vient, Benjamin, dans son euphorie, hurle ! Mon assistance est terminée, je retrouve sa mère et 2 amis aux Montets, où il passe en courant, et d’où je dois redescendre dans le noir. »
C comme Cannes de feu
C’est fou comme la perspective d’avoir un comité d’accueil aux Montets m’a donné du peps. Je cours tout le long comme un boulet de canon, alors que je pensais avoir du mal en cette fin de course. Voir que ma Maman a fait le déplacement si tard me fait un plaisir énorme, même si je lui dit de pas m’attendre à Chamonix. Aline m’accompagne aussi, avant de faire demi-tour dans le noir, sans frontale.
Dans la tête aux vents, café aidant, je remonte progressivement les nombreuses frontales qui semblaient pourtant très loin d’en bas. Un type me demande même : « c’est toi le viticulteur trailer… ? » Euh non. Sérieusement, est-ce qu’un mec m’a pris pour François d’Haene ? Ca restera un mystère. Je suis super bien dans cette montée et je sais que là haut, on verra l’aiguille verte, le Tacul le Mont maudit et le mont Blanc se refléter sous la lune. Et en effet c’est somptueux, on se croirait sur une autre planète, ou alors en train de marcher sur la lune.
Les pentes devenant plus douces, j’ai rangé les bâtons mais j’ai renoncé à courir. Trop de risques avec ces pierres partout et ces falaises sur le côté. Entre la tête aux vents et la Flégère, ça me semble interminable mais je n’ai pas envie de revenir blessé. Il y a encore pleins de cols à monter en vélo d’ici l’automne, des balades en montagne, des trails… Etc. Alors inutile de prendre des risques pour gagner 10 minutes, les autres frontales sont loin devant et loin derrière, je suis seul, je profite.
C comme Chamonix
Après la Flégère, j’ai à cœur bien négocier la descente, que je connais très bien, mais que j’ai mis 1h30 à négocier à la fin de l’OCC à cause de crampes. Là, il me reste beaucoup d’énergie et 45 minutes pour arriver à Chamonix en moins de 17h de course. Alors j’y vais à fond. Je double 5 ou 6 gars tellement je m’éclate. Oui à 2h du matin et après 95km, j’ai sans doute fait ma plus belle descente de la course, et de ma vie de trailer.
Juste après la Floria, je retrouve Stéphane, finisher de l’UTMB il y a deux ans. Il finit la descente avec moi, « à la même allure que son UTMB 2013 ! » Ça me fait du bien car les jambes commencent à chauffer ! Je continue à cette allure dans les rues de Chamonix, histoire d’éviter de me faire doubler (encore une expérience douloureuse sur l’OCC de l’an dernier). La dernière ligne droite était là, le moins de 17h acquis, alors je décide de profiter de l’arche qui se rapprochait à grand pas. Aline me rejoint, on passe toujours la ligne ensemble, je lève les bras, c’est fait !
Aline : « Je l’ai attendu 2h à Chamonix, heureusement qu’on trouve encore de quoi manger et boire des cafés à cette heure-ci, et surtout de la compagnie avec Stéphane qui ira le chercher dans la Flégère et Christelle qui nous fera les photos de l’arrivée. J’avais bien bossé ma VMA, prête au sprint pour ne pas se faire rattraper dans le finish. Il penche même dans les virages ! Mais finalement, il ralentit dans la dernière ligne droite et me dit de profiter, et il a bien raison. Après 17h d’assistance (en fait probablement une bonne centaine avec la prépa), je savoure moi aussi cette ligne d’arrivée sans blessure mais épuisés.«
Résultat : 16h56min40s. Je suis descendu en 42 minutes de La Flégère… Je suis quand même allé chercher assez loin sur la fin, adrénaline aidant car j’ai mis 5 minutes à reprendre mon souffle, et encore j’ai pas mal titubé après. Fier d’être finisher, et des souvenirs plein la tête. 17h, 100km et 6000m de dénivelé, c’est un long voyage au fil de tous ses états d’âme :excitation, doute, lassitude, envies d’abandon, espoir, déception, résilience, prudence, envie d’en finir, plénitude lunaire, et énergie finale inexplicable. On n’en revient pas tout à fait le même.
Le plus marquant, c’est que pour réussir, ma tête et mon corps se sont alliés pour me reposer quand il fallait. Il y a des moments j’ai pensé abandonner, et ralenti en conséquence, ce qui m’a en fait permis d’aller au bout, comme si c’était une ruse de la volonté. Dans la queue vers la Tête de la tronche, ou entre Bertone et Bonatti, je me suis vraiment demandé ce que je foutais là. Je n’arrivais pas à répondre, alors je me suis dit qu’il valait mieux abandonner. Sauf que soudain, la réponse est venue : le plaisir d’être au milieu de ces montagnes, de pouvoir aller au bout du monde en faisant marcher intelligemment son corps. Sans y avoir réfléchi, je n’aurais peut être pas profité des moments qui ont suivi, et je n’aurais peut être pas pu maintenir mon allure.
Dans Bovines aussi, j’ai pensé abandon. Et pourtant au ravitaillement suivant, en voyant ce trailer au tendon d’achille noir, qui n’a pas hésité une seconde pour repartir, je me suis dit que j’allais le suivre pour puiser de l’énergie mentale. Pour arriver au bout, mieux vaut chercher les ressources autour et en soi que penser à l’arche d’arrivée et à son gilet de finisher. « Le bonheur n’est pas au bout du chemin car il est le chemin » dit un adage tibétain. Cette CCC était un sacré joli morceau de chemin ! »
Crédit photos : Maindru photos
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