Dans la course à pied, au delà de la performance pure et ce quel que soit le format (effort court et intense de la piste, bitume, effort long en trail), tout ce qui se passe autour compte autant sinon plus.
Plus que le classement et le chrono établi, le « décor » et le scénario nous marquent plus et reviennent plus facilement dans nos souvenirs. En fait, tout ce qui est de l’ordre de l’émotion.
Passer des heures en montagne, où la pente mais à mal votre volonté, vos prévisions ou vos espérances, c’est forcément marquant. Cela incite souvent le coureur à une introspection. Comme une sorte de réflexion sur soi-même. C’est vous face à la nature, ce décor de montagne si beau et si rude. Ces sommets et cette hauteur prise sur la vallée, cela coïncide quelque part à ce que votre esprit fait par rapport à votre corps. On peut passer des heures seul en montagne mais chaque bénévole croisé aux ravitaillements, chaque homme ou femme qui vous tendra un verre fera partie de votre aventure. Tout comme vos compagnons de route avec qui vous partagez des mots, mais aussi votre souffrance pour la faire devenir plus légère.
On ne décrète pas de terminer ex-aequo avec quelqu’un après plusieurs heures d’effort, comme on finit au sprint dans la dernière ligne droite d’un 5000m. C’est comme ça… C’est la résultante d’une relation pendant la course, empreinte de respect, marquée de peine ou de joie, de dépassement de soi mais ensemble. Les deux finals sont d’aussi beaux moments. On se prend la main malgré la vaillance que l’on a mis pour se décrocher, on produit avec rage un finish pour éprouver sa force par rapport à son voisin et malgré tout se féliciter de s’être poussé jusqu’au bout. L’effort, quel qu’il soit, est respectable. On se félicite, on se raconte, on sourit, on a vécu un beau moment de sport et de vie.
Des beaux moments que l’on peut vivre de l’extérieur en tant que spectateur ou suiveur. Quand vous suivez un ami ou un conjoint des heures, vous voyez l’effort sur son visage, qui, au fur et à mesure, va le marquer différemment, entre euphorie et souffrance. Vous avez un rôle capital, témoin de ces scènes, photographe de ces différentes phases, et ange gardien. Quand vous sortez votre tuyau d’arrosage pour rafraîchir les coureurs, on peut vous assurer que l’on s’en souvient. Une seconde de bien-être grâce à vous, c’est toujours ça de pris ! Quand vous encouragez, c’est enregistré et ça aide à lutter contre la douleur.
La course à pied, qu’on se le dise, est un beau sport, avec des valeurs humaines indéniables. Finalement, n’est-ce pas après cela que l’on court ? Vivre des beaux moments chargés d’émotions ? Emotions et sensations, voilà comment nous, coureur, nous construisons !
Mathieu BERTOS
Photo : Virginie Govignon