110 ans qu’existe le Championnat du Canigou : la course de montagne la plus vielle du monde ! Ce pic qui culmine à 2784m d’altitude est le dernier grand sommet de la partie orientale de la chaîne des Pyrénées. On le voit depuis la mer, et depuis son sommet par beau temps, on peut même apercevoir Barcelone.
C’est sur ses pentes que les braves testent leur qualité en grimpette et en descente, le plus « fou » (le plus rapide) l’emporte. 34km, de 650m à Vernet-les-Bains à 2784m donc à la croix du sommet, des sentiers et beaucoup de cailloux et rochers…
Les premières fusées cette année (2 août) sont espagnoles et françaises : Pere Aurell BOVE l’emporte devant Baptiste CAZAUX (Endurance 65) et Sylvain COURT (Team Adidas) le champion du monde de trail. (voir ici, résultats du Trail du Canigou). Nous avons contacté Magalie qui est arrivée à bout de cette montagne, elle qui n’a pas l’habitude de ce genre d’efforts… Elle nous raconte.
Salut Magalie, merci de nous donner ton témoignage sur cette course mythique ! Première question qui nous vient tout de suite : comment vont les jambes ??
Bonjour à tous ! Merci, les jambes vont mieux. J’ai bien récupéré. Mais j’ai maudis les escaliers pendant quelques jours…
Avant de nous parler du décors, découvrons la participante en quelques mots : où vis-tu, que fais tu dans la vie et dis nous quelle coureuse tu es?
Je réside en région parisienne dans la vallée de Chevreuse. Professionnellement, je viens de réussir le concours de professeur des écoles (j’étais juriste avant). Je cours régulièrement depuis 6 ans, en club ou seule, pour le plaisir essentiellement avec environ 4 entrainements par semaine. J’ai commencé à courir sur 10 km, semi-marathons puis trails courts. Aucun marathon à mon actif et pas forcément l’envie d’en faire un pour le moment. Cette année, je me suis consacrée au trail sur des formats de 20 à 50 km et sur des parcours assez roulants (aucune course en montagne avant le championnat du Canigou).
Comment t’es venue l’idée de participer à cette épreuve qui n’est pas dans tes « standards », et pourquoi ?
Depuis mon enfance, je passe mes congés en famille sur la côte roussillonnaise, à Saint Cyprien. De là, le Canigou domine déjà en arrière-plan. Splendide ! J’ai découvert cette course dans un journal local et depuis quelques années, je guette les articles et résultats qui paraissent chaque début d’août. Cette course m’a toujours fasciné. Il fallait que je la fasse un jour. Et puis, à force d’entendre mes voisins me dirent : « alors, quand est-ce que tu y vas ? », j’ai décidé que cette année, j’étais fin prête.
Du coup, comment t’es tu préparée à ça ?
Je n’ai pas pu faire de week-end en montagne pour m’entrainer car j’étais en pleine préparation de mon concours alors j’ai fait ce que j’ai pu en région parisienne : beaucoup de VMA et de travail en côtes (on va plutôt dire des côtelettes, car chez moi les côtes ne font guère plus de 500 m), des entrainements sur le parcours des 25 bosses (bien connu des traileurs de région parisienne) pour allier endurance et renforcement musculaire et j’ai augmenté les distances pour travailler le foncier (je savais que j’allais mettre un certain temps pour boucler la course même si elle ne fait que 34 km).
Au départ face à ce qui t’attendais, tu te sentais comment ? T’étais tu assez armée mentalement ?
Je me sentais toute petite. Petite joueuse par rapport à tous ces coureurs de la région qui avaient l’air très aguerris à ce type d’effort et petite joueuse fasse au Canigou. J’avais très peur du passage dans la fameuse cheminée qui me semblait vertigineux, des effets de l’altitude (je n’avais pas pu m’acclimater préalablement) et d’être rattrapée par les barrières horaires. Je ne sais pas si j’étais particulièrement armée mentalement au départ mais j’avais tellement envie de faire cette course, que malgré mes craintes, je crois que rien n’aurait pu me faire reculer.
Racontes-nous un peu ta course : le déroulé, le passage au somment, la descente, les moments durs.
7h00 du mat ce dimanche 2 août : ça y est ! Les « fous » sont lâchés ! La course commence par un faux plat montant de 2km où j’en profite pour dérouler la foulée (sans trop forcer non plus). Au sortir de Casteil, la grimpette commence. Vous parlez d’une grimpette… Pour moi, ce sera la portion de montée qui sera la plus difficile musculairement. C’est la fameuse montée du col de Jou ! Allez ! On pousse sur les cuisses (les bâtons étant interdits) et on pense à bien respirer.
Km 4,5: 1er ravito où je reprends des forces et de l’énergie. Ça continue de grimper (forcément, vous me direz, puisqu’il faut atteindre 2784 m). Je me cale sur la foulée de certains coureurs et ça passe plutôt bien. Les tendons d’Achille et les fessiers tirent beaucoup. J’adopte une technique de marche rapide sur la pointe des pieds. Je dois être la seule à grimper de la sorte mais ça me soulage énormément au niveau des tendons. Dès que je peux trottiner même sur 100 m, je n’hésite pas à le faire car, étrangement, cela me détend les muscles.
Km 8,7 : ça y est ! 2ème ravito, Marialles. Ambiance de folie, ici ! Avec des percussions qui nous donnent le rythme. On sort enfin de la forêt pour avoir une superbe vue sur les montagnes. Magnifique ! S’en suit un single légèrement descendant où les coureurs peuvent dérouler la foulée, une petite traversée de ruisseau, puis une montée (moins dure que celle du col de Jou) pour arriver à la cabane Arago (km 14,2).
Le chemin amène à une vaste prairie au pied du pic. Et là, le début du calvaire commence pour moi… D’un coup, je n’ai plus aucune force dans les jambes et tout me parait difficile. A 2400 m, ce sont les effets de l’altitude qui commencent à se faire sentir. Le dernier km avant d’arriver à la cheminée est juste…interminable. Il s’agit surtout de se frayer un passage sur des empilements de grosses pierres (dont certaines ne tiennent même pas) avec le précipice sur le côté… J’arrive enfin à la cheminée. Un bouchon se forme dans celle-ci. Tant mieux ! Ça me permet de récupérer ! Le passage de la cheminée sera au final beaucoup plus facile que je ne me l’imaginais (beaucoup plus facile que le dernier km avant d’y être).
J’atteins le pic au bout de 4h10 d’effort. J’y reste 5 min et en profite pour aller toucher la croix (c’est la tradition) et immortaliser ce moment par une petite photo. Puis je repars pour la descente car je commence à avoir froid là-haut. C’est parti donc pour 16km de descente avec 2100m de dénivelé négatif. J’essaye d’être très prudente surtout que je ne suis pas habituée à ce type de descente très technique. Je me ferai beaucoup doubler par des coureurs à l’agilité que je ne possède pas. Km 21,8 : arrivée au refuge des Cortalets. Le chemin devient moins technique et je peux lever le nez pour profiter des magnifiques paysages (lacs, forêts de pins…) sous un soleil qui commence à bien taper. A partir de là, je verrai beaucoup de coureurs arrêtés sur le côté avec des chevilles strappées ou perclus de crampes. Ouf ! J’ai encore toutes mes jambes !
On arrive dans la garrigue, il commence à faire très chaud, les quadriceps et les genoux tirent mais tout va bien. J’entame la dernière descente sévère avant d’arriver à Vernet-les-Bains. Et là, je vois un coureur en civière. Le staff médical m’incite à marcher car il y a eu beaucoup de casse ici. Ok ! Pas de problème ! Aucune envie de me casser une jambe à 3 km de l’arrivée… Je poursuis mon chemin. Enfin, la descente devient plus praticable. J’arrive à Vernet. Ca y est, une route en bitume sur laquelle je peux reprendre une bonne foulée. Que c’est agréable de finir une course aussi exigeante en pouvant dérouler à bon rythme. D’autant plus que les spectateurs m’applaudissent et m’encouragent.
Ça y est ! C’est fait ! Je franchis la ligne d’arrivée au bout de 7h15 d’effort…avec toutes mes jambes. Très émue, je ne pourrais contenir mes larmes de joie et c’est bien la première fois que cela m’arrive à l’arrivée d’une course.
Ce que tu retiens de tout ça ? Envie d’y revenir ?
Bien sûr que j’ai envie d’y retourner ! C’est une course très dure mais tellement belle. « Le Canigou, ça se mérite ! » comme disaient les coureurs autour de moi dans la montée. Ce que je retiens tout particulièrement, c’est la ferveur qui se dégage de cette course empreinte de tradition : que ce soit de la part des coureurs locaux qui ne manqueraient pour rien au monde cet événement annuel, que de la part des spectateurs, présents même au sommet, qui encouragent et applaudissent comme jamais je ne l’ai encore vu sur une autre course. C’est très émouvant de se sentir portée de la sorte.
Après ta récupération tu envisages d’autres objectifs prochainement ?
Mon prochain objectif sera l’Impérial trail de Fontainebleau mi-septembre, parcours très technique également mais beaucoup plus…plat. Et puis pour 2016, l’Alberatrail et les templiers me font de l’œil. Et pourquoi pas de nouveau le Canigou… A voir…
Et bien tout cas merci pour tout Magalie ! A bientôt et bon courage pour la suite !
Mathieu BERTOS
>>> Plus d’infos sur la course : TRAIL DU CANIGOU